4. Résultats
4.1 TIC utilisées selon leur fonction pédagogique
Pour présenter les TIC utilisées par l’ensemble des membres d’une famille faisant l’école à la maison, nous utilisons la liste de De Vries (2001) qui classe les différents usages des TIC selon leur fonction pédagogique : (a) Présenter de l’information; (b) Dispenser des exercices; (c) Véritablement enseigner; (d) Capter l’attention et la motivation de l’élève; (e) Fournir un espace d’exploitation; (f) Fournir un environnement de lois naturelles, simulation, manipuler/observer; (g) Fournir un environnement pour la découverte de domaines abstraits; et (h) Fournir un espace d’échange entre élèves.
4.1.1 Présenter de l’information. Lorsque les TIC servent à présenter de
l’information, la tâche proposée à l’apprenant est « de lire et d’étudier ce qui est présenté sur l’écran. Son activité concrète se limite à des actions ayant pour effet de tourner des pages (changer l’affichage sur l’écran) et de répondre à des questions » (De Vries, 2001, p. 109). Les deux familles constituant l’échantillon utilisent parfois les TIC à cette fin.
En effet, la famille 1 utilise Défi mathématique3 qui, en plus d’être disponible sous la forme de manuels scolaires, offre aux parents-éducateurs, et ce, gratuitement sur le Web, un programme spécialement conçu pour faire l’école à la maison. Ce dernier contient du matériel où toutes les notions essentielles du primaire, toutes les opérations, ainsi que diverses
techniques de calcul sur tous les types de nombres (nombres entiers, fractions, nombres algébriques) sont développées. Pour la famille 2, le « programme [de Défi mathématique] est sur l'ordi » et il leur est possible d'y avoir accès en ligne, de le télécharger dans leur appareil informatique ou d'en imprimer une copie papier. Toutefois, sur le site de Défi mathématique4, les auteurs soulignent que leur programme pour l’école à la maison « suit une séquence différente de ce qui est enseigné à l'école aussi, il est difficile et déconseillé, de l'utiliser en parallèle avec le matériel utilisé par un enfant qui fréquente l'école régulière ».
Les périodes d’observation ont aussi permis de remarquer que les enfants des deux familles lisaient des livres numériques. À ce sujet, la famille 1 possédait même des cartes de bibliothèques de différentes provinces, ce qui leur permettait d’augmenter la quantité de livres numériques à laquelle elle avait accès.
4.1.2 Dispenser des exercices. Le deuxième usage des TIC noté chez les parents-
éducateurs est celui de « dispenser des exercices (…). Le rôle joué par l’ordinateur [, ou tout autre équipement informatique,] est celui de stockage et de distribution de multiples exercices. La tâche proposée à l’élève est de faire des exercices » (De Vries, 2001, p. 109). Cette utilisation des TIC est présente chez la famille 2 dans laquelle, pour favoriser l’apprentissage de l’Anglais langue seconde, « tous les jours [les enfants] font 15 minutes de Speaky planet5 », un site Internet où les enfants « vont faire un petit jeu qui vont leur faire un rappel » de leurs connaissances (p. ex., l’apprentissage du vocabulaire des couleurs en anglais). La mère de cette même famille demande également à ses enfants d’utiliser le site Pepit6, un site Internet où l’on retrouve entre autres des exercices de français, puisqu’elle
« trouve que le contenu est bon (…) [, qu’il est] un peu vieillot, mais [qu’il] fonctionne bien » (Famille 2).
Au sein de la famille 1, dans un premier temps, un enfant utilise l’application Duolingo7 dans le but de pratiquer des notions de Français langue seconde. L’application demande à l’enfant
4http://defimath.ca/ECMquestions.html 5http://www.speakyplanet.fr/presentation.html 6http://pepit.be/
de dire un mot en français qu’il enregistre et corrige au besoin. L’enfant reçoit alors de la rétroaction sur l’exercice proposé et peut le recommencer jusqu’à ce qu’il ait réussi. L’application Vox train8 a également été utilisée par ce même enfant, mais cette fois-ci dans le but de favoriser l’apprentissage du chant. D’une manière semblable à Duolingo, l’enfant utilisait Vox train pour réaliser des exercices.
En mathématiques, on retrouve Netmath9, une plateforme web d'apprentissage des mathématiques qui offre des exercices interactifs en ligne pour la plupart des niveaux du primaire et du secondaire. Les parents-éducateurs de la famille 2 ont dit progressivement délaisser cette ressource puisqu’elle utilise maintenant davantage Défi mathématique où « la progression est différente puis les manières de voir les concepts sont différentes aussi » (Famille 2).
