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Mécanismes de résistances

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 46-50)

1.2 Mécanismes biologiques liés à l’antibiothérapie et à l’antibiorésistance . 32

1.2.3 Mécanismes de résistances

Une question que l’on peut se poser en constatant que les micro-organismes pra-tiquent une guerre chimique avec leurs voisins est la manière dont ils arrivent à se

1.2. Mécanismes biologiques liés à l’antibiothérapie et à l’antibiorésistance 45 protéger eux-mêmes des molécules qu’ils produisent. Cela implique une co-évolution des mécanismes de défense avec la production de molécules bactéricides et, comme nous l’avons mentionné précédemment, explique le caractère naturel des résistances.

Ainsi, sous la pression évolutive, les bactéries sont sujettes à des mutations génétiques leur permettant l’expression de mécanismes de défense. Cela explique la présence de gènes de résistances dormant qui se réactivent en situation de stress. A ces résistances dormantes s’ajoutent des résistances se développant lorsque des souches bactériennes sont mises en contact avec un nouvel antibiotique.

Aujourd’hui, trois grands types de mécanismes de résistance sont connus [35] :

— la désactivation de l’antibiotique

— l’évacuation en continu de la molécule d’antibiotique par efflux, ou la modifi-cation de la perméabilité membranaire

— la modification de la cible de l’antibiotique (et sa surexpression)

Il est possible qu’un mécanisme de résistance confère une résistance à plusieurs an-tibiotiques. C’est le cas notamment de l’évacuation par efflux. On parle dans ce cas de résistances croisées. Elles font, elles aussi, partie des causes d’apparition de MDR.

La facilité d’apparition d’une résistance est corrélée avec la simplicité du mécanisme associé. A l’inverse, une résistance peut nécessiter la mutation de plusieurs gènes et ainsi prendre un temps beaucoup plus long. C’est en partie ce qui explique la diversité des temps d’apparition des résistances : comme vu au chapitre précédent, à peine quelques années pour la pénicilline, mais plusieurs dizaines d’années pour la vancomycine (dont la résistance implique la mutation de cinq gènes [71]). Bien entendu, la fréquence et les doses d’utilisation restent les facteurs déterminants de sélection de populations de bactéries résistantes.

Résistances par modification enzymatique de l’antibiotique

Ce mode de résistance a été principalement observé pour des antibiotiques pro-duits naturellement au sein de micro-organismes suggérant que pour ce mode de ré-sistance la durée d’exposition à un antibiotique créé par l’homme n’est pas suffisante pour le développement de résistance au sein de la population bactérienne [35] (quelques dizaines d’années au maximum vs des millions d’années d’évolution). Il s’agit princi-palement de modifier (hydrolyse par exemple), ou d’inactiver (encombrement stérique) la molécule d’antibiotique via une enzyme synthétisée par la bactérie.

Pour donner un exemple concret de ce type de mécanisme et inscrire la discussion dans le cadre de cette thèse, une enzyme responsable de la résistance bactérienne à l’ampicilline est la β-lactamase qui vient l’hydrolyser. C’est le mode privilégié de résis-tance aux antibiotiques de la famille des β-lactames. La réaction chimique impliquée est visible dans la figure 1.30.

Figure 1.30 – Réaction d’hydrolyse du cycle β-lactame par l’enzymeβ-lactamase

Il est important de noter que le gène codant la β-lactamase est parfois dormant au sein de la bactérie et ne s’active que lorsque la présence d’un antibiotique de type β -lactame est détecté , suggérant ici aussi la présence de mécanismes anciens se réactivant en cas de besoin [35].

Un moyen de surmonter les résistances dues aux β-lactamases est d’ajouter au trai-tement antibiotique un inhibiteur de la β-lactamase, inhibant l’enzyme avant qu’elle puisse hydrolyser le cycle β-lactame (par exemple le couple amoxicilline/acide clavu-lanique), ou de créer des antibiotiques β-lactames incompatibles avec lesβ-lactamases connues. Cependant, l’inhibition artificielle de la β-lactamase ne suffit pas car on ob-serve de nouvelles résistances apparaître, rendant inefficace le système couplé antibio-tique + inhibiteur de β-lactamase par modification de la β-lactamase [72].

L’inhibition de l’antibiotique par une enzyme produite par la bactérie n’est pas le seul mode de résistance. Un autre moyen pour la bactérie de se protéger contre l’anti-biotique est de s’assurer qu’il ne rentre pas, ou qu’il soit évacué avant d’atteindre une concentration dangereuse pour la bactérie.

Evacuation par efflux de l’antibiotique

Dans le chapitre sur la biologie des bactéries, nous avons vu que leurs membranes cytoplasmiques possèdent des portes sur l’extérieur permettant le transport de molé-cules. Quand ces portes servent à évacuer une substance, on parle de pompe à efflux.

Les pompes à efflux sont des protéines dont le rôle est d’évacuer les substances toxiques

1.2. Mécanismes biologiques liés à l’antibiothérapie et à l’antibiorésistance 47 se trouvant à l’intérieur de la cellule. Ces pompes se retrouvent dans tous les types de cellules, procaryotes ou eucaryotes. Ces pompes peuvent être spécifiques à une seule molécule ou agir sur un spectre plus large. Chez les bactéries Gram + (ne possédant pas de membrane externe), la pompe consiste en une protéine enchâssée dans la mem-brane cytoplasmique. Chez les bactéries Gram -, l’association de l’imperméabilité de la membrane externe et de transporteurs dans la membrane interne, ainsi que parfois des transporteurs externes acquis par transfert génétique horizontal, explique leur grande résistance naturelle aux antibiotiques [73].

Les analyses ont démontré l’existence de cinq types de pompes à efflux présentes chez les bactéries dont quatre joueraient un rôle dans la résistance aux antibiotiques [74]. Parmi ces quatre pompes, trois fonctionnent via un gradient de proton (gradient d’acidité) [75] alors que la quatrième fonctionne via hydrolyse de l’ATP [76]. Le lec-teur intéressé par une description en détail du fonctionnement de ces pompes pourra consulter les références [75–79].

Comme beaucoup de réactions biochimiques, ces pompes fonctionnent sur le principe de reconnaissance de cible puis de modification conformationnelle afin d’induire un mouvement. Pour illustrer ce propos, on peut voir sur la figure 1.31 un exemple d’une partie d’une pompe à efflux (protéine TolC chez E. coli) en mode fermé et ouvert.

Figure 1.31 – Représentation de la protéine TolC de E. coli en mode ouverte et fermé [79]

Modification de la cible de l’antibiotique

Le dernier mécanisme de résistance aux antibiotiques est la modification de la cible de l’antibiotique par mutation spontanée, ou par acquisition d’une séquence ADN via transfert horizontal. Vis-à-vis des antibiotiques ciblant la réplication de l’ADN, une simple modification de quelques bases azotées peut permettre à la bactérie de survivre. Notons que la méthylation de bases azotées de l’ADN [80] ou d’un site du ribosome [81] a été déterminée comme étant un mécanisme de résistance contre les antibiotiques bactériostatiques empêchant la réplication d’ADN. Il est aussi possible qu’une surexpression de la cible permette de la maintenir à un taux suffisant à assurer sa fonction au sein de la cellule.

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