• Aucun résultat trouvé

Les techniques ultrasonores (US) sont des techniques de contrôle et d’évaluation non-destructifs avec contact. Elles consistent à injecter des ondes US (ondes mécaniques élastiques) dans un matériau ou un assemblage grâce à un émetteur (E) et de mesurer un signal transmis ou réfléchi à l’aide d’un récepteur (R). Le signal mesuré contient de l’information sur l’intégrité du matériau et sur ses propriétés mécaniques. Très utilisées pour l’auscultation de structures homogènes comme l’acier

75 (notamment pour le contrôle des soudures), ces techniques ont trouvé une application de choix dans l’inspection des structures en composites et des assemblages collés destinés à l’industrie aéronautique et aérospatiale. L’utilisation des ondes ultrasonores pour le CND et l’END du béton est plus récente (15 à 20 ans) et doit encore faire ses preuves [138].

Dans le présent paragraphe, nous dresserons un état de l’art sur l’utilisation des techniques US de détection de défauts francs dans les assemblages composite – colle – béton. La discussion sera prolongée au paragraphe III.4.b où nous aborderons les techniques permettant de remonter aux propriétés mécaniques des matériaux auscultés.

La technique de pulse-écho

C’est l’une des techniques de contrôle par ultrasons les plus courantes. Pour la mettre en œuvre, une onde ultrasonore (de type longitudinal ou transversal) est injectée dans le système composite – colle – béton depuis la surface du composite. Cette onde va être partiellement transmise et réfléchie à chaque interface (composite/colle et colle/béton). Lorsque les matériaux et les interfaces ne présentent pas de défauts, l’onde ne rencontre aucune surface de forte impédance7 (tous les matériaux étant des solides denses dont l’impédance acoustique est du même ordre de grandeur). L’onde est alors transmise jusqu’au béton où elle est rapidement absorbée par diffusion. Dans ces conditions, aucun événement notable n’est visible sur le signal reçu. En revanche, si un défaut caractérisé par une forte impédance acoustique (une bulle d’air ou une délamination impliquant la présence d’une interface solide/air) est présent, une partie conséquente de l’onde ultrasonore va être réfléchie puis captée par le récepteur à la surface du composite. Le principe est illustré sur la Figure 40, dans le cas où l’émetteur joue également le rôle du récepteur, mais il est également possible de travailler en incidence oblique avec deux transducteurs distincts.

Figure 40 : Principe de fonctionnement de la technique de pulse-écho pour la détection de défauts francs dans un

système composite – colle – béton (d’après [139]).

Le signal amplitude vs temps enregistré, lorsque l’émetteur – récepteur (E/R) est en un point donné de la surface du composite, est dénommé A-scan. Si l’E/R est translaté selon une direction, le diagramme d’amplitude en temps – position est appelé B-scan (qui constitue donc une coupe de la pièce). Enfin, si l’E/R est translaté selon deux directions, le diagramme de l’intensité mesurée à une profondeur donnée du système est un C-scan. Par abus de langage, le terme C-scan peut également désigner le diagramme de l’intensité maximale mesurée en profondeur (c’est cette définition qui sera retenue dans la suite).

7 On appelle impédance acoustique la grandeur physique traduisant la résistance d’un milieu à la propagation d’une onde ultrasonore.

Diffusion dans le béton

76

Cette technique est appliquée par Bastianini et al. dans [139] pour détecter des défauts francs à l’interface entre la colle et le béton dans des systèmes de renforcements par PRFC. Les auteurs produisent un C-scan de la surface de cylindres de béton renforcés par trois couches de PRFC, permettant de localiser les défauts artificiels au niveau des zones où l’amplitude du premier écho est la plus importante. Le dispositif expérimental et un exemple de C-scan obtenu sur lequel est par ailleurs indiquée la position réelle des défauts sont présentés Figure 41. On constate que la localisation obtenue par cette méthode est cohérente avec l’emplacement réel des défauts. L’émetteur joue également le rôle du récepteur et le couplage est assuré par un gel destiné à cet usage. Les auteurs préconisent enfin l’utilisation de transducteurs de faible ouverture angulaire pour améliorer la résolution du C-scan. On précisera que la fréquence utilisée par les auteurs n’est pas explicitée dans l’article, mais il est indiqué que l’expérience a été répétée avec succès pour différentes fréquences allant jusqu’à quelques MHz.

