• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Concepts généraux et les marques de possession significatives

2.4. Les éléments servant à la démarcation d’un bien-fonds

2.4.3. Les marques surfaciques et volumétriques

2.4.3.3. Les diverses activités

Sur la base de la définition utilisée pour expliquer ce qu’est une marque de possession, certaines activités peuvent être considérées comme des marques du fait qu’elles sont à même d’être constatées sur le terrain. Au contraire, dans certaines situations, seuls les témoignages pourront permettre de faire connaître certaines de ces activités, qui seront considérées dans le cadre de cette recherche comme des actes de possession. Bien que cette section traite des activités en général, l’accent sera mis sur celles qui laissent généralement des traces et pouvant être à même d’être constatées par l’arpenteur-géomètre ayant à réaliser un mandat de constatation.

D’emblée, il importe de mentionner qu’il est parfois impossible d’analyser ou de décomposer les activités réalisées de manière microgéographique sur une parcelle de terrain341. En effet, lorsqu’il n’existe aucune marque de possession visible et non équivoque entre deux fonds de terre, c’est par rapport à l’ensemble de la parcelle étudiée qu’il faut examiner les diverses activités posées au cours des années342. On retiendra, pour ce faire, les commentaires du juge Jolin lorsqu’il dit:

« le Tribunal est d'avis qu'il n'était pas nécessaire aux Latreille de prouver qu'eux et leurs auteurs avaient eu la possession ou l'utilisation de chaque année, chaque mois, chaque jour, de chaque coin ou parcelle de la « lisière ». Il faut la considérer comme un tout en tenant compte de la disposition des lieux »343.

340 Article 901 du Code civil du Québec; voir également Brigitte ROY, L'affectation des biens en droit civil

québécois, (2001), 103 R. du N., p. 391.

341 Prévost c. Lessard, [2008] n° AZ-50472379, par. 15 (C.A.) 342 Prévost c. Lessard, [2008] n° AZ-50472379 (C.A.)

343 Belzile c. Morais & als, [1950] B.R.P. 820 ; Latreille c. Hinchinbrooke (Municipalité d'), [2002] n° AZ-

Ce n’est pas parce que l’on ne retrouve pas de clôture ou de marque de possession tangible qu’il n’y a pas de possession sous forme d’actes posés par un individu. À la lecture de la jurisprudence, nous avons constaté de nombreuses marques de possession surfaciques acceptées par les Tribunaux lorsque vient le temps d’éclaircir l’intention des parties vu la présence de titres de propriété équivoques ou encore dans des cas d’acquisition de terrain par prescription acquisitive. Pratiquement tous les types de plantation peuvent être à la base d’une possession utile, que ce soit la pose de gazon344, l’érection et l’entretien d’un jardin345 ou d’une rocaille346, la plantation d’arbres347 ou encore l’exploitation agricole348. En fait, à eux seuls, ils sont suffisamment significatifs pour pouvoir éventuellement acquérir le fonds de terre par prescription acquisitive. Notamment, à propos de l’exploitation agricole, on a mentionné que cette activité « constitue une manifestation évidente d’une prise de possession » 349 et que généralement, il en découle donc que les plantations dépassent largement la simple tolérance350. On pourrait également ajouter que, contrairement à d’autres utilisations possibles d’un terrain, ces plantations sont généralement facilement visibles sur le terrain. Interrogé sur certains actes de possession posés à la suite d’une plantation de cyprès et d’épinettes sur son fonds de terre, la réponse plutôt humoristique « je regardais pousser les arbres » donnée par l’une des parties au litige fut suffisante pour confirmer son emprise matérielle en attendant que la plantation atteigne sa pleine maturité351. En fait, la présence de cette marque de possession sous la forme d’une plantation visible était en soi suffisante pour prouver un corpus. Toutefois, on doit apporter une différence entre la plantation « organisée » et le laisser-aller non contrôlé d’une parcelle de terrain. En effet, à propos de la seconde, « la délimitation d'une propriété ne peut s'appuyer seulement sur

344 Dubé c. Savoie McNeil, [2010] n° AZ-50618398, par. 40, (C.S.) ; Boulanger c. Poissant, [2001] n° AZ-

01121025 (C.S.) ; Latreille c. Hinchinbrooke (Municipalité d'), [2002] n° AZ-50111826 (C.S.)

