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4.5 Conductivité thermique

4.5.1 Thermographie IR micro-Raman intégrée

Les toutes premières mesures visaient à évaluer les propriétés thermiques de la brasure dans une configuration réelle. Elles ont été réalisées au laboratoire CDTR de l’université de Bristol et ont été effectuées en tout début de l’étude, avant que l’optimisation du procédé de brasage soit réalisée, que l’influence des différents paramètres soit étudiée et que le brasage se fasse en salle propre chez Thales Alenia Space.

Des puces hyperfréquence UMS GH50 pouvant développer une forte densité de puissance, et nécessitant par conséquent une bonne dissipation thermique, ont été brasées sur des substrats composites à base d’argent et de diamant développés par Plansee. Ces substrats possèdent une conductivité thermique autour de 600 W/m.K [142], qui est donc largement suffisante et ne peut pas limiter la dissipation thermique des puces. Les substrats ont été choisis avec deux finitions différentes : l’une avec et l’autre sans métallisation cuivre sous la couche d’or. D’autre part, l’importance de la pression mécanique a été évaluée en brasant les puces avec une pression de 5 bars ou bien sans pression.

Les conditions de réalisation des échantillons sont définies dans le Tableau 19. L’aspect des substrats et des puces est présenté sur la Figure 86.

Tableau 19. Echantillons utilisés pour les mesures thermiques par thermographie infra-rouge micro-Raman

Echantillon S1P0 S1P5 S2 P0 S2P5 Conditions expérimentales Substrat métallisé Cu sous Au Substrat métallisé Cu sous Au Substrat nu Substrat nu

Figure 86. Les substrats (a) et les puces (b) utilisées, observées sous une loupe binoculaire. La partie grisée sur le transistor représente la partie active (fragile) de la puce. La pression pourra être appliquée sur les bords

uniquement.

Sur chacun des deux types de substrats, plusieurs gouttes de la suspension d’oxalate d'argent ont été déposées. Après la phase de séchage, les puces ont été positionnées sur les emplacements choisis. La pression était exercée en plaçant un outil d’épaisseur 1 mm sur les bords de la puce, tout en laissant libre la partie active (Figure 87). Les échantillons ont ensuite été recouverts d’une plaque de verre sur laquelle était placé un poids calibré de 100 g, puis brasés sous azote.

Figure 87. Substrat avec puces brasées. (a) montre l’emplacement du poids entre deux substrats, (b) montre une vue rapprochée d’un substrat avec deux puces.

Juste avant les mesures thermiques, les puces sont câblées au fil d’or de 25µm de diamètre. La Figure 88 montre une puce brasée et câblée sur le substrat en argent diamant et la Figure 89 l’aspect de la brasure.

Figure 88. Cliché MEB d'une puce GaN brasée sur un substrat en argent-diamant (AgD) au moyen d'argent poreux.

L’échantillon était fixé par aspiration sur le plateau d’analyse, où il était mis en fonctionnement au moyen de deux électrodes. Un système de refroidissement à l’eau était utilisé comme référence de température.

Les échantillons S1P0 et S2P0 ne présentaient pas une tenue mécanique suffisante : les assemblages

n’ont pas survécu au transport, ce qui montre que l’application de la pression mécanique est indispensable. Par conséquent, seuls les échantillons S1P5 et S2P5 ont pu être mesurés.

Les thermogrammes IR réalisés sur les puces ont montré une répartition homogène de la température au niveau du canal, ce qui veut dire que la brasure a donc été réalisée de façon uniforme et ne présente pas de vides (Figure 90).

Figure 90. Thermogramme IR de la puce S2P montrant une bonne homogénéité thermique au niveau du canal

Les mesures par spectroscopie micro-Raman ont été réalisées en faisant varier le point de polarisation des puces et en mesurant leur température et l’énergie dissipée. Les mesures ont été effectuées en courant continu.

