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a Revue des différents défauts et des facteurs influençant la qualité du collage

Une revue très complète des différents défauts pouvant exister au sein d’un système composite – colle – béton est disponible dans le rapport rédigé par l’équipe de Karbhari pour l’Oregon Department of Transportation [89]. Ces défauts peuvent apparaître à différentes étapes du processus de renforcement, qu’il est possible de diviser en quatre phases :

 Fabrication des matériaux bruts, acheminement et stockage

 Préparation avant la pose

 Installation des renforcements

 Cure

Le Tableau 4 élaboré sur la base du rapport de Karbhari, résume les différents défauts pouvant apparaître pendant ces quatre phases et décrit grossièrement leurs conséquences.

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Tableau 4 : Défauts de fabrication et paramètres pouvant impacter la qualité du collage. I - Fabrication des matériaux, acheminement et stockage

Tissus de fibres, plats pultrudés et pre-imprégnés

Impuretés sur la surface ↘ de l’adhésion, contamination de la résine

Résine époxyde, durcisseur

Pollution en usine (huiles, silicones, solvants, débris)

Modification de la viscosité, initiation de décollement

Pollution en usine (humidité) ↘ de la réactivité du système (amenant à des cures incomplètes), dégratation du produit (gélification, saponification, hydrolyse ou autres réactions chimiques) : diminution des propriétés mécaniques et de la Tg

Matériel périmé (date limite d’utilisation – DLU – dépassée)

↘ de la réactivité du système (amenant à des cures incomplètes), ↗ de la viscosité (moins bonne opérabilité et imprégnation des renforts)

Mauvais stockage (températures trop hautes) Pré-cure de la résine : même conséquence qu’une DLU dépassée Mauvais stockage (humidité) Voir I - Pollution en usine (humidité)

II - Préparation avant la pose

Béton

Présence de fissures largement ouvertes ( > 0,3 mm) non-injectées

Concentration de contraintes et initiation de délamination Présence de cavités non comblées Absence de colle, formation de poches

Ponçage inapproprié de la surface Faible cohésion du support (s’il reste de la laitance par ex), mauvais ancrage mécanique de la résine donc ↘ de l’adhésion de la résine ou au contraire rugosité trop importante (piégeage de bulles d’air ou d’eau, irrégularité de l’épaisseur de colle)

Impuretés à la surface (poussières, graisses, …) ↘ de l’adhésion avec la résine, contamination de la résine Humidité du substrat, humidité à la surface ↘ de l’adhésion + voir I - Pollution en usine (humidité) Température du substrat trop faible par rapport

à celle de l’air

Risque de condensation au niveau de l’interface et donc ↘ de l’adhésion

Mélange résine et durcisseur

Erreurs de stoechiométrie Sous-réticulation (↘ de propriétés mécaniques finales), dégagement de chaleur entrainant un endommagement

Pollution (impuretés, débris, poussières) Voir Pollution en usine (huiles, silicones, solvants, débris) Humidité ambiante Voir II - Humidité du substrat et I - Pollution en usine (humidité)

Sur-malaxage Formation de bulles d’air, ↗ de la porosité (↘ des propriétés mécaniques et vieillissement prématuré)

Sous-malaxage Hétérogénéité du mélange : ↘ des propriétés mécaniques et de l’adhésion et vieillissement prématuré pour les zones sous-réticulées, dégagement de chaleur entrainant un endommagement, présence de zones résiduelles de forte réactivité

Lamelles pultrudées

Mauvais nettoyage Voir I – Impuretés sur la surface

III – Installation des renforcements

Général

Piégeage de bulles d’air

Utilisation de la colle après un temps trop long (Durée de Vie en Pot ou DVP)

↗ de la viscosité (moins bonne opérabilité), ↘ de l’adhésion

Application d’une trop faible quantité de colle Zones d’absence de colle, faible épaisseur de colle (initiation de délamination)

Non-uniformité de l’épaisseur de colle Effets locaux dus à une trop faible épaisseur de colle (initiation de délamination) ou à une trop grande épaisseur de colle (mauvais transfert d’effort)

Fortes températures ↘ de la viscosité (absorption excessive par le substrat donc absence de colle dans certaines zones, moins bonne opérabilité), diminution de la DVP

Moulage au contact

Basses températures ↗ de la viscosité (imprégnation plus difficile : zones non-imprégnées pouvant initier la délamination, épaisseur de colle importante dans certaines zones donc mauvais transfert d’effort)

Plats composites et pré-imprégnés

Sur-marouflage Voir III – Application d’une trop faible quantité de colle Sous-marouflage Epaisseur de colle trop importante (mauvais transfert d’effort) Basses températures ↗ de la viscosité (encollage plus difficile)

IV – Cure

Basses températures Cure incomplète

59 Il peut être souligné que seuls les défauts pouvant remettre en question la qualité de l’adhésion entre le composite et le béton ont été considérés dans cette synthèse (d’autres défauts, au niveau du composite par exemple, peuvent remettre en question les performances du renforcement mais sortent du contexte du présent travail). A noter que toutes les considérations concernant l’adhésif sont également valables pour le primaire d’adhérence si l’en est.

