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Nous venons de décrire un grand nombre de pathologies dans lesquelles l’interféron joue un rôle prépondérant. Pendant longtemps, l’IFN était utilisé comme traitement dans les infections virales et bactériennes et dans les cancers principalement afin d’éradiquer les cellules infectées ou tumorales. On peut citer par exemple les composés de la famille de l’imiquimod utilisés dans les infections virales et les cancers, les thérapies à base d’interféron recombinant comme l’IFNα2a ou l’IFNα2b (contre les leucémies, mélanomes malins, sarcomes de Kaposi liés au SIDA mais aussi les autres types de cancers et les maladies vasculaires et principalement dans la thérapies anti-HCV) ou une association d’interferon alfa pegylé avec l’antiviral ribavirin et enfin le développement de séquences immunostimulatrices (ISS = immunostimulatory sequences) qui ciblent principalement TLR9 mais peuvent aussi cibler TLR7.

Cependant, en raison des études sur les effets néfastes de l’IFN dans de plus en plus de maladies, de nombreuses stratégies thérapeutiques inhibitrices de la production massive d’IFN se sont développées en ciblant diverses étapes de la voie de signalisation de l’IFN, notamment dans les traitements des maladies auto-immunes.

Nous allons détailler brièvement les principales stratégies mises en place pour inhiber la production d’IFN ou ses effets dans les pDC.

• La chloroquine est une 9-aminoquinoline connue depuis 1934, notamment pour ses effets contre le paludisme (Savarino et al., 2003). Elle est aussi utilisée dans le traitement des maladies autoimmunes comme l’arthrite rhumatoïde et le SLE (Essai clinique de 2005). La chloroquine ou l’hydroxychloroquine (molécule plus stable), sous son état non protoné, peut remonter le pH de diverses organelles, notamment des endosomes, en se protonant ce qui va inhiber différentes enzymes comme les hydrolases acides. Ainsi, la chloroquine agit sur la réplication de divers virus en interagissant avec leur entrée médiée par l’endocytose ou sur les étapes tardives de la réplication de virus à enveloppe. Les virus touchés par l’effet de la chloroquine

sont par exemple le virus de la maladie de Borna, le MVM (Minute Virus of Mice) et le ASLV (Avian sarcoma leukosis virus). De façon plus intéressante, on peut aussi citer des virus qui ciblent l’Homme comme le virus de l’Hépatite A (HAV) – la chloroquine inhibe sa décapsidation -, l’accumulation de particules non-infectieuses de HSV1 dans l’appareil de Golgi, l’inhibition de la réplication de flavivirus, de coronavirus comme SARS (Vincent et al., 2005) et Influenza (même si les effets ne sont visibles que in vitro et pas in vivo (Paton et al., 2011; Vigerust and McCullers, 2007)). La chloroquine cible la réplication du VIH-1 et VIH-2 ainsi que permet de réduire l’activation immunitaire excessive (Savarino et al., 2001a; Savarino et al., 2001b; Tsai et al., 1990). Ainsi, la chloroquine est arrivée en phase II d’un essai clinique en 2009.

• Très récemment, des anticorps anti-TLR7 ont montré des résultats prometteurs quant à l’inhibition de l’activation de la voie de TLR7 (Kanno et al., 2015). Les auteurs ont tout d’abord montré que TLR7 pouvait être membranaire sur des macrophages et des DC et ainsi que les anticorps qu’ils avaient eux mêmes produits étaient internalisés dans des endolysosomes. Ce résultat bien que surprenant semble plausible comme il a aussi été montré récemment que TLR9 pouvait aussi être membranaire (Lindau et al., 2013; Onji et al., 2013). 

• Les glucocorticoïdes semblent aussi pouvoir affecter les fonctions des pDC probablement en induisant leur apoptose (Boor et al., 2006; de Ruiter et al., 2015; Zhan et al., 2015).

