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Recommandations pour la pratique de l’arpenteur-géomètre

Chapitre 4. Grille d’analyse et son application

4.3. Recommandations pour la pratique de l’arpenteur-géomètre

Nonobstant le fait que les limites soient certaines et déterminées ou non, l’arpenteur-géomètre devra relever les différents éléments d’occupation retrouvés sur les lieux. En effet, plusieurs règlements liés à l’exercice de sa profession requièrent de l’arpenteur-géomètre qu’il se prononce sur la concordance entre les limites de propriété et l’occupation et, indirectement, sur tout empiètement exercé ou souffert basé sur la présence de ces marques de possession552. De la même façon, dans le cadre d’un mandat

de piquetage, l’arpenteur-géomètre devra contrôler les marques d’occupation de façon à ce que son opération de piquetage ne puisse venir troubler la possession de l’un des propriétaires553. C’est donc dire que l’arpenteur-géomètre devra être alerte alors qu’il devra relever toutes les marques de possession susceptibles de montrer un corpus et ce, peu importe le mandat. C’est ainsi que l’arpenteur-géomètre devrait s’assurer, lors de ses levés sur le terrain, d’identifier les différentes marques de possession en utilisant les critères d’identification des objets vus précédemment.

552 Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation, A-23, r.7.1, art. 4 : « Dans

toute opération d'arpentage faite afin de préparer un certificat de localisation, l'arpenteur-géomètre effectue tous les mesurages et calculs nécessaires pour contrôler l'occupation, vérifier les limites du bien- fonds et les situer en position relative »; Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation, A-23, r.7.1, art. 9, par. 6 : « la concordance ou la discordance entre les marques d'occupation sur le bien-fonds, les limites, les mesures et la contenance du plan cadastral en vigueur ainsi que les limites, les mesures et la contenance décrites aux titres de propriété; en territoire rénové, l'arpenteur-géomètre doit de plus établir la concordance ou la discordance entre tous ces éléments et les limites, les mesures et la contenance qui apparaissaient au plan cadastral avant sa rénovation » ; Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation, A-23, r.7.1, art. 9, par. 13 : « tout empiètement apparent, exercé ou souffert » ; Règlement sur la norme de pratique relative au piquetage et à l’implantation, A-23,

r.8.1.1, article 4, par. 2 et article 11, par. 3 : « effectuer tous les mesurages et calculs nécessaires pour

contrôler les marques d'occupation et les situer en position relative » (les soulignements sont de moi).

553 Règlement sur la norme de pratique relative au piquetage et à l’implantation, A-23, r.8.1.1, article 8, al.

1 : « L'arpenteur-géomètre qui constate que la pose de ses repères à l'endroit de sa délimitation serait

susceptible de troubler la possession du client ou d'un voisin de ce client doit, dans un premier temps, mener une enquête auprès de celui dont la possession est susceptible d'être troublée afin de valider les signes d'occupation constatés » (les soulignements sont de moi).

Même si certaines marques ont dû être rejetées de l’analyse de l’arpenteur- géomètre sur la base des critères définis précédemment, ce dernier pourrait néanmoins devoir les indiquer dans différents livrables554 qu’il a à produire. Que ce soit parce que ces marques n’ont pas été jugées suffisamment probantes pour être considérées dans l’analyse ou parce que l’arpenteur-géomètre se retrouvait devant des limites certaines et déterminées, ces marques pourraient néanmoins jouer un rôle. En effet, rien n’empêche un possesseur d’invoquer une acquisition par prescription sur la base d’un élément qui fut rejeté ou non utilisé par l’arpenteur-géomètre lorsqu’est venu le temps pour celui-ci d’indiquer les limites séparatives d’un bien-fonds. C’est ainsi que lors de la réalisation d’un certificat de localisation par exemple, on impose à l’arpenteur-géomètre de mentionner la position de tous les éléments qu’il a recueillis sur le terrain par rapport aux limites de propriété qu’il a indiquées dans son document555. Ce sera au propriétaire ou, le cas échant, au possesseur, de prendre les mesures nécessaires s’il désire faire reconnaître ses droits. De même, lors d’un mandat de piquetage, la réglementation applicable exige de l’arpenteur-géomètre à s’enquérir auprès d’un possesseur qui pourrait voir sa possession troublée par la pose éventuelle de repères d’arpentage556. Ne sachant à prime abord sur la base de quels éléments ou sur quelles marques d’occupation une partie prétend être possesseur d’une parcelle de terrain, une enquête pourrait être requise dès que l’arpenteur-géomètre rencontre l’un des éléments pouvant potentiellement constituer un corpus.

