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3.1 Mécanisme de la décomposition thermique

3.1.3 Maintiens isothermes

Comme la réaction de décomposition est rapide et très exothermique, il n’était pas possible de faire un grand nombre d’arrêts par refroidissement pour observer les étapes intermédiaires. Pour étudier de façon plus détaillée le déroulement de la décomposition, nous avons procédé par maintien isotherme sous air des échantillons à des températures différentes pendant une durée très longue (10 h). Cette méthodologie a permis de mieux séparer les différents stades de la réaction, en déconvoluant les phénomènes qui se produisent de façon quasi-simultanée pendant un chauffage continu. En dessous de 90°C l’aspect de l’échantillon reste uniforme. Entre 90 et 160°C chaque échantillon a été transformé par un maintien isotherme. Les images MEB correspondantes sont présentées sur la Figure 54.

Figure 54. Evolution de l'aspect des particules des échantillons LE09 au cours de leur décomposition thermique entre 90 et 160°C avec un maintien isotherme de 10 h à chaque palier.

Dans ces conditions, les premiers phénomènes visibles apparaissent autour de 90°C. Des nanoparticules sphériques sont créées essentiellement sur les arêtes des particules et les défauts de surface. Les nanoparticules en forme de « fer-de-lance » deviennent visibles à partir de 110°C. Cette migration de l’argent vers la surface des particules entraîne l’effondrement de la structure de l’oxalate à partir de 120°C. L’argent formé continue à grossir et fritter progressivement jusqu’à 150°C et au-delà pour former un réseau d’argent organisé autour des porosités de taille micrométrique. Remarquons que les nanoparticules formées ne se trouvent à aucun moment à l’état « libre ». Le frittage commence alors qu’elles sont attachées aux régions non décomposées des particules d’oxalate et la manipulation du matériau, même en cours de décomposition, ne présente pas de risque éventuel de toxicité pour l’opérateur.

La décomposition de l’oxalate d’argent est bien documentée dans la littérature, cependant il semble que c’est la première fois que ce processus soit illustré par microscopie électronique, avec mise en évidence de nanoparticules d’argent distinctes et bien localisées. A notre connaissance, les seules images publiées proviennent des travaux de Leiga [121] et mettent uniquement en évidence des hétérogénéités de contraste et d’aspect de la surface des particules (les observations ayant été probablement limitées par la résolution de la microscopie électronique à l’époque de ses recherches).

Au-dessus de 160°C, l’échantillon est entièrement composé d’argent métallique après 10 h de maintien (tout l’oxalate a été consommé). Le frittage et la compaction du réseau d’argent se poursuivent et sont d’autant plus marqués que la température est élevée.

Ceci est illustré sur la Figure 55 qui montre l’évolution de l’aspect du réseau d’argent lors d’un chauffage de l’échantillon LE09 à 20°C/min jusqu’à 300 et jusqu’à 500°C. Nous observons que les particules d’argent qui constituent le réseau poreux sont environ 4 fois plus volumineuses dans le cas d’un chauffage jusqu’à 500°C, que dans le cas d’un chauffage jusqu’à 300°C.

Figure 55. Evolution du réseau d'argent entre 300 et 500°C pour l'échantillon LE09 chauffé à 20°C/min

La Figure 56 montre une section transversale d’une particule de l’échantillon LE09 décomposée à 5°C/min jusqu’à 130°C puis refroidie à l’air ambiant. Le temps de maintien à 130°C étant très bref contrairement à celui des images précédentes, il n’était pas possible d’établir une correspondance

avec les états de décomposition présentés sur la Figure 54. Une observation microscopique préalable a montré que cet échantillon était au début de sa décomposition et que son aspect externe était similaire à celui des particules de la Figure 48 et la Figure 49. Après l’observation microscopique, les particules ont été encapsulées dans une résine époxy, puis, après une étape de polymérisation à 50°C, des échantillons ont été découpés en fines lamelles par microtomie. Une particule coupée quasi-perpendiculairement à son axe principal est présentée sur la Figure 56. L’orientation cristallographique a été repérée visuellement et grâce à une forme aciculaire bien définie du cristal.

Figure 56. Cavités observées dans une particule d'oxalate partiellement décomposée à 130°C

Cette image met en évidence la présence de nombreuses cavités à l’intérieur de la particule alors que la décomposition thermique semble encore à un stade très peu avancé sur les faces externes (Figure 48et Figure 49). Cette observation suggère que la décomposition commence au cœur de la particule pour ensuite atteindre sa surface. Ces cavités semblent être orientées selon deux directions différentes : les plus larges selon l’axe [100], parallèle à l’axe principal de la particule et les plus petites selon la famille d’axes cristallographiques <011>.

L’aspect et la taille des plus larges cavités peuvent être reliés à l’aspect et la taille des nanoparticules en forme de « fer-de-lance » sur la Figure 48. Ces plus grosses nanoparticules sont orientées dans la même direction [100] de la particule et pourraient être formées par agrégation d’argent, qui migre dans les interstices créés pour remonter à la surface.

Les plus petites nanoparticules de forme sphérique apparaissant sur les arêtes et les faces de la Figure 48, pourraient être le résultat de la migration de l’argent perpendiculairement à l’axe de la particule, dans les canaux plus petits également créés par la décomposition [106], [112].

Les observations ci-dessus sur la taille et l’orientation des cavités peuvent être reliées aux travaux de Naumov [106]. En effet, son étude de la structure cristallographique de l’oxalate d’argent a montré que sa structure particulière dans la direction [100] pourrait faciliter la diffusion des ions argent. De plus, l’arrangement hexagonal monocouche (“hexagonal one-layer packing”) des ions

oxalate suggère qu’il existe également un chemin de diffusion préférentiel pour les ions argent dans les directions <011> ou, en d’autres termes, orthogonalement aux faces cristallographiques {011}. Cette dernière possibilité n’est cependant pas la solution préférentielle d’après la Figure 20, la voie la plus facile pour la migration de l’argent était la direction [100]), ce qui peut expliquer un « flux » plus faible d’argent créant les nanoparticules sphériques (et donc une cinétique plus faible) et la formation de canaux plus fins dans cette direction.