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Th´eorie de Kolmogorov : corr´elations et spectres

Dans le document M´ecanique des fluides (Page 126-131)

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' `Re`3/4 ` , (6.18)

compte tenu aussi de la d´efinition (6.11) du nombre de Reynolds Re` . L’´echelle de Kolmogorov

`K peut ˆetre vue comme «la dimension des plus petits tourbillons » pr´esents dans l’´ecoulement.

L’existence d’aussi petites ´echelles implique que le calcul num´erique d’un ´ecoulement turbulent sera particuli`erement difficile, puisqu’il n´ecessitera une tr`es grande r´esolution spatio-temporelle...

Trop grande par rapport aux capacit´es de calcul des ordinateurs actuels13, d’o`u la n´ecessit´e de d´evelopper des «mod`eles de turbulence »...

Avant d’aller plus loin, il convient d’introduire la « micro-´echelle de Taylor » comme l’´echelle λ de fluctuations dont la vitesse typique serait v la vitesse des macro-´echelles et qui dissiperaient par frottement au taux, c’est-`a-dire

∼ νv λ

2

. (6.19)

On montre facilement que

λ ' `Re`1/2 `K . (6.20)

On construit le nombre de Reynolds correspondant Reλ = vλ

ν = Re1/2` . (6.21)

6.3 Th´ eorie de Kolmogorov : corr´ elations et spectres

La th´eorie deKolmogorov (1941), th´eorie statistique des ´ecoulements turbulents, permet non seulement d’aboutir `a des estimations telles que (6.14) et (6.18), mais aussi de faire des pr´edictions concernant les moments statistiques des fluctuations de vitesse et les caract´eristisques«spectrales» de ces fluctuations. Nous explosons ici quelques ingr´edients et r´esultats de cette th´eorie, de fa¸con succincte, en renvoyant le lecteur int´eress´e `aChassaing(2000b);Davidson(2004). Au passage nous expliquons l’hypoth`ese de Taylor, d’une grande importance pratique.

6.3.1 Principales hypoth`eses de la th´eorie de Kolmogorov Cette th´eorie est bas´ee sur deux hypoth`eses fondamentales.

• Hypoth`ese H1 :le taux de dissipation moyen est, dans le cas d’´ecoulements fortement turbulents Re` →+∞,Reλ→+∞, de la forme (6.14),

= C

v3

` (6.22)

avec C une constante ne d´ependant que du type de l’´ecoulement.

13. Voir `a ce sujet l’exercice6.1.

6.3 Th´eorie de Kolmogorov : corr´elations et spectres 127

cǫ

Reλ

0 200 400 600 800 1000 1200

Fig. 6.1Figure tir´ee de Pearson et al. (2002), pr´esentant en abscisse le nombre de Reynolds Reλ et en ordonn´ee la puissance massique r´eduitec=`/v3 pour divers ´ecoulements cisaill´es : sillages de plaque plane perpendiculaire `a l’´ecoulement, sillages de disque, sillages de grille, et... ´ecoulements en tuyau. Dans ce dernier cas, les donn´ees repr´esent´ees par les triangles invers´es sont restreintes au domaine 70Reλ180, et une convergence vers une valeur constante n’est pas claire.

• Hypoth`ese H2 : les fluctuations de petite ´echelle sont homog`enes et isotropes, leur statistique est ind´ependante des mouvements de grande ´echelle et stationnaire; cette statistique est d´etermin´ee uniquement par etν, seulement par dans le domaine inertiel d´efini par (6.13).

L’hypoth`ese H1 a ´et´e v´erifi´ee exp´erimentalement par Sreenivasan (1984) dans des exp´eriences de turbulence de grille14.Sreenivasan(1984) a observ´e qu’en augmentant les nombres de Reynolds, la puissance massique r´eduite c = `/v3 d´ecroˆıt, puis se stabilise vers une valeur ind´ependante des nombres de Reynolds. R´ecemment une ´etude similaire a ´et´e faite sur des ´ecoulements cisaill´es parPearson et al.(2002), et le mˆeme type de comportement a ´et´e observ´e dans la plupart des cas, comme le montre la figure6.1. La lecture de l’article dePearson et al.(2002) est recommand´ee aux lecteurs les plus int´eress´es, car il donne des informations int´eressantes sur les m´ethodes de mesure utilis´ees. On peut notamment mentionner qu’il utilise l’hypoth`ese de Taylor, que nous d´ecrirons en section6.3.4.

