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1.3 Oxalate d’argent

1.3.4 Mécanisme de décomposition de l’oxalate d’argent en atmosphère neutre

L’oxalate d’argent se présente sous forme d’une poudre cristallisée, capable de se décomposer dans une réaction exothermique avec une enthalpie standard de- 122 kJ/mol ou - 402 J/g (à 25°C, 1 bar) [95], permettant la libération de CO2 gazeux et aboutissant à la formation d’un réseau d’argent

poreux : ) ( 2 ) ( ) ( 4 2 2C O s 2Ag s 2CO g Ag   (19)

Dans ce qui suit, nous nous intéresserons à la décomposition de l’oxalate d’argent en milieu neutre. D’après la classification de Boldyrev, la décomposition des oxalates d’argent appartient au 3ème

type des cas caractérisés par des oxalates produisant un métal à l’état solide et du CO2 gazeux. Elle

s’applique par exemple, à des métaux tels que Co, Ni, Cd, Sn et Pb.

La décomposition de l’oxalate d’argent peut être provoquée par différentes formes d’énergie. La décomposition thermique (ou thermolyse) ainsi que la décomposition par irradiation aux ultra- violets (photolyse) ont été les plus fréquemment étudiées. L’exposition aux rayons X, à un faisceau d’électrons accélérés, à un faisceau de neutrons ou au rayonnement gamma peut également décomposer l’oxalate d’argent.

L’activation mécanique favorise de façon notable la décomposition thermique, et l’augmentation de la surface spécifique de la poudre ne peut, à elle seule, expliquer cet effet. Il a été montré que l’activation mécanique augmentait le nombre de défauts dans les cristaux d’oxalate, ce qui résultait en une accélération de la réaction dans le vide et pouvait modifier le mécanisme de la décomposition dans l’air de façon à former une proportion d’oxyde d’argent [94].

Le mécanisme réactionnel de la décomposition thermique dépend de toute l’histoire des oxalates d’argent: la méthode de synthèse, le stockage, les traitements chimiques, l’exposition aux radiations, les actions mécaniques et le milieu réactionnel [94], [95].

La réaction de décomposition a été étudiée par une grande variété de techniques. Ainsi, les mesures de la quantité de gaz formé, de la variation de la pression réactionnelle et de la perte de masse, ont été utilisées pour étudier les propriétés cinétiques globales. Elles ont montré qu’après une période d’induction de durée variable, la vitesse de la décomposition augmentait jusqu’à atteindre un maximum, puis diminuait [117]. L’allure de la courbe de décomposition présage d’une réaction en chaîne auto-catalytique [107], [117], [118].

Les méthodes telles que le suivi de la conductivité électronique, du spectre d’absorption, de la constante diélectrique et du spectre de résonance paramagnétique ont été employées dans le but de mieux comprendre les différents stades de la thermolyse [94]. Dans ce qui suit, on appellera « nuclei », par abus de langage, les amas d’atomes supérieurs à la taille critique, pour décrire la formation et la croissance de l’argent à la surface des particules d’oxalate.

Les premières études notables du mécanisme de la décomposition de l’oxalate d’argent ont été faites par MacDonald [118]. Ce dernier a suivi la réaction de décomposition sous microscope optique en chauffant la poudre et en observant l’évolution de sa couleur. Il a supposé que la décomposition se faisait par germination et croissance des nuclei mais n’a pas réussi à les observer. Ces résultats ont été confirmés par Tompkins [107], puis Griffith [113] dont l’étude cristallographique a montré que les nuclei devaient être de structure cubique face-centrée. Branitsky [96] a également confirmé les observations de Griffith, après étude des aspects structuraux et morphologiques des décompositions d’oxalate par apport de chaleur, lumière ou réduction par l’hydroxylamine. Il a pu mettre en évidence, par la technique de l’ombrage réplique et observation au microscope optique et au microscope électronique à balayage (MEB) des échantillons chauffés à une centaine de degrés pendant plusieurs heures, que la décomposition était observables essentiellement sur les arêtes des cristaux et les défauts de surface (par exemple, à proximité des sites où les dislocations arrivent en surface [118]). Le nombre de nuclei (ou germes) augmentait graduellement avec le temps. Par la suite, Young a montré par des estimations cinétiques que de nouveaux nuclei résultant de la décomposition thermique peuvent se créer au voisinage de leurs homologues formés précédemment [119], ce qui donne des agrégats en « essaim ».

