• Aucun résultat trouvé

Notre étude a identifié une nouvelle voie de la régulation des pDC par des molécules endogènes, notamment par des monoamines et des polyamines naturelles et synthétiques.

Il est maintenant connu que les patients atopiques sont beaucoup plus susceptibles aux infections virales pulmonaires (détaillée dans la partie « Introduction - IV. D. LES ALLERGIES »).

Cependant, leurs PBMC sont parfaitement fonctionnelles dans le sang périphérique. Notre étude permet ainsi d’éclairer les résultats observés, qui étaient expliqués jusqu’alors par l’inhibition des cellules immunitaires par le cross-link des IgER présents à leur surface. En effet, lors d’un épisode allergique, les mastocytes décharge de grandes quantités d’histamine localement qui peuvent alors inhiber les pDC qui ont migré vers ces mêmes tissus pour répondre à une infection virale ou bactérienne. Les amines bloquent alors la production d’IFN-I par les pDC mais aussi leur activation. En effet, nos travaux montrent que la production protéique de l’IFN-I est bloquée, mais aussi que les gènes d’activation des pDC comme TRAIL, différents interférons IFNA, IFNB et IFNG, mais aussi

des cytokines pro-inflammatoires IL-6 et des ISG, ISG56, étaient inhibés par la présence d’amines dans le milieu de culture des pDC stimulées avec un virus.

Les pDC ont la capacité de devenir des cellules tueuses (IKpDC) qui expriment TRAIL à leur membrane très précocement après une stimulation virale. Ce phénomène intervient donc très en amont dans l’activation des pDC. Il a par ailleurs été montré que la relocalisation de TRAIL à la membrane des pDC était en partie indépendante de la production d’IFN. Il serait par ailleurs intéressant de déterminer le mécanisme précis qui permet cette relocalisation et quelles protéines présentes dans la voie de signalisation en aval de l’activation de TLR7 induit cette expression. Nous avons pu montrer par microscopie à 3 dimensions à déconvolution que la relocalisation de TRAIL à la surface des pDC était inhibée par la présence des amines (Figure 4 de l’article n°1). D’autre part, afin d’avoir une vision complète de tous les acteurs de la voie de signalisation des TLR qui étaient impactés par l’action inhibitrice des amines, nous avons étudié la relocalisation d’IRF7 dans le noyau après stimulation virale. En effet, IRF7 est exprimé constitutivement dans les pDC ce qui leur permet de produire rapidement des grandes quantités d’IFNα par la boucle autocrine dans le but d’augmenter l’expression des ISG. Lorsque le pathogène est endocyté, son matériel génétique est libéré dans l’endosome et va être reconnu par TLR7, qui va alors recruter MyD88 afin d’engendrer la cascade de signalisation menant à la production d’IFN-I. IRF7 est un facteur de transcription qui peut être recruté par le complexe IRAK1, TRAF6, TRAF3, IKKα et l’ostéopontine (OPN). Cependant, il a aussi été montré qu’IRF7 pouvait interagir directement avec MyD88 (Kawai et al., 2004). La translocation d’IRF7 dans le noyau après stimulation virale est indispensable afin d’engendrer les gènes IFNA (Guiducci et al., 2008). Nous avons utilisé la technique du PLA / Duolink qui permet de déterminer l’interaction protéine-protéine lorsque les anticorps primaires de chaque protéine sont espacés de moins de 40nm. Cette technique peut être utilisée sur des cellules primaires fragiles qui n’ont pas besoin d’être modifiées génétiquement. Les anticorps secondaires possèdent des brins d’ADN qui peuvent alors interagir et s’amplifier. Nous avons ainsi observé qu’en présence de VIH, MyD88 et IRF7 était proches dans le noyau alors que lorsque les cellules sont prétraitées avec des amines cette interaction n’a plus lieu (Figure D10).

L’ensemble de nos résultats permet ainsi de valider que les amines bloquent totalement l’activation des pDC, de l’expression des gènes d’activation, à la relocalisation protéique membranaire et nucléaire jusqu’à l’expression protéique des molécules d’activation des pDC. Les amines sont ainsi de puissants inhibiteurs de l’activation virale des pDC.

Toutes ces molécules ont comme caractéristique commune de posséder des groupements amines protonées à pH physiologique. En effet, les différentes monoamines possèdent un ou plusieurs cycles avec une queue carbonée se terminant par un groupe amine alors que les polyamines sont des molécules linéaires possédant aussi des groupements amines à leurs extrémités. Nous avons alors synthétisé un agoniste de la sérotonine, le FFN-511 mais dont la fonction amine (NH3

+

) a été remplacée par un groupe carboxylate (CO2 -

), le FC-CO2 -

. L’utilisation de cette molécule à permis de valider que la présence de l’amine sur toutes nos molécules était absolument indispensable à leur activité sur les pDC (Figure 4 de l’article n°1).

On peut cependant se poser la question de la relevance physiologique des résultats que nous avons observés. En effet, la régulation du système immunitaire par les amines est très complexe et encore peu assez élucidée. En fonction des concentrations, de l’expression des récepteurs, du microenvironnement, l’histamine peut activer ou inhiber l’action des cellules cibles. Dans le cerveau, l’inflammation est un phénomène à éviter afin de ne pas causer de dommages tissulaires irréversibles. Or, il a été montré que de l’IFN peut être produit par les neurones (Delhaye et al., 2006) mais aussi en très grande quantité par les pDC présents dans le cerveau (Lande et al., 2008) ; une régulation extrêmement fine de cette cytokine doit alors être mise en place. L’histamine, mais aussi les autres neurotransmetteurs monoaminiques, peuvent alors remplir ce rôle. Cependant, il semble aberrant que le relargage massif d’histamine dans les poumons de patients asthmatiques, qui sont alors endommagés et sensibles, bloque l’activation potentielle des pDC contre les pathogènes. Ces résultats peuvent possiblement s’expliquer par le fait que les allergies et l’asthme sont des pathologies récentes et que notre organisme n’est pas habitué à de relargage aussi massif et fréquent d’histamine.

Nos résultats suggèrent un nouveau rôle potentiel des polyamines dans le cancer. En effet, les PA sont connues pour leur participation à la progression des cancers en raison de leur rôle important dans la croissance cellulaire. Or, nous savons que les pDC infiltrent les tumeurs afin de les éliminer via l’induction d’apoptose par la voie TRAIL. Nous pouvons ainsi émettre l’hypothèse que les polyamines participent à une immunomodulation locale en bloquant l’action des pDC et l’expression de TRAIL et donc de favoriser la progression des cancers.

Figure D10 : Duolink entre MyD88 et IRF7. Des pDC stimulées avec du VIH présentent des points rouges à l’intérieure de leur noyau, signe de la translocation de IRF7. Alors que les pDC prétraitées avec du CB ne possèdent plus ces points rouges. Il y a en effet eu inhibition de la translocation d’IRF7.