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L’adaptation de l’enseignement sous l’angle de la prévention et de la

2.1 Le concept d’adaptation

2.1.4 L’adaptation de l’enseignement sous l’angle de la prévention et de la

Pour le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 2003), l’adaptation de l’enseignement est à concevoir en lien avec les concepts de prévention et de différenciation pédagogique.

2.1.4.1 Le fil conducteur de la prévention

Le ministère de l’Éducation (MEQ, 2003) situe le concept d’adaptation en faisant référence à la prévention primaire, secondaire ou tertiaire. Cette nomenclature est fondée sur l’approche de la réponse à l’intervention (Fuchs et Fuchs, 2007; Vaughn et al., 2007). La figure suivante (figure 1) présente une version de ce modèle inspirée de l’ouvrage de Whitten, Esteves et Woodrow (2012).

Figure 1. Le modèle de la réponse à l’intervention

Ce modèle est issu de la recherche en éducation réalisée aux États-Unis, qui est utilisé dans une perspective de prévention et d’intervention auprès des élèves en difficulté. Plus précisément, Whitten, Esteves et Woodrow (2012) décrivent ce modèle comme étant « axé sur un enseignement de grande qualité, le dépistage et le suivi des progrès pour une intervention précoce, une collaboration de tous les membres de l’équipe-école et un enseignement différencié fondé sur un modèle de services à paliers multiples » (p. ix). Certains emploient aussi l’expression « modèle à trois niveaux » (Brodeur, Dion, Laplante, Mercier, Desrochers et Bournot-Trites, 2010).

Palier 3:

Interventions intensives adaptées aux besoins

individuels (en petits groupes ou

individuellement)

Palier 2: Enseignement supplémentaire

ciblé en petits groupes (interventions validées par la recherche, axées sur des

forces et des besoins spécifiques)

Palier 1: Enseignement de qualité utilisant des

programmes et des méthodes validées par la recherche (et dépistage des élèves ayant des difficultés)

Le premier niveau vise un enseignement de qualité s’adressant à tous les élèves et pouvant contribuer à réduire la probabilité d’apparition des difficultés. Aucune adaptation n’est spécifiquement prévue pour venir en aide à des élèves en particulier à ce niveau. Elle prend plutôt place au deuxième niveau, pour certains élèves en particulier qui ne progressent pas de façon satisfaisante malgré une intervention efficace au niveau 1, en raison d’une certaine vulnérabilité ou de certains facteurs de risque face à l’apprentissage. Finalement, le troisième niveau a comme objectif d’éviter l’évolution des difficultés ou d’en réduire les effets avant que celles-ci ne s’aggravent. Les élèves visés sont des élèves qui rencontrent des difficultés persistantes et dont les manifestations peuvent être reliées à un trouble d’apprentissage. Les interventions de ce niveau sont synonymes d’interventions intensives se faisant dans le continuum des niveaux précédents. La planification et la réalisation de ces interventions impliquent le soutien de personnes ressources spécialisées (MEQ, 2003).

Le succès de ce processus dépend toutefois de la facilité à découvrir rapidement qu’il y a une difficulté et à prendre les mesures nécessaires pour pallier celle-ci. Legendre (2005) définit en effet la prévention comme étant : « l’ensemble des mesures visant à pallier les incidences négatives des troubles d’apprentissage et des problèmes reliés aux échecs scolaires, à éviter l’apparition de ces derniers ou à réduire leur progression » (Legendre, 2005, p.1072). Or, le concept de trouble d’apprentissage, et même celui de difficultés d’apprentissage, ne fait pas l’unanimité (Mastropieri et Scruggs, 2005; Saint-Laurent, 2002).

Pour certains, les difficultés d’apprentissage sont temporaires, tandis que pour d’autres, elles peuvent être persistantes et se révéler être un trouble d’apprentissage (Lussier et Flessas, 2001). Le vocable utilisé dans ce cas est celui de trouble de la lecture (dyslexie), de l’écriture (dysorthographie) ou du calcul (dyscalculie). Sous un autre angle, certains auteurs proposent que le terme difficulté d’apprentissage soit pris dans le sens de trouble d’apprentissage (CSQ, 2009) plutôt que dans le sens d’élèves à risque (Gresham, MacMillan et Bocian, 1996). Ces derniers auraient pour caractéristique de présenter des

facteurs de vulnérabilité qui les prédisposent à l’échec scolaire, ce qui s’observe davantage chez des élèves dits « faibles » que chez ceux ayant des difficultés d’apprentissage (Royer, Saint-Laurent, Moisan et Biteaudeau, 1995).

Conséquemment, les manifestations les plus reconnues en matière de difficultés d’apprentissage s’observent si l’élève présente un retard sur le plan des apprentissages, des échecs répétitifs ou des difficultés persistantes, et ce, malgré des efforts soutenus (Saint- Laurent, 2007). Ces difficultés se manifesteraient de manière plus évidente (ou importante) lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes, d’apprendre de nouvelles connaissances ou de les transférer, de s’organiser et de gérer le travail à faire (CSQ, 2009; Goupil, 2007; INSERM, 2007).