Il est toujours difficile de savoir dans quelle mesure une variation d’épaisseur de colle, une teneur en eau du béton trop importante au moment du collage ou encore une préparation de surface inappropriée vont diminuer les performances du collage. De nombreuses études cherchent donc à évaluer les effets de ces défauts (les « effects of defects » que l’équipe de Karbhari s’attache à évaluer depuis plus d’une dizaine d’années), et de ces facteurs d’influence. Certaines de ces études sont présentées ici.

Traitement de surface du béton

Le collage des renforcements composites sur un substrat poreux et rugueux comme le béton nécessite au préalable d’effectuer un traitement de sa surface. Dans le cas du béton, ce traitement de surface a plusieurs objectifs, comme supprimer les couches de béton superficielles de faible cohésion (laitance), rendre la surface chimiquement propre en retirant toute trace d’huiles, graisses, sels et autre produits affectant les propriétés de mouillage, et améliorer l’ancrage mécanique en augmentant la rugosité de surface et en ouvrant les porosités surfaciques. Toutefois, certains profils de rugosité peuvent être préjudiciables car ils peuvent engendrer un mauvais mouillage du substrat par l’adhésif et favoriser la présence d’air ou d’eau à l’interface entre les deux adhérents [4]. Ainsi, de nombreuses études cherchent à évaluer l’impact positif ou négatif de différents traitements de surface afin de sélectionner les plus adéquats [90], [77], [91], [92].

Dans [78], Iovinella et al. étudient des échantillons de béton renforcé de PRFC soumis à différents traitements de surface. Le niveau d’adhérence correspondant à chaque traitement est évalué par essais de pull-off et de pull-out. Les lois d’interface établies à partir des essais d’arrachement en cisaillement (présentées sur la Figure 27) font clairement ressortir le sablage comme étant le traitement de surface le plus performant. Le ponçage au disque diamanté et le bouchardage entrainent une légère diminution de la raideur initiale des courbes et une augmentation de la longueur d’ancrage du composite. Le décapage à la brosse métallique semble être préjudiciable puisque l’éprouvette de contrôle sans aucun traitement de surface présente de meilleurs résultats. Ces différences étant faibles, les conclusions sont à modérer compte-tenu

de la dispersion typiquement observée sur les lois d’interface mesurées expérimentalement, comme indiqué au paragraphe II.3.b. Les auteurs remarquent par ailleurs que ces résultats sont dépendants du béton car l’effet des différents traitements de surface se fait moins sentir sur des bétons de résistance en compression supérieure.

Pour rappel, le guide de l’AFGC préconise le sablage à sec comme traitement préférentiel et proscrit les techniques créant des microfissurations dans le béton (bouchardage, burinage…) [26]. Teneur en eau et température de la surface du béton au moment de la pose

La teneur en eau et la température du substrat au moment de la pose du renforcement influent également sur la qualité finale du collage. Outre le fait que la résine soit contaminée par l’eau présente à la surface du béton, qui vient donc localement dégrader les propriétés de l’interphase, la présence d’eau dans les pores inhibe le phénomène d’imprégnation de la résine dans le substrat par capillarité

Figure 27 : Lois d’interface obtenues pour

différents traitements de surface (modèle calibré à partir des données expérimentales du test de

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et limite donc la profondeur de pénétration, diminuant ainsi l’ancrage mécanique et donc l’adhésion finale. Dans [93], Ekenel et al. constatent qu’un moulage au contact réalisé sur un substrat béton présentant une humidité relative supérieure à 5% (mesurée par une sonde) voit sa résistance en traction directe diminuer de manière importante.

Par ailleurs, une température du béton trop faible par rapport à celle de l’air peut induire l’apparition d’un film de condensation d’eau au niveau de l’interface [4]. Il est d’ailleurs recommandé dans les normes de procéder à une mesure de la température de surface du support, qui être supérieure à 5°C et dépasser de 3°C le point de rosée [26].

Conditions environnementales pendant la pose

Les conditions environnementales au moment de la mise en œuvre sont importantes. Tandis que l’humidité (de l’air, du substrat...) peut modifier la structure des polymères (ce qui sera développé au paragraphe II.4.b), la température peut influer sur l’opérabilité des produits (viscosité et durée de vie en pot). Dans [93] et [94], Myers et al. renforcent des blocs de béton par tissus de PRFC moulés au contact dans différentes ambiances (humidité et température). En termes d’opérabilité, des températures très faibles (inférieures à 4°C) rendent le primaire d’adhérence et les résines d’imprégnation trop visqueuses pour une bonne application, ce qui entraine une diminution des résistances mesurées par des tests de pull-off ou des tests de torsion (ce n’est pas l’effet d’une sous-polymérisation qui est mesurée, car les éprouvettes sont laissées à température ambiante après les travaux de renforcement). Il faut souligner que si la viscosité de la résine est une caractéristique importante, au-delà de l’aspect opérabilité, c’est aussi parce qu’elle régit la bonne imprégnation du tissus (dans le cas d’un moulage au contact) et la bonne pénétration dans les pores du béton par capillarité et la mouillabilité du substrat [4]. Une température trop élevée (> 32°C d’après [93]) diminue de manière conséquence la durée de vie en pot, et si elle est au départ plus liquide, elle réticule beaucoup plus vite, le problème de la viscosité se posant une nouvelle fois.