345 Côté c. Gagné, [1989] n° AZ-90023005 (C.S.) 346 Brisson c. Martel, [2009] n° AZ-50573601 (C.S.)

347 Office du tourisme du Coteau-du-Lac c. Schmidt, [2007] n° AZ-50410745, par. 4 (C.A.) ; Graveline c.

Van Oorschot, [2010] n° AZ-50600083 (C.S.) ; Poulin c. St-Onge, [2006] n° AZ-50407933, par. 29 (C.S.) ; Levasseur c. Ouellet, [2008] n° AZ-50524401 (C.S.)

348 Graveline c. Van Oorschot, [2010] n° AZ-50600083 (C.S.) ; Faucher-Speer c. Roy, [2003] n° AZ-

50194658 (C.S.) ; Poulin c. St-Onge, [2006] n° AZ-50407933, par. 29 (C.S.)

349 Faucher-Speer c. Roy, [2003] n° AZ-50194658, par. 46 (C.S.) 350 Boulanger c. Poissant, [2001] n° AZ-01121025 (C.S.) 351 Levasseur c. Ouellet, [2008] n° AZ-50524401 (C.S.)

73 l'emplacement et l'étendue de la végétation qui est inéluctablement vouée à prendre de l'ampleur »352.

À l’instar des plantations, la construction et l’entretien de chemins sont normalement suffisamment importants pour pouvoir, à eux seuls, être à la base d’une possession utile menant à la prescription de l’assiette de ce chemin353. Est également inclus dans cette catégorie l’asphaltage d’une parcelle de terrain dans le but d’aménager un stationnement354 ou encore l’aménagement d’une côte pour pouvoir utiliser l’ensemble de son terrain plus facilement355. À l’inverse, le simple épandage de sel n’a pas été suffisant pour invoquer une possession sur une parcelle de terrain356. On a également jugé que la pose de gravier doit céder le pas à des éléments plus significatifs tel que l’empiètement d’un garage ou d’une piscine ou encore les vestiges d’une vieille clôture357. Notons également qu’il y a une importante différence à faire entre la construction et l’entretien d’un chemin par rapport à l’utilisation de ce même chemin. Si la première peut être constatée sur le terrain, la seconde peut parfois ne laisser que peu de traces sur les lieux. En fait, après avoir refusé la prescription acquisitive sur la base du stationnement sporadique de quelques véhicules, le juge Dallaire ouvre la porte en mentionnant que « la situation serait peut-être différente si les défendeurs avaient aménagé, au su et au vu de tous, un véritable stationnement en gravier ou pavage sur la parcelle contestée »358. Dans une autre décision, on a jugé que le stationnement de

352 Morin c. St-Georges-de-Windsor (Municipalité de), C.S. Saint-François, n° 450-05-003126-998, 28

novembre 2003, j. Tardif, par. 29 ;

353 Deauville (Corporation municipale du village de) c. Registrateur de la division d’enregistrement de

Sherbrooke, [1993] R.D.I. 374 (C.S.) ; Bouchard c. Duchesne, [2007] n° AZ-50433683 (C.S.) ; Côté c. Gagné, [1989] n° AZ-90023005 (C.S.) ; Lamy c. Raymond, [2007] n° AZ-50469234 (C.S.) ; Goorts c. Hannan-Mason, [2008] (jugement rectifié le 2008-06-18) n° AZ-50486354 (C.S.)

354 Lamy c. Raymond, [2007] n° AZ-50469234 (C.S.) ; Frigon c. Rompré, 2009 QCCS 4825 (jugement

rectifié le 2010-03-08).

355 Breton c. Lamonde, C.A. Québec, n° 200-09-000007-853, 5 janvier 1988, j. Chouinard, j. Rothman et j.

Lebel, cité dans Faucher-Speer c. Roy, [2003] n° AZ-50194658, par. 47 (C.S.)

356 Piau c. Dion, [2002] n° AZ-50139197, par. 53 (C.S.)

357 Latreille c. Hinchinbrooke (Municipalité d'), [2002] n° AZ-50111826, par. 8 (C.S.) 358 Dubois c. Gagné, 2010 QCCS 5996, par. 91.

voitures sur une parcelle de terrain359, à condition que cette activité soit pratiquée régulièrement360, pouvait suffire pour prouver une possession utile.

