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CHAPITRE I : CONTEXTE SCIENTIFIQUE

4. Les contaminants organohalogénés

4.1. Les Dioxines

4.1.4. Toxicité

Usines d’incinération d'ordures ménagères 400 43,1

Usines d’incinération de déchets industriels 2 0,2

Combustions industrielles (bois, charbon, fuel) 23 2,5

Sidérurgie-métallurgie 270-2300 (500) 53,9

Circulation routière 1-5 0,3

4.1.3. Propriétés physico-chimiques

Les caractéristiques physico-chimiques des PCDD/F sont étroitement liées au degré de chloration des structures aromatiques. Ce sont des composés peu volatils, peu solubles dans l’eau mais solubles dans les lipides. Cette lipophilie leur permet de traverser les membranes cellulaires et de s’accumuler dans les tissus gras de l’organisme.

Les PCDD/F ont une durée de vie de l'ordre de plusieurs décennies, voir de l'ordre du siècle. Elles sont stables jusqu’à 800°C et leur destruction n’est totale qu’à partir de 1300°C. Dans l’environnement, la photolyse est l’une des rares voies de dégradation de ces molécules, la plus importante étant la photodéchloration.

La stabilité biochimique est également très importante, en particulier pour les composés les plus chlorés. Néanmoins, plusieurs études menées sur la biodégradabilité de ces polluants environnementaux montrent que certains micro-organismes (bactéries, levures, champignons) sont capables de les métaboliser.

4.1.4. Toxicité

Mécanismes d’action

En matière de toxicité, les dioxines se caractérisent tout d'abord par une activité à très faible dose, ensuite par la grande variété de leurs effets toxiques, connus ou soupçonnés.

Dans chaque cellule de l'organisme, le noyau est protégé afin d’empêcher les molécules « étrangères » de pénétrer et d'interférer avec l'ADN (acide désoxyribonucléique). Dans le

cytoplasme cellulaire, la dioxine se lie à une molécule naturellement présente dans toutes les cellules, le récepteur intracellulaire Aryl hydrocarbone (Ah), ce complexe se liant lui-même à une protéine dite de "translocation". C'est ce complexe dioxine-récepteur Ah-Arnt qui va activer des zones de l'ADN nucléaire, entraînant la production d'ARN messagers codant pour des protéines diverses dans le cytoplasme cellulaire. Ces produits, secondairement induits par la présence de dioxine, vont entraîner une réponse toxique. La cellule peut s'intoxiquer ou intoxiquer ses voisines en fabriquant des protéines toxiques; elle émet des messages biochimiques anarchiques vers d'autres organes dont le fonctionnement et/ou le développement seront altérés. On parle alors de toxicité chronique, puisque l’action des dioxines est continue tout au long de la vie.

L'action des dioxines est donc indirecte. Selon la zone d'ADN activée, et le type de cellule atteinte, la réponse biochimique de l'organisme à une même substance peut être différente. Cette suite de réactions en cascade peut mener à une pathologie, une anomalie de développement ou tout autre effet sur la santé encore peu compris.

Exposition aiguë

La toxicité des différentes dioxines et furannes est très variable. Les 17 congénères toxiques comportent un minimum de quatre atomes de chlore occupant les positions 2,3,7,8. Le plus toxique est la 2,3,7,8 tetrachlorodibenzodioxine (TCDD ; l’agent toxique de Seveso), En cas d'intoxication accidentelle, le symptôme principal chez l'homme est la chloracné, une affection cutanée, et chez les animaux de laboratoire, le foie est l’organe généralement le plus atteint. Au Vietnam, après l'utilisation de l'agent orange, un défoliant contaminé à la dioxine, le lien a pu être fait entre la contamination par la dioxine des parents et la fréquence des malformations chez les enfants.

Exposition à long terme

Des essais menés sur des animaux laissent aujourd'hui supposer que les dioxines sont nocives pour le système immunitaire et le système nerveux, qu'elles ont des effets similaires aux effets hormonaux et qu'elles sont cancérogènes (IARC, 1997). Le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) a classé en 1997, la 2,3,7,8-TCDD dans le groupe des substances cancérigènes pour l’homme (groupe 1). Les autres formes de dioxines restent dans le groupe 3 (substances non classifiables en ce qui concerne leur cancérogénicité).

Unité d’expression

Les propriétés cumulatives et toxiques des dioxines sont étroitement dépendantes de leur structure chimique, c’est-à-dire du nombre et de la position des atomes de chlore des deux cycles benzéniques. Parmi les 210 congénères théoriquement présents dans l’environnement, les 17 composés substitués en position 2,3,7,8 (7 congénères PCDD et 10 congénères PCDF) font l’objet d’une bioaccumulation intense dans les organismes vivants où ils subissent une dégradation biologique lente, variable en fonction de la nature du congénère (plus rapide pour les PCDF que pour les PCDD).

