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Chapitre 2. Concepts généraux et les marques de possession significatives

2.2. Les qualités de la possession utile

Pour produire des effets, la possession doit revêtir certaines qualités, soit être paisible, continue, publique et non équivoque, le tout tel qu’énuméré à l’article 922 du Code civil du Québec150. Parallèlement, on réitère à l’article 926 du C.c.Q. que la possession « ne commence à produire des effets qu’à compter du moment où le vice a cessé »151. Or, les différentes qualités de la possession sont présumées152 et, par le fait même, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de celui qui conteste la possession d’autrui. Ainsi, on doit être en mesure d’apporter la preuve que la possession d’autrui est violente, discontinue, clandestine ou équivoque lorsque l’on conteste cette possession. Passons donc en revue en quoi consistent ces quatre qualités de la possession utile.

148 Plourde c. Sliger, [2006] n° AZ-50396454, par. 66 (C.S.) ; Caraghiaur c. Cornellier, [2008] n° AZ-

50498383, par. 31 (C.S.) ; Boivin c. D'Avignon, [2007] n° AZ-50420913, par. 34 (C.A.) ; Blanchette-

Beaudry c. Lapointe, [1997] J.E. 97-1907 (C.A.) ; McCoy-Orr c. Hodgins, [2001] n° AZ-50098290 (C.A.) ; Germain c. Gauvreau, [2010] n° AZ-50675893, par. 36 (C.S.) ; Carrier c. Fredette, [2004] n° AZ-

50263907, par. 25 (C.S.)

149 McNeil c. McGill, [2004] n° AZ-50219678 (C.S.), cité dans Marc GERVAIS et Nathalie MASSÉ, Cadre

juridique concernant la délimitation des propriétés au Québec, 2011, Formation continue de l’Ordre des

arpenteurs-géomètres du Québec, Québec, p. 56; voir également Gravel c. Phenix, [2009] n° AZ-50567066, par. 51 (C.S.), où l’on mentionne « l'élément matériel de la possession prend la forme d'actes matériels

d'utilisation, d'occupation, de jouissance et de transformation du bien »

150 Article 922 du Code civil du Québec: « Pour produire des effets, la possession doit être paisible,

continue, publique et non équivoque ».

151 Article 926 du Code civil du Québec.

152 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

87, p. 83 ; Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, par. 192 ; Pierre-Claude LAFOND, 1999,Précis de droit des biens, Montréal, Thémis, p.220 ; voir également Mathurin c. St-Michel (Corporation municipale de), [1991] n° AZ-91023033 (C.S.).

41 2.2.1. La possession paisible

On impose le critère de la possession paisible153 dans le but de protéger contre une prise de possession qui serait contraire aux règles de la paix publique ou de l’ordre social154. Évidemment, la prise de possession à la suite de menaces ou par le dépouillement par la force entraîne normalement un vice de violence155. Parallèlement, un possesseur s’étant fait déposséder ne peut utiliser la violence dans le but de reprendre son bien, sans quoi sa propre possession perdra également son caractère paisible156.

2.2.2. La possession continue

Si l’on ne requiert pas du possesseur qu’il exerce des activités en tout temps sur un fonds de terre, montrant son emprise matérielle, on s’attend néanmoins à ce que ce possesseur « pose des actes de possession régulièrement, à des intervalles assez rapprochés»157, respectant le critère d’une possession dite continue158. À l’inverse, de simples actes d’intrusion ou encore des agissements épisodiques ou sporadiques ne

153 Hubert REID, 2001, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2e édition, Wilson & Lafleur,

Montréal, p. 423. : « Possession qui commence et se poursuit sans utilisation de la force ou de menaces de

la part du possesseur et sans que celui-ci ne soit troublé dans sa possession par des tiers ».

154 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

91, p. 86 ; voir également Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal,

Wilson & Lafleur Ltée, par. 198.

155 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

91, p. 86 ; Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur

Ltée, par. 201 ; Sylvio NORMAND, 2000, Introduction au droit des biens, Montréal, Wilson & Lafleur ltée,

p.302 ; voir également le traitement que l’on fait du voleur à l’article 927 du Code civil du Québec. : « Le

voleur, le receleur et le fraudeur ne peuvent invoquer les effets de la possession, mais leurs ayants cause, à quelque titre que ce soit, le peuvent s’ils ignoraient le vice », bien qu’il s’agisse plutôt d’un concept

difficilement applicable dans le cas d’un bien immobilier.

156 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

91, p. 86 ; voir également Marie-Louis BEAULIEU, 1961, Le bornage, l’instance et l’expertise, la possession

et les actions possessoires, Québec, Le Soleil, n° 264. Cependant, il est à noter que « la possession paisible n’empêche toutefois pas le possesseur d’utiliser lui-même la violence pour maintenir sa possession », tiré

de Denys-Claude LAMONTAGNE, 2009, Biens et propriété, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 451.