Le taux d’humidité de l’air vient également influer sur les performances du collage, la résistance diminuant globalement à mesure que le taux d’humidité augmente. Toutefois, il n’est pas possible de distinguer si cet effet est plutôt dû à une altération de la résine par contamination humide ou à la présence d’eau dans les pores surfaciques du substrat.

Conditions de cure

C’est un paramètre crucial, car la réaction de polymérisation est fortement impactée par les conditions environnementales et notamment la température : selon les conditions au moment des travaux, le polymère va être plus ou moins réticulé.

Dans [95] et [96], le comportement précoce en début de cure d’un adhésif époxy couramment utilisé pour le collage structural, le Sikadur®-30, est étudié (cet adhésif est d’ailleurs utilisé dans la partie expérimentale du présent travail de thèse). Les auteurs s’intéressent à l’influence de la température de réticulation, maintenue constante, sur l’évolution de plusieurs paramètres physiques et mécaniques dans les premiers temps de la polymérisation. Sont mesurés le degré de réticulation6 et la température de transition vitreuse, tous deux mesurés par calorimétrie différentielle à balayage (ou DSC pour « Differential Scanning Calorimetry »), ainsi que le module et la résistance en traction, mesurés par des essais mécaniques. On constate bien sur les courbes données Figure 28 que l’augmentation des propriétés physiques et mécaniques est sensiblement ralentie lorsque la température de cure est faible.

En ce qui concerne les propriétés mécaniques, il peut être constaté que pour des températures de cure inférieures à 5°C, l’adhésif étudié ne dépassera pas 80 % de réticulation et n’atteindra pas sa valeur maximale de résistance en traction. Si la cinétique d’évolution du module d’Young est ralentie,

6 Aussi appelé taux de conversion, le degré de réticulation évalue la densité de chaînes réticulées. C’est un nombre sans dimension allant de 0 à 1, 1 étant le degré de réticulation d’un polymère totalement réticulé.

61 sa valeur limite semble par contre moins impactée. En revanche, même pour des systèmes ayant polymérisé à des températures supérieures ou égales à 10°C, les propriétés mécaniques limites sont bien atteintes, sans toutefois que la réticulation ne soit totale (entre 80 et 100 %).

L’impact de la baisse de la température de cure sur l’évolution de la température de transition vitreuse 𝑇𝑔 est plus subtil. Si une valeur limite est rapidement atteinte pour un adhésif réticulé à chaud (70°C), la cinétique d’évolution de 𝑇𝑔 semble indiquer que cette valeur limite va être dépassée pour un adhésif ayant polymérisé à 25°C. Par ailleurs, il peut être souligné que les systèmes ayant polymérisé à des températures plus basses (5 et 10°C) voient leur 𝑇𝑔 se stabiliser à des valeurs beaucoup plus faibles, de l’ordre de 30°C, et que ces températures peuvent tout à fait être atteintes lors de la phase de service du renforcement.

Bien qu’il soit admis qu’une reprise de la réaction de réticulation est possible, notamment par un retour à des températures favorables, il semble que les performances à long terme des adhésifs soient définitivement impactées par une sous-polymérisation initiale. Outre une sensibilité accrue au vieillissement, des retours d’expérience de chantiers semblent par ailleurs indiquer que la température de transition vitreuse ne remontera pas à la valeur du système parfaitement polymérisé malgré la post-cuisson. Elle peut alors être facilement dépassée en période de fortes chaleurs, aboutissant, dans les cas extrêmes, à la chute de pans de renforcement.

Figure 28 : Evolutions de paramètres physiques et mécaniques au cours de la polymérisation, lorsque celle-ci a lieu à

différentes températures de cure [95], [96].

Dans [76], Ferrier et al. montrent qu’une diminution de la température de réticulation (de 20°C pendant 7 jours à 5°C pendant 10 jours) modifie le mode de rupture dans des essais de cisaillement à double recouvrement (la valeur de la résistance elle-même n’était pas modifiée), passant d’une rupture dans le béton à une rupture cohésive dans la colle.

Les guides de recommandation préconisent des températures de cure minimales de l’ordre de 5 à 10°C. Toutefois il arrive que les travaux de renforcement aient lieu en hiver lorsque les contraintes de planning l’obligent. Par ailleurs, dans des pays comme le Canada, les températures peuvent considérablement chuter pendant la nuit, et descendre jusqu’à des valeurs négatives très basses. C’est donc une problématique réelle sur le terrain.

En résumé, une sous-polymérisation de l’époxy peut impacter les propriétés initiales du joint et remettre en question sa durabilité à long terme, comme cela peut être évalué par des essais de type

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pull-out. Elle peut être associée à une diminution de la résistance en traction et du module d’Young, et modifie la température de transition vitreuse de l’adhésif.