• Aucun résultat trouvé

Les thiols et leur adsorption sur l’or

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 155-161)

4.3 Etat de l’art

4.3.1 Les thiols et leur adsorption sur l’or

L’atome de soufre

Le soufre, de symbole S et de numéro atomique 16, est un chalcogène de confi-guration électronique [Ne]3s23p4. Cet atome possède une couche p nécessitant deux électrons afin d’être remplie, expliquant sa tendance à capter deux électrons ou à for-mer deux liaisons covalentes afin de saturer sa couche de valence.

La liaison Au-S

La liaison entre un atome de soufre et un atome d’or, dont la longueur a été mesurée par spectroscopie optique (2.156 Å) [2], est une interaction robuste [3], très fréquemment utilisée comme lien entre des molécules organiques et des surfaces d’or.

L’intensité de la liaison entre le soufre et l’or (énergie de liaison de 3.1 eV) est compa-rable à celle entre deux atomes d’or, induisant des modifications parfois drastiques de la surface [4]. Elle est extrêmement étudiée pour des applications dans des domaines comme la catalyse [5, 6], l’électronique [7] ou encore la médecine : complexes nanoparti-cules d’or/molénanoparti-cules organiques pour la vectorisation [8–10], l’antibiothérapie [11–13], etc...

Il est aujourd’hui considéré que la liaison Au-S s’effectue majoritairement par dépro-tonation d’un groupement RSH, menant à un atome de soufre adsorbé divalent RSAu (cf. figure 4.6). La liaison sans déprotonation s’effectuant via le doublet libre restant sur l’atome de soufre et menant à un soufre trivalent RSHAu, est moins favorable.

Figure 4.6 – Configuration d’un thiolate lié à un atome d’or optimisé en DFT (VASP - GGA). Les atomes sont représentés via leur sphère de van der Waals.

Adsorption du soufre atomique

Le soufre atomique s’adsorbe préférentiellement en position Hf cc et Hhcp sur la surface Au(111) selon l’étude DFT [14]. Au contraire des espèces comme les thiolates qui s’adsorbent dans des positions Br (cf. section suivante), l’atome seul préfère les sites maximisant sa coordination. Selon les auteurs de l’étude, ceci peut s’expliquer par l’EMS (pour effective medium theory [15]). Cette théorie décompose l’énergie d’adsorp-tion d’un atome en deux termes, l’un correspondant au gain d’énergie dû à l’inserd’adsorp-tion de l’atome dans le nuage électronique de la surface, le deuxième terme correspondant à la répulsion électrostatique. Le meilleur point entre ces deux termes se trouve pour des sites hautement coordonnés.

Adsorption du méthanethiolate sur les surfaces d’or

Un grand nombre d’études DFT portant sur l’adsorption deSCH3 ou de (SCH3)2

et sur la déprotonation de HSCH3 sur la surface d’or Au(111) a été rapporté dans la littérature. Des études systématiques ont permis de déterminer des points remarquables de la surface d’énergie potentielle d’un groupement SCH3 adsorbé sur de l’or. Ces résultats sont regroupés dans le tableau 4.3. L’adsorption de la molécule sur un site d’adsorption top est visiblement moins favorable que sur les autres sites étudiés, i.e.

Brf cc, Hf cc, Hf cc, Br et Brhcp. Ces résultats de simulation ne sont pas en accord avec les conclusions expérimentales [16, 17], qui démontrent une adsorption préférentielle sur un site top. Une étude ultérieure combinant microscopie à effet tunnel et DFT [18]

positionne le soufre autour de la position bridge (cf tableau 4.3 et figure 4.7). Cette disparité de résultats peut s’expliquer par la reconstruction de la surface (111) [19], ainsi que par des effets d’encombrement stérique [20], ou encore par l’importance de la dispersion à haut taux de couverture [21] .

L’étude [22], dans laquelle l’adsorption du méthanethiolate est étudiée en fonc-tion du taux de couverture, met en évidence que l’énergie d’adsorpfonc-tion est faiblement dépendante du taux de couverture lorsque le groupement est situé en position Br, contrairement au site Hf cc. Il est cependant important de noter que cette étude ne prend pas en compte les effets de dispersion importants pour ce type de simulation.

4.3. Etat de l’art 155 Une autre étude [23] confirme le fait que le site d’adsorption Br est le site d’adsorption préférentiel à haut taux de couverture (-0.34 eV) alors qu’à un taux faible, les sites Br et Hf cc sont compétitifs (0.08 eV de différence).

