• Aucun résultat trouvé

l’apprentissage des langues par ordinateur

2.1 Histoire de l’ALAO

L’histoire de l’ALAO est souvent décrite en partant d’un découpage his-torique lié aux théories pédagogiques, comme on le trouve chez Warschauer (1996), qui distingue trois phases dans l’histoire du développement de

logi-ciels d’ALAO :

– L’approche béhavioriste (années 1970-80) : l’ordinateur était un moyen d’apporter du contenu à l’apprenant et d’exercer ses connaissances par des exercices de drill répétitif ;

– L’approche communicative (de 1980 à nos jours) : l’ordinateur aide les apprenants à utiliser leurs compétences communicatives dans des tâches authentiques1. L’accent est mis sur l’utilisation des formes et sur le sens plutôt que sur la forme elle-même. Il est incité à produire du langage plutôt que de le manipuler. La grammaire est enseignée de manière implicite. L’apprenant a un grand degré de contrôle sur le rythme d’apprentissage et sur l’interaction. Il peut former des hypo-thèses sur la langue et les confirmer ou les infirmer par la suite ; – L’approche intégrative: grâce au multimédia et à Internet, l’écriture,

la lecture, la compréhension et la production peuvent être combinée dans une seule activité. Les apprenants doivent accomplir une tâche communicative et disposent d’aides variées à l’apprentissage, comme des glossaires, des aides grammaticales, etc. Les ressources sont liées entre elles et l’apprenant a une grande autonomie dans son chemin d’apprentissage. Des outils de communication synchrone et asynchrone permettent aux apprenants d’échanger avec leurs pairs ou avec des locuteurs natifs de la langue qu’ils apprennent.

On trouvera de nombreux ouvrages présentant une histoire de l’ALAO comme Levy (1997) ou Davies (2003, 2006). Pour notre part, nous avons choisi une approche différente liée à l’histoire de l’informatique.

2.1.1 Les débuts

L’informatique est née dans les années 1930 avec les premiers calcula-teurs électromécaniques (Zanella et Ligier, 1989). Cependant, l’informatique n’a pris son essor que grâce aux transistors (1947) et aux circuits intégrés (1963). Grâce à cette dernière invention, la taille des machines s’est sensi-blement réduite et les coûts ont également baissé, même si les ordinateurs restaient rares et coûteux. C’est pourquoi dans le monde académique, ces outils n’étaient accessibles qu’aux universités disposant de moyens consé-quents. L’accès aux ordinateurs était plutôt réservé aux applications de

cal-1. Garrett (1995) définit un document authentique comme du matériel conçu à l’intention de locuteurs natifs dans un pays où la langue cible est parlée. Cette définition contraste avec un document produit pour un but pédagogique.

cul scientifique. Cependant, des projets pédagogiques sont nés relativement tôt dans l’histoire de l’informatique.

PLATO(Programmed Logic for Automatic Teaching Operations, Clancy, 1973; Hart, 1995, §B.2.27) est un projet qui s’est étendu du début des an-nées 1960 à la fin des anan-nées 1970 à l’Université de l’Illinois. Tournant sur un gros ordinateur et des terminaux, il était destiné à fournir un apprentis-sage individualisé aux apprenants dans divers domaines, dont l’enseignement des langues.PLATOpermettait de gérer les parcours des apprenants et bé-néficiait des avancées technologiques de l’époque, dont la synthèse vocale (§3.1.4), mais la correction des exercices était rudimentaire, par reconnais-sance de patrons (§3.1.1.1).

TICCIT (Time-Shared, Interactive, Computer-Controlled Information Te-levision, Hendricks et al., 1983; Jones, 1995, §B.2.36) a été développé dès 1971 à l’Université Brigham Young. Le projet était surtout basé sur de la vidéo interactive. Enfin CALIS (Computer Assisted Language Instruction System, Borchardt, 1995, §B.1.1) est né à la fin des années 1970 à l’Univer-sité Duke. C’est le premier logiciel doté d’un langage auteur (§2.7.2), qui permettait de créer facilement des exercices.

On peut constater que cette période a été peu prolifique, du fait que les logiciels nécessitaient des ordinateurs coûteux. De plus, les enseignants et pédagogues n’avaient que peu de marge de manœuvre dans la conception de type d’exercices et pour la création de nouveaux exercices. Les inter-faces étaient limitées par une résolution faible des écrans et des possibilités limitées – voire inexistantes – de présenter les informations de manière gra-phique. Enfin, les apprenants n’étaient pas autant à l’aise dans l’utilisation des ordinateurs.

2.1.2 La révolution microinformatique

En 1971, la firmeIntel lance le premier microprocesseur, qui regroupe les circuits sur une seule puce et permet donc un gain de place et un coût de production moins élevé. Dorénavant, de nombreux constructeurs se sont mis à produire des machines à faible coût, branchables sur un écran de télévision.

