• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Concepts généraux et les marques de possession significatives

2.1. Terminologie

Tout d’abord, l’article 977 du Code civil du Québec utilise le terme démarcation du terrain132. Cependant, parmi les jugements examinés, seul le juge Isabelle de la Cour supérieure utilise le terme ligne de démarcation en parlant d’une ligne formée par des arbres plaqués133. En fait, toujours sur la base de la jurisprudence consultée, on utilise plutôt les formules « marques de possession »134 ou encore « marques d’occupation »135 lorsque nous sommes en présence d’éléments physiques sur le terrain, tels que des clôtures136, des plaques sur des arbres137 ou encore des bâtiments138. Certains auteurs ont également utilisé les deux précédentes expressions, ainsi que l’expression « marques de

132 Article 977 du Code civil du Québec : « Les limites d'un fonds sont déterminées par les titres, les plans

cadastraux et la démarcation du terrain et, au besoin, par tous autres indices ou documents utile » (le

soulignement est de moi)

133 9126-4531 Québec inc. c. Chalifoux, [2008] n° AZ-50474935 (C.S.), par. 102 ; À noter que le juge

utilise également les termes « marques de possession » et marques d’occupation » à l’intérieur de son jugement.

134 À titre indicatif, ce terme fut utilisé par le juge dans les jugement suivants : 9126-4531 Québec inc. c.

Chalifoux, [2008] n° AZ-50474935 (C.S.) ; Roy c. Foresterie V.I.G. Inc., [2000] n° AZ-50077925 (C.S.) ; Vallerand c. Bélanger, [2006] n° AZ-50351384 (C.S.) ; Marcil c. Richard, [2003] n° AZ-50196351 (C.S.) ; Paul-Émile Genest & Fils inc. c. Pineau, [2010] n° AZ-50652761 (C.S.) ; Mailloux c. Foresco GTH inc.,

[2002] n° AZ-50153972 (C.Q.) ;

135 À titre indicatif, ce terme fut utilisé par le juge dans les jugements suivants : Brosseau c. Labonté,

[2009] (jugement rectifié le 2009-03-11) n° AZ-50542803 (C.S.) ; Boucher c. St-Pierre, [2007] n° AZ- 50422755 (C.S.) ; Tremblay c. Bijl, [2006] n° AZ-50381194 (C.S.) ; Lavasseur c. Gadbois Chartrand, [2001] n° AZ-50085035 (C.S.) ; Gagnon c. Gagnon, [2002] n° AZ-50110364 (C.S.) ; 9126-4531 Québec

inc. c. Chalifoux, [2008] n° AZ-50474935 (C.S.) ; D'Astous c. Fortin, [2006] n° AZ-50351690 (C.S.) ; Otis

c. Fournier, [2005] n° AZ-50305604 (C.S.) ; Ferme Clair-Gré inc. c. Olivier, [2007] n° AZ-50431631 (C.S.) ; Mailloux c. Foresco GTH inc., [2002] n° AZ-50153972 (C.Q.) ; Dubé c. Savoie McNeil, [2010] n° AZ-50618398 (C.S.)

136 Marcil c. Richard, [2003] n° AZ-50196351 (C.S.)

137 Roy c. Foresterie V.I.G. Inc., [2000] n° AZ-50077925 (C.S.) 138 Vallerand c. Bélanger, [2007] n° AZ-50437841 (C.A.)

délimitation » sans faire de distinction entre chacun de ces termes139. On a également vu le terme « marque matérielle » dans un récent article portant en partie sur l’impact de la possession en mandat de constatation140. Finalement, les divers règlements encadrant la pratique de l’arpenteur-géomètre au Québec utilisent également le vocable « marques d’occupation »141. Selon ces constatations, le terme générique « marque »142 semble impliquer la présence d’objets physiques pouvant être constatés sur le terrain. Pour les fins de la présente recherche, on considérera donc que l’utilisation de l’expression « marque » entraîne généralement un corpus visible, soit un corpus pouvant être à même d’être constaté par un arpenteur-géomètre lors d’un mandat de constatation.