Figure 41 : a. Dispositif expérimental pour une mesure en pulse – écho sur un cylindre de béton renforcé par trois couches

de PRFC ; b. C-scan de la surface du cylindre et localisation réelle (rectangles blancs) des défauts artificiels à l’interface colle/béton [139].

Dans [140], Kundu et al. tentent de détecter une délamination artificielle par C-scan sur un bloc de béton renforcé par une lamelle de composite verre – époxy (PRFG). Avec un seul palpeur pour l’émission et la réception, ils obtiennent une image optimale pour une fréquence de 474 kHz, avec toutefois une forte sensibilité de la qualité du scan à des variations de quelques kHz. Seule une partie de la zone volontairement décollée est détectée, et par ailleurs, de nombreuses tâches pouvant être assimilées à des défauts sont elles-aussi détectées à des endroits où n’existe probablement aucun défaut réel (Figure 42). Les auteurs expliquent ces observations par un phénomène d’interférence destructive des ondes réfléchies à la surface du composite et à l’interface avec le béton. Ce phénomène génère des artefacts et peut ainsi conduire facilement à la détection de faux défauts (traduisant en fait des variations d’épaisseur du composite), ce qui limite considérablement l’intérêt de la méthode. Il est légitime de penser que le même phénomène peut se produire avec des PRFC.

D’autres études utilisant cette technique pour la détection de défauts francs peuvent être trouvés dans [141] et [142].

Il est important de souligner que le choix de cette fréquence est cruciale dans les expériences de pulse – écho, comme le soulignent Kundu et al. dans [140]. D’abord, un compromis doit être trouvé entre l’atténuation des ondes (qui augmentent avec la fréquence) et le pouvoir de résolution des défauts (de l’ordre de la demi-longueur d’onde du signal). Il convient donc plutôt de travailler avec des fréquences relativement faibles (en dessous du MHz), car elles seules peuvent se propager à l’intérieur des matériaux composites et des adhésifs époxy. L’atténuation dans le béton est alors forte, car la longueur d’onde devient du même ordre de grandeur que la taille typique des hétérogénéités du

a.

Figure 42 : C-scan des

éprouvettes de béton renforcées par GPRF [140].

77 matériau. Au contraire, le choix d’une fréquence trop faible empêche de distinguer ce qui se passe dans l’épaisseur du composite et de la couche de colle, tous deux de taille alors comparable à la longueur d’onde.

Mais avant cela, il convient surtout de bien maîtriser le type d’onde qui se propage dans le système. En effet, la géométrie des systèmes étudiés et les fréquences de travail sont favorables à la génération d’ondes de Lamb, et il semble donc peu pertinent d’analyser les résultats selon un schéma en pulse – écho. Si cette technique a démontré dans une certaine mesure sa capacité à détecter des défauts francs dans les systèmes PRF – colle – béton, l’attention sera plutôt portée sur les techniques mettant en œuvre des ondes guidées.

Utilisation des ondes guidées

Les ondes de Lamb sont un type d’onde guidée se propageant dans des systèmes de type plaques, qui font office de guides d’onde [143]. Elles correspondent aux modes de résonnance de la plaque, créées par les interférences constructives d’une multitude d’ondes longitudinales et transversales formées par réflexion sur les parois de la plaque (phénomène de conversion de mode). Ce sont des ondes dispersives, pour lesquelles la vitesse de phase est fonction de la fréquence. L’utilisation des ondes guidées pour l’auscultation des systèmes composite – colle – béton est également héritée des pratiques de l’aéronautique.