Si le Conseil de discipline de l’Ordre des arpenteurs-géomètres a déjà statué à savoir que la pose de repères d’arpentage au-delà d’une clôture557, d’une haie558 ou d’un muret559 ou de façon à créer un empiètement d’un bâtiment560 contrevenait au règlement sur la norme de pratique relative au piquetage et à l’implantation561, il pourrait ainsi en être de même pour toute autre marque de possession apparente mentionnée

554 Tel que le certificat de localisation ou encore l’opération de piquetage par exemple.

555 Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation, A-23, r.7.1, art. 9, par. 6 et 13. 556 Règlement sur la norme de pratique relative au piquetage et à l’implantation, A-23, r.8.1.1, art. 8.

557 C.D., 04-2004-000301, 19 décembre 2005.

558 C.D., 04-2007-000385, 29 avril 2009. 559 C.D., 04-2007-000391. 12 mai 2009. 560 C.D., 04-98-000174, 19 juillet 1999. 561 A-23, r.8.1.1.

145 précédemment au chapitre 2. Cependant, à propos des actes ou marques de possession qui sont parfois peu apparents ou moins significatifs, notons que le Conseil de discipline a décidé d’acquitter un arpenteur-géomètre qui aurait planté un repère d’arpentage au-delà d’une trace au sol laissée par un véhicule et d’une cabane érigée dans un arbre562.

Il en résulte donc que peu importe si les marques de possession constatées sur le terrain répondent positivement ou non aux différents critères préalablement définis, il est primordial pour l’arpenteur-géomètre de relever et de positionner ces diverses marques de façon à se conformer aux règlements régissant sa profession. Il en va de même pour la protection du public, soit le rôle premier de l’arpenteur-géomètre dans la société québécoise. En résumé, il est fort possible que la grille d’analyse des marques de possession présentée dans ce chapitre puisse être utile pour d’autres raisons que pour situer la limite séparative en contexte de limites incertaines et indéterminées.

Finalement, même lors d’un mandat d’expertise, notamment en bornage, l’arpenteur-géomètre pourrait aborder son analyse des marques d’occupation de la même façon que lors d’un mandat de constatation, sur la base des critères définis précédemment. La recherche ayant été réalisée sur la base de décisions des tribunaux, notamment lors de litiges en bornage, il est donc logique de pouvoir appliquer ces principes dans ce type d’expertise. Toutefois, en plus de la situation de fait constatée directement sur le terrain, l’arpenteur-géomètre devrait être en mesure d’apprécier les actes de possession de chacune des parties ainsi que tout autre indice de possession invoqué par celles-ci par le biais de la preuve testimoniale563. Ces actes peuvent être déterminants lors d’une expertise en bornage, mais peuvent être inconnus vu les limites du mandat de constatation. Si les présomptions du Code civil du Québec pouvaient suffire pour indiquer la position d’une limite séparative selon la prépondérance de la preuve, les moyens de preuve supplémentaires disponibles aux parties lors d’un mandat d’expertise pourraient faire tomber ces présomptions. Malgré toutes ces constatations, les précédents

562 C.D., 04-2009-000426, 12 avril 2010.

563 Gérard RAYMOND, Grégoire GIRARD, André LAFERRIÈRE, 1993, Précis du droit de l’arpentage au

Québec, Québec, Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, paragr. 270, cité dans Paul-Émile Genest & Fils inc. c. Pineau, [2010] n°AZ-50652761, par. 22 (C.S.) : « tous les moyens de preuve sont admis pour établir les limites d’un terrain puisqu’il s’agit de faits matériels ».

critères valables pour les marques de possession devraient être d’une certaine utilité pour l’arpenteur-géomètre, surtout si la preuve supplémentaire apportée par les parties est incomplète ou contradictoire. Rappelons que « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités »564 et que les parties « doivent démontrer les faits générateurs de leurs droits par la balance des probabilités et non par de simples possibilités »565.

4.4. Conclusion

Pris individuellement, chacun des critères définis au chapitre précédent n’apporte qu’une analyse partielle d’une marque de possession. Cependant, de par la catégorisation de ces critères et de par l’application de la grille d’analyse, l’arpenteur-géomètre peut être en mesure d’apprécier et de mesurer la force probante d’une marque sur la base de l’ensemble de ces caractéristiques. En faisant de même pour chacune des marques rencontrées, la résultante sera un portrait global de la situation de faits telle que constatée par l’arpenteur-géomètre ainsi que la justification de son opinion professionnelle lors du positionnement d’une limite séparative.

564 F.H. c. McDougall, [2008] n° AZ-50514295, par. 86 (C.S. Can.)

565 Tavel Corp. c. Isabelle, [1995] R.R.A. p. 1111 ; voir aussi Desmeules c. Chartier, [2004] n° AZ-

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