Si la plantation et l’aménagement de chemins impliquent normalement une emprise matérielle suffisante pour être à la base d’une possession utile, certains autres aménagements faits sur le sol ne sauraient répondre à ce même critère. À l’instar des bâtiments et des structures, ces aménagements doivent être suffisamment permanents, sans quoi on pourrait juger qu’il ne s’agit que de simple tolérance de la part du réel propriétaire. Ainsi, l’aménagement d’une berge361, de la grève par l’ajout de sable362 ou encore d’un petit fossé permettant l’écoulement des eaux363 ont tous été considérés comme faisant partie d’activités où la personne responsable des aménagements étaient en possession du corpus sur les parcelles occupées. Toutefois, il est à noter que dans aucun de ces cas, il ne s’agissait du seul élément de preuve permettant de conclure à une possession utile. En effet, ces aménagements étaient toujours accompagnés d’actes posés sur le sol, tel que la tonte de gazon ou de nettoyage de terrain, et c’est plutôt l’ensemble de la preuve qui a permis de conclure à une possession utile.

La présence d’une plantation, d’un chemin ou de tout autre aménagement peut dans certains cas être considérée comme une marque de possession laissant des traces, suffisante pour prouver à elle seule un corpus. Toutefois, lorsque la limite de cette marque n’est pas clairement définie ou à tout le moins équivoque, un complément de preuve par les actes de possession posés sera généralement requis pour conclure à une possession utile. Conséquemment, ces divers éléments ne sont peut-être pas, à eux seuls, significatifs lorsque vient le temps de déterminer la limite d’une possession utile, mais ils peuvent tout de même être considérés comme un élément de preuve.

359 Gravel c. Phenix, [2009] n° AZ-50567066 (C.S.) ; voir également les jugements suivants, où les

demandes en prescription n’étaient pas basées seulement sur le stationnement de voitures : Lamy c.

Raymond, [2007] n° AZ-50469234 (C.S.), Bellefleur c. Groulx, [2005] n° AZ-50344299, par. 20 (C.S.).

360 Dans Dubois c. Gagné, 2010 QCCS 5996, on a jugé que le stationnement quelques fois par été, lorsqu’il

y avait beaucoup de visiteurs et seulement dans les moments où il manquait d’espace sur le terrain, constitue un usage très marginal et insuffisant pour invoquer une possession utile.

361 Leclerc c. Bensouda, [2007] n° AZ-50446415 (C.S.)

362 Deauville (Corporation municipale du village de) c. Registrateur de la division d’enregistrement de

Sherbrooke, [1993] R.D.I. 374 (C.S.)

75 De la revue de la jurisprudence québécoise, il est possible de faire ressortir une liste d’activités ayant été invoquées dans le but de prouver une possession utile. C’est le cas notamment de la coupe de bois364, lorsque l’étendue de la coupe peut être localisée365. En fait, si la coupe d’arbres matures montre une emprise matérielle en plus d’être une activité pouvant être facilement constatée sur le terrain, le débroussaillage ou la coupe de bois d’arbres morts déjà au sol ont été jugés moins significatifs par les tribunaux. Ces activités peuvent être considérées comme suffisantes366 ou insuffisantes367, selon les circonstances, pour mener à une possession utile. Notamment, lorsque le débroussaillage est effectué à intervalles de deux à trois ans, que le bois est ramassé pour les besoins de consommation domestique dans le but de rendre le terrain vacant voisin propre, sans plus, on a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un entretien à titre de maître des lieux368. La situation peut être fort similaire en ce qui a trait à l’entretien général d’un terrain sous la forme de ramassage de bois ou de tonte de gazon369. De plus, encore faut-il être en mesure d’énumérer, d’expliquer et de localiser les actes d’entretien posés sur un terrain370.

À l’inverse, une possession basée sur l’utilisation d’un lopin de terre pour des fins de chasse et de randonnée en ski de fond peut être considérée comme équivoque parce que non exclusive lorsque d’autres personnes exercent ce même genre d’activités sur cette parcelle371. D’une activité ne pouvant être constatée sur les lieux et ne causant aucun dommage, on peut parfois en déduire qu’il ne s’agit que d’activités banales et sans

364 Bédard c. Brisson, [1989] n° AZ-90023007 (C.S.), jugement confirmé en appel, voir Brisson c. Bedard,

[1998] n° AZ-98011824 (C.A.) ; voir également le jugement suivant dans le cas où la demande en prescription n’était pas basé que sur la coupe de bois : Côté c. Gagné, [1989] n° AZ-90023005 (C.S.)

365 Rousseau c. Gagnon, [2000] n° AZ-00021566 (C.S.)

366 Deauville (Corporation municipale du village de) c. Registrateur de la division d’enregistrement de

Sherbrooke, [1993] R.D.I. 374 (C.S.)