Considérant les limites liées à l’identification de cette catégorie d’élèves dits en difficulté d’apprentissage, le MELS (2007) propose une définition qui repose sur le principe de prévention :

[…] l’analyse de la situation démontre que les mesures de remédiation mises en place par l’enseignante ou l’enseignant ou par les autres intervenantes ou intervenants durant une période significative ne leur ont pas permis de progresser suffisamment dans leurs apprentissages pour leur permettre d’atteindre les exigences minimales de réussite du cycle en langue d’enseignement ou en mathématique, conformément au Programme de formation de l’école québécoise (MELS, 2007 p. 24).

Pour le secondaire, cette définition est la même. Cependant, l’analyse de la situation doit démontrer que les difficultés se situent à la fois en langue d’enseignement et en mathématiques. C’est donc en fonction d’un travail de remédiation préalable de la part de l’enseignant qu’entre en jeu plus spécifiquement l’adaptation de l’enseignement.

Notons que selon le MELS (2003), les difficultés d’apprentissage se caractérisent essentiellement par des « difficultés à utiliser des stratégies cognitives et métacognitives » (p. 2). Une telle prise de position renvoie toutefois à la prégnance de l’hypothèse d’un déficit cognitif, une hypothèse que les tenants de la didactique des mathématiques tendent à écarter (Giroux, 2013; Lemoyne et Lessard, 2003) étant donné un regard qui est davantage

axé sur les caractéristiques de l’élève que sur les conditions qui posent problèmes pour lui, notamment au regard des situations d’E/A dans lesquelles il évolue.

2.1.4.2 Le fil conducteur de la différenciation

La différenciation est une théorie de l’enseignement fondée sur les prémisses d’une impossible gestion équitable de l’hétérogénéité et des limites d’une pédagogie traditionnelle qui ne prend pas suffisamment en compte les différences individuelles des élèves (Gillig, 1999). De plus, le concept de différenciation a évolué comme étant une solution à l’échec scolaire et comme étant lié à la nécessité d’adapter l’enseignement aux différences individuelles pour assurer la progression de chacun (Prud’homme, Dolbec, Brodeur, Presseau et Martineau, 2005). Il renvoie toutefois à différentes dénominations, lesquelles comportent des variations sur les plans théorique, épistémologique, éthique ou idéologique. Les expressions telles que « pédagogie différenciée » (Legrand 1996; Przesmycki, 2004), « différenciation de la pédagogie » (Aylwin, 1992), « différenciation de l’enseignement » (Perrenoud, 1997) et « différenciation de l’apprentissage » (Caron, 2003) sont couramment employées dans la littérature. Dans certains cas, l’accent est mis sur des principes de diversification et d’individualisation (Barry, 2004) marquant la prise en compte des différences chez les élèves, tandis que dans d’autres cas, il y a centration sur l’acte pédagogique, marquant le besoin d’adapter l’enseignement compte tenu des différences d’apprentissage entre élèves (Astolfi, 1992; Merieu, 1996).

Pour le MELS (2006), l’adaptation de l’enseignement constitue une mesure particulière de la différenciation pédagogique (Caron, 2008). La figure 2 explique cette position au regard du concept d’adaptation, que le MELS (2006) situe à mi-chemin entre les deux extrémités du pôle de la différenciation, soit entre la flexibilité pédagogique et la modification.

DIFFÉRENCIATION Flexibilité pédagogique (Ouverture, choix) Adaptation (Ajustements, aménagements) Modification (Changements)

POUR TOUS LES ÉLÈVES POUR LES ÉLÈVES AYANT DES BESOINS PARTICULIERS

Figure 2. Les trois formes de différenciation selon le MELS

Pour le MELS (2006), toute adaptation se traduit par « des ajustements ou aménagements des situations d’apprentissage et d’évaluation » (p. 28-29). La différence majeure est que cela concerne les élèves ayant des besoins particuliers. Cependant, ceci ne doit pas altérer ou modifier ce qui est évalué : le contenu des situations demeure le même, ainsi que les exigences et les critères d’évaluation. De plus, une adaptation se distingue d’une modification, car dans ce cas, il s’agit de « changements dans les situations d’apprentissage et d’évaluation qui touchent aux critères et aux exigences d’évaluation » (Ibid).

Par ailleurs, Guay, Legault et Germain (2006) conçoivent, en matière de différenciation, l’existence d’un continuum entre un « pôle variation » et un « pôle adaptation ». Dans un tel continuum, une action de différenciation pédagogique qui se rapproche du pôle variation vise à rejoindre le plus grand nombre d’élèves possible, tandis qu’une action de différenciation pédagogique qui tend vers le pôle adaptation s’effectue en vue d’adapter les interventions pédagogiques en fonction des besoins et des caractéristiques de certains élèves plus particulièrement. Ces auteurs précisent par ailleurs que toute adaptation devrait être initiée par une équipe multidisciplinaire et faire l’objet de l'élaboration d'un plan d'intervention individualisé dans lequel sont précisées ces adaptations.