• Les anticorps anti-BDCA-2 sont capables d’inhiber la production d’IFN-I par les pDC. Depuis 2001, il est connu que l’engagement du récepteur spécifique des pDC, BDCA2, inhibe la voie d’activation de TLR7 et de TLR9, autant la production d’IFN que la production de cytokines pro-inflammatoires (Cao et al., 2007 ; Dzionek et al., 2001 ; Rock et al., 2007). Il semblerait que la compagnie Biogen soit en train de faire des essais cliniques sur des anticorps. Très récemment, un nouvel anticorps monoclonal de BDCA2, 24F4A, montre des résultats très prometteurs dans le traitement du SLE (Pellerin et al., 2015).

• Les séquences immunorégulatrices (IRS = immunoregulatory sequences) (Barrat et al., 2005; Duramad et al., 2005) utilisés principalement dans les études dans le traitement des maladies autoimmunes. On peut citer par exemple, le CPG-52364 et le DV-1179, tout deux antagonistes des TLR7/8/9 en phase clinique I. Nous pouvons aussi citer IMO-3100 et IMO-8400 qui sont en phase clinique II dans le traitement de patients atteints de psoriasisme. Il existe un plus grand nombre de molécules qui ont pu être utilisées dans différents essais cliniques citées dans la revue de (Hennessy et al., 2010). Plus récemment, la molécule DV056, inhibitrice de TLR7 et de TLR9, a été utilisée dans une étude pour bloquer la production d’IFN-I in vivo dans des macaques infectés par le SIV (Kader et al., 2013). 

• D’autres acteurs de la voie de signalisation des TLR ont pu être ciblés comme les protéines

IRAK4 et PI3K, indispensables dans la translocation de IRF7. Un grand nombre d’inhibiteurs de

la voie PI3K/mTOR ont été impliqués dans des essais cliniques plus ou moins concluants notamment dans des traitements anti-cancéreux ou contre des maladies auto-immunes (Stark

et al., 2015; Thorpe et al., 2015).

• De nombreux anticorps anti-IFNα et des inhibiteurs anti-récepteurs à l’IFN ont aussi été développés et sont dans différentes phases cliniques dans les traitements anti-SLE (Kirou and Gkrouzman, 2013) ; on peut citer par exemple le Sifalimumab (Phase II), Rontalizumab (Phase II) et le AGS-009 (Phase I) qui sont des anticorps monoclonaux anti-IFN alpha humanisés ou encore le MEDI-546 qui est un anticorps monoclonal anti-récepteur IFNα humanisés Phase II). On peut aussi citer l’IFNα-Kinoid, une drug composée d’IFNα inactivé couplé à des protéines porteuse (« carrier ») qui induit la production d’anticorps polyclonaux qui neutralisent les 13 sous-types d’IFNα (Phase II) (Lauwerys et al., 2013).

Figure 23 : Les différentes protéines des pDC qui ont été ciblées dans des essais cliniques contre le SLE.

HYPOTHÈSES DE TRAVAIL

   

Les mécanismes d’activation des pDC par des acides nucléiques viraux mais aussi endogènes ainsi que l’existence de molécules agonistes de TLR7 ou de TLR9 sont relativement bien documentés. Inversement, les mécanismes d’inhibition de la voie de l’IFN restent mal connus. Certaines molécules synthétiques comme la chloroquine ou la rapamycine peuvent diminuer la production d’IFN-I selon divers mécanismes. Il a par ailleurs été montré que l’activation d’ILT-7 et de BDCA-2, deux protéines membranaires spécifiques des pDC, par des anticorps bloquait la production de l’IFN des pDC après une stimulation virale.