4.1.3 Véritablement enseigner. La troisième fonction des TIC relevée chez les
participants est de véritablement enseigner, « c’est-à-dire d’exploiter l’ordinateur [ou tout autre appareil informatique] pour exécuter une tâche qui est habituellement exécutée par un humain (…). Les tâches proposées à l’élève sont diverses; la plupart permettent à l’élève de dialoguer avec un tuteur, mais il existe également des logiciels qui proposent à l’élève de jouer guidé par un tuteur» (De Vries, 2001, p. 109-110). L’observation de la famille 1 a permis de constater cette utilisation alors que l’aînée de la famille suivait un cours sur le site Coursera10. Intéressée par l’histoire de la musique rock, cette enfant était engagée dans un
cours d’une durée variant entre 12 et 24 heures, intitulé History of Rock11 et qui était donné
par John Covach, professeur de musique et directeur de l’Institute for Popular Music de la University of Rochester.
4.1.4 Capter l’attention et la motivation de l’élève. Captiver l’attention et la
motivation de l’élève est un autre usage des TIC présent chez les familles observées et interviewées. L’intérêt de les utiliser à cette fin « peut être de motiver les élèves en exploitant
8http://voxtrain.com/
9https://www.netmath.ca/fr-qc/ 10https://www.coursera.org/ 11
les défis associés aux jeux. C’est l’objectif des logiciels que l’on appelle communément des jeux éducatifs » (De Vries, 2001, p. 110). L’utilisation de jeux éducatifs a été observée au sein de la famille 2. Par exemple, Minecraft12 est un jeu qui, selon les parents, capte l’attention et suscite la motivation de leurs enfants. Par exemple, ils ont déjà utilisé ce jeu afin de créer une histoire appuyée d’images de scènes prises à même le jeu.
4.1.5 Fournir un espace d’exploitation. « La cinquième fonction préconise
d’exploiter l’ordinateur pour rendre disponible du texte, du son, des images, et des vidéos (…). Le rôle de l’ordinateur est de fournir un espace d’exploration correspondant aux concepts et relations d’une matière et la tâche proposée à l’élève est d’explorer cet espace » (De Vries, 2001, p. 110). Cette fonction a été constatée chez la famille 2, lorsque les enfants ont utilisé le moteur de recherche Google Images13 afin de trouver une image d’un lézard. À ce sujet, la mère a expliqué durant l’entrevue que lorsqu’un de ses enfants « a fait une recherche sur le lézard, c'était super difficile de trouver des informations parce que ce n’était pas un lézard qui avait été beaucoup étudié, du moins, il y n’a pas beaucoup d'informations sur Internet à son sujet » (Famille 2). Cette mère a aussi expliqué que ses enfants utilisent les TIC pour cette fonction : « un moment donné, on se demandait ce qui se passait avec les eaux usées de notre ville. On va faire des projets sur l'ordinateur. » (Famille 2).
Cette même famille « va aussi chercher des documentaires, sur YouTube14 » (Famille 2). Pour eux, puisqu’on y suggère des vidéos semblables à celles déjà écoutées, « dans ce temps-là nous ne sommes pas assis à côté d'eux à les surveiller, on sait qu'ils sont là-dessus. C'est peut- être le seul moment où ils sont plus libres sur Internet » (Famille 2). Toutefois, bien qu’elle dise trouver beaucoup d’informations sur le Web, elle souhaite que ses enfants ne se limitent pas à cette source : « on est allés à la bibliothèque voir des histoires. Je ne m'appuie pas que là-dessus parce que je ne veux pas que ça devienne l'unique ressource » (Famille 2).
4.1.6 Fournir un environnement de lois naturelles. Certaines TIC imitent « une
partie de la réalité. Les simulations incorporent des lois ou des règles de fonctionnement, par
12https://minecraft.net 13https://images.google.com/ 14
exemple relatif à la chute d’un objet (…). L’élève apprend en agissant sur une simulation d’une façon semblable à s'il était dans une situation réelle (…). Les tâches à exécuter par les élèves sont de manipuler, d’observer, et d’interpréter les résultats » (De Vries, 2001, p. 111). Cette utilisation des TIC a été observée chez la famille 2 alors que les enfants utilisaient Stop- motion movie creator15, une application permettant de prendre des photos et de les manipuler afin de créer un film d’animation. Pour ce faire, les enfants ont dû créer un scénario, manipuler des figurines en plastique et les prendre en photo à chaque manipulation pour ensuite les animer à l’aide de l’application. Chez cette même famille, les enfants ont été observés en train d’utiliser l’application Brain it on16 qui les amène également à fournir un environnement de lois naturelles puisqu’elle leur demande de résoudre des problèmes faisant appel à des notions de physique dans un environnement virtuel. La mère de cette même famille a aussi dit utiliser « une carte du ciel, mettons qu'on va dans la forêt, pour regarder sur la tablette » (Famille 2).
