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b Performances de détection de l’essai de pull-off non-destructif

Introduction

Pour l’analyse qui va suivre, la modélisation qui a été développée au Chapitre Deuxième – Partie A est utilisée. Toutes les caractéristiques du modèle, résumées au Tableau 10, restent identiques, à l’exception des propriétés mécaniques et géométriques correspondant aux paramètres d’influence 𝐸𝑏, ℎ𝑏, 𝑘𝑁,𝑝𝑐 et 𝑘𝑁,𝑐𝑏. Les propriétés transverses du composite (c’est-à-dire 𝐸𝑦 selon le repère utilisé dans la Partie A et noté 𝐸𝑡,𝑐 ici), sont également rediscutées.

Alors que des valeurs standards de ces paramètres avaient été considérées lors de la phase de dimensionnement, ce sont les propriétés (estimées ou mesurées) des éprouvettes testées qui sont utilisées dans la présente analyse. L’évaluation de ces propriétés, de l’incertitude associée et de leur variabilité sur l’ensemble des éprouvettes est proposée en Annexe 11. Ce travail permet de déterminer les distributions statistiques des paramètres d’influence sur l’ensemble des éprouvettes, qui sont rassemblées au Tableau 27.

Tableau 27 : Distributions estimées des paramètres d’influence (discutées en Annexe 11).

Paramètre Type de distribution Moyenne Ecart-type

𝐸𝑏 Gaussienne 62 GPa 7 GPa

ℎ𝑏 Gaussienne 67,6 mm 1,7 mm

𝑘𝑁,𝑝𝑐 Gaussienne 2,0 × 1013 Pa/m 1,0 × 1013 Pa/m 𝑘𝑁,𝑐𝑏

SikaDur Gaussienne 1,61 × 1013 Pa/m 0,30 × 1013 Pa/m Eponal Gaussienne 0,57 × 1013 Pa/m 0,11 × 1013 Pa/m Loctite Gaussienne 0,17 × 1013 Pa/m 0,07 × 1013 Pa/m

Une précision s’impose pour la suite de l’analyse développée ici : bien que les distributions statistiques de 𝐸𝑏, ℎ𝑏 et 𝑘𝑁,𝑝𝑐 aient été déterminées sur la population complète d’éprouvettes (toutes colles confondues), il sera considéré qu’elles correspondent également à celles des sous-populations que constituent les trois séries d’éprouvettes SikaDur, Eponal et Loctite. On constate, au vu des résultats présentés en Annexe 11, que cette hypothèse est largement acceptable.

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Choix d’un système de référence et calage de la modélisation

Puisque la raideur 𝐾 est fonction des paramètres d’influence, les variations de ces derniers (dans leur distribution donnée au Tableau 27) vont engendrer une dispersion de la valeur de 𝐾, propre à chaque système composite – colle – béton étudié.

Dans l’hypothèse où les distributions des paramètres d’influence proposées sont bien cohérentes avec les propriétés réelles des systèmes testés, alors la distribution de la raideur 𝐾 (due aux paramètres d’influence) calculée numériquement et la distribution constatée expérimentalement (due aux incertitudes de mesure) devraient se recouper. Cette situation est représentée schématiquement sur la Figure 100.a.

Or, bien que l’ordre de grandeur des prédictions de la modélisation soit correct, les raideurs expérimentales correspondant aux trois systèmes de colle ne peuvent être retrouvées, comme cela est schématisé sur la Figure 100.b et peut s’observer pour les éprouvettes de SikaDur sur la Figure 101.b. Cela signifie que les distributions estimées des paramètres d’influence ne permettent pas de décrire les systèmes réels. En d’autres termes, avec ces données d’entrée, la modélisation n’est pas capable de prédire les résultats expérimentaux de manière absolue, et une inversion des mesures de raideur 𝐾 pour remontrer au paramètre d’intérêt 𝐸𝑐𝑏 ne saurait donner des résultats pertinents.