En 1981,IBM sort le premierPersonal Computer (PC) qui tournait sous le système d’exploitation en ligne de commande MsDos. En 1984, Apple pro-duit l’ordinateur MacIntosh, dont la facilité d’utilisation et l’interface gra-phique ont connu un franc succès. D’autres systèmes concurrents existent mais disparaissent progressivement. Parmi les avancées technologiques no-tables, mentionnons encore lemodem, qui permet de faire communiquer des

ordinateurs à travers une ligne téléphonique. Enfin, en 1991, Microsoft sort Windows 3.1, la première véritable interface graphique dans le monde PC.

C’est dans cette période qu’ont véritablement eu lieu les débuts de l’ALAO.

En effet, les langages-auteur (§2.7.2) ou des langages de programmation tels que BASIC (§2.7.1) permettaient le développement de nombreux tutoriels et autres logiciels (Levy, 1997, p. 1). Les enseignants disposaient aussi d’un nombreux choix d’ordinateurs, dont certains, comme leCommodore Amiga, étaient dotés d’une synthèse vocale (§3.1.4). Ce grand choix s’est aussi mué en handicap, par manque de standards : un logiciel développé pour un ordi-nateur particulier n’était plus utilisable après la fin de production de l’ap-pareil.

Les appareils de télématique de loisir (Minitel ou VideoText) ou les ser-veurs à distance de typeCompuserve(§2.7.5) ont permis de développer des systèmes d’ALAO plus interactifs, malgré les coûts relativement élevés de communication et d’utilisation et les obstacles techniques à une utilisation en classe.

Comme exemples de logiciels de l’époque, mentionnons Helm et McIver (1974, §B.1.2), BASIC Parser (Cook, 1988, §B.2.2), Herr Komissar (DeS-medt, 1995, §B.3.5) ou les systèmes de Kempen (1992, §B.2.15). Enfin, si-gnalons encore que, témoins du dynamisme et de l’essor de la branche de l’ALAO, les associations professionnelles CALICO (1983) en Amérique du nord, et EUROCALL (1987) en Europe, naissent à cette période.

2.1.3 La révolution du multimédia, de l’hypertexte et de l’Internet

Vers la fin des années 1980, les ordinateurs personnels haut-de-gamme commencent à être équipés de lecteurs de CD-ROM, qui permettent d’ins-taller des programmes plus gourmands en espace disque bien plus facilement qu’avec des disquettes. Les premières cartes son et les normes de compres-sion audio et vidéo font également leur apparition. La qualité des cartes graphiques et des écrans augmente. Enfin, la vitesse des processeurs et la capacité de mémoire des ordinateurs augmente fortement en parallèle avec une baisse des coûts. Les ordinateurs peuvent désormais combiner facilement audio, texte et vidéos. Ils deviennent alors multimédias 2. En parallèle, en 1989, naît leWorld Wide Web sur le réseau Internet (§2.7.5) qui va

révolu-2. En 1995 sort le système d’exploitation Windows95, qui est le premier système d’ex-ploitation multimédia pour PC.

tionner le monde de l’enseignement, de l’information et de la communication.

Divers progrès techniques diminuent fortement les coûts de connexion au ré-seau et augmentent la vitesse de transmission entre ordinateurs, permettant désormais un visionnement confortable de vidéos.

Pour l’ALAO, le multimédia offre la possibilité de disposer de documents variés, permettant d’exercer tous les aspects de la communication (compré-hension, écriture, lecture, production). Quant à Internet, il offre une im-mense variété de documentation et permet aux apprenants de communiquer ou d’accéder beaucoup plus facilement à la langue qu’ils étudient. De plus, les logiciels d’ALAO peuvent être diffusés très facilement à travers Inter-net. Enfin, dans les pays développés, l’immense majorité des apprenants dispose d’ordinateurs personnels, souvent portables, et d’une connexion In-ternet permanente et performante à domicile.

2.1.4 Perspectives

Dans le domaine de l’informatique – et à plus forte raison de l’ALAO – il est hasardeux, voire risqué, de se lancer dans des prévisions. Nous voyons tout de même trois champs de développement.

Tout d’abord, l’accès au réseau Internet est appelé à se développer en-core plus. Il est à prévoir que le débit des connexions Internet augmente fortement, avec l’arrivée de la technologie de la fibre optique jusque dans les domiciles privés. Ainsi, la diffusion de vidéos volumineuses sera grandement facilitée. Certains obstacles à la formation à distance seront alors abolis.

En second lieu, les téléphones mobiles deviennent des ordinateurs de plus en plus puissants. Il existe déjà de nombreuses applications pour ces appa-reils (Daniels, 2006; Chinnery, 2006), notamment en utilisant le podcasting.

Nous reviendrons sur ce sujet au paragraphe 2.7.5.

Enfin, les ordinateurs deviennent de plus en plus puissants et la capa-cité des disques, des mémoires et des processeurs sont phénoménales. Ceci lève désormais de nombreux obstacles pour une utilisation plus intensive de l’intelligence artificielle (§2.7.4) et en particulier du traitement automatique des langues (§3).