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Composés Aromatiques Polycycliques

I.2. Origines des Composés Aromatiques Polycycliques dans l’atmosphère l’atmosphère

I.2.3. Traceurs moléculaires de processus

Afin d’appréhender et de décrire au mieux les différentes sources primaires et/ou les réactions secondaires ayant lieu dans l’atmosphère, la recherche de marqueurs moléculaires de processus est indispensable. La mesure dans l‘atmosphère de ces molécules peut permettre de connaître la source primaire de certaines masses d’air ou d’appréhender les processus secondaires (de chimie en phase gazeuse, phase condensée ou de formation d’aérosol organique secondaire) dans l’atmosphère à un instant t sur un site de mesure donné.

Pour qu’un composé soit considéré comme un traceur de source ou de processus dans l’atmosphère, celui-ci doit être spécifique à une seule source d’émission ou un type de processus de formation donné. Il doit aussi être relativement stable dans l’atmosphère, c’est-à-dire peu affecté par les différents processus physico-chimiques. Enfin, ce composé doit être facilement mesurable. De par la réactivité des composés organiques dans l’atmosphère, l’utilisation du mot marqueur au lieu de celui de traceur a été proposée en considérant qu’un marqueur est plus réactif qu’un traceur (Nozière et al., 2015).

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I.2.3.1 Marqueurs de sources d’émissions primaires

Certaines molécules sont utilisées comme marqueurs spécifiques de processus d’émissions primaires de composés dans l’atmosphère. Parmi ces marqueurs spécifiques, le lévoglucosan (1,6-anhydro-β-D-glucopyranose), le galactosan (1,6-anhydro-β-D-galactopyranose) et le mannosan (1,6-anhydro-β-D-mannopyranose), qui sont des monosaccharides anhydres émis lors de la pyrolyse à plus de 300 °C de la cellulose (Shafizadeh et Sekiguchi, 1984), sont utilisés comme marqueurs de la combustion de biomasse (Simoneit et al., 1999). Les méthoxyphénols sont aussi émis par la combustion de biomasse et sont notamment utilisés comme marqueurs de la pyrolyse de la lignine (Schauer et al., 2001 ; McDonald et al., 2000). Enfin, les hopanes et les stéranes sont eux spécifiques à la combustion d’huile et sont utilisés comme marqueurs d’émissions véhiculaires (Rogge et al., 1993a).

I.2.3.2. Marqueurs de processus secondaires

D’autres composés marqueurs sont utilisés afin de remonter aux processus réactionnels dits secondaires ayant eu lieu dans l’atmosphère et notamment aux processus de formation d’aérosols organiques secondaires.

La formation d’aérosols organiques secondaires est un processus qui constitue en un transfert de matière de la phase gazeuse vers la phase particulaire, à travers l’oxydation d’espèces en phase gazeuse et la formation de produits d’oxydation moins volatils et facilement condensables, entraînant la formation de particules par des processus physiques de nucléation et de condensation (Figure I.8).

Figure I.8 : Schéma représentant les processus de formation des aérosols organiques secondaires (adapté de Delmas et al., 2005).

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La formation d’AOS a été mise en évidence à partir de composés biogéniques comme l’isoprène (Czoschke et al., 2003 ; Lim et al., 2005a ; Kroll et al., 2006 ; Carlton et al., 2009), les monoterpènes et les sesquiterpènes (Czoschke et al., 2003 ; Larsen et al., 2001 ; Jaoui et al., 2013). Il existe des marqueurs de formation d’AOS à partir de composés biogéniques et notamment à partir de l’isoprène. Parmi ces marqueurs, les 2-méthyltétrols (Edney et al., 2005 ; Böge et al., 2006 ; Surratt et al., 2006) ainsi que les dérivés organosulfatés (Surratt et al., 2007) et les C5 -alcène diols (Surratt et al., 2006) sont issus de la photooxydation de l’isoprène pour des faibles concentrations de NOx. Les 2-méthyltétrols et leurs dérivés sulfatés peuvent aussi être formés en présence de NOx suite à l’hydrolyse de composés organonitrates en présence d’eau ou de sulfate (Darer et al., 2011). L’acide 2-méthylglycérique ainsi que ses dérivés organosulfatés sont marqueurs de la photooxydation de l’isoprène en présence de NOx (Edney et al., 2005 ; Surratt et

al., 2006 ; Szmigielski et al., 2007 ; Surratt et al., 2007). Parmi les principaux marqueurs de

formation d’aérosol organique secondaire issus des monoterpènes, on retrouve l’acide pinique (Christoffersen et al., 1998 ; Hoffman et al., 1998 ; Glasius et al., 2000 ; Kamens et al., 1999), l’acide pinonique (Hoffman et al., 1998) et l’acide-10-hydroxy-pinonique (Surratt et al., 2008) qui sont des marqueurs communs à l’α- et au β-pinène. L’acide 3-méthyl-1,2,3-butanetricarboxylique (MBTCA) est lui utilisé comme marqueur de formation et du vieillissement de l’aérosol organique secondaire formé à partir de l’α-pinène (Müller et al., 2012). Des marqueurs de types organosulfates, nitrooxy-organosulfates et des dimères sont aussi utilisés (Surratt et al., 2008 ; Iinuma et al, 2007b). Les nitrooxy-organosulfates issus de la formation d’AOS à partir de l’oxydation de l’α-pinène sont notamment des marqueurs de la chimie initiée la nuit par le radical NO3 (Iinuma

et al., 2007b). De plus, les organosulfates sont globalement utilisés comme des marqueurs

d’influence des masses d’air anthropiques sur les biogéniques (Nguyen et al., 2014a).