L’activation des pDC induit une forte réponse immunitaire. En effet, les pDC sécrètent 1000 fois plus d’IFN-I que tous les autres types cellulaires et induisent un large panel d’ISG et de cytokines pro-inflammatoires en réponse aux boucles autocrine et paracrine de l’IFN. D’autre part, les pDC peuvent aussi exprimer le ligand pro-apoptotique de la superfamille du TNF, TRAIL, afin qu’elles deviennent des cellules tueuses, les IKpDC, responsables de la mort d’un grand nombre de cellules endommagées. En effet, dans des infections chroniques comme avec la dengue, nous avons pu montrer que le virus active les pDC afin qu’elles expriment TRAIL et produisent de l’IFN-I. Cette activation va permettre de contenir la propagation du virus. Cependant, l’activation prolongée de l’activation des pDC et par conséquence la production massive de l’IFN a des effets secondaires importants dans les maladies auto-immunes. Il est aussi maintenant admis que l’IFN-I peut avoir des effets délétères lors d’infections virales chroniques, comme le VIH. Il a été montré plus récemment que l’IFN-I pouvait aussi avoir un rôle nocif dans les infections aigues, comme la grippe, en endommageant les tissus environnants. Lors de l’infection par le VIH, nous pensons que la surproduction d’IFN-I est en partie responsable de la mort des lymphocytes en régulant l’expression du facteur pro-apoptotique TRAIL. Il semble donc particulièrement judicieux de mettre au point des modulateurs de la production d’IFN-α durant certaines phases de la maladie du SIDA. Il est important que ces inhibiteurs aient des effets réversibles, qui cessent lors de l’arrêt du traitement. En effet, bien qu’ayant des effets délétères, les IFN de type I ont également des effets antiviraux puissants et contribuent à la diminution de l’infection virale. Il devient donc indispensable de trouver de nouveaux mécanismes d’inhibition des pDC afin de répondre à une demande de plus en plus importante dans le domaine des thérapies anti-IFN et plus généralement dans le but de moduler l’activation immunitaire des pDC.

Ainsi, nous pouvons citer divers systèmes dans lesquels l’histamine et le système immunitaire sont liés. Tout d’abord, Mazzoni et al., ont montré que l’histamine, une monoamine impliquée dans la réponse allergique, inhibait fortement la production des cytokines par les pDC. Gschwandtner et al., ont suggéré que cette inhibition d’IFN-I passait par le récepteur à l’histamine, H4R (Gschwandtner et al., 2011). D’autre part, il a été montré que les patients atopiques, caractérisés par une hyper sécrétion d’histamine, produisaient moins d’IFN-I en réponse à une

stimulation virale de la grippe. Ces résultats bien que surprenants ont été montrés dans divers systèmes cellulaires dans la revue par O’Mahony et al.. Et enfin, il semblerait important que la production de l’IFN, produit notamment par les neurones dans le cerveau, puisse être régulée rapidement et efficacement, par le relargage de neurotransmetteurs, afin d’éviter des dommages irréversibles tissulaires dû aux conséquences d’une présence massive d’IFN-I.

A partir de ces divers constats, nous avons étendu ces résultats à diverses mono- et polyamines naturelles et synthétiques. Nous avons aussi étudié quel était le récepteur de ces amines présents sur les pDC afin d’identifier un nouveau mécanisme d’inhibition de l’activation des pDC (Article 1). Les pDC sont capables de s’activer, c'est-à-dire d’induire la voie de signalisation de l’IFN-I après reconnaissance des acides nucléiques viraux par les TLR une fois le pathogène endocyté. Cependant, il semblerait qu’une petite partie de ces cellules puissent être infectées par le virus du VIH (3,5%). Ainsi, alors que les Articles 1, 2 et 4 se focalisent sur l’activation des pDC par la voie de l’endocytose, nous avons voulu étudier la morphologie des pDC, in vitro, en présence d’une grande quantité de virus VIH, comme après leur migration vers les organes lymphoïdes, afin de commencer à phénotyper les cellules infectées (Article 3). Nous

nous sommes, par la suite, demandés si le récepteur CD4 et le corécepteur CXCR4 du virus VIH étaient importants pour la reconnaissance virale lors de l’activation des pDC par le virus du VIH

(Article 4).