Les simulations en DFT de [24] démontrent qu’à haut taux de couverture, l’ad-sorption de méthanethiolates en présence d’adatomes en position hf cc avec le thiolate attaché en AT est bien moins favorable que l’adsorption directe en position Br (1.28 eV de différence), et ce malgré la présence de l’adatome fortement réactif. La structure où l’atome de soufre fait un pont entre deux adatomes (ABr) est plus favorable de 0.19 eV. Cette étude propose aussi une structure CH3SAuSCH3 avec un adatome d’or et les soufres situés en position top sur la surface. Cette structure est 0.85 eV plus favorable que la structure avec les méthanethiolates positionnés en Br sur la surface.

Ces résultats de simulation permettent d’expliquer les résultats de mesures XSW [25]

qui proposent le même type de structure.

A haut taux de couverture, la prise en compte des effets de dispersion ne peut pas être négligée comme l’indique [21], en particulier concernant l’énergie d’adsorption par molécule qui est sous estimée. Notons que la fonctionnelle utilisée dans cette thèse (optB86b-vdw) surestime fortement la composante de dispersion de l’énergie totale (30 à 40%). Cette étude indique que les simulations de l’adsorption d’alcanethioles incluant les interactions de van der Waals surestiment l’angle de tilt avec la surface d’environ 10 par rapport aux résultats expérimentaux. Un second phénomène intéressant est égalemant quantifié : là où avec PBE, fonctionnelle sans interaction de van der Waals, la longueur de la chaîne et la nature du groupement terminal influent peu sur l’énergie d’adsorption (15% de différence pour les plus extrêmes), la prise en compte de la dispersion donne une variation de l’ordre de 25%.

Pour résumer, et contrairement à la vision simpliste d’une liaison directe avec les atomes de la surface d’or Au(111), deux hypothèses se dégagent à haut taux de couverture. La première propose une répartition des thiolates à la surface selon un arrangement (3×2√

3) des atomes de soufres (en position Br décalée) [18, 22, 26–28]. La deuxième propose une reconstruction de la surface avec présence d’adatomes en (4×2) avec deux thiolates de part et d’autre [16, 17, 22, 29, 30]. A faible taux de couverture, les résultats s’accordent sur le fait que le groupement thiolate est préférablement situé autour d’une position fcc décalée vers le bridge avec un tilt de l’ordre de 50[19, 22, 28, 31–33].

Notons que le mode d’adsorption en fonction du taux de couverture du méthane-thiolate sur les facettes (111) d’autres métaux a également fait l’objet de nombreuses études. On peut citer à titre d’exemple les résultats expérimentaux (émission pho-tonique) de [34] sur la surface de Cu(111), corroborés par les résultats de simulation DFT (Quantum Expresso - PBE) de [35], qui proposent le site Hf cc décalé vers le bridge comme le plus favorable à faible taux de couverture, l’augmentation de la couverture

Table 4.3 – Tableau comparatif des paramètres optimisés de l’adsorption de SCH3 sur la surface Au(111). Lorsque une valeur d’énergie est en gras, cela signifie que c’est la différence d’énergie par rapport à la configuration la plus stable de la référence [38].

Référence Position dS−Au(Å) Eads (eV) Tilt () Type de simulation

[18] T 2.371 -1.49 62.9 VASP - GGA - PW91

menant à une reconstruction de la surface Cu(111). Des résultats comparables sont obtenus lors de l’étude de l’adsorption du méthanethiolate sur Ag(111) (DFT-SIESTA-LDA) [36], les sites Hf cc et Hhcp étant trouvés favorables à bas taux de couverture et une reconstruction de la surface impliquant des adatomes d’argent étant observée à haut taux. L’étude DFT (VASP - PW91) portant sur l’adsorption de thiolates sur la surface (111) des métaux du groupe 10 de la classification périodique des éléments (Ni, Pd, Pt) conclut aussi que l’adsorption en position Hf cc décalée vers le bridge est le mode le plus favorable [37].