Parallèlement, on constate que les tribunaux effectuent l’analyse des « actes de possession »143 des parties lorsque vient le temps de déterminer s’il y a eu acquisition d’une parcelle de terrain par le biais de la prescription. En effet, pour démontrer une

139 Gérard RAYMOND, Grégoire GIRARD, André LAFERRIÈRE, Précis du droit de l’arpentage au Québec,

Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, paragraphe 273, cité dans Lecours c. 9041-1836 Québec inc. [2008], n° AZ-50496006, par. 42 (C.S.) ; cité dans Paul-Émile Genest & Fils inc. c. Pineau [2010], n° AZ- 50652761, par. 22 (C.S.) ; cité dans Girard c. Gosselin, [2006] n° AZ-50368411, par. 68 (C.S.) ; cité dans

Hamel c. Giroux, [2008] n° AZ-50504570, par. 64 (C.S.) ; cité dans McLaughlin c. Wiebe, [2007] n° AZ-

50448731, par. 63 (C.S.): « Les marques de possession : Les marques d’occupation constatées sur les lieux,

comme les clôtures, les haies, les fossés et les murs, sont une indication précieuse des limites que les voisins ont convenu de fixer entre eux. Lorsque ces marques de délimitation ont été installées avec le concours d’un auteur commun, il s’agit alors de la meilleure expression de l’intention des parties. Les marques d’occupation reconnues par les parties concernées ont préséance sur la désignation apparaissant au contrat, à moins qu’elles ne soient préjudiciables aux droits d’un tiers » (les soulignements sont de moi)

140 Marc GERVAIS, Nathalie MASSE, 2011, « Entre le constat et l’expertise, où se situe la limite de

propriété ? », Revue du Barreau, tome 70, p. 153.

141 Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation, A-23, r.7.1, art. 5, al. 2 :

« Toutes les opérations d'arpentage faites afin de préparer un certificat de localisation sont consignées

dans des notes rédigées clairement, montrant et repérant fidèlement l'état des lieux, notamment toute marque d'occupation ou indice d'empiétement » ; art. 9, al. 6 : « la concordance ou la discordance entre les marques d'occupation sur le bien-fonds, les limites, les mesures et la contenance du plan cadastral en vigueur ainsi que les limites, les mesures et la contenance décrites aux titres de propriété » ; Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation, A-23, r.11, art. 4, par. 2 : « effectuer tous les mesurages et calculs nécessaires pour contrôler les marques d'occupation et les situer en position relative » (les soulignements sont de moi).

142 Dictionnaire Larousse, Recherche, En ligne – http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais, consulté

le 29 décembre 2012, où l’on définit une marque comme étant une « Trace, signe, objet qui sert à repérer,

à reconnaître quelque chose ».

143 À titre indicatif, ce terme fut utilisé par le juge dans les jugements suivants : Paquet c. Blondeau, [1913]

22 B.R. 330 ; Girard c. Price Brothers Co, [1929] 47 B.R. 68 ; Gatineau Power Co. c. Ramsay et als., [1930] 49 B.R. 288 ; Dame Beaudet c. Beaudet, [1973] C.S. 47 ; Brunet c. Riopel, [2011] n° AZ-50735026 (C.A.) ; McCoy-Orr c. Hodgins, [2001] n° AZ-50098290 (C.A.) ; Frigon c. Rompré, 2009 QCCS 4825 (jugement rectifié le 2010-03-08) ; Kessler c. Taschereau, 2009 QCCS 2884; Pelletier c. Canuel, [2005] n° AZ-50291458 (C.S.) ; Martineau c. Turgeon, [2008] n° AZ-50500216 (C.S.)