La transfection de cellules primaires est difficile, la transfection de pDC primaires est presque impossible. En effet, les pDC sont (1) des cellules extrêmement rares (moins de 1% des PBMC (Peripheric blood mononuclear cells) et fragiles (ne peuvent pas être gardées en culture plus de 48h), (2) des cellules avec une grande activité d’endocytose et (3) spécialisées dans la reconnaissance des ARN et des ADN. Nous avons voulu mettre au point la transfection de siRNA dans des pDC primaires humaines afin de tout d’abord pouvoir étudier des protéines spécifiques des pDC et mieux comprendre leur fonctionnement et par la suite d’affiner notre étude sur les amines et découvrir leur cible et leur mécanisme dans l’objectif d’élaborer de nouvelles solutions thérapeutiques qui pourraient être utilisées localement dans des pathologies qui nécessitent la modulation des pDC (Article 2).

A

RTICLE N

°1

 

Les amines naturelles inhibent l’activation des cellules dendritiques plasmacytoïdes en induisant l’engagement de CXCR4

Nikaïa Smith, Nicolas Pietrancosta, Sophia Davidson, Jacques Dutrieux, Lise Chauveau, Michel Dy, Daniel Scott-Algara, Bénédicte Manoury, Isabelle McCort-Tranchepain, Olivier Schwartz, Andreas Wack, Sébastien Nisole, Jean-Philippe Herbeuval

Manuscrit en révision à NATURE COMMUNICATIONS

Introduction: Les pDC sont la première ligne de défense de l’organisme contre les pathogènes

et sont ainsi considérées comme les cellules professionnelles de la production d’IFN de type I. L’IFN-I est un antiviral puissant, indispensable au contrôle de la propagation virale lors des phases aigues de l’infection. Cependant, l’IFN-I peut s’avérer avoir des effets délétères dans un grand nombre d’infections chroniques et de maladies auto-immunes. Ainsi, il semble indispensable de découvrir les mécanismes régulateurs des pDC ainsi que des modulateurs de l’activation des pDC. Nous nous sommes intéressés au rôle de différentes amines dans l’activation des pDC ainsi que leur mécanisme de régulation qui passe par l’engagement de CXCR4.

Méthode: Les pDC sont purifiées par tri magnétique (sélection négative) à partir de PBMC du

sang de donneurs sains. Les cellules ont ensuite été pré-incubées avec les différentes monoamines ou polyamines à tester avant d’être cultivées avec différents virus sur la nuit. L’expression de TRAIL, la production d’IFN ainsi que l’activation des différents gènes de la voie de signalisation de l’IFN ont été étudiés en cytométrie en flux, en microscopie ou en RT-qPCR. D’autre part, nous avons aussi utilisé la technique de siRNA afin d’inhiber la production de la protéine cible, CXCR4. Une étude approfondie de modélisation a été effectuée sur l’interaction entre la cible et les molécules étudiées. D’autre part, les résultats ont été validés sur un modèle in vivo de souris de 12 semaines infectées par un virus de la grippe X31 après avoir reçu un traitement avec les amines.

Résultats: Nous avons ainsi montré que les monoamines (histamine, dopamine, sérotonine) et

les polyamines (spermine et spermidine) inhibent l’activation complète des pDC stimulées par divers virus. Nous avons aussi montré que la fonction amine de ces molécules était indispensable à leur activité. Par la suite, nous avons identifié CXCR4 comme étant le récepteur des amines sur les pDC. Ainsi, nous avons pu montrer que les amines pouvaient réguler les pDC en passant par CXCR4 et que ce récepteur était un potentiel interrupteur de l’activation des pDC lors des infections virales.

I

NTRODUCTION

:

L

E RÔLE DES AMINES DANS LA PHYSIOLOGIE