367 Rousseau c. Gagnon, [2000] n° AZ-00021566 (C.S.) ; Bolduc c. Fortier, [2008] n° AZ-50510308,

(C.S.) ; Gallay c. Garant, [2010] n° AZ-50692405, par 78 et 79 (C.S.)

368 Bolduc c. Fortier, [2008] n° AZ-50510308, par. 63 (C.S.)

369 Jugé significatif dans les causes suivantes : Beaulieu c. Sinotte, 2009 QCCS 4964 ; Kluke c. Dagenais,

[2004] n° AZ-50272872 (C.S.) ; Boulanger c. Poissant, [2001] n° AZ-01121025 (C.S.) ; Leclerc c. Bensouda, [2007] n° AZ-50446415 (C.S.) ; Lavigne c. Reny, [1995] n° AZ-95023031 (C.S.) ; Brisson c. Martel, [2009] n° AZ-50573601 (C.S.) ; Lehman c. De Rosnay, [2006] n° AZ-50363455 (C.S.) ; Salvail c. Ferron, [2005] n° AZ-50322821 (C.S.) ; jugé non significatif dans les causes suivantes : Martineau c. Turgeon, [2008] n° AZ-50500216, par. 79 et 80 (C.S.) ; Lemieux c. Lemieux, 2011 QCCS 6212, par. 45 ; Lowry c. St-Germain, 2012 QCCS 4621.

370 Laplante c. Valcourt, [2001] n° AZ-01026324 (C.S.) ; Brosseau c. Labonté, [2009] (jugement rectifié le

2009-03-11) n° AZ-50542803, par. 63 (C.S.) ; Dubois c. Gagné, 2010 QCCS 5996, par. 40.

importance pour le propriétaire du fonds de terre, pouvant rejoindre les caractéristiques d’un acte de possession posé en vertu d’une simple tolérance du réel propriétaire372. De façon similaire, le fait de circuler sur une parcelle de terrain dans le seul but d’entretenir et de nettoyer, épisodiquement, les fenêtres d’un bâtiment, ne suffit pas à définir une emprise matérielle sur cette parcelle373. Sans être une liste exhaustive, une possession basée exclusivement sur des activités telles que l’usage récréatif et saisonnier comme la baignade374, la pêche375, la chasse376, le patinage377, le ski de fond378, l’utilisation d’embarcations nautiques379 ou le camping380, la circulation sporadique de véhicules (tels que « backhoe », 4X4, motoneiges et camions)381 ou encore le passage sur une parcelle de terrain comme raccourci jusqu’à un dépanneur382 ou une rivière383 ne permettent pas de prouver une emprise matérielle suffisante pour invoquer une possession utile. En fait, « la simple utilisation d'un terrain à des fins récréatives ne constitue pas un acte de possession utile à la prescription trentenaire »384. Inutile de rappeler que « la distinction entre « possession » et « utilisation » est sujette à appréciation de la part des juges qui concluent, à l’occasion, que les gestes posés par une personne qui souhaitait acquérir un

372 Une autre définition de la tolérance, tiré de Couture c. Auger, [1949] n° AZ-50303745 (C.S.), cité dans

Marc Gervais et Nathalie Massé, Cadre juridique concernant la délimitation des propriétés au Québec, 2011, Formation continue de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, Québec, p. 79: « Les actes de

simple tolérance sont ceux qu'un bon voisin tolère, parce que l'atteinte ne lui paraît pas assez grave pour constituer une usurpation »

373 Frigon c. Rompré, 2009 QCCS 4825 (jugement rectifié le 2010-03-08).

374 9126-4531 Québec inc. c. Chalifoux, [2008] n° AZ-50474935, par. 122 (C.S.) ; Deauville (Corporation

municipale du village de) c. Registrateur de la division d’enregistrement de Sherbrooke, [1993] R.D.I. 374

(C.S.) ; Leonard c. Buzzell (Allen), [2007] n° AZ-50413587 (C.S.) ; Perreault c. Dravigné, [2004] n° AZ- 50262706 (C.S.) ; Korosec c. Hébert, 2012 QCCS 1460.

375 9126-4531 Québec inc. c. Chalifoux, [2008] n° AZ-50474935, par. 122 (C.S.) ; Leonard c. Buzzell

(Allen), [2007] n° AZ-50413587 (C.S.) ; Paquet c. Dostie, [2009] n° AZ-50543683, par. 76 (C.S.) ; Kessler

c. Taschereau, 2009 QCCS 2884.

376 Demers c. Roy, [2007] n° AZ-50442608, par. 140 (C.S.) ; Fortier c. Lachance, [2002] n° AZ-50151912

(C.S.) ; Lowry c. St-Germain, 2012 QCCS 4621.

