• Aucun résultat trouvé

des Langues Assisté par Ordinateur

3.1 Survol des différents domaines du TAL et de leur application à l’ALAO

3.1.6 Traduction automatique

Dans cette section, nous abordons la traduction automatique et son appli-cation à l’ALAO. Nous évoquons d’abord la problématique de la traduction automatique. Nous poursuivons brièvement par les différentes techniques de traduction et les résultats qu’elles atteignent. Nous parlons ensuite de leur application à l’ALAO. Enfin, nous concluons par quelques réflexions de bilan.

La traduction automatique est l’un des domaines les plus étudiés du trai-tement automatique du langage. Le terme consacré français de traduction automatique (TA) est improprement traduit de l’anglais Machine Transla-tion(MT), qui désigne indifféremment la traduction par ordinateur avec ou sans assistance humaine, selon Hutchins (2003).

Les ambiguïtés syntaxiques des langues rendent difficile les traductions.

L’attachement des syntagmes prépositionnels est un problème bien connu :

(4) a. Notre groupe était composé d’enseignants de langues et de mathé-maticiens.

b. La réponse à la question de cet étudiant était mauvaise.

Dans la phrase (4a), il ne fait pas de doutes pour un humain queet coor-donneenseignants etmathématiciens, et non paslanguesetmathématiciens.

Pourtant, la seconde combinaison serait tout à fait possible syntaxiquement, mais incorrecte sémantiquement – notamment parce que leslangues ou les mathématiques s’enseignent, mais pas les mathématiciens. Dans le cas de (4b), de cet étudiant peut être attaché à question ou à réponse18. Dans

18. Dans ce dernier cas, il serait préférable d’utiliser la prépositionpar, mais, selon nous, cette interprétation est également grammaticale avecde.

certaines langues, il est possible de conserver certaines ambiguïtés dont re-gorge la langue source, mais dans des langues à cas, les désinences seront différentes et il faudra faire un choix. Un autre problème connu est la ré-solution de l’anaphore (Gaiffe, 2006). Les pronoms sont souvent marqués par le genre. Or celui-ci est parfois arbitraire et varie d’une langue à l’autre (Ayoun, 2007).

De plus, la plupart des mots ont plusieurs traductions, qui produisent des nuances voire même des sens totalement différents. En particulier, les expressions idiomatiques sont des locutions figées, parfois argotiques, qui revêtent une signification particulière. Ainsi, casser sa pipe doit être rendu avec un sens non littéral, en anglaisto kick the bucket (pour une discussion plus complète, voir Wehrli, 1998, 2000; Nerimaet al., 2006).

Enfin, la langue a tendance à produire des combinaison de mots récur-rentes et arbitraires, que l’on nomme collocations. Ces combinaisons con-cernent des associations nom-adjectif, adjectif-nom, verbe-nom, nom-verbe, nom-préposition-nom et verbe-préposition-nom. Ces collocations ne peuvent être extraites correctement qu’à partir d’une analyse syntaxique (Nerima et al., 2006; Seretan et Wehrli, 2006, 2007; Seretan, 2009). Si l’on utilise des synonymes ou quasi-synonymes, les phrases produites paraîtront étranges ou presque incorrectes pour les locuteurs natifs. Examinons l’exemple suivant, donné par Nerimaet al. (2003) :

(5) a. exercer une profession.

b. to practice a profession.

c. ?pratiquer une profession.

La collocation en (5a) est traduite par la collocation anglaise en (5b) ; en revanche, la traduction directe de (5b) en (5c) semblera étrange, voire incorrecte, bien que l’on en comprenne le sens.

Venons-en maintenant aux techniques de traduction par ordinateur (Boi-tet, 2000; Lapalme et Macklovitch, 2006). Les premiers traducteurs mot par mot ont très vite atteint leurs limites. C’est alors que des approches indirectes ont été développées : le texte d’entrée est converti vers une re-présentation sémantique, qui sert ensuite de base à la génération en langue cible. L’approche par langage-pivot (ouinterlangue) permet de s’affranchir de la dépendance de la syntaxe. Le même langage pivot est théoriquement utilisable pour la traduction de plusieurs paires de langue. L’approche par transfert convertit un texte en une représentation R. Un module de trans-fert convertit alors cette représentation vers une représentation R’ en langue

cible, qui est utilisée par le module de génération. Le modèle des représenta-tions sémantiques est moins abstrait et plus facile à réaliser que l’approche des langages-pivot.