La Figure 91 et la Figure 92 représentent l’évolution de la température en différents points du transistor (doigt central et doigt extérieur) en fonction de la puissance dissipée. Elles permettent de comparer les mesures faites sur les échantillons S1P5 etS2P5 avec des mesures antérieures effectuées

par le laboratoire sur les mêmes puces et substrats assemblés par l’or-étain. De cette manière, on pourra comparer les résultats et s’affranchir des difficultés d’étalonnage, inhérentes à toutes les méthodes de mesures thermiques. L’échantillon S2P5 a été mesuré jusqu’à une puissance dissipée de

Figure 91. Evolution de la température de l'échantillon S1P5 en fonction de l'énergie dissipée: mesure effectuée

sur une zone centrale (a) du transistor et une zone située en périphérie (b)

Figure 92. Evolution de la température de l'échantillon S2P5 en fonction de l'énergie dissipée: mesure effectuée

sur une zone centrale (a) du transistor et une zone située en périphérie (b).

Ces résultats mettent en évidence un abaissement de 10% en température par rapport aux brasures réalisées à l’or-étain. La valeur de la conductivité est obtenue par des simulations thermiques, en tenant compte de toutes les contributions (expansion thermique, contrainte piézo-électrique) et avec la conductivité de la couche de brasure comme seule inconnue. Nous avons obtenu une valeur d’environ 100 W/m.K., pour une épaisseur de brasure de 30 µm, ce qui confirme l’intérêt de la brasure.

4.5.2 Mesure de conduction à l’état stationnaire

Figure 93. Echantillons utilisés pour les mesures de conductivité thermique.

Pour ces mesures, également réalisées au laboratoire CDTR de l’Université de Bristol, huit échantillons ont été testés, brasés avec de l’or-étain ou la pâte d’argent (Figure 93). Comme il n’est pas possible de séparer la brasure des substrats pour l’évaluer directement, les échantillons ont été étudiés entre des substrats en Kovar (alliage fer-nickel-cobal) ou en cuivre-tungstène (CuW). La Figure 94 montre l’assemblage multicouche des substrats. Tous les substrats ont été initialement métallisés sur les deux faces. Pour les besoins de l’expérience, les métallisations sur les faces externes ont été enlevées par polissage. Compte tenu de cette réalisation manuelle, les substrats n’ont pas tous la même épaisseur. Les différentes épaisseurs des substrats et des brasures ont été déterminées par profilométrie optique et sont regroupées dans le Tableau 20.

Tableau 20. Numérotation et composition des échantillons et les épaisseurs de différentes couches Echantillon Epaisseur du substrat (µm) Epaisseur de la brasure (µm) Epaisseur total de l’échantillon (µm) 1 - Kovar/AuSn 374 20 779 2 – Kovar/AuSn 376 38 801 3 – CuW/AuSn 281 39 612 4 – CuW/AuSn 280 39 610 5 – Kovar/Ag 376 22 785 6 – Kovar/Ag 370 28 779 7 – CuW/Ag 293 33 630 8 – CuW/Ag 293 25 622

Ces expériences et les calculs associés vont par conséquent déterminer la conductivité thermique de tout ce qui se situe entre les barreaux de cuivre. Pour déterminer la conductivité de la brasure seule, la contribution des autres couches doit être soustraite. Une bonne connaissance des propriétés physiques des matériaux utilisés et la précision de la mesure des épaisseurs sont décisives pour la précision du résultat final. Dans le même ordre d’idées, la pression mécanique appliquée sur les barreaux de cuivre pour maintenir l’échantillon devra être minimale car elle peut induire une compression de l’assemblage et fausser les mesures d’épaisseur.