377 Leonard c. Buzzell (Allen), [2007] n° AZ-50413587 (C.S.) 378 Leonard c. Buzzell (Allen), [2007] n° AZ-50413587 (C.S.) 379 Leonard c. Buzzell (Allen), [2007] n° AZ-50413587 (C.S.)

380 9126-4531 Québec inc. c. Chalifoux, [2008] n° AZ-50474935, par. 122 (C.S.) ; Boisvert-Boucher c.

Vézina, [2003] n° AZ-50160385, par. 79 à 82 (C.S.) ; Bolduc c. Fortier, [2008] n° AZ-50510308, par. 79 et

80(C.S.) ; Kessler c. Taschereau, 2009 QCCS 2884.

381 Trépanier c. Leblanc, [2009] n° AZ-50592622, par. 153 à 155 (C.S.) ; voir également Lowry c. St-

Germain, 2012 QCCS 4621, par. 63.

382 Prévost c. Lessard, [2008] n° AZ-50472379 (C.A.)

383 Beaudoin c. Succession de feue Gilberte Harbeck Ledoux, [2004] n° AZ-50226340, par. 74 (C.S.) 384 Perreault c. Dravigné, [2004] n° AZ-50262706 (C.S.)

77 immeuble par prescription étaient équivoques »385. En résumé, on ne peut normalement prouver une possession lorsqu’il n’y a aucun aménagement ou entretien des lieux386.

Bien que normalement rejetées comme éléments clés pouvant définir un corpus suffisant, la force probante de ce type d’activités peut se voir néanmoins accrue lorsque pratiquées de façon suffisamment intensive au vu et au su de tous387. Il a été mentionné dans une décision de la Cour supérieure que « ces activités de chasse et de pêche, lorsque pratiquées régulièrement comme les témoins l’affirment, constituent des actes de possession qui peuvent être invoqués par ses auteurs pour prescrire »388. Il est logique de croire qu’il pourrait en être de même avec tous les actes de possession possibles d’être posés sur un fonds de terre. La juge Tessier-Couture mentionnait que :

« si tous ceux qui ont piqué leur tente sur un terrain vacant en période estivale avaient eu une possession utile à la prescription, notre système de la publicité des droits, pourtant si bien reconnu, serait de peu d'utilité […] le Tribunal ne peut conclure que ces installations temporaires et sommaires constituaient une emprise matérielle de la possession comme l'exige le corpus, l'un des éléments requis pour prescrire. L'installation d'une tente pour quelques jours ne peut fonder une prescription acquisitive »389.

On doit donc en conclure que même si la preuve semble favoriser l’une des parties, cette même preuve doit tout de même apporter des actes d’occupation tangibles et substantiels, sans quoi on ne peut accorder la prescription.

Rappelons finalement que « tout fait ou acte, pourvu qu'il soit valablement établi devant le tribunal, peut servir d'indice »390. À cet égard, il est intéressant de noter les commentaires de la Cour d’appel, à l’effet que « même si la preuve n’a pas été très

385 François BROCHU, 2010, « Prescription acquisitive, publicité des droits et bornage », 112 R. du N., p.

221.

386 Korosec c. Hébert, 2012 QCCS 1460, par. 21. 387 Laplante c. Valcourt, [2001] n° AZ-01026324 (C.S.)

388 Bouchard c. Duchesne, [2007] n° AZ-50433683, par. 55 (C.S.) 389 Bolduc c. Fortier, [2008] n° AZ-50510308, par. 79 et 80 (C.S.)

390 Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd., coll. « La collection bleu », Wilson & Lafleur, Montréal,

élaborée, l’intimé paraît avoir démontré qu’il a possédé la parcelle en litige »391 (le soulignement est de moi). Ainsi, faute de mieux et même si la preuve n’est pas des plus solides, on aura bien souvent d’autre choix que de considérer la position la plus plausible selon la balance des probabilités392. C’est pourquoi même l’ensemencement d’un étang pour fins de pêche, activité ne laissant que peu de traces, fut considéré comme l’élément ayant permis d’acquérir une parcelle de terrain par prescription393. De la même façon, dans la cause Marceau c. Corporation Municipale du Canton de Shipton394, la municipalité est propriétaire d’un emplacement inondé, semblable à un étang. On a jugé que le simple fait de gérer et de manipuler le niveau d’eau à l’aide d’un barrage était un acte suffisant pour que la municipalité demeure en possession de cette parcelle de terrain395.