Les observations de Branitsky ont été confirmées par les travaux de Leiga [120], [121] qui a utilisé la méthode d’ombrage réplique pour récupérer les régions sombres, aléatoirement distribuées sur les particules d’oxalate en cours de décomposition. Il a montré par diffraction électronique que ces régions étaient constituées d’argent cubique face centré et a mis en évidence une autre phase d’argent avec des paramètres cristallins différents. Cette dernière est considérée comme de l’argent métastable possédant une haute activité catalytique.

D’un point de vue cristallographique, lorsque la décomposition thermique a commencé, la corrélation entre sa vitesse et la quantité d’ions interstitiels, décisive aux premiers stades pour l’affaiblissement de la liaison C-C [112], disparaît [94]. Une des hypothèses avancée pour expliquer ce phénomène est que, lorsqu’il existe déjà une interface argent-oxalate, une transformation topotactique et une croissance épitaxiale de l’argent est possible [106].

En s’appuyant sur les observations de MacDonald [118] par microscopie optique, Finch [110] a tiré plusieurs conclusions à partir d’estimations purement cinétiques. Ainsi, ses calculs ont confirmé que

l’oxalate d’argent possédait un arrangement en feuillets. En modélisant l’effet de la pré-iradiation, il a trouvé analytiquement que celui-ci était indépendant de la température, que la pré-radiation augmentait la quantité de nucléi en surface et que la méthode de préparation affectait la vitesse de croissance associée au branchement mais pas l’énergie d’activation correspondante. Ce dernier résultat est à relier à l’hypothèse de MacDonald, qui avait supposé que la réaction de décomposition suivait suivait un mécanisme de branchement, c’est-à-dire qu’elle se propageait de façon bidimensionnelle.

Finch a également montré que la nucléation et le branchement étaient tous les deux provoqués par le même type de défauts, comme des dislocations. Le branchement était alors déterminé par la présence de défauts et n’était pas une voie de réaction alternative d’énergie d’activation plus basse. En revanche, la présence d’amas de lacunes anioniques d’énergie plus basse a pour effet de favoriser la formation de nucei. De ce fait, dans un solide désorganisé (par exemple fraichement préparé par mélange rapide de solutions de réactifs), avec un grand nombre de dislocations, le branchement est prédominant et la décomposition suit une loi exponentielle. Dans le cas d’un sel vieilli, où le branchement est faible, la contribution de la création de nuclei sur les lacunes anioniques n’est plus négligeable et peut même contrôler la cinétique.

Ces conclusions ont par la suite été confirmées par Haynes [122] qui a montré que dans le cas de cristaux fraichement préparés, obtenus à haute sursaturation (par exemple, en mélangeant rapidement les solutions de réactifs), la vitesse de la réaction était mieux modélisée par une fonction exponentielle car le développement des nuclei se faisait surtout sur des défauts linéaires aléatoirement distribués (dislocations). Dans le cas de cristaux âgés, les défauts s’organisent ou disparaissent avec le temps et la réaction suit alors une loi en puissance [94].

Des similarités entre les mécanismes de la décomposition des oxalates d’argent sous l’effet de la température et sous l’effet des UV ont été mises en évidence. Ainsi, la photolyse des oxalates d’argent a été décrite par Naumov [106]. Un cristal d’oxalate d’argent de grande taille a été exposé à un rayonnement UV diffusé de manière uniforme. Après 10 min d’irradiation, on observe l’extinction des faces 421 et 253 , repérées sur la Figure 18. Après 20 min d’irradiation l’extinction se poursuit des extrémités du cristal vers le centre avec formation d’un miroir d’argent mais sans perte de transparence. On observe un changement de couleur qui devient brun pale dans les directions de 011 à 110 et 01 à 11 0 . Entre 40 et 60 min, la couleur devient de plus en plus foncée 1 sans changement de sa distribution. A 90 min le cristal devient entièrement opaque et revêtu d’un miroir d’argent. Aucun changement de paramètre de maille et des intensités des pics n’a été constaté durant la décomposition, ce qui amène l’auteur à penser que celle-ci n’excède pas 2% en volume et a lieu uniquement en extrême surface. On pourrait également supposer que celle-ci est plus avancée et qu’il existe un biais provenant de la différence de volume des deux phases : le volume important de la phase oxalate non décomposée (par rapport à celle de l’argent), donne les mêmes clichés de diffraction malgré une fraction volumique faible.

Lors de la combinaison de plusieurs sources d’énergie, comme c’est le cas lorsque les particules d’oxalate sont manipulées à la lumière visible avant d’être décomposées thermiquement, il a été

montré que la lumière visible a pour effet d’accélérer la décomposition thermique de l’oxalate d’argent, en diminuant la période d’induction de la réaction [117].