La couche de graisse thermique (à base de graisse silicone) située entre l’échantillon et les barreaux de cuivre est chargée en microbilles de verre pour maintenir son épaisseur constante et éviter que celle-ci ne s’écoule facilement en dehors de l’assemblage (Figure 95). Les microbilles de verre ont des propriétés diélectriques et une conductivité thermique similaire à celle de la graisse silicone, par conséquent elles n’ont pas un impact significatif sur les propriétés de la couche de graisse si elles sont ajoutées en petite quantité (10% massiques). D’après les informations du fabricant, leur diamètre suit une distribution gaussienne avec 95% des billes situées dans la gamme 63-75 µm. C’est donc la valeur maximale de 75 µm qui imposera la valeur de l’épaisseur de la couche de graisse compte tenu de la quantité de billes (1 par mm2 en première approximation). Pour être sûrs à 99 % de l’épaisseur de la couche de graisse (ou 3 σ vis-à-vis de la distribution gaussienne), on peut considérer que son épaisseur vaut 75 ± 3µm. La conductivité moyenne de l’ensemble est estimée à 1,3±0,1 W/m.K (en appliquant une lois des mélanges entre la conductivité de la graisse thermique et des billes de verre).

Figure 95. Représentation schématique de la graisse thermique chargée en microbilles de verre assurent une épaisseur minimale de l'interface.

De nombreuses simulations ont été réalisées pour déterminer les dimensions optimales des barreaux thermiques. La section de 4 par 4 mm2 est imposée par la taille des échantillons mais la longueur optimale a pu être déterminée.

Une des plus grandes sources d’erreur expérimentale pour ce type de montage est de savoir à quel endroit la température est réellement mesurée. Les erreurs de mesures peuvent être minimisées par la diminution de la taille des thermocouples, l’augmentation de la dimension des barreaux de cuivre, l’augmentation de la surface qui permet de dissiper l’énergie thermique dans l’environnement et l’augmentation de la puissance de chauffe pour amener plus rapidement les interfaces étudiées à la bonne température. Tous ces paramètres sont sources de non-linéarités potentielles car l’approximation d’un système unidimensionnel risque d’être faussée. Les premières simulations thermiques visent à évaluer cette éventuelle perte de linéarité, sans toutefois prendre en compte les pertes par convection avec l’air ambiant.

La Figure 96 montre le résultat de la simulation dans un cas extrême (matériau très peu conducteur avec une conductivité de 1 W/m.K). Les barreaux de 110 mm étaient les mieux adaptés pour minimiser les erreurs de mesure en maximisant la distance entre les thermocouples. Cette figure montre que la majorité de la longueur des barres transfère toujours la chaleur linéairement et est donc adaptée au placement des thermocouples. Le saut de température résultant de la différence des propriétés des matériaux n’est évidemment pas aussi abrupt en réalité et concerne les quelques millimètres centraux, inutilisables pour le placement des thermocouples. Les dimensions choisies des barreaux ainsi que la localisation des thermocouples sont montrées sur la Figure 97. Les thermocouples utilisés sont des 50K Radiale NTC Thermistors, capables de mesurer les températures expérimentales avec une précision de 1%. La pression est appliquée par un système de vis et de ressort et suivie à l’aide d’un capteur.

La chaleur est générée par les chaufferettes insérées dans la base d’un des barreaux en cuivre (Figure 36), la température du point froid est maintenue par refroidissement à eau. Pour cela, l’intérieur de la base est évidé de façon à maximiser les turbulences et donc le transfert thermique. Les thermocouples ainsi que le capteur de pression sont calibrés avant les mesures expérimentales par rapport à des capteurs de référence, ce qui permet de mesurer les erreurs systématiques associées.

Figure 96. Courbe de la température en fonction de la position pour les barreaux de 110 mm sur un support 10 mm, avec la position souhaitable des thermocouples.

Figure 97. Dimensions choisies des barreaux de cuivre et emplacements des thermocouples

Les valeurs des conductivités thermiques déterminées pour chacun des huit échantillons sont présentées sur la Figure 98.

Figure 98. Conductivités thermiques moyennes mesurées pour chaque échantillon (comprenant les substrats et la graisse thermique).

Ces données présentent une corrélation évidente entre le choix d’un substrat et d’une brasure et les propriétés thermiques de l’ensemble : les échantillons ont des propriétés semblables deux à deux. Une différence importante entre les substrats utilisant le Kovar et le CuW provient de la différence de leurs conductivités respectives (17 et 180 W/m.K [54]). Ces résultats ont permis de remonter à la conductivité thermique des brasures seules, en soustrayant la contribution de chaque substrat et en tenant compte des épaisseurs des différentes couches (Figure 99).