Afin de s’assurer que le modèle numérique soit bien capable de décrire les systèmes testés, il est donc nécessaire de le « caler », en ajustant un ou plusieurs paramètres d’entrée. Il s’agit donc de choisir un paramètre d’entrée appelé paramètre de calage (et sa valeur d’initialisation), et un point de calage vers lequel on fait tendre le modèle numérique par ajustement du paramètre de calage. Le calage sera ici considéré comme satisfaisant lorsque les moyennes des deux distributions (modélisée et expérimentale) coïncident, comme représenté schématiquement sur la Figure 100.c. De cette démarche, il vient que seuls des écarts de raideur 𝐾 par rapport au point de calage vont pouvoir être interprétés.

Figure 100 : Compatibilité entre le modèle numérique et les systèmes réels testés représentée sur les courbes charge vs

déplacement : a. distributions de raideurs compatibles ; b. distributions incompatibles ; c. distributions après calage. Dans le cadre de cette étude, la raideur moyenne d’un système de référence constitue le point de calage. Ici, le système de référence consiste en une éprouvette renforcée avec la colle SikaDur. Cette raideur moyenne est appelée raideur de référence notée 𝐾0. Elle est donc identifiée à la raideur moyenne calculée à partir des mesures sur la série d’éprouvettes renforcées avec la SikaDur, soit 1,99 × 109 N/m d’après le Tableau 26.

a.

b.

161 Par choix, le paramètre de calage est le module transverse du composite 𝐸𝑡,𝑐, initialisé à la valeur de 𝐸𝑡,𝑐= 15,4 GPa correspondant à la valeur mesurée par technique ultrasonore dans l’article de Castellano et al. [168].

En pratique, le modèle numérique permettant de calculer la raideur de référence 𝐾0 prend comme données d’entrée les valeurs moyennes18 des paramètres précisées au Tableau 27 (la valeur de 𝑘𝑁,𝑐𝑏 étant celle associée à la SikaDur). Puis la valeur du module transverse du composite 𝐸𝑡,𝑐 est varié (en partant de 15,4 GPa) jusqu’à ce que la raideur calculée par le modèle corresponde à la raideur de référence. La courbe d’ajustement correspondante est présentée sur la Figure 101.a. Le calage est obtenu pour 𝐸𝑡,𝑐= 4,5 GPa, comme illustré sur la Figure 101.b. Le modèle numérique renvoie alors la valeur de 𝐾0= 2,01 × 109 N/m.

En conséquence, la valeur du module transverse du composite sera dorénavant fixée à 𝐸𝑡,𝑐= 4,5 GPa et ne sera plus changée dans la suite de la discussion.

Figure 101 : Calage du modèle numérique : a. courbe d’ajustement de la raideur 𝑲 en fonction du module transverse du

composite 𝑬𝒕,𝒄 ; b. visualisation du calage sur les courbes charge vs déplacement.

Le choix du paramètre de calage n’est pas totalement anodin, puisque les sensibilités de la raideur par rapport aux différents paramètres d’influence, qui interviennent dans la suite de l’analyse, vont dépendre du point de fonctionnement du système (i.e. du jeu de données d’entrée du modèle). C’est pourquoi il paraît pertinent de caler le modèle avec le module transverse du composite 𝐸𝑡,𝑐 qui ne varie

pas d’une éprouvette à l’autre (cf. paragraphe III.2.b de la Partie B). Il n’engendrera donc pas de dispersion sur la raideur 𝐾 et la sensibilité de 𝐾 par rapport à ce paramètre ne sera pas étudiée. Dispersion sur la raideur 𝑲 induite par la dispersion des paramètres d’influence

Comme cela vient d’être discuté, seuls des écarts par rapport à la raideur de référence sont interprétables. Considérons un système, autre que le système de référence, que l’on cherche à caractériser avec l’essai de pull-off (par exemple une éprouvette renforcée avec l’Eponal ou la Loctite). Après avoir procédé à l’essai de pull-off ND, une raideur 𝐾 différente de la raideur de référence 𝐾0 a été mesurée. Il s’agit donc de savoir quels écarts de raideur |𝐾0− 𝐾| sont significatifs, c’est-à-dire représentatifs d’une véritable variation du module 𝐸𝑐𝑏 de la colle entre le composite et le béton, et non pas liés à une variation d’un autre paramètre d’influence de l’essai (module du béton par exemple). Le niveau de confiance avec lequel cela peut être affirmé doit également être exprimé.

