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Toxicité colorectale des AINS

Dans le document Parcours des ains (Page 153-160)

Les AINS peuvent induire des lésions colorectales de novo c’est-à-dire survenant sur un côlon préalablement sain. Ils peuvent aussi compliquer

l’évolution d’une affection préexistante comme une diverticulose ou une maladie inflammatoire intestinale chronique.

La toxicité colique des AINS est favorisée par les formes galéniques à libération prolongée qui apportent de plus fortes concentrations locales d’AINS au contact direct de la muqueuse du côlon proximal. La toxicité locale des suppositoires d’AINS est bien établie.

a/ Colites de novo :

Quelques dizaines de cas ont été rapportées dans la littérature sous formes d’observations isolées ou de courtes séries. Le tableau clinique associe typiquement une diarrhée sanglante et des douleurs abdominales chez un patient prenant des AINS depuis quelques jours, plusieurs mois voir plusieurs années.

Des complications aiguës à type de perforation ou d’hémorragie sont possibles, parfois inaugurales. En endoscopie, l’atteinte peut être diffuse touchant le rectum et le côlon sans intervalle de muqueuse saine évoquant une rectocolite hémorragique ou bien segmentaire évoquant une maladie de Crohn, surtout lorsqu’elle touche le côlon proximal et le grêle terminal.

Histologiquement, les lésions ne sont pas spécifiques. En l’absence de complications chirurgicales, l’évolution est le plus souvent rapidement favorable après l’arrêt des AINS. La rechute après réintroduction de l’AINS incriminé

a été constante dans les observations publiées, avec des complications fatales dans un cas. Une étude épidémiologique a rapporté que la prise récente d’AINS

multipliait par plus de deux le risque de diarrhée sévère. En l’absence d’endoscopie systématique, l’atteinte colique ne pouvait être précisée mais il est probable qu’un certain nombre des cas observés correspondait à des formes bénignes de colite iatrogène. La fréquence de cette pathologie est donc probablement sous-estimée. Le diagnostic de colite de novo due aux AINS est toujours difficile même lorsque la chronologie est évocatrice. L’histologie ne permet pas d’être formel sur l’origine iatrogène de la colite. Il faut éliminer une colite infectieuse qui pourrait d’ailleurs être favorisée par la toxicité locale des AINS et ne pas méconnaître une authentique maladie inflammatoire chronique révélée par la prise d’AINS. Les premières poussées peuvent en effet être fugaces. Un recul de deux à cinq ans sans récidive est nécessaire avant d’éliminer cette hypothèse.

b/ Ulcères coliques :

L’existence d’ulcères coliques bénins dits idiopathiques est connue depuis longtemps. Ils siègent principalement dans le cæcum et le côlon droit. Des observations isolées suggèrent qu’un certain nombre d’entre eux sont liés à la prise d’AINS. Ils peuvent être associés à une atteinte de l’intestin grêle et se compliqués de perforation ou d’hémorragies.

c/ Rectite

:

La toxicité rectale des AINS administrés sous forme de suppositoire se traduit par une réaction inflammatoire le plus souvent minime mais des lésions plus sévères sont possibles sous forme de rectite hémorragique ou

d’ulcérations. Des complications (sténose anorectale, perforation, fistule rectovaginale) ont été rapportées au cours des traitements prolongés et abusifs.

d/ Sténose en diaphragme :

Des sténoses coliques en diaphragme similaires à celles décrites dans l’intestin grêle ont été rapportées chez des patients traités par AINS au long cours. Elles sont attribuées à l’évolution cicatricielle d’ulcérations siégeant sur les valvules coliques, principalement dans le côlon droit. Cliniquement, les diaphragmes coliques sont révélés le plus souvent par des douleurs abdominales, des troubles du transit et une perte de poids. Des complications aiguës à type d’occlusion ou de perforation en amont d’un diaphragme ont été rapportées. Hormis ces rares complications justifiant une intervention en urgence, le diagnostic repose sur la coloscopie. En cas de syndrome obstructif, la chirurgie est le traitement habituel mais l’efficacité de la dilatation endoscopique a été rapportée.

e/ Colite éosinophile :

De rares cas ont été rapportés avec le naproxène et l’acide méfénamique. Le tableau clinique associe une diarrhée sévère et des réactions d’hypersensibilité (rash cutané, éosinophilie sanguine, hépatite). La muqueuse colique apparaît congestive à l’endoscopie et l’examen microscopique met en évidence une infiltration de la muqueuse par des éosinophiles.