La conductivité thermique de la brasure or-étain est mesurée à 15±7 W/m.K et celle de la brasure d’argent poreux à 36±20 W/m.K. Or la valeur bibliographique de la conductivité thermique de la brasure or-étain est de 58 W/m.K et sa mise en œuvre par un procédé qualifié chez Thales Alenia Space rend improbable la présence de défauts majeurs. Il existerait par conséquent dans ce montage expérimental une source d’erreurs systématiques qui n’a pas été prise en compte. La source la plus probable d’erreurs systématiques, tout comme la source d’incertitudes les plus importantes, est l’épaisseur de la couche de graisse thermique.

Cette erreur engendre deux conséquences. La première sur l’épaisseur totale de l’échantillon et la seconde, la plus importante, sur la conductivité thermique de l’échantillon.

Nous avons vu que les microbilles de verre imposent une épaisseur de couche de 75 µm avec une incertitude de ± 3µm. L’effet de cette erreur sera plus ou moins significatif en fonction de l’épaisseur de l’échantillon et peut être très important sur une brasure de 20 µm (la couche de graisse intervenant, de surcroit, deux fois dans l’assemblage).

D’autre part, comme la graisse thermique possède une conductivité beaucoup plus faible et une épaisseur beaucoup plus importante que la brasure, sa contribution à la résistance thermique globale sera importante, d’après la loi de Fourier (Rth=e/λ). Avec une conductivité thermique de l’ordre de

1,3±0,1 W/m.K, nous obtenons une résistance thermique surfacique de 58±7 mm2.K/W pour chaque couche de graisse utilisée. La résistance thermique de la couche de brasure seule (obtenue par soustraction de la contribution des autres couches) se situe entre 1 et 4 mm2.K/W. L’erreur sur la résistance thermique surfacique de la couche de graisse est donc bien plus importante que cette valeur et les valeurs expérimentales mesurées pourraient être considérablement plus hautes, voire cohérentes avec les résultats bibliographiques mais avec des barres d’erreur extrêmement grandes. Cependant, la Figure 99 montre que les écarts entre les résultats pour les différents échantillons ne sont pas aussi importants et donc que l’erreur induite par la mesure d’épaisseur de la graisse est probablement surestimée.

Une dernière source d’erreur systématique pourrait être la taille des microbilles, si leur distribution ne suit pas une loi gaussienne ou si moins de billes sont nécessaires pour fixer la valeur de la couche de graisse thermique.

La difficulté pour déterminer la valeur de l’erreur systématique dans ce montage nous oblige à considérer les valeurs obtenues de façon comparative uniquement. Celles-ci semblent indiquer que la brasure d’argent serait environ deux fois plus conductrice que la brasure or-étain, ce qui représente un intérêt considérable pour une utilisation en tant que matériau de report dissipatif.

4.5.3 Mesure de conductivité thermique par caméra infra-rouge

Figure 100. Aspect et épaisseur des différentes couches sur les échantillons de cuivre tungstène

Pour ces mesures, réalisées par la plateforme Fahrenheit, une première campagne réalisée par laser flash sur 4 assemblages identiques d’alumine dorée et chromée (pour minimiser le phénomène de réflexion) a donné des résultats extrêmement dispersés (conductivités thermiques entre 5 et 120 W/m.K) et non reproductibles. Dans un second temps, les mesures réalisées à l’aide d’un dispositif à caméra infra-rouge sur des échantillons symétriques en cuivre-tungstène (Figure 100.) ont donné des résultats extrêmement bas (toutes les valeurs de conductivité thermique, y compris celle de l’or- étain étant inférieures à 7 W/m.K) avec un bruit de mesure relativement important qui rendait les mesures difficiles à interpréter, même de manière comparative. Ces échantillons ont été réutilisés pour des essais mécaniques.