18 De manière implicite, on fait ici l’approximation que la moyenne des raideurs mesurées sur le système de référence est égale à la raideur d’un système dont les données d’entrée sont les valeurs moyennes des paramètres d’influence.

a. b.

162

Pour déterminer l’écart de raideur minimal significatif, il est donc nécessaire d’évaluer la dispersion sur la raideur du système de référence (autour de sa moyenne 𝐾0) engendrée par des variations réalistes des paramètres d’influence. Les variations réalistes des paramètres sont données par leur distribution de probabilité, qui a été estimée pour chacun d’entre eux en Annexe 11 et qui sont rappelées au Tableau 27. Cette analyse doit également prendre en compte la distribution du module de la colle SikaDur du système de référence, puisque ce module n’est connu qu’avec une certaine incertitude. Ces distributions d’entrée résultent en une distribution de probabilité pour la raideur du système de référence 𝐾, comme précisé auparavant. La dispersion sur 𝐾 pourra alors être évaluée en termes d’incertitude-type ou d’incertitude élargie à partir de cette distribution.

Pour rappel, le modèle analytique (formulé à l’Equation (27)) n’est pas linéaire. Il n’est pas non plus linéarisable au point d’évaluation compte tenu notamment des écart-types des distributions des raideurs 𝑘𝑁,𝑝𝑐 et 𝑘𝑁,𝑐𝑏 qui sont grands devant les échelles de variations de la fonction 1 𝑘⁄ (on peut le constater Figure 78). A priori, on ne peut donc pas utiliser le théorème central limite et calculer l’incertitude-type sur 𝐾 par cumul quadratique. De manière rigoureuse, l’estimation de la distribution de probabilité de la raideur 𝐾 devrait donc s’obtenir avec la méthode de Monte-Carlo via un modèle analytique ou un modèle numérique. Le modèle analytique n’étant pas complet, il n’est pas utilisable. La seconde option implique de coupler le modèle numérique à un outil de simulation Monte-Carlo. Une telle démarche n’a pas été suivie dans le cadre de la thèse (car jugée trop lourde), mais il peut être précisé que des outils19 sont disponibles pour la mettre en œuvre.

Une démarche simplifiée a été adoptée afin d’estimer une incertitude-type composée sur la raideur 𝐾 engendrée par les variations des paramètres d’influence. Le modèle numérique a été utilisé pour calculer la raideur 𝐾 en faisant varier un à un à ± 𝜎 (écart-type de leur distribution gaussienne) les valeurs des paramètres d’influence autour de leur valeur moyenne. Les différentes contributions sont ensuite sommées quadratiquement20. Cette approche exclue une partie des valeurs de 𝐾 qui pourraient être atteintes lorsque plusieurs paramètres varient en même temps. On rappelle que l’état du système lorsque tous les paramètres sont à leur valeur moyenne correspond au système de référence de raideur 𝐾0 (également appelé point de fonctionnement du système numérique).

Le Tableau 28 répertorie les valeurs des raideurs 𝐾 obtenues lorsque les paramètres d’influence varient de plus ou moins un écart-type de la valeur moyenne. Il peut effectivement y être constaté que des variations de la raideur d’interface 𝑘𝑁,𝑝𝑐 symétriques par rapport à la moyenne produisent des variations légèrement asymétriques de la raideur d’assemblage 𝐾, comme le laissait présager le modèle analytique. La distribution de 𝐾 n’est pas tout à fait gaussienne.

L’incertitude-type composée sur la raideur 𝐾 sera estimée par le cumul quadratique le plus important de manière à rester conservatif :

𝑢𝑐(𝐾) = 0,22 × 109 N/m

Sans la connaissance de la distribution de la raideur 𝐾, il n’est pas possible d’annoncer des intervalles de confiance. Par la suite, nous supposerons donc que la distribution de la raideur 𝐾 du système de référence engendrée par une variation réaliste des paramètres d’influence est contenue dans une distribution gaussienne de moyenne 𝐾0= 2,01 × 109 N/m et d’écart-type 𝜎 = 0,22 × 109 N/m.