La formation d’AOS a aussi été mise en évidence pour les alcanes (Lim et al., 2005b), les composés aromatiques (Forstner et al., 1997 ; Borrás et Tortajada-Genaro, 2012 ; Ng et al., 2007) comme le toluène (Kleindienst et al., 2004) ou encore les composés polyaromatiques. Un nombre plus limité de marqueurs existe pour décrire la formation d’AOS issus de composés anthropiques. Les marqueurs identifiés et utilisés pour le suivi de la formation d’AOS à partir de la combustion du bois sont les méthyl-nitrocatéchols étant issus de la photooxydation du m-crésol (émis par le bois) en présence de NOx (Iinuma et al., 2010). L’acide 2,3-dihydroxy-4-oxopentanoïque est lui utilisé comme un marqueur de l’aérosol organique secondaire formé suite à la photooxydation du toluène ou de certains xylènes (Kleindienst et al., 2004).

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I.2.3.3. Marqueurs spécifiques aux CAP

De par la diversité des CAP, de leurs sources primaires et secondaires, l’utilisation même de ces composés comme marqueurs de processus spécifiques reste aujourd’hui limitée. Néanmoins, lorsqu’un composé a une source d’émission prédominante par rapport aux autres, il est parfois utilisé comme marqueur. Parmi ces composés, on peut citer le rétène qui provient de la dégradation thermique des diterpénoïdes présents dans les conifères et qui est donc utilisé comme marqueur de la combustion de bois (Ramdahl, 1983 ; Bari et al., 2010). Une étude récente a néanmoins montré que la combustion de charbon pouvait émettre des quantités de rétène encore plus importantes, aussi dans certaines régions, l’utilisation de ce marqueur est limitée (Shen et al., 2012). D’autres composés sont utilisés comme marqueurs des émissions liées au transport routier. C’est le cas par exemple du benzo[ghi]pérylène et du coronène qui sont utilisés comme marqueurs des émissions des véhicules à essence (Marchand et al., 2004 ; Miguel et al., 1998).

Le 1-nitropyrène (1-NP) est un composé essentiellement émis lors d’émissions directes, et est notamment utilisé comme marqueur des émissions des véhicules Diesel (Murakami et al., 2008). Ce dernier est largement utilisé puisqu’il ne serait pas issu de la réactivité en phase gazeuse du pyrène dans l’atmosphère (Paputa-Peck et al., 1983 ; Atkinson et al., 1990 ; Hayakawa et al., 2000). Néanmoins, il est intéressant de noter que la réactivité du pyrène dans l’atmosphère par des processus de chimie hétérogène de type gaz/particule a été étudiée et a montré la formation du 1-nitropyrène (Carrara et al., 2010 ; Miet et al., 2009 ; Zhang et al., 2011a ; Liu et al., 2012 ; Wang et al., 1999 ; Ringuet et al., 2012b). Cependant, la formation du 1-nitropyrène par ces processus est aujourd’hui considérée comme négligeable dans l’atmosphère en comparaison avec leurs émissions primaires.

Le 2-nitrofluoranthène (2-NFlt) est un composé uniquement formé dans l’atmosphère par réaction du fluoranthène en phase gazeuse initiée par le radical OH en présence de NO2 le jour (Arey et al., 1986) ou par le radical nitrate (NO3) la nuit (Atkinson et al., 1990). Il est alors considéré comme un marqueur de la formation secondaire des NHAP en phase gazeuse. Afin d’apprécier l’origine primaire ou secondaire des dérivés nitrés des HAP, le rapport [2-NFlt]/[1-NP] est généralement utilisé (Ciccioli et al., 1996 ; Marino et al., 2000 ; Bamford et Baker, 2003 ; Albinet et

al., 2007, 2008a ; Ringuet et al., 2012a et c ; Bandowe et al., 2014 ; Huang et al., 2014 ; Wang et al., 2014). En considérant que les 2-nitrofluoranthène et 1-nitropyrène se dégradent dans

l’atmosphère à une vitesse similaire (Fan et al., 1996), un rapport [2-NFlt]/[1-NP] supérieur à 5 indique une origine secondaire prédominante des NHAP alors qu’un rapport inférieur à 5 met en avant leur origine primaire.

A travers différents processus physico-chimiques, les CAP peuvent participer à la formation d’aérosol organique secondaire (I.3.2.). Pour pouvoir appréhender l’importance de ces processus notamment en zone urbaine, où les concentrations en HAP sont les plus importantes, des

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marqueurs de la formation d’AOS issus de la dégradation des HAP et notamment à partir du naphtalène et des méthylnaphtalènes ont été proposés dans la littérature.

Le 4-nitro-1-naphtol a été proposé comme marqueur de la formation d’AOS à partir du naphtalène. Ce composé est issu de l’oxydation par le radical OH du 1-nitronaphtalène lui-même formé suite à la photooxydation du naphtalène, et observé uniquement en présence de NOx (Kautzman et al., 2010). Il n’a de plus pour l’instant jamais été détecté dans des émissions primaires.

L’acide phtalique et ses dérivés méthylés ont aussi été proposés comme marqueurs de formation d’AOS respectivement, à partir du naphtalène et de ses dérivés méthylés. Leur formation au cours des expériences effectuées en chambre de simulation atmosphérique est observée à la fois en présence ou en absence de NOx (Kleindienst et al., 2012). L’utilisation de l’acide phtalique comme marqueur d’AOS dans l’atmosphère reste encore sujette à discussion puisque ce composé est par ailleurs issu de l’hydrolyse de l’anhydride phtalique, connu aussi pour être un composé primaire émis dans l’atmosphère par l’industrie du plastique (Kautzman et al., 2010).