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Suivant l’approche méthodologique adoptée, l’analyse a été effectuée selon une double lecture des pratiques : une première lecture centrée sur l’analyse des données recueillies par observation systématique de ce qui est fait réellement en classe en tenant compte du scénario prévu au départ et des réalisations en classe (analyse a postériori), et une deuxième lecture, axée sur l’analyse des données recueillies par entretiens. Cette deuxième lecture permet de recouper les analyses précédentes avec la perspective des acteurs, en s’attardant au sens et aux significations qu’ils attribuent à leurs actions (planification, réflexion sur l’action et ajustements envisagés). La figure 5 permet d’apprécier ces deux mouvements d’analyse, inspirés de l’ingénierie didactique (Artigue, 1988) et de la double approche développée par Robert et Rogalski (2002).

Figure 5. Les deux mouvements d’analyse des données

3.3.1 Le premier mouvement d’analyse

Le premier mouvement d’analyse est relatif à l’analyse dite a postériori. Cette analyse repose sur le croisement des données recueillies selon le scénario prévu précisant,

d’une part, les éléments constitutifs de la planification des situations d’E/A et, d’autre part, les données recueillies relativement à la réalisation de ces situations (Artigue, 1988).

Pour ce qui est des données issues du scénario prévu, elles ont d’abord été établies en dressant un portrait du projet de collaboration initial convenu à l’intérieur de chaque dyade. Ce portrait a permis de rendre compte du positionnement des partenaires de la dyade par rapport à la situation de certains élèves estimés en difficulté et susceptibles de bénéficier d’adaptations, ainsi que de leurs perceptions des rôles et responsabilités de chacun dans le travail collaboratif envisagé. De même, en ce qui a trait à la conception des situations d’E/A, l’ensemble des dispositions et des choix retenus par les partenaires ont fait l’objet d’une analyse, notamment en procédant à une description de la tâche prévue, des problèmes choisis et de l’approche envisagée. Les documents de référence et le matériel fournis aux élèves ainsi que les déclarations des enseignantes et des orthopédagogues quant aux orientations choisies ont ainsi été scrutés et recueillis. Une attention particulière a aussi été accordée aux adaptations prévues pour organiser les situations d’E/A et venir en aide aux élèves ciblés.

Ensuite, l’analyse issue des données recueillies relativement à la mise à l’épreuve des situations d’E/A a été effectuée à partir de la captation vidéo et de sa transcription intégrale, et ce, pour chacune des séances. L’analyse a été réalisée à partir du découpage de ces transcriptions, sous forme de synopsis. Cette méthode s’inspire de la méthodologie développée dans le cadre des travaux de Schneuwly, Dolz et Ronveaux (2006), qui utilisent le synopsis comme outil pour analyser les objets enseignés.

Suivant cette méthode, le travail de découpage des transcriptions s’est effectué en trois étapes. Dans un premier temps, une lecture de chaque séance dans son ensemble a été effectuée. Cette lecture a été faite dans une attitude qualifiée d’attention flottante, soit en suivant la linéarité de la séance dans ses différentes manifestations. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à un premier découpage séquentiel du déroulement de chaque séance, tandis qu’un premier étiquetage des unités dégagées était effectué, le tout confirmé

par une deuxième lecture et des retours à la captation vidéo. Les séances ont ainsi été découpées à l’aide d’unités séquentielles (chronologiques) qui renvoient essentiellement aux tâches proposées aux élèves et à l’organisation du travail qui en a découlé. Dans un troisième temps, ces unités ont été regroupées sous forme d’unités superordonnantes, de manière à permettre une lecture des gestes professionnels de l’enseignant et de l’orthopédagogue en fonction des activités menées au sein de la classe, des activités mathématiques développées dans l’interaction avec les élèves ainsi que des responsabilités assumées (Schneuwly, Dolz et Ronveaux, 2006). Le chapitre suivant (chap. 4) présente des versions condensées de la version originale et exhaustive des synopsis (annexe 3).

Ce premier niveau global de l’analyse a permis le repérage de divers systèmes d’action propres à la gestion de la situation, qu’il s’agisse d’expositions de connaissances, d’interventions, de gestes d’aide ou d’accompagnements individualisés. Ces actions ont ensuite été regroupées en fonction des stratégies de résolution de problèmes susceptibles d’être mobilisées ou mises en œuvre par les élèves : les stratégies de compréhension et de planification (CP), celles associées à la recherche de solutions (RS), à la communication des résultats (C), à la vérification ou à la révision de la démarche (VR), puis à l’évaluation de la démarche (ED). Ces stratégies impliquent des habiletés cognitives et métacognitives (Boroody et Coslick, 1998) décrites au chapitre précédent (chap. 2). Pour ce qui est des stratégies d’ordre affectif, nous avons eu recours à la typologie de Gombert et Roussey (2007) impliquant que des gestes adaptatifs (aides et interventions) puissent aussi être associés à la valorisation de l’élève (V).