Le fait que la turbulence dissipe `a un taux ind´ependant de la viscosit´e lorsqueRe`etReλ→+∞, ou ν→0, a des cons´equences importantes en «turbulence d´evelopp´ee »: convergence asymptotique de coefficients de traˆın´ee, de perte de charge, de puissance, etc...

L’hypoth`ese H2 permet de faire des pr´edictions pour diverses quantit´es statistiques, ainsi que pour certaines propri´et´es spectrales du champ de vitesse turbulent.

14. Rappelons que la figure6.4pr´esente de telles exp´eriences.

6.3.2 Corr´elation et densit´e spectrale d’´energie 3D

Enturbulence homog`ene et isotrope, lafonction de corr´elation 3D`a deux points de la vitesse fluctuante, qui caract´erise la corr´elation ou d´ecorr´elation des fluctuations de vitesse entre deux points distants de r, est d´efinie par15

Corr3D(r) = 1 2

v0(x,t)·v0(x+r,t)

(6.23) quels que soientsx,tetrde normer. Ladensit´e spectrale d’´energie3Dest la fonction d´efinie par une transform´ee int´egrale `a partir de ces corr´elations,16

E3D(q) = 2 π

Z + 0

Corr3D(r) qr sin(qr)dr , (6.24) avec q le nombre d’onde. Par transform´ee inverse, on peut montrer que

Corr3D(r) = Z +

0

E3D(q) sin(qr)

qr dq . (6.25)

En particulier, pourr= 0, on obtient de fa¸con remarquable, pour l’´energie cin´etique turbulente massique, AinsiE3D(q)dqpeut ˆetre vue comme la part d’´energie cin´etique turbulente due aux«fluctuations » ou «tourbillons »de nombre d’onde compris entre q etq+dq.

6.3.3 Corr´elations et densit´es spectrales d’´energie 1D

La d´etermination exp´erimentale de la fonction Corr3D(r) est difficile, puisqu’elle n´ecessite la mesure des 3 composantes de la vitesse fluctuante en deux points distants. Une autre fonction de corr´elation moins difficile `a mesurer est la fonction de corr´elation 1D`a deux points longitu-dinale de la vitesse fluctuante,17

Corr1DL(r) = 1 2

v01(x, t) v01(x+re1, t)

. (6.27)

La densit´e spectrale d’´energie 1Dlongitudinale est la fonction d´efinie par une transform´ee int´egrale `a partir de ces corr´elations,18

E1DL(q) = 1 π

Z +∞

0

Corr1DL(r) cos(qr) dr . (6.28)

Par transform´ee inverse, on peut montrer que Corr1DL(r) = 2

Z +∞

0

E1DL(q) cos(qr)dk . (6.29)

15. La fonctionCorr3D(r) est not´eeR(r) parDavidson(2004).

16. La fonctionE3D(k) est not´eeE(k) parDavidson(2004).

17. La fonctionCorr1DL(r) est not´eeu2f(r) parDavidson(2004).

18. La fonctionE1DL(q) est not´eeF11(q) parDavidson(2004).

6.3 Th´eorie de Kolmogorov : corr´elations et spectres 129

En particulier pourr= 0 on obtient 1

Ainsi 23E1DL(q)dq peut ˆetre vue comme la part d’´energie cin´etique turbulente due aux « fluctua-tions »ou « tourbillons »de nombre d’onde compris entre q et q+dq. On peut montrer que les densit´es spectrales d’´energie 1D longitudinale et 3D sont li´ees par la relation

E3D(q) = q3 d

De fa¸con analogue on peut d´efinir lafonction de corr´elation 1D`a deux pointstransverse de la vitesse fluctuante,19 par isotropie. La densit´e spectrale d’´energie 1Dtransverse est d´efinie par20

E1DT(q) = 1

La mesure en deux points distincts de vecteurs vitesses, ou mˆeme d’une seule composante de vitesse, en faisant varier la distancer entre ces points, reste difficile et lourde. Notamment, il faut veiller `a ce que les deux syst`emes de mesure ne se perturbent pas l’un l’autre. Heureusement le physicien britannique G. I. Taylor a montr´e que, dans des ´ecoulements turbulents dans lesquels une vitesse moyenne V existe, stationnaire `a la fois en norme et en direction, on peut souvent faire l’hypoth`ese d’une ´equivalence entre mesures temporelles `a position fix´ee et mesures `a diff´erentes positions spatiales, mais au mˆeme instant. Comme faire des mesures en fonction du temps `a position fix´ee est relativement ais´e, par exemple avec un«fil chaud »21, cette hypoth`ese est fort pratique.