Au sein de la famille 1, un des enfants a aussi été observé en train de réaliser un film d’animation à l’aide d’un ordinateur, d’une tablette graphique et d’un logiciel de graphisme. En plus de lui permettre de reproduire virtuellement ce qu’il aurait pu faire à l’aide d’outils de dessins traditionnels (crayons, efface, etc.) et de l’amener à animer des images, la création de ce film avait pour objectif de participer à un concours afin de gagner une nouvelle tablette graphique.
4.1.7 Fournir un environnement pour la découverte de domaines abstraits. « La
septième fonction ressemble à la sixième à la différence que l’élève découvre des domaines abstraits (…) » (De Vries, 2001, p. 111). Celle-ci a été présentée par la mère de la famille 2 qui précise que « 30 minutes par semaine, depuis trois ans, [ses enfants font de la programmation] avec Code.org17 et ils ont commencé l'année passée du Scratch18 » (Famille
15https://play.google.com/store/apps/details?id=com.mattel.MCSMMC&hl=fr 16http://brainitongame.com/
17https://code.org/ 18
2). Pour elle, il est important de « juste savoir la logique de fonctionnement des choses parce que la robotique, par exemple, c'est très présent » (Famille 2).
4.1.8 Fournir un espace d’échange. « Enfin, la huitième fonction mentionnée ici se
fixe comme objectif de permettre aux élèves d’apprendre en communiquant. L’ordinateur (ou tout autre appareil informatique) peut avoir le rôle de mémoire collective, de point de fixation du dialogue et de l’action, de représentation des éléments de la discussion ou encore de médium de communication » (De Vries, 2001, p. 111).
Chez la famille 1, la mère a dit que sa « fille aînée a fait partie d'un forum d’adolescents qui reçoivent l'enseignement à domicile (…). Elle y allait souvent quand elle était plus jeune (…) [puisque] vous avez besoin, du moins pour mes enfants, des interactions avec des amis » (Famille 1). Pour cette même famille, un enfant a déjà été « intéressé par le Japon pour quelques années et il y avait une famille qui faisait l'école à la maison et qui vivait au Japon, ils [leur] ont envoyé des choses en provenance du Japon (…) puisque c'est ce que l'Internet vous permet de faire; de se connecter avec ces personnes » (Famille 1). Un autre exemple d’utilisation des TIC pour fournir un espace d’échange est lorsqu’un artiste professionnel anglais a communiqué par courriel avec son garçon afin de discuter de dessin avec lui.
4.1.9 Synthèse des fonctions pédagogiques des TIC utilisées. À partir des données
recueillies, on constate que l’utilisation des TIC ne se limite pas à une seule fonction pédagogique. Lorsqu’elles servent à présenter de l’information, elles peuvent être utilisées aussi bien en mathématiques qu’en français. Toutefois, il n’est pas garanti que les ressources disponibles suivent les recommandations du curriculum d’études. S’ils le désirent, les parents-éducateurs peuvent avoir accès à des ressources qui ont été approuvées par le ministère de l’Éducation, mais celles-ci ne sont toujours gratuites, ce qui peut rebuter ceux et celles qui cherchent à diversifier les ressources utilisées afin de varier la manière dont les notions sont présentées à leurs enfants. Également, des exerciseurs en ligne ou sous la forme d’applications mobiles sont utilisés. Ceux-ci, en plus de permettre de faire un rappel des connaissances, et ce, parfois de manière ludique, offrent de la rétroaction en aide à l’apprentissage. Tout comme les jeux éducatifs, les exerciseurs ont l’avantage de capter l’attention et de susciter la motivation des enfants puisqu’ils offrent des défis. Sinon, on a pu aussi remarquer qu’il devient possible, lorsqu’un enfant atteint un certain âge, d’avoir accès
à des formations, ce qui est une forme d’utilisation des TIC en remplacement d’un enseignement qui pourrait être donné par un humain. Également, d’un point de vue pédagogique, les ressources utilisées fournissent parfois à la fois un environnement pour la découverte de lois naturelles (p. ex., la gravité) ou de domaines abstraits (p. ex, la programmation informatique) en simulant une partie de la réalité puisqu’elles permettent de reproduire virtuellement ce qui pourrait être fait à l’aide d’outils traditionnels (crayons, gomme à effacer, etc.) ou de représenter des éléments auxquels les parents-éducateurs n’ont pas nécessairement accès (p. ex., l’image d’un atome qu’il est possible de manipuler). Finalement, les TIC peuvent être utilisées afin d’accéder à des espaces où les parents- éducateurs ou les enfants peuvent entrer en contact avec des personnes-ressources venant des quatre coins de la planète. Toutefois, pour les enfants instruits à la maison, cette utilisation ne semble présente qu’à partir du moment où les parents jugent qu’ils sont assez âgés pour être capable d’en faire une utilisation mature et sécuritaire.