Par ailleurs, au regard des différentes considérations théoriques et empiriques proposant des axes d’intervention en lien avec ces stratégies (Geary, 2005), les aides et interventions relatives aux stratégies de compréhension et de planification qui ont été retenues sont celles qui concernaient la représentation du problème, la compréhension de la situation, le repérage des données ainsi que la prise en compte des relations entre les données et la question (Crahay, Verschaffet, de Corte et Grégoire, 2005). Pour les stratégies de recherche de solutions, nous avons ciblé les aides et interventions faisant appel à

l’anticipation et à l’utilisation des processus et concepts mathématiques en vue d’élaborer la solution (MELS, 2001). De même, pour les stratégies de vérification et de révision, nous avons retenu les aides et interventions visant à amener les élèves à justifier leurs procédures et réponses. Aussi, pour ce qui est des stratégies de communication, nous avons retenu celles visant à soutenir les élèves dans la manière de structurer leurs idées et de transmettre leur solution. En ce qui concerne les stratégies d’évaluation de la démarche, nous avons porté notre attention sur les aides et interventions cherchant à obtenir un regard critique de l’élève sur sa solution et sur celles des autres. Enfin, pour ce qui est de la valorisation des élèves, nous avons regroupé l’ensemble des aides et interventions visant à soutenir la motivation de l’élève, à ajuster son comportement et à le guider ou à le ramener à la tâche à accomplir (Gombert et Roussey, 2007).

L’ensemble de ces aides et interventions a été comptabilisé en fonction de celles réalisées soit par l’enseignante, soit par l’orthopédagogue, à l’endroit de l’ensemble des élèves de la classe ou à l’endroit d’élèves en particulier, notamment les élèves ciblés, estimés en difficulté.

Les analyses ont ensuite convergé en vue d’une focalisation sur des gestes d’adaptation potentielle, dans le sens d’ajustements ou de régulations didactiques, eu égard aux composantes cognitives et médiatives de la pratique des enseignantes (Robert et Rogalski, 2002) et des orthopédagogues relatives à la transposition didactique et au contrat didactique. En d’autres mots, ces analyses prennent en considération les aides et interventions effectuées en lien avec la gestion des situations didactiques au regard des savoirs visés, de même que les modes de transmission ou de négociation de ces savoirs permettant de les rendre tangibles et adaptés. Certains moments plus particuliers dans quelques extraits des séances ont alors été retenus pour mettre en relief les aides et interventions apportées, que ce soit pour l’ensemble des élèves ou à l’intention des élèves estimés en difficulté.

De même, pour chacune des séances, l’analyse des aides et interventions a conduit à l’examen de celles-ci sous l’angle de la contribution des partenaires et de la relation de collaboration instaurée.

3.3.2 Le deuxième mouvement d’analyse

Le deuxième mouvement d’analyse recoupe les analyses précédentes avec la perspective des enseignantes et des orthopédagogues en s’attardant au sens et aux significations attribués à leurs actions. Il s’agit de confronter l’analyse de la pratique observée par l’entremise des entretiens de rétroaction des participants. Les constituantes de cette analyse sont centrées sur la composante « personnelle, sociale et institutionnelle », qui concerne les marges de manœuvre ainsi que les contraintes issues du fonctionnement adopté (Robert, 2001; Robert et Rogalski, 2008) en tenant compte du travail de collaboration instauré.

La stratégie d’analyse qui a été utilisée est l’analyse de contenu (Bardin, 2007; L’Écuyer, 1990; Mucchielli, 1996; Paillé et Mucchielli, 2003). Cette stratégie repose sur la recherche de signification telle qu’elle existe pour les acteurs, du moins telle qu’elle paraît d’après leurs propos. Bardin (1997) propose une définition plus nuancée de cette analyse sur le plan méthodologique, soit:

Un ensemble de techniques d’analyse de communications, visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces messages (p. 43).

Ainsi, le travail interprétatif qui en résulte permet de confronter les analyses du chercheur à celles des enseignants et des orthopédagogues.