En outre, pour mettre en œuvre la différenciation pédagogique d’un pôle à un autre, Guay, Legault et Germain (2006) proposent une démarche qui comporte cinq étapes : 1) définition de la situation actuelle ou d’une problématique; 2) définition de la situation désirée; 3) planification de l’action; 4) action; 5) évaluation de l’action. L’ensemble de

cette démarche est soutenu par une définition de la différenciation pédagogique qui s’inspire du modèle de la situation pédagogique développé par Legendre (2005) :

[…] une action du pédagogue qui, sur la base d’une solide connaissance des préalables et caractéristiques d’un ou de plusieurs élèves (sujet), de formules pédagogiques et d’interventions diversifiées (agent), du programme de formation (objet) et de l’environnement d’apprentissage (milieu), tend à harmoniser ces différentes composantes d’une situation pédagogique ainsi que les relations entre elles, dans le but de favoriser l’apprentissage (Guay, Legault et Germain, 2006, p.1).

Cette définition conduit à une conception de l’adaptation de l’enseignement qui sous- tend l’omniprésence d’une réflexion de l’enseignant sur sa pratique, soit « savoir analyser et ajuster sa pratique de même que l’environnement d’apprentissage de façon à tenir compte des préalables et caractéristiques d’un ou de plusieurs élèves au regard d’un objet d’apprentissage particulier » (Guay, Legault et Germain, 2006, p.1).

Par ailleurs, parmi l’ensemble des éléments concernant l’environnement d’apprentissage pouvant faire l’objet de la différenciation (tableau 1), Tomlinson (2004) retient les contenus, les structures, les processus et les productions.

Tableau 1

Les principaux éléments de la différenciation pédagogique selon Tomlinson CONTENU Variations des contenus à enseigner et du niveau de difficulté des tâches à

réaliser.

STRUCTURES Variations dans le groupement des élèves et l’aménagement de la classe. PROCESSUS Variations des approches pédagogiques et des stratégies d’enseignement en

tenant compte de la manière dont les élèves traitent l’information. PRODUCTIONS Variations des productions pour permettre aux élèves d’illustrer leurs

apprentissages de diverses façons.

La différenciation du contenu suppose des variations quant aux savoirs à enseigner et au niveau de difficulté des tâches à réaliser, compte tenu des attentes du programme d’études. La différenciation des processus porte sur des variations quant aux approches pédagogiques (enseignement stratégique, enseignement par médiation, apprentissage

coopératif, pédagogie de projet) et aux stratégies d’enseignement (projets, tutorat, débats et groupes de discussion, apprentissage par problèmes, exposés) en tenant compte des diverses manières dont les élèves traitent l’information. La différenciation des structures porte sur des variations dans le groupement des élèves (en groupes, en sous-groupes et individuellement, à l’intérieur d’un cycle ou entre deux cycles) et l’aménagement de la classe. Enfin, la différenciation des productions est en lien avec l’évaluation et concerne les formes que peuvent prendre les productions de l’élève (production écrite ou orale, exposition, présentation multimédia), de façon à lui permettre d’illustrer ses apprentissages de diverses façons.

S’inspirant des travaux de Friend et Bursuk (1999), Nootens et Debeurme (2010) soutiennent que la plupart de ces éléments de différenciation peuvent également faire l’objet d’adaptations en classe. Le tableau suivant (Tableau 2) donne des exemples précis pour la mise en place de ces adaptations, plus particulièrement en ce qui concerne l’organisation de la classe, le regroupement des élèves, le matériel ainsi que les stratégies et méthodes d’enseignement-apprentissage.

Tableau 2

Moyens associés à la mise en place d’adaptations selon Nootens et Debeurme ORGANISATION DE

LA CLASSE Aménagement de l’espace, utilisation du temps, règles et routines, climat de la classe

REGROUPEMENT DES ÉLÈVES

Grand groupe (groupe-classe), groupes de coopération, petits groupes homogènes ou hétérogènes, dyades en contexte de tutorat par un pair, enseignement individuel par l’enseignant

MATÉRIEL Manuels scolaires et autres livres, outils technologiques, matériel de manipulation

STRATÉGIES ET MÉTHODES

Enseignement direct du contenu, enseignement indirect, pratique indépendante, évaluation de la performance de l’élève, étayage

C’est donc en référence à ces principes pédagogiques généraux que s’inscrit la prémisse à l’effet que les approches pédagogiques doivent être variées et adaptées, c’est-à- dire planifiées en fonction de stratégies, de méthodes et de techniques d’enseignement qui conviennent à tous les élèves (Perrenoud, 1997).