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Chapitre 4 Problématique et méthodologie

4.5 La méthodologie

4.5.5 Traitement des données

Positionnement épistémologique

Dans mon projet de recherche, j’adopte une approche féministe. Mon projet s’est construit notamment dans l’idée d’étudier les rapports de genre considérant que le couple hétérosexuel en est un lieu d’observation privilégié et que plus largement la socialisation à

l’amour romantique a une dimension genrée importante. Une des contributions majeures de la pensée féministe est d’avoir historicisé et politisé l’espace de l’intime ce qui revient à dire, selon Dorlin, que cette pensée a mis en lumière : « des rapports de pouvoir et du conflit, là où l’on s’en tenait aux normes naturelles ou morales, à la matière des corps, aux structures psychiques ou culturelles, aux choix individuels » (2008 :10). Les savoirs féministes ont permis de politiser le vécu singulier des femmes qui avaient jusque-là été pensé en dehors du politique, ce qui favorise une réappropriation de soi et de son corps. C’est cette politisation de l’expérience individuelle, commune à de nombreux mouvements sociaux, qui permet de penser un vécu collectivement partagé (Harstock dans Dorlin 2008).

Les épistémologies féministes ont reconnu que les rapports sociaux des sujets de connaissances sont reproduits dans le travail scientifique et s’inscrivent donc en opposition aux épistémologies dominantes qui promeuvent une posture de connaissance qui serait désincarnée (Dorlin, 2008). La prétendue neutralité scientifique comme posture épistémologique découle de positions de domination telle que la domination masculine, raciale, économique et hétérosexuelle. Ces savoirs qui se font passer pour neutres et potentiellement universels sont pourtant des intérêts particuliers qui ont été construits à partir d’une minorité historiquement privilégiée (Dayer, 2014). Ainsi, les théories féministes se réclament d’une épistémologie partielle et partiale en opposition à la prétention universelle et neutre des théories s’inspirant du projet moderne (Dorlin, 2008). Les visions partielles et partiales dont se réclament les études féministes sont liées à l’idée qu’il existe un lien entre les représentations des individus et leur place au sein des rapports sociaux ainsi que la reconnaissance de l’influence des conditions matérielles, économiques et intellectuelles de recherche sur la production scientifique (Juteau- Lee, 1981). À l’instar des travaux de Nancy Harstock qui, pour contrer cette position de « masculinité abstraite » de la connaissance désincarnée, propose d’adopter un point de vue féministe, je me positionne dans cette épistémologie du point de vue. Ainsi, afin de tendre vers l’objectivité scientifique il est nécessaire pour le ou la chercheur∙e de tenir compte de son positionnement situé en le conscientisant et en l’explicitant. Le positionnement féministe est une position construite à partir d’une situation subie et non pas d’un point de vue féminin essentialisé (Harstock dans Dorlin 2008).

Ma posture

Conséquemment aux apports des épistémologies féministes, il est pertinent de préciser ma propre posture de chercheure avant de passer à l’analyse des données recueillies. De plus, les rapports de pouvoirs entre les participant∙e∙s et la chercheure, moi en l’occurrence, se doivent être considérés dans l’analyse des données. Mais ces rapports doivent, tout d’abord, être considérés dans la construction même des données, soit lors de la réalisation des entretiens.

Ainsi, il est pertinent de considérer certaines de mes caractéristiques personnelles ayant pu influencer les participant∙e∙s. Premièrement, j’ai eu l’impression que mon âge a, dans certains cas, permis un lien particulier où les personnes rencontrées tenaient à m’expliquer davantage certains aspects de leur expérience ou mode de pensée en détaillant ainsi qu’en comparant avec ce qu’elles croyaient être l’expérience des jeunes aujourd’hui. Cependant, dans d’autres situations, j’ai cru discerner une certaine gêne de la part des participant·e·s. Cette gêne que j’associe à la différence d’âge se ressentait principalement lorsque nous abordions des sujets tels que la sexualité (il faut également noter que j’ai moi-même pu ressentir cette gêne). Deuxièmement, en ce qui concerne mon statut d’étudiante à la maîtrise, celui-ci n’a pas paru être un élément de distanciation avec les participant∙e∙s, et ce, même pour les personnes ne détenant pas de diplôme universitaire. Nous pouvons penser que la différence d’âge importante venait rééquilibrer ce rapport inégalitaire. Finalement, le fait d’être une femme n’a pas semblé influencer de manière significativement différente les entretiens menés avec les hommes ou les femmes. En abordant les relations hétérosexuelles, les remarques sur le genre sont « courantes ». Somme toute, il semble que les hommes ne se soient pas souciés de moi pour faire des déclarations concernant les comportements « des femmes », certains affirmant les « femmes sont comme-ci » ou « les femmes sont plus souvent comme ça ».

Analyse des données

L’ensemble des entrevues ont été retranscrites de manière intégrale et incorporées dans le logiciel d’analyse qualitative Nvivo. Deux types d’analyses ont été effectuées. D’une part, puisqu’une approche des parcours de vie a été privilégiée, les entrevues ont fait l’objet d’analyses « intra-cas » (Paillé et Mucchielli, 2003). D’autre part, des analyses transversales ont également été réalisées. Pour ces dernières, une approche à la fois inductive et déductive a été

utilisée. Les entrevues ont été découpées selon un arbre thématique construit sur base de la littérature. Toutefois, ce dernier s’est enrichi de thèmes ayant émergé lors du découpage. Un travail de synthèse et d’analyse a ensuite été réalisé sur chacun des thèmes en portant une attention aux éléments invariants et récurrents. Des comparaisons ont été effectuées afin d’identifier les oppositions et similarités. Ensuite, une reconstruction thématique a été menée (Miles et Huberman, 2003 ; Paillé et Mucchielli, 2003).