39 acquisition par prescription, outre la présence d’une possible marque de possession entre deux propriétés, la possession sous forme d’actions posées doit également être considérée et analysée144. Il en retourne que les actes de possession effectués, tels qu’on les retrouve dans la jurisprudence consultée, correspondent aux agissements ainsi qu’à l’usage que font les parties du fonds de terre. Puisque plusieurs de ces actions ou gestes laissent peu de traces sur le terrain, il est donc possible que la preuve de ces actes posés ne puisse être établie par la seule analyse des éléments constatés sur le terrain. D’un point de vue pratique, l’utilisation du terme « acte »145 sera réservée à un corpus non visible. De cette définition, il découle une situation où l’arpenteur-géomètre pourrait ne pas être à même de procéder à l’analyse de ces éléments lors d’un mandat de constatation. À titre d’exemple, dans ce type de mandat, l’arpenteur-géomètre n’est pas en mesure de constater et d’apprécier certaines actions sur une parcelle boisée telle que la chasse au petit gibier. Similairement, d’une parcelle de terrain où il appert y avoir eu nettoyage par le ramassage de feuilles et de bois mort, l’absence de marques de possession pourrait empêcher de déterminer l’auteur de ces actions.

Finalement, il arrive également que les tribunaux aient à traiter de certains « indices de possession »146, notamment lorsque les actions entreprises ne résultent pas d’une opération ayant un caractère physique directement sur le terrain tel que le paiement des taxes foncières. On a défini un indice comme étant un « événement ou objet qui rend probable l’existence d’un fait et rend possible la constitution d’une preuve par présomption »147. S’il est probable que celui qui pose ces actions administratives sur un fonds de terre puisse prétendre avoir quelques droits que ce soit sur ce fonds, il ne s’agit

144 Pelletier c. Canuel, [2005] n° AZ-50291458 (C.S.) ; Brouillard c. Bellerive, [1987] R.D.I. 90, p. 93

(C.S.) ; Turcot c. Les Immeubles Ampères inc., [1992] R.D.I. 565, p. 567 ; Larouche c. Lavoie, [2002] n° AZ-50117182, par. 32 (C.S.) ; Pelletier c. Canuel, [2005] n° AZ-50291458, par. 40 (C.S.).

145 Dictionnaire Larousse, Recherche, En ligne – http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais, consulté

le 29 décembre 2012, où l’on définit un acte comme étant « Toute action humaine adaptée à une fin, de

caractère volontaire ou involontaire, attitude ou disposition d’esprit à l’égard de quelqu’un, de quelque chose ».

146 À titre indicatif, ce terme fut utilisé par le juge dans les jugements suivants : McCoy-Orr c. Hodgins,

[2001] n° AZ-50098290 (C.A.) ; 9079-8190 Québec inc. c. Bergeron, [2005] n° AZ-50318559 (C.A.) ;

Fortier c. Lachance, [2002] n° AZ-50151912 (C.S.), cité dans Plourde c. Sliger, [2006] n° AZ-50396454

(C.S.) ; Brunet c. Polnicky, C.S. Beauharnois, no 760-05-000025-75, 25 juillet 1977, cité dans Denis VINCELETTE, « La possession », Chambre des notaires, 4e trimestre 1989, p. 70.

147 Hubert REID, 2001, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2e édition, Wilson & Lafleur,

que d’une présomption qui doit être traitée selon l’ensemble de la preuve fournie148. En fait, puisque « la possession est une situation de fait et résulte d'actes matériels posés montrant l'exercice du droit de propriété »149, nous ne pouvons parler de marques ou d’actes de possession lorsque les actions entreprises ne laissent aucune trace sur le terrain. Nous distinguerons ces actions « non physiques » des autres éléments en les identifiant comme des indices de possession. De par la définition même de l’indice de possession, il en découle des actions laissant présumer un animus ou à tout le moins une volonté d’agir à titre de propriétaire, mais où il y a une absence de corpus.