19 Par exemple la passerelle entre COMSOL et Matlab (LiveLink™ for Matlab).

20 On soulignera que la fonction reliant 𝐾 aux différents paramètres d’influence est monotone croissante pour tous les paramètres variés un à un dans l’Equation (27). Dans le cas contraire, le cumul quadratique serait d’autant moins légitime.

163 Tableau 28 : Variations de la raideur 𝑲 (calculée par le modèle numérique) lorsque les paramètres d’influence sont variés

à plus ou moins l’écart-type de leur distribution.

Valeur du paramètre Raideur 𝑲 (× 109 N/m) 𝑲 − 𝑲𝟎 (× 109 N/m)

Valeur au point de fonctionnement

𝐸𝑏 62 GPa 2,01 = 𝐾0 ℎ𝑏 67,6 mm 𝑘𝑁,𝑝𝑐 2,0 × 1013 Pa/m 𝑘𝑁,𝑐𝑏 1,61 × 1013 Pa/m Variations de 𝑬𝒃 𝐸𝑏− 𝜎 55 GPa 1,83 - 0,18 𝐸𝑏+ 𝜎 69 GPa 2,19 + 0,18 Variations de 𝒉𝒃 𝑏− 𝜎 65,9 mm 1,96 - 0,05 ℎ𝑏+ 𝜎 69,3 mm 2,06 + 0,05 Variations de 𝒌𝑵,𝒑𝒄 𝑘𝑁,𝑝𝑐− 𝜎 1,0 × 1013 Pa/m 1,90 - 0,11 𝑘𝑁,𝑝𝑐+ 𝜎 3,0 × 1013 Pa/m 2,06 + 0,05 Variations de 𝒌𝑵,𝒄𝒃 𝑘𝑁,𝑐𝑏− 𝜎 1,31 × 1013 Pa/m 1,99 - 0,02 𝑘𝑁,𝑐𝑏+ 𝜎 1,91 × 1013 Pa/m 2,03 + 0,02 Cumul quadratique à - 𝝈 Cumul quadratique à + 𝝈 0,22 0,19

Prise en compte des incertitudes expérimentales

Une dernière étape dans cette analyse est de prendre en compte l’incertitude expérimentale sur la raideur 𝐾. En Annexe 10, il est conclu que les différentes sources d’incertitude expérimentale entrainent qu’une mesure de 𝐾 sur une éprouvette se distribue selon une loi normale d’écart-type relatif 2,7 % et dont la moyenne est donnée au Tableau 26 pour chaque éprouvette. Au maximum, l’incertitude-type expérimentale sur la 𝐾 est donc de 0,06 × 109 N/m.

On prendra en compte deux fois cette incertitude expérimentale : une fois pour rendre compte de l’incertitude expérimentale liée aux mesures sur le système de référence, et une autre fois pour compter celle liée à la mesure de la raideur du système ausculté.

L’écart entre la raideur mesurée sur le système ausculté et la raideur de référence |𝐾0− 𝐾| se répartit donc selon une loi gaussienne d’écart-type 𝜎 = 0,23 × 109 N/m = √0,222+ 2 × 0,062 × 109 N/m.

Ce résultat peut être annoncé avec des intervalles de confiance à 67 % et 95 % (facteur d’élargissement de 𝑘 = 1 et 2) :

𝑢67 %(|𝐾0− 𝐾|) = 0,23 × 109 N/m 𝑢95 %(|𝐾0− 𝐾|) = 0,46 × 109 N/m Performances de détection et variation minimale de module détectable

Les résultats précédents peuvent s’interpréter comme suit : si la raideur 𝐾 mesurée sur une éprouvette diffère de 𝐾0 de plus de 𝑢95 %(|𝐾0− 𝐾|), alors il peut être annoncé avec un niveau de confiance de 95 % qu’une variation de module de la colle entre le composite et le béton (par rapport à la colle de référence, ici la SikaDur) a effectivement été mesurée.

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A partir des mesures de raideur 𝐾 obtenues sur les différentes éprouvettes, données au Tableau 26, il est possible de calculer les écarts par rapport au système de référence (renforcé avec la SikaDur). Ceux-ci sont présentés dans le Tableau 29.