Ces ondes de Lamb peuvent être utilisées pour la détection de défauts francs, comme le prouvent d’autres résultats de Kundu et al. dans [140]. Les auteurs se placent en configuration à deux transducteurs, et travaillent à des fréquences de l’ordre de 500 kHz. Le couplage est assuré par l’eau, ce qui implique de plonger l’éprouvette et les capteurs dans une cuve. Ce choix est motivé par la nécessité de générer et de recevoir des ondes de Lamb généralisées (« Leaky Lamb waves »), technique permettant de s’affranchir d’une sensibilité trop importante aux variations d’épaisseur du composite. Une première étape du diagnostic consiste à mesurer expérimentalement les courbes de dispersion des ondes pour connaître le contenu modal des signaux. Cette mesure est pratiquée à la fois dans une zone de collage parfait et dans la zone délaminée. Les courbes de dispersion, présentant principalement deux modes ici, se révèlent sensibles à la présence de la délamination comme illustré sur la Figure 43. De plus, après avoir sélectionné un point de fonctionnement sur ces courbes de dispersion, pour lequel la différence entre l’état collé et l’état décollé est la plus importante, les auteurs génèrent un « L-scan » du système

(selon le même principe que le C-scan, mais avec des ondes de Lamb). On constate que l’image obtenue (Figure 43) est bien plus satisfaisante que les C-scan précédents présentés sur la Figure 42, et qu’elle est effectivement moins sensible aux variations d’épaisseur de la plaque de PRFG.

La technique mise en œuvre dans cette étude, bien que permettant effectivement la détection de défauts francs dans l’assemblage, est évidemment impossible à mettre en œuvre sur site, puisqu’elle implique d’immerger le système.

Les acousto-ultrasons

Le terme acousto-ultrasons désigne la méthodologie consistant à envoyer une onde ultrasonore dans la structure et à analyser le signal reçu par une méthode de traitement acoustique. Certains paramètres caractéristiques de la réponse, comme l’amplitude maximale, le temps de montée, le Figure 43 : Courbes de dispersion des modes

de Lamb généralisés se propageant dans le système composite – colle – béton et L-scan

78

nombre de coups ou la durée de la salve, peuvent alors être étudiés de manière systématique, ce qui permet de faire appel à des outils d’analyse mathématiques performants et d’envisager une automatisation du traitement des données.

De cette façon, Chataigner et al. dans [144] s’appuient sur un choix de paramètres caractéristiques des signaux mesurés sur une éprouvette de PRFC – colle – béton pour mener une analyse statistique en composantes principales (dont les détails sont donnés dans [145]). Cette analyse leur permet de déterminer des critères performants pour discriminer des éprouvettes présentant des vides et des délaminations d’une éprouvette saine.

Dans [146], Trovillion et al. travaillent avec des ondes guidées dans des systèmes PRF – béton, et en mesurent les coefficients de réflexion. Sur cette base, les auteurs mettent en place une procédure de détection automatisée des décollements du composite et des fissures dans le béton, dont la faisabilité est démontrée dans une première phase de recherche en laboratoire. Ce traitement automatisé est ensuite implémenté dans un système portatif développé dans le cadre du projet de recherche (FRP – Concrete Inspection System ou FRPCIS), puis mis à l’épreuve lors d’inspections in-situ sur des citernes en béton renforcé par PRFG. Un couplage à sec est assuré par un système de roulettes enrobées d’une matière caoutchouteuse. Une pression relativement constante est appliquée à l’aide de ressorts. Une version avancée de ce dispositif s’avère effectivement capable de détecter des décollements d’environ 6 mm de diamètre, en générant aussi bien des A-scan que des C-scan [147]. Le dispositif portatif PRFCIS et un exemple de C-scan présentant des défauts obtenu lors d’une inspection sur site sont présentés Figure 44.

Figure 44 : Dispositif portatif PRFCIS utilisé lors d’une inspection sur site et exemple de C-scan obtenu, sur lequel on

visualise trois défauts [147].

Les ultrasons non-linéaires

Les ultrasons non-linéaires étudient l’effet des défauts rencontrés sur le trajet d’une onde US en termes de contenu fréquentiel du signal. Cette technique peut faire intervenir des ondes de Lamb. Sans détailler le principe de la méthode, nous signalerons que des travaux s’intéressant aux systèmes PRFG – colle – béton ont été menés, et dont les résultats semblent plutôt concluants [148]. Dans cette étude, la méthodologie utilisée nécessite une fois de plus d’immerger les éprouvettes et ne peut donc être envisagée pour une inspection sur ouvrage.