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Le recrutement des pDC vers les tumeurs est souvent associé avec un mauvais pronostique. En effet, les pDC infiltrées dans les tumeurs ont plutôt tendance à être tolérogène qu’immunogène.

Les résultats expérimentaux suggèrent fortement l’existence d’un processus selon lequel le système immunitaire protège l’hôte contre l’oncogenèse et contrôle les caractéristiques immunologiques des tumeurs en développement. Ce phénomène d’immuno-surveillance s’appelle « l’immunoediting » et consiste en trois phases (Schreiber et al., 2011): (1) l’élimination de cellules malignes par le système immunitaires ; (2) l’établissement d’un équilibre entre des cellules malignes génétiquement instables et les cellules du système immunitaire, ce qui reflète la pression de l’immunoediting imposé par le système immunitaire sur les cellules cancéreuses ; (3) la fuite des variants cellulaires néoplastiques avec la réduction de l’immunogénécité, ce qui va induire de nouveaux néoplasmes. L’IFN-I intervient dans ces trois phases (Dunn et al., 2005).

Des pDC non-stimulées, mais aussi dans certains cas lorsqu’elles sont activées, induisent une réponse des cellules T régulatrices (Treg) en présence de IDO ou de ICOSL. L’accumulation de cellules exprimant IDO dans les ganglions drainants a été associée avec de très mauvaises conséquences cliniques pour les patients avec des tumeurs malignes, en particulier ceux avec un carcinome au sein. En effet, le nombre élevé de pDC infiltrantes chez des patients avec un cancer du sein invasif mais non métastasique est corrélé avec un risque accru de dissémination tumorale, de rechute et un temps de survie réduit (Treilleux et al., 2004). Les pDC contribuent donc à la progression du cancer du sein. Les pDC dans les tumeurs du sein sont de très faibles productrices d’IFN-I et favorise l’expansion des Treg. Les mécanismes qui induisent la suppression de la production d’IFN-I et inhibe la capacité immunogénique des pDC infiltrantes font appel au facteur de croissance TGFβ (tumour cell-derived transforming growth factor-β), au facteur de nécrose TNF (tumour necrosis factor) mais aussi au facteur soluble sécrété par les cellules tumorales, PGE2. TGFβ et TNF inhibent tout deux la sécrétion de l’IFN par les pDC en induisant la

diminution de l’expression de TLR7/9, d’IRF7 (Bidwell et al., 2012) mais aussi du marqueur de migration CCR7. L’expression d’ICOSL sur les pDC semble aussi corréler avec la progression du cancer du sein en induisant l’augmentation du nombre de lymphocytes Treg immunosuppresseur et producteur d’IL-10 (Aspord et al., 2013).

Le recrutement des pDC vers les tumeurs des ovaires s’effectue par CXCL12/SDF-1 et est associé avec une réponse des lymphocytes T altérée mais aussi la production de TNFα et de l’IL-8, favorables à l’angiogenèse (Curiel et al., 2004) ; ce qui résulte en un mauvais pronostique pour le patient. A l’inverse des pDC du sang ou celles dans les ascites, les pDC associées au cancer des ovaires produisent beaucoup moins d’IFN-I, de cytokines pro-inflammatoires et de chimiokines en réponse à une stimulation des TLR et peuvent induire la production d’IL-10 par les lymphocytes T CD4+ naïfs allogéniques, ce qui suggère qu’elles ont un rôle crucial dans l’induction de la tolérance immunitaire et dans la progression du cancer des ovaires.

Les pDC humaines peuvent aussi contribuer à la progression des cancers en induisant la production et le relargage de la molécule pro-apoptotique granzyme B, ce qui va supprimer la prolifération des