Tableau 29 : Ecarts entre les raideurs mesurées sur les différentes éprouvettes et celle du système de référence (renforcé

avec la SikaDur). Système de référence 𝑲𝟎= 2,01 × 109 N/m Eponal Loctite Eprouvette 1.1 1.2 2.1 2.2 3.1 3.2 1.2 2.1 2.2 3.1 3.2 |𝑲𝟎− 𝑲| (× 109 N/m) 0 0,22 0,39 0,26 0,39 0,09 0,18 0,61 0,59 0,39 0,35 0,60

La Figure 102 permet de visualiser où se situent les courbes charge vs déplacement des éprouvettes d’Eponal et de Loctite par rapport à la distribution de la raideur du système de référence, les bornes des intervalles de confiance à 67 et 95 % définies ci-dessus étant présentées sur la figure. Il vient que pour les éprouvettes Loctite 1.2, 2.1 et 3.2, il est certain (à 95 %) qu’une variation du module 𝐸𝑐𝑏 a bien été mesurée.

Figure 102 : Courbes charge vs déplacement des éprouvettes renforcées avec l’Eponal et la Loctite, par rapport à la

distribution de courbes pouvant être attribuées au système de référence (faisceau vert foncé : intervalle de confiance à 67 % ; vert clair : à 95 %).

Les performances de l’essai peuvent être exprimées en termes de variation de module 𝐸𝑐𝑏 (par rapport à la colle de référence) minimale détectable. Il s’agit donc de répondre à la question suivante : avec ce choix de système de référence, à partir de quel module est-on sûr (à 95 %) de mesurer un changement de raideur 𝐾 significatif ?

Il s’agit donc du module à partir duquel l’écart des raideurs |𝐾0− 𝐾| ne peut plus être expliqué par des variations de paramètres non-pertinents. Avec ce module, le système présente donc une raideur de 𝐾0− 𝑢95 %(|𝐾0− 𝐾|) = 1,55 × 109 N/m. La courbe indiquant la valeur de la raideur 𝐾 en fonction du module de la couche de colle (tous les autres paramètres étant fixés à leur valeur moyenne) est présentée sur la Figure 103. Il peut être constaté que le module recherché est de 𝐸𝑐𝑏 = 2,2 GPa. Ce module sera appelé module seuil.

165 Il est important de souligner que ce module seuil dépend de la raideur de référence, comme le met en évidence la Figure 103. Plus la raideur de référence sera élevée (et donc la colle de référence rigide), plus le module seuil sera élevé. Au-delà d’un certain module pour la colle de référence, le module seuil ne pourra toutefois plus augmenter, puisque la courbe présente une asymptote.

Figure 103 : Evolution de la raideur 𝑲 d’un système « moyen » en fonction du module 𝑬𝒄𝒃 de la colle entre le composite

et le béton.

Comparaison avec les résultats expérimentaux

Il convient maintenant de confronter les résultats de la précédente analyse aux valeurs expérimentales. Pour rappel, l’Eponal présente un module d’Young se répartissant selon une loi normale de moyenne 5,1 GPa et d’écart-type 0,2 GPa, tandis que la Loctite présente un module moyen de 1,3 GPa et un écart-type de 0,5 GPa.

Sur la Figure 102, il apparaît que les pentes mesurées sur les éprouvettes d’Eponal ne sont pas significativement écartées de la raideur de référence (elles se situent dans le « faisceau » de la distribution de la raideur du système de référence), ce qui est cohérent avec le fait que le module d’Young de l’Eponal est supérieur au module seuil.

On constate également que deux courbes parmi celles mesurées sur les éprouvettes renforcées avec la Loctite se retrouvent dans le faisceau à 95 % du système de référence. Compte-tenu de la distribution du module d’Young de la Loctite, cette situation est certes peu probable, mais pas impossible.