f/ Colite microscopique :

Une relation entre la prise d’AINS et la survenue d’une colite collagène ou d’une colite lymphocytaire a été suggérée. Toutefois l’existence d’un lien causal reste très incertaine. La fréquence des manifestations rhumatologiques

associées aux colites microscopiques pourrait expliquer la surconsommation d’AINS chez ces patients.

h/ Colite ischémique segmentaire non gangréneuse :

Une association significative entre la prise d’AINS et la survenue d’une colite ischémique non gangréneuse chez des patients ambulatoires âgés de plus de 60 ans a été rapportée dans une étude cas témoins. Ces colites ischémiques étaient habituellement révélées par la survenue brutale de douleurs abdominales associées à une diarrhée sanglante. À l’endoscopie, les lésions étaient segmentaires, localisées le plus souvent dans le sigmoïde et le côlon gauche. L’évolution était habituellement rapidement favorable après éviction des AINS. Aucune observation avec réintroduction n’a été rapportée.

i/ Diverticulose colique :

Trois études cas témoins ont rapporté que la prise d’AINS favorisait la survenue de complications sévères de la diverticulose, particulièrement les perforations et les fistules. Dans l’étude la plus récente, la prise d’AINS multipliait par 4 le risque de perforation diverticulaire alors que l’aspirine (administrée le plus souvent à faible dose) n’avait pas d’effet significatif. L’effet aggravant des AINS pour le risque d’hémorragie diverticulaire n’est pas aussi clairement établi.

L’étude de « Wilson et al » ne démontre pas d’association significative entre les complications hémorragiques diverticulaires et la prise d’AINS. Dans la série de « Campbell et Steele », le nombre des accidents hémorragiques est

trop faible pour permettre une conclusion. Enfin, l’étude de « Langman et al » qui rapporte une association significative entre la prise d’AINS et les hémorragies digestives intestinales (grêle ou côlon), n’analyse pas les données en fonction de l’origine exacte du saignement, ce qui ne permet pas de conclusion pour les hémorragies diverticulaires. Même si l’augmentation de la fréquence des hémorragies diverticulaires sous AINS n’est pas formellement démontrée, il faut tenir compte de leur effet antiagrégant qui a certainement un effet aggravant sur l’importance du saignement.

En pratique, la diverticulose colique n’est pas une contre-indication aux AINS. Toutefois, chez les patients ayant déjà présenté une diverticulite, il est possible que la prise d’AINS favorise la récidive sous un mode insidieux et compliqué. L’utilisation des AINS chez ces malades doit être prudente et évitée dans la mesure du possible.

j/ Maladies inflammatoires intestinales chroniques (MICI) :

Le rôle des prostaglandines dans le processus inflammatoire des MICI a fait l’objet de nombreuses controverses. Un rôle protecteur a été suggéré par certains donnant lieu à des essais de traitement par des prostaglandines exogènes, rapidement abandonnés en raison de l’exacerbation des symptômes diarrhéiques. Par ailleurs, l’hypothèse d’un rôle pro-inflammatoire nocif a conduit à tester l’efficacité des AINS. Plusieurs tentatives de traitement par divers AINS chez des patients atteints de rectocolite hémorragique se sont soldées par des échecs, voir une aggravation de la maladie. En accord avec ces premières données, l’effet nocif des AINS sur l’évolution des maladies

inflammatoires intestinales a été suggéré par de nombreuses observations isolées. Il a été rapporté que les AINS pouvaient induire des poussées de recto-colite hémorragique ou de maladie de Crohn et en particulier la poussée inaugurale de ces maladies.

En faveur du rôle pathogène des AINS, la rechute a été constante dans les cas où l’AINS en cause a été réintroduit. Plus récemment, deux études cas témoins ont confirmé que la prise d’AINS favorisait la première poussée de maladie inflammatoire intestinale ainsi que les poussées ultérieures. L’ampleur du risque reste toutefois mal connue et contestée. Des études prospectives sont encore nécessaires. Dans l’état actuel des connaissances, il est recommandé d’éviter la prescription des AINS chez les patients atteints de MICI.

6/ Toxicité intestinale des inhibiteurs sélectifs de

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