Depuis le début des années 1990, une nouvelle approche empirique, la traduction automatique basée sur l’exemple (Example-based MT), est appa-rue (Somers, 2003), basée sur des corpus de textes brut et leur traduction.

Elles consistent à rechercher des séquences de mot déjà traduites ou les plus proches possible de la phrase ou du segment de phrase à traduire et de les re-combiner automatiquement. Quant à la traduction automatique statistique, elle est aussi basée sur des corpus bilingues mais utilise des statistiques sur l’ordre des mots dans la langue cible et sur les correspondances entre mots (Somers, 2003). Des systèmes hybrides combinent traduction par règle, tra-duction basée sur l’exemple et/ou tratra-duction par statistique.

Terminons ce survol des techniques par un constat mitigé. Malgré l’évo-lution technique des ordinateurs, les résultats atteints par les traducteurs automatiques sont encore pour la plupart insatisfaisants, mis à part quelques systèmes fonctionnant sur des domaines restreints comme le traducteur de bulletins météorologiquesTAUM-Météo(Chevalieret al., 1978). Pour la plu-part des système, une révision profonde (ou post-édition) par un traducteur humain est indispensable.

Passons maintenant à l’application de la traduction automatique à l’ALAO.

Nous avons recensé trois domaines d’utilisation : – aide à l’expression dans la langue seconde ;

– apprentissages des techniques de traduction et de post-édition, notam-ment avec les mémoires de traduction ;

– utilisation d’outils de traduction en contexte.

Commençons par l’application de la traduction comme aide à l’expression pour débutants. Wang et Seneff (2004) présentent un environnement res-treint de conversation de parole à parole pour l’apprentissage du mandarin pour anglophones. Les domaines sont très spécifiques, comme par exemple la recherche d’informations météorologiques. Le système aide l’apprenant à in-teragir en lui offrant la possibilité de s’exprimer dans la langue seconde ou de traduire ses paroles exprimées dans sa langue première. Le tuteur d’appren-tissage de l’anglais pour apprenants chinois XTrA-TE (English Chinese Sentence TRAnslator to Teach English, Chen et Kurtz, 1989; Danna, 1997,

§B.2.42) propose aux apprenants de traduire des phrases d’une langue à l’autre.

Poursuivons par l’apprentissage des techniques de traduction.Bon Accord (Farrington, 1994) est un logiciel d’apprentissage des techniques de traduc-tion, basé sur une technologie simple de mémoire de traduction. D’après Somers (2004), la traduction automatique peut être utilisée pour illustrer des contrastes entre L1 et L2, grâce à la préservation des structures de la L2 lors du transfert vers la L1. D’autres exemples sont donnés par La Torre (1999), Decrozant et Voss (1999), Winiwarter (2004) et Niño (2005).

Terminons ce survol par l’utilisation d’outils d’aide à la traduction de mots en contexte. COMPASS (COMPrehension ASSisstant, Breidt et al., 1996; Breidt et Feldweg, 1997) est un système d’aide à la traduction de textes en ligne, qui offre la traduction de mots en contexte. GLOSSER (§B.2.11, Dokter et Nerbonne, 1998) permet d’aider à déterminer le sens des mots dans leur contexte. De même, Twic (Translation of Words In Context, Wehrli, 2006, §5) est un autre exemple d’aide à la traduction qui permet de faciliter la lecture des documents en ligne. De tels outils peuvent s’avérer très utiles pour des apprenants assez avancés, en les aidant à comprendre des textes.

Pour conclure, la traduction automatique n’est pas beaucoup utilisée dans le domaine de l’ALAO, principalement pour deux raisons : premièrement, les résultats ne sont pas à la hauteur pour une utilisation pédagogique ; deuxièmement, un apprentissage doit se faire le plus possible par immersion, sans recours à la langue première. Toutefois, il est parfois acceptable que des apprenants débutants fassent appel à un traducteur vers leur langue première pour mieux comprendre certaines phrases. L’apprenant se rendra facilement compte si une phrase est vraisemblable, grâce aux intuitions qu’il a dans sa propre langue. L’opération inverse est en revanche à proscrire, car les intuitions des apprenants seront insuffisantes. Les outils d’aide à la traduction en contexte sont également une piste récente qui mérite d’être explorée.

3.1.7 Concordanciers et autres outils de traitement de