La littérature décrivant l’adsorption des thiols sur d’autres surfaces que la (111) est très peu abondante. En ce qui concerne l’or, nous pouvons uniquement citer les études [39], [40] et [41]. Dans la première, l’adsorption de méthanethiolate est étudiée sur les surfaces Au(110) et Au(100) par DFT (SIESTA - GGA) et la position d’adsorption Br est trouvée comme étant la plus stable dans les deux cas. La seconde, combinant imagerie STM et calculs DFT, démontre que la surface Au(100) de l’or recouverte d’al-canethiols ne présente pas de reconstruction, indiquant que, contrairement à la surface Au(111), l’adsorption de molécules avec un groupement thiolate s’effectue directement

4.3. Etat de l’art 157

Figure 4.7 – Illustration des configurations les plus stables de molécule de thiolate sur la surface Au(111) [18].

sur la surface non reconstruite à haut taux de couverture. Enfin, dans la troisième étude, l’adsorption du groupement SCH3 en position Br a été étudiée sur les facettes Au(100) de nanoparticules coeur-coquilles Fe@Au, en fonction de l’épaisseur de la co-quille d’or. Les détails relatifs à ces travaux sont regroupés dans les tableaux 4.4 et 4.5 pour les surfaces Au(100) et Au(110), respectivement.

Adsorption du méthanethiolate sur des clusters d’or

Au delà de l’adsorption sur des sites présentant des atomes sous-coordonnés discu-tée plus en amont de ce chapitre (adatomes et surfaces reconstruites), différents groupes ont étudié les modes d’adsorption de thiols sur des clusters d’or. Une étude DFT

systé-Table4.4 – Tableau récapitulatif des sites d’adsorption d’alcanethiolates identifiés par simulation sur la surface Au(100)

Référence Molécule Position dS−Au(Å) Eads(eV) Tilt () Type de simulation

[39] SCH3 T 2.48 -1.90 42.4 SIESTA - GGA

[39] SCH3 Br 2.47 - 2.46 -2.09 49.0 SIESTA - GGA

[40] SC6H13 Br n/a n/a n/a VASP -optB88-vdw

[39] SCH3 H 2.70 - 2.62 - 2.72 - 2.56 -1.89 3.1 SIESTA - GGA

[41] SCH3 Br 2.42 - 2.42 -2.216 n/a VASP - PBE

Table 4.5 – Tableau récapitulatif des sites d’adsorption du méthanethiolate identifiés par simulation sur la surface Au(110)

Métal Molécule Position dS−Au(Å) Eads(eV) Tilt () Type de simulation

[39] SCH3 T 2.48 -1.90 42.4 SIESTA - GGA

[39] SCH3 Br 2.47 - 2.46 -2.09 49.0 SIESTA - GGA

[39] SCH3 H 2.70 - 2.62 - 2.72 - 2.56 -1.89 3.1 SIESTA - GGA

matique de l’adsorption d’une molécule deH2Ssur de petits clusters d’or 2D allant de 2 à 13 atomes démontre une très forte adsorption. L’énergie d’adsorption (en valeur abso-lue) est plus importante pour les clusters possédant un nombre pair d’atomes d’or, par rapport aux nombres impairs précédents et suivants (Au5<Au4>Au3, Au7<Au6>Au5 etc...), ces derniers possédant un nombre pair d’électrons de valence [42] .

Une étude DFT (Turbomole - B3LYP) portant sur l’adsorption du groupement méthanethiolate sur le clusterAu13conclut que le site d’adsorption privilégié est le site Hf cc (le cluster comporte un H sur ses facettes (100) et Hf cc sur ses facettes (111)), avec une forte distorsion du cluster et des paramètres de liaisons comparables aux études sur les surfaces étendues [43]. Ces indicateurs de flexibilité sont en accord avec l’étude [44] qui démontre la reconstruction de petits clusters d’or lors de l’adsorption d’un thiolate.

De récentes simulations (SIESTA-PBE) explorant les modes d’adsorption du mé-thanethiolate sur un cluster Au55 montrent une nette préférence pour une adsorption par liaison entre le soufre et deux atomes d’or situés sur une arête du cluster [45].

Chemin de réaction de l’adsorption d’un thiolate sur une surface d’or La version communément admise du chemin de réaction menant à un méthane-thiolate adsorbé sur une surface d’or passe par la déprotonation d’une molécule de méthanethiol (HSCH3). Cependant, un chemin de réaction impliquant des complexes CH3SAuSCH3,i.e.impliquant deux molécules de thiol et un adatome d’or, plu-tôt qu’une simple déprotonation d’une molécule de thiol a été proposé dans [46]. Ces auteurs montrent que l’intervention d’une deuxième molécule de thiol abaisse considé-rablement la barrière d’énergie. Cette hypothèse a été corroborée par une étude DFT dans laquelle la barrière d’activation de la réaction de déprotonation d’un thiol a été

4.3. Etat de l’art 159 calculée (0.41eV) [47]. Ces résultats sont en accord avec les hypothèses formulées précé-demment et suggèrent que la réaction d’adsorption de méthanethiolates sur une surface d’or est complexe.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 155-161)