En outre, ces 17 congénères possèdent une conformation stérique qui favorise leur fixation au récepteur Ah. L’affinité de ces 17 congénères pour ce récepteur est variable : elle est maximale pour la 2,3,7,8-TCDD et 10 à 10000 fois plus faible pour les congénères les plus chlorés (comme l’OCDD) dont l’encombrement stérique limite la fixation au récepteur. Ces 17 congénères sont considérés comme les plus toxiques. La toxicité diminue quand le nombre d’atomes de chlore croît (au-delà de 5 atomes de chlore, la toxicité chute brutalement). La potentialité toxique de ces congénères peut être exprimée en référence au composé le plus toxique, par l’intermédiaire de facteur d’équivalence toxique (ou de toxicité équivalente à la 2,3,7,8-TCDD) (TEF, Toxic Equivalent Factor). Celui-ci a été développé à partir de 1977 pour évaluer le potentiel toxique d’un mélange de composés chimiquement proches et ayant le même mécanisme d’action, c’est-à-dire actifs sur le même récepteur. Défini à partir de résultats in vitro modulés par les données in vivo, le TEF est réévalué fréquemment en fonction des acquis dans ce domaine. Ce concept a d’abord été appliqué aux PCDD/PCDF puis étendu à d’autres membres de la famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques halogénés, dont les 12 PCB « dioxine-like » (cf Chapitre 2, paragraphe 4.2.4 ; Tableau 8). Pour les PCDD/PCDF et PCB « dioxine-like », le congénère de référence est la 2,3,7,8-TCDD qui a la plus forte affinité pour le récepteur intracellulaire Ah. Ainsi, le TEF se définit de la façon suivante :

potentialité toxique d’un composé individuel TEF = ⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯ potentialité toxique de la 2,3,7,8-TCDD

Tableau 8 : Facteurs d’équivalence de toxicité (TEF) des PCDD, PCDF et PCB « dioxine-like » (Van den Berg et al., 1998).

Congénères TEF Congénères TEF

PCDD PCB non-ortho 2,3,7,8-TCDD 1 3,3’,4,4’-TCB (CB77) 0,0001 1,2,3,7,8-PeCDD 1 3,3’,4,5-TCB (CB81) 0,0001 1,2,3,4,7,8-HxCDD 0,1 3,3’,4,4’,5-PeCB (CB126) 0,1 1,2,3,6,7,8-HxCDD 0,1 3,3’,4,4’,5,5’-HxCB (CB169) 0,01 1,2,3,7,8,9-HxCDD 0,1 PCB mono-ortho 1,2,3,4,6,7,8-HpCDD 0,01 2,3,3’,4,4’-PeCB (CB105) 0,0001 OCDD 0,0001 2,3,4,4’,5-PeCB (CB114) 0,0005 PCDF 2,3’,4,4’,5-PeCB (CB118) 0,0001 2,3,7,8-TCDF 0,1 2’,3,4,4’,5-PeCB (CB123) 0,0001 1,2,3,7,8-PeCDF 0,05 2,3,3’,4,4’,5-HxCB (CB156) 0,0005 2,3,4,7,8-PeCDF 0,5 2,3,3’,4,4’,5’-HxCB (CB157) 0,0005 1,2,3,4,7,8-HxCDF 0,1 2,3’,4,4’,5,5’-HxCB (CB167) 0,00001 1,2,3,6,7,8-HxCDF 0,1 2,3,3’,4,4’,5,5’-HpCB (CB189) 0,0001 1,2,3,7,8,9-HxCDF 0,1 2,3,4,6,7,8-HxCDF 0,1 1,2,3,4,6,7,8-HpCDF 0,01 1,2,3,4,7,8,9-HpCDF 0,01 OCDF 0,0001

Dans un échantillon, la concentration en 2,3,7,8-PCDD/F peut être convertie en une valeur d’équivalent toxique international (I-TEQ, International toxic equivalent quantity) égale à la somme des produits des concentrations mesurées pour chaque composé et du TEF correspondant.

TEQ = Σ (c

i

xTEF

i

)

Ainsi, le TEQ correspond à la quantité de 2,3,7,8-TCDD nécessaire pour produire le même effet toxique que celui susceptible d’être induit par les congénères étudiés à la dose mesurée.

Depuis 1997, l’ensemble des 2,3,7,8-PCDD/F ainsi que les PCB « dioxine-like » sont pris en compte dans le calcul du TEQ d’un échantillon. Le TEQ ne prend pas en compte les autres PCB (non « dioxine-like ») qui sont pourtant les plus abondants, mais ne présentent pas ces mécanismes de toxicité.