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La thermographie infrarouge (thermographie IR ou TIR) est une méthode plein-champ qui permet de mesurer et de visualiser en temps réel et sans contact la température sur la surface d’un objet. Utilisée en contrôle non-destructif, elle permet d’afficher les différences de température d’un matériau ou d’un assemblage provoquées par des discontinuités internes. La conductivité thermique des matériaux composites étant en moyenne assez faible, les thermogrammes de structures composites se mettent relativement lentement à l’équilibre, ce qui rend possible la distinction des singularités dues aux défauts.

La TIR peut être passive ou active. Dans le premier cas, ce sont les profils de température sous conditions environnementales naturelles qui sont considérée. La technique passive peut être utilisée pour visualiser l’endommagement d’un système s’il s’accompagne d’une dissipation thermique. En thermographie active, la structure est soumise à une source de chaleur additionnelle dont les caractéristiques (durée de chauffage, intensité, fréquence…) sont connues, afin d’induire un transfert d’énergie thermique. Plusieurs techniques de CND ou d’END par TIR active ont été développées et sont applicables à l’auscultation des renforcements externes par composites collés. Elles reposent sur une méthode de chauffage pertinente, un mode d’acquisition des images thermiques et un traitement de l’image non trivial.

La thermographie infrarouge pulsée

Dans cette méthode, illustrée sur la Figure 35.a, la surface à inspecter est chauffée pendant un temps 𝜏 relativement court (du flash à plusieurs minutes) à l’aide d’une lampe ou d’une couverture chauffante, et la phase de refroidissement appelée phase de relaxation thermique est enregistrée à l’aide d’une caméra thermique. Des exemples de thermogrammes obtenus pour une surface saine et pour une zone avec défaut sont présentés sur la Figure 35.b.

Figure 35 : a. Principe de la thermographie infrarouge pulsée ; b. thermogramme au droit de deux zones, l’une saine,

l’autre avec un défaut [114].

La plupart des caméras thermiques sont sensibles à des différences de température de l’ordre de 0,1 K. Par ailleurs, l’image thermique peut être améliorée (augmentation du contraste de l’image par exemple) par un traitement de l’image adapté. Enfin, la détection des défauts est généralement assurée par l’œil humain, qui possède un excellent pouvoir de résolution, mais elle peut être automatisée en utilisant des algorithmes de détection [115].

On peut définir le contraste thermique entre la zone avec défaut et une zone saine par l’expression 𝐶𝑇=𝑇𝑇

𝑠𝑎𝑖𝑛− 1. La profondeur du défaut 𝑑 peut alors être estimée à partir de l’évolution temporelle de ce contraste, et notamment à partir du temps 𝑡𝑚𝑎𝑥 où ce contraste atteint un maximum (voir Figure 35.b). Il existe différentes expressions reliant 𝑑 et 𝑡𝑚𝑎𝑥, qui sont plus ou moins complexes et réalistes en fonction des hypothèses adoptées (prise en compte de la non-uniformité et de la durée finie 𝜏 de chauffage entre autres) [116].

La faisabilité de cette méthode pour la détection des défauts de collage dans les assemblages PRF – colle – béton a été maintes fois éprouvée dans la littérature, aussi bien en laboratoire que sur

71 le terrain. Dans [114], Taillade et al. évaluent par TIR la profondeur de défauts artificiels insérés entre trois couches de lamelles de PRFC collés sur une dalle de béton (Figure 36.a) et ont obtenus des valeurs cohérentes avec la configuration géométrique réelle (Figure 36.b). Les images thermiques obtenues, dont le contraste dépend du temps, sont présentées Figure 36.c. La profondeur des défauts 𝑑 est calculée par une méthode itérative.

Figure 36 : a. Corps d’épreuve contenant des défauts contrôlés ; b. position et géométrie des défauts contrôlés ; c. images

thermiques acquises à deux temps 𝒕𝟏 et 𝒕𝟐= 𝒕𝟏+ 50 secondes [114].

La TIR offre également la possibilité de détecter l’apparition de délamination due au vieillissement du système PRFC – colle – béton sous conditions environnementales agressives, comme le démontrent Lai et al. dans [117]. Par ailleurs, d’après Chauchois et al. [118], la TIR pulsée, lorsqu’elle est couplée à une méthode de caractérisation de l’impédance thermique, permet d’estimer quantitativement un taux de remplissage de l’interface, paramètre valant 1 si la couche de colle est intègre et 0 si elle est complètement vide de colle.

La TIR pulsée est une pratique répandue sur site, où elle a fait ses preuves en termes de détection de défauts et de délaminations [58], [59], [114]. Un exemple de mise en œuvre est proposé Figure 37. La taille minimale des défauts visible par cette technique dépend de leur profondeur et des caractéristiques (durée, intensité…) du chauffage. Un ordre de grandeur d’environ 10 mm de côté dans des conditions standards peut être annoncé [119]. Toutefois, les résultats obtenus par Lai et al. dans [120] laissent penser que la TIR sous-estime légèrement la taille des défauts (de 6 % dans leurs conditions d’essai). La taille de défaut minimale pour laquelle l’ACI préconise une réparation (13 cm², cf. paragraphe III.2.b) est bien détectable par TIR pulsée.