157 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

89, p. 84.

158 Hubert REID, 2001, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2e édition, Wilson & Lafleur,

Montréal, p. 422. : « Possession qui revêt un caractère permanent grâce à des actes posés régulièrement et

peuvent être considérés comme des actes de possession continue159. La situation peut varier selon la nature du bien et de l’utilisation qu’on peut en faire. Pour que la possession soit continue, « il suffit que le possesseur agisse comme le ferait normalement le titulaire du droit concerné, d’après la nature du bien possédé, sans intervalle singuliers »160. C’est ainsi que, à titre d’exemple, la possession d’un camp de chasse, utilisé quelques fois par année, pourrait être suffisante pour être considérée comme un acte de possession continue, du fait notamment qu’il est normal et justifié d’utiliser ce type d’installation de façon saisonnière. De même, la possession d’un champ demeure continue même si les foins ne sont pas faits une année ou deux161. En résumé, il faut plutôt analyser le tout « dans une certaine régularité ou normalité des gestes de possession »162, en gardant à l’esprit que la « possession demeure continue même si l'exercice en est empêché ou interrompu temporairement »163. Finalement, en lien avec la prescription acquisitive, une possession discontinue entraînerait une interruption dans le délai de prescription, cette interruption ayant pour effet de remettre le « compteur à zéro »164.

159 Denys-Claude LAMONTAGNE, 2009, Biens et propriété, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville,

p. 452 ; voir également MICHEL BASTARACHE,ANDREA BOUDREAU OUELLET, 1993, Précis du droit des biens réels, Les Éditions Yvon Blais Inc., Cowansville, p. 260.

160 Denys-Claude LAMONTAGNE, 2009, Biens et propriété, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville,

p. 452 ;

161 Demers c. Paquette, 2011 QCCS 6956, par. 19

162 Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée,

par. 252.

163 Article 925 du Code civil du Québec. Voir également Denys-Claude LAMONTAGNE, 2009, Biens et

propriété, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 452, lorsqu’il mentionne que la possession peut

être « continue sans être continuelle, sans que le corpus soit exercé à tout moment ».

164 Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée,

43 2.2.3. La possession publique

On définit une possession publique comme étant une possession manifeste et connue de celui à qui on l’oppose165. Cependant, il n’est pas nécessaire que cette possession soit connue de tous. En fait, on exige notamment une possession publique dans le but de permettre au défendeur de réagir aux actes de possession d’autrui sur son fonds de terre166. Ainsi, « toute dissimulation, volontaire ou involontaire, de la possession à la face de l’intéressé empêchera de lui opposer cette possession » 167. La doctrine mentionne finalement que « si aucun signe extérieur ne révèle l’existence d’ouvrages, la possession est clandestine et le possesseur ne peut pas prescrire »168. Les commentaires du juge Gendreau de la Cour d’appel abondent également dans la même direction, lorsqu’il affirme qu’un « même acte de possession fait en un milieu habité sous les yeux du propriétaire voisin ou dans une zone inhabitée, isolée et boisée n’aura pas la même signification »169. On pourrait donc résumer en mentionnant qu’un « véritable titulaire ne se cache habituellement pas »170.

2.2.4. La possession non équivoque

Telle que définie par Martineau, la « possession est, précisément, équivoque lorsqu’il y a doute sur son caractère, lorsque les actes du possesseur peuvent s’interpréter différemment et révéler aussi bien une détention pour autrui qu’une possession comportant l’animus »171. Dans un arrêt récent, la Cour d’appel a également

165 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

95, p. 89 ; voir également Hubert REID, 2001, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2e édition, Wilson & Lafleur, Montréal, p. 423. : « Possession qui n’est pas cachée et qui s’exerce sans aucune

clandestinité ».

166 Denys-Claude LAMONTAGNE, 2009, Biens et propriété, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville,

p. 452.

167 Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée,

par. 233.

168 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

95, p. 90.

169 McCoy-Orr c. Hodgins, [2001] n° AZ-50098290, par. 34 (C.A.)

170 Denis VINCELETTE, 2004, En possession du Code civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée,

par. 216.

171 Pierre MARTINEAU, La prescription, coll. «Traité élémentaire de droit civil», Montréal, P.U.M., 1977, n°

fourni la définition suivante, à savoir que « la possession est équivoque lorsque ses manifestations peuvent être interprétées autrement que comme l'exercice du droit dont on se veut titulaire »172. Ce critère de la possession va donc au-delà de la situation de fait telle que constatée sur le terrain, mais implique également l’intention ou la prétention du possesseur173. L’étude du vice d’équivocité est donc étroitement reliée à l’élément intentionnel de la possession, également appelé animus.