Les résultats expérimentaux sont donc cohérents avec les conclusions de l’analyse proposée. Etant donné la faible probabilité associée à l’occurrence des courbes de Loctite dans le faisceau, du système de référence, on émettra toutefois quelques hypothèses alternatives en mesure d’expliquer cette situation :

 la raideur de référence a été mal évaluée. On rappelle qu’elle a été calculée comme la moyenne sur seulement trois éprouvettes du système de référence, qui ne sont peut-être pas représentatives des distributions établies en Annexe 11 ;

 les distributions des paramètres d’influence ont été surestimées (i.e. elles sont plus larges qu’en réalité). Le faisceau de la Figure 102 serait donc en réalité moins large, et toutes les

𝐾

0

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courbes de la Loctite en sortiraient. Dans le même temps le module seuil augmenterait, ce qui est cohérent ;

 les mêmes distributions ont été sous-estimées. Le faisceau serait en réalité plus large et le module seuil diminuerait, augmentant la probabilité que le module de la Loctite soit effectivement au-dessus (compte-tenu de son écart-type) de ce module seuil.

La Figure 103 met par ailleurs en évidence un phénomène intéressant. Il peut en effet y être remarqué que la sensibilité de la raideur par rapport au module de la colle 𝐸𝑐𝑏 augmente lorsque ce module diminue. Ce constat est parfaitement cohérent avec ce qui est observé sur l’ensemble des courbes charge vs déplacement à la Figure 99 : la dispersion des courbes augmente bien progressivement de la SikaDur à la Loctite, c’est-à-dire lorsque le module d’Young diminue.

Conclusions

Les résultats ont été interprétés suivant une démarche d’analyse statistique. Un système de référence est fixé (ici un système renforcé avec de la SikaDur). Ce système de référence présente une raideur moyenne appelée raideur de référence notée 𝐾0. De la variation des paramètres d’influence et des incertitudes expérimentales résultent une distribution de la raideur du système de référence autour de 𝐾0, qui est déterminée. Toute mesure de 𝐾 se retrouvant dans cette distribution n’est alors pas considérée comme significative, c’est-à-dire qu’elle peut être expliquée aussi bien par une variation des paramètres non-pertinents comme une variation du module du béton, que par une variation du paramètre 𝐸𝑐𝑏, i.e. le module de la colle entre le composite et le béton.

L’analyse permet de conclure que si la raideur mesurée sur le système ausculté diffère de plus de 0,46 × 109 N/m de la raideur de référence 𝐾0, alors il est certain à 95 % qu’une variation de module de la colle par rapport à la colle de référence a effectivement été mesurée. Les performances de détection de l’essai peuvent également être exprimées. Ainsi, pour un système de référence présentant un module 𝐸𝑐𝑏 moyen de 12,5 GPa (SikaDur), des systèmes présentant une colle entre le composite et le béton de module inférieur à 2,2 GPa (module seuil) vont pouvoir être détectés par l’essai de pull-off non-destructif.

En d’autres termes, si l’auscultation d’un système a priori inconnu aboutit à une mesure de raideur inférieure à 𝐾0− 𝑢95 %(|𝐾0− 𝐾|), alors il peut en être conclu que le module 𝐸𝑐𝑏 de ce système vaut au plus 2,2 GPa.

On comprend qu’en raison de la variation possible des paramètres non pertinents influençant la mesure, l’essai est « aveugle » pour des modules d’adhésif compris entre 12,5 et 2,2 GPa. Toutefois, ces capacités de détection peuvent être intéressantes si l’essai est utilisé pour alerter que le module 𝐸𝑐𝑏 est passé en dessous d’un certain seuil.

Ce seuil de 2,2 GPa est intéressant dans le cas d’un renfort PRFC collé avec un adhésif de type Eponal. Il a été vu précédemment qu’un vieillissement sévère de ce type d’adhésif pouvait engendrer une chute importante du module d’Young, jusqu’à des valeurs voisines de 1,3 GPa [77]. La méthodologie d’essai, appliquée à échéances périodiques, permettrait ainsi de détecter un niveau de vieillissement avancé de la colle. Des études plus poussées, menées en parallèle sur des assemblages et des éprouvettes d’adhésif massiques, permettraient alors de déterminer si le niveau de vieillissement associé à une telle diminution de module remet réellement en question les performances du renforcement, voire s’il serait annonciateur d’un décollement prochain des systèmes de renforcement. Les opérations de maintenance pourraient alors être anticipées et planifiées plus efficacement. Toutefois, ces conclusions (et notamment la valeur de 2,2 GPa du module seuil) sont valables dans le cadre de la campagne expérimentale sur le dispositif mécanique de laboratoire, et