Plus pr´ecis´ement, comme expliqu´e dans l’articleTaylor (1938), si e1 est la direction de la vitesse moyenne en O, Ox1x2x3 est un rep`ere cart´esien, alors, par advection des fluctuations de vitesse par l’´ecoulement moyen,

v01(re1, t) ' v01(0, t−τ) avec V = r

τ i.e. τ = r

V . (6.35)

La fonction de corr´elation 1D `a deux points longitudinale (6.27) peut donc ˆetre vue comme la fonction d’autocorr´elation temporelle

19. La fonctionCorr1DT(r) est not´eeu2g(r) parDavidson(2004).

20. La fonctionE1DT(q) est not´eeF22(q) parDavidson(2004).

21. Recherchezan´emom`etre `a fil chaudou‘Hot-Wire Anemometer’sur Internet... ou voyez l’exercice correspondant deJannot(2015) !

avec une hypoth`ese d’ergodicit´e. Cette fonction peut se d´eduire par traitement du signal de la mesure de « s´eries temporelles »de v10(0, t), c’est-`a-dire de s´equences de valeurs dev10(0, t) pour t de la forme n δt, avec n ∈ {1,2,· · · ,N}, N le nombre de points de la s´erie temporelle, δt le temps d’´echantillonage. On peut aussi utiliser un th´eor`eme d’analyse de Fourier, dit th´eor`eme de l’autocorr´elation ou th´eor`eme de Wiener-Khintchine, stipulant que la transform´ee de Fourier de cette fonction d’autocorr´elation, soit E1DL(q) d’apr`es l’´equation (6.29), est le module carr´e de la transform´ee de Fourier du signal de vitesse lui-mˆeme.

De mˆeme la fonction de corr´elation 1D `a deux points transverse (6.32) peut ˆetre vue comme une autre fonction d’autocorr´elation temporelle, ce qui permet sa mesure exp´erimentale.

6.3.5 Spectre de Kolmogorov

Les hypoth`eses H1 et H2 m`enent `a l’existence, dans le domaine inertiel des nombres d’ondes,

1/` q 1/`K , (6.37)

d’une loi de la forme

E(q) = f(,q),

`

a la fois pour les densit´es spectrales E1DL, E1DT etE3D(q). D’apr`es l’analyse dimensionnelle, E(q) = π0 α qβ ,

les exposants α etβ se calculent imm´ediatement par condition d’homog´en´eit´e, sachant que

E(q) ≡ `3 t−2 . (6.38)

On obtient ainsi la loi dite du −5/3 deKolmogorov (1941),

E(q) = π0 2/3 q−5/3 . (6.39)

Dans cette ´equation, π0 est une constante « universelle», dite « contante de Kolmogorov », qui d´epend de la densit´e spectrale consid´er´ee,E1DL, E1DT ouE3D. Un exemple de spectres exp´erimen-taux d´emontrant la loi d’´echelle (6.39) est celui de la figure 6.2.

§

Cette th´eorie de Kolmogorov donne des informations sur les fluctuations turbulentes, mais elle renseigne tr`es peu sur l’influence de ces fluctuations sur l’´ecoulement moyen. Or la turbulence modifie les grandeurs moyennes, comme le profil de vitesse ou la perte de pression motrice. L’ap-proche classique pour mod´eliser cet effet consiste `a utiliser la d´ecomposition en champs moyens et fluctuations de la section 6.1, pour essayer d’aboutir `a une ´equation d’´evolution pour les champs moyens seuls. Nous verrons que, malheureusement, on aboutit de cette mani`ere `a des ´equations

« ouvertes », et qu’il faut donc d´evelopper des « mod`eles de fermeture » pour certains termes apparaissant dans ces ´equations.

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