A noter que la thermographie IR peut également être utilisée en complément des caractérisations mécaniques destructives présentées au paragraphe II.3 pour compléter l’information mécanique. Par exemple, dans deux études de durabilité, Lai et al. font usage de la thermographie IR pour suivre le front de délamination dans un essai de pull-out [121],[122] et dans un « mixed-mode peel-type test » [123]. La combinaison des deux sources d’information leur permet de réaliser une analyse plus fine du vieillissement des éprouvettes.

Cette technique permet donc de détecter rapidement et simplement les défauts sur une structure, ce qui est un avantage important pour les inspections sur site. En revanche, elle est sensible à certains paramètres, comme la non-uniformité du chauffage, mais un post-traitement peut éventuellement être mis en place pour limiter cet effet. Le principal désavantage de la thermographie infrarouge pulsée appliqué à l’évaluation de la profondeur des défauts réside dans la relative complexité du traitement des images.

Figure 37 : Mise en œuvre in-situ de la TIR.

a. b. c.

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La thermographie IR en « step-heating »

La thermographie IR en « step-heating » nécessite de stimuler le système avec des dispositifs de chauffage moins puissants, mais pendant une durée un peu plus longue que lors d’une mesure par thermographie IR pulsée. Les images thermiques sont acquises pendant la phase de chauffage, et un post-traitement est donc nécessaire pour en extraire l’information utile. Dans [119], Brown et Hamilton montrent que cette technique permet de détecter des défauts artificiels. En revanche, l’estimation de leur profondeur nécessite le support d’une modélisation par éléments finis. Les résultats obtenus laissent par ailleurs penser que cette technique est sensible au taux de saturation en résine des PRFC moulés au contact, paramètre qui impacte la durabilité du système [87], bien que cette potentialité nécessite d’être approfondie.

Une comparaison des deux techniques de thermographie en modes pulsé et « step-heating » appliquées à la détection et à la caractérisation de défauts artificiels est proposée par Dumoulin et al. dans [124].

La thermographie modulée ou « lock-in thermography » et la thermographie pulsée de phase ou « Pulse Phased Thermography »

La thermographie modulée ou « lock-in thermography » (LT), nécessite une source de chaleur qui possède une intensité variant sinusoïdalement dans le temps, le maximum de l’intensité étant également plus faible que dans le cas de la TIR pulsée. Un régime stationnaire s’installe dans le système à inspecter, enregistré sur les images thermiques dont l’amplitude et la phase sont extraits. C’est au niveau de cette phase que va être recherchée la signature de défauts. Cette technique présente l’avantage d’être considérablement moins sensible aux réflexions parasites, aux variations d’émissivité de la surface inspectée (pollutions, tâches à la surface…) et aux non-uniformités de chauffage. Par ailleurs, l’évaluation de la profondeur des défauts est plus aisée que pour la thermographie pulsée. En revanche, afin de sonder l’assemblage en profondeur, il est nécessaire de répéter la méthode en balayant plusieurs fréquences, à moins d’avoir une idée préalable de la profondeur du défaut recherché. Un régime stationnaire devant être atteint à chaque balayage, c’est une technique gourmande en temps [125].

La thermographie pulsée de phase ou « Pulse Phase Thermography » (PPT) permet de combiner les avantages de la thermographie pulsée (rapidité de mise en œuvre) et de la thermographie modulée (sensibilité moins importante aux paramètres de mise en œuvre, évaluation plus aisée de la profondeur des défauts). Pour décrire cette méthode de manière synthétique, il convient de souligner que des composantes sinusoïdales sont extraites de la décomposition de Fourier du signal pulsé, auxquelles les techniques d’analyse de la thermographie modulée sont appliqués [125]. Cette technique a été éprouvée par Mabry et al. dans [126] pour la détection de défauts au sein d’un système PRFC (moulé au contact) – colle – béton.

En conclusion, il apparait que différentes techniques de thermographie IR existent, mais que seule la thermographie pulsée est actuellement utilisée sur le terrain pour la détection plein-champ et en temps réel de défauts francs et de délaminations. Son application sur chantier ne nécessite qu’une caméra thermique et un système de chauffage, ce qui constitue un avantage majeur. Elle constitue, en combinaison avec l’inspection au marteau, la première étape d’un diagnostic du collage des renforcements. Cependant, la thermographie IR pulsée présente aussi certains inconvénients. Elle est sensiblement affectée par les conditions environnantes, et les images thermiques peuvent être parasitées par des réflexions, par l’humidité ou par la présence de pollutions sur les surfaces inspectées. Des artefacts peuvent alors subsister malgré le post-traitement des images, amenant l’opérateur à localiser des défauts qui n’existent pas (faux-positifs). De plus, l’estimation de la profondeur des défauts au sein du système repose sur des algorithmes complexes. La technique de thermographie de phase pulsée (PPT) est une voie intéressante pour surmonter ces inconvénients, mais elle nécessite d’être approfondie avant d’envisager une mise en œuvre sur site.

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