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MOBILITE SPATIALE A LA SEDENTARISATION ET NAISSANCE DE LA VILLE

Chapitre 2 : La formation du paysage urbain de Khénifra

2- Le tissu urbain de Khénifra: une croissance discontinue

L’espace urbain de Khénifra a connu une croissance remarquable. Cette croissance avait pris des formes différentes selon la conjoncture, et selon des événements phares qui ont marqué l’histoire urbaine de la ville. Or, selon le dépouillement et l’analyse des données et des informations collectées de différents services extérieurs disponibles, nous avons pu relever trois phases principales de l’extension spatiale de la ville.

2.1- La première phase : Une extension tentaculaire de la ville

Cette phase s’étend de 1956 à 1972, couvrant ainsi seize années d’indépendance. Elle a été marquée par trois faits majeurs : tout d’abord, l’intervention timide de l’Etat dans l’aménagement urbain des petites et villes moyennes, matérialisée par la promotion de la ville de Khénifra en chef lieu de cercle en 1969, et par la réalisation de deux lotissements pour désamorcer la crise du logement, sur la rive droite de l’Oum Rabia, le quartier HassanII en 1968, et sur la rive gauche, le quartier P.A.M en 1970, nommé aujourd’hui Oued Dahab. Ensuite, l’accaparement du sol urbain par les notables hérités de la période coloniale comme le disait Dr. B. SERRE dans ce passage "Ces caïds sous le protectorat sont restés les maîtres de leurs tribus, Ils sont souvent devenus des dictateurs locaux, difficiles ou impossibles à

contrôler"(par.4)17 . Déjà en 1929, le capitaine Guennoun, officier Algérien Légionnaire,

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Récit inédit du Dr. B. SERRE (Médecin français, créateur de l’hôpital de Khénifra en 1944), « La mort du caïd Amahrouk » publié par sa femme Jacqueline SERRE dans http://www.francisboulbes.com

écrivait : "Nous ne cesserons jamais de nous élever contre les pouvoirs excessifs donnés à tous ces agents indigènes par les textes actuels" (p.12). Ceci a provoqué le gel d’une bonne partie des terres à l’intérieur de la ville, au moment où la demande en espace constructible a augmenté d’une manière vertigineuse. Mais l’événement le plus important qui a marqué cette phase reste le flux massif des ruraux qui n’ayant bénéficié d’aucun projet de développement. Ces ruraux se sont entassés dans la périphérie de la ville dans des douars.

Sur la rive droite, au Nord-Ouest, deux grands douars on vu le jour (douar Assaka et Boufouloussen « El Fath actuellement »), au Nord-Est, l’activité du bois en raison de la présence de plusieurs scieries, a favoriser l’installation de plusieurs baraques et maisons pour consolider le noyau du quartier « La scierie ». A l’Est, sur la route tertiaire qui mène vers les montagnes d’Ajdir(Lieu du discours royal d’Ajdir en 17 Octobre 2001 pour la création de l’IRCAM ) , s’est développé un grand douars(Amalou Ighriben) par des anciens transhumants reconvertis en bûcherons dans les coupes de bois des forets environnantes, qui était promu siège de la commune rurale Moha Ou Hammou Zayani(M.H.Z). Dépourvues de tout équipement de base, ces douars étaient lieu de la concentration de l’habitat insalubre.

2.2- La deuxième phase : Une extension le long des grands artères et une prolifération des quartiers périphériques

Cette phase s’étend de 1973 à 1998, elle constitue la phase la plus importante dans l’extension spatiale de la ville de Khénifra. Elle intéressait principalement les terrains vacants à l’intérieur du périmètre urbain, prenant ainsi une forme dégitée sur les différentes voies structurantes de la ville, pour déboucher sur la périphérie et donner naissance à une nouvelle génération de quartiers non réglementaires. En effet, le périmètre urbain s’est élargi pour intégrer tous les quartiers périphériques de la ville (Fig.11).

Source : Carte de Khénifra établie par CHABLI, PA de Khénifra en 1986 et 2014

Les facteurs qui ont régie cette phase d’urbanisation sont multiples, à savoir :

- La promotion de la ville en chef-lieu de province en 1973. Cette promotion s’est répercutée sur le tissu urbain par le renforcement de la fonction administrative, en attirant les différents services extérieurs. Recevant une partie de ces édifices publics, le quartier administratif légué par le protectorat s’est trouvé à une capacité limitée, ce qui a entrainé l’éparpillement des services dans les différents quartiers, avec notamment la création d’un centre satellite au Sud de la ville sur la route menant vers Tadla.

Par ailleurs, la demande progressive du logement par les fonctionnaires de plus en plus nombreux, a donné lieu à la création des nouveaux quartiers Al Amal de 83 villas en faveur des cadres supérieurs, et Er-Rachidia de 130 appartements pour les cadres moyens. Ces deux projets ont été réalisés par l’Etat à travers SOFAL et CGI.

Toujours, avec la demande en espace constructible causée par l’installation des différentes couches sociales attirées par les services de la ville, l’Etat a intensifié son intervention en livrant une partie de son patrimoine foncier, pour donner naissance aux lotissements Etatiques suivants :

Tableau 4: Lotissements Etatiques réalisés entre 1993 et 1995 Dans la ville de Khénifra

Lotissement Date d’autorisation Superficie en ha Nombre de lots Lotisseur

M’salla 1973 6 348 Délégation de l’habitat

Salam 1979 11 538 Délégation de l’habitat

Ait Khassa 1 1985 1,5 89 Délégation de l’habitat

Ait Khassa 2 1989 2,5 125 Délégation de l’habitat

Ikhamen 1989 3 168 Délégation de l’habitat

Al Arz (1-2-3) 1995 2,5 313 d'Equipement et de Société Nationale

Construction (SNEC)

Total --- 26,5 1581 ---

Source : Délégation provinciale de l’habitat, 2017, dépouillées Portant, cette offre en terrains Etatiques constructibles reste incapable d’absorber la demande d’une population de temps en temps en évolution. Devant cette situation, la ville a connue le lancement d’une succession de lotissements privés qui sont au nombre de vingt

deux. Mais avec la dégradation du pouvoir d’achat de la population urbaine18, un nouvel acteur surgit sur la scène, il s’agit du mouvement associatif qui a débuté avec le premier lotissement de ce genre autorisé en 1993 (Amicale Al Arz). Ainsi, inconnu auparavant, ce mouvement associatif qui semble se substituer à l’Etat et au privé et prendre la relève dans l’offre foncière a pu produire, dans une durée de 6 ans à partir de la date précitée, près d’une vingtaine de lotissements englobant quelques 900 lots sur une superficie approchant 20ha. (Fig.12)

Source: Pachalik de Khénifra, 2014, dépouillées

Fig. 12: Evolution du nombre d’amicales d’habitations dans la ville de Khénifra entre 1993 et 1999

La lecture du graphe laisse apparaitre une évolution sans précédente du nombre d’amicales d’habitations à partir de l’année 1997, avec l’enregistrement d’un pic pendant l’année 1998, expliqué par le lancement du projet de la mise à l’étude du plan d’aménagement de la ville, qui sera homologué par la suite, en 2004.

- La sécheresse qu’a connu le Maroc au début des années quatre vingt, a entrainé l’arrivée d’une nouvelle vague des ruraux, qui viennent s’installer dans la périphérie de la

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Au cours des dernières décennies, la consommation abusive du patrimoine foncier public, sans effort particulier pour le renouveler, et la mise en œuvre de la loi 25/90 en 1992 qui avait réduit la marge de manœuvre des lotisseurs réglementaires, ont provoqué la hausse vertigineuse des valeurs foncières qui ne cessent d’affecter durablement le sol urbain de Khénifra, cette situation conjuguée à la rareté, voire à l’absence du logement social varié (un seul projet du logement social "VIT", qui reste encore en deçà des besoins), a eu un impact direct sur les conditions d’accès à la propriété. Depuis cette période, les coûts de logements n’ont cessé de s’accroitre plus vite que le niveau de revenus des ménages.

1 0 0 0 4 13 2 0 2 4 6 8 10 12 14 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

EVOLUTION DU NOMBRE D'AMICALES D'HABITATIONS A LA VILLE DE KHENIFRA ENTRE 1993 ET 1999

NOMBRE D'AMICALE D'HABITATIONS

ville, confrontés au prix du sol urbain qui était au delà de leurs moyens. Ceci a donné lieu à une nouvelle génération de douars, à savoir : Sidi Boutzgart à l’Est, Massira et El Kors au Sud et au Sud-Est, ainsi que Boudraâ au Nord-Ouest.

- L’urbanisme réglementaire proprement dit avec le lancement du plan d’aménagement de la ville en 1986, qui sera homologué sept ans après (1993). Les lotissements privés vont commencer à être autorisés par les services locaux d’urbanisme, le tissu ancien va se densifier (la Medina, Hamria et Tiallaline) et les douars périphériques vont être intégrés dans la ville réglementaire par leur branchement aux services de base.

2.3- La troisième phase : Le début d’une mise en ordre urbain

Cette phase s’étend au delà de 1999. Elle se caractérise en général, par trois faits majeurs. Il s’agit notamment:

- Du recul quasi-total de l’Etat en ce qui concerne la production du sol urbain. Cette situation a donné l’occasion aux lotisseurs privés et aux amicales d’habitations de se présenter comme principaux acteurs et producteurs du sol constructible. Conséquence logique de la montée vertigineuse des prix des terrains et de l’utilisation irrationnelle du sol urbain.

- Du foisonnement de l’HNR19

dû premièrement, à l’annexion des extensions non réglementaires et des douars périurbains suite aux découpages administratifs de 1992 et 2009 a contribué, non seulement, au renforcement de la présence de ce type d’habitat en milieu urbain, mais a également créé des faits accomplis difficiles à gérer sur le plan urbanistique ; et deuxièmement, au relâchement du contrôle de la part des pouvoirs publics causé par le « printemps arabe » en 2011. Cette année était particulièrement une année politique et sociale difficile, et a permis à ce type d’habitat de fleurir sur les périphéries de la ville, notamment, sur des terrains accidentés exposés aux différents risques ( inondations, glissements et ravinements) et dépourvus de toute infrastructure de base et de tout équipement, constituant ainsi, de larges secteurs20 d'habitat insalubre mettant en péril la sécurité et la qualité du cadre de vie de ses habitants et portant atteint au paysage urbain de la ville (douar El Youssfi, Bouymhagen,…) (Photo.8).

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Ce phénomène s’est aggravé durant les trois dernières décennies, avec tout ce qui s’en suit comme le débordement de l’urbanisation au-delà du périmètre urbain et la prolifération des poches d’insalubrité et des quartiers sous-équipés. Le phénomène s’est prospéré en tant que réponse à la demande sociale qui n'a pas pu être satisfaite à travers l'offre réglementaire.

20En se référant à l’étude de redressement urbain de la ville en 2014, Khénifra a ainsi développé une multitude de quartiers non réglementaires s’étalant sur une superficie d’environ 250ha et comportant près de 13.000 constructions.

Vue adroite de la route menant vers Vue gauche de la route menant vers Aguelmous Aguelmous

Source : Prise de vue, 2018

Photo 8: Quelques aspects de l’HNR construits sur des terrains accidentés

- De l’installation de l’agence urbaine en 2006 qui a pris en charge la gestion du secteur d’urbanisme.

Il s’agit donc, d’une phase d’antagonisme entre une croissance légale et une autre illégale de la ville de Khénifra.

La figure suivante illustrant la tâche urbaine, montre bien cette évolution du tissu urbain de la ville de Khénifra, depuis sa genèse jusqu’à nos jours.

Source : Photos de la ville en 1912, 1924, 1955, photos aerienne en 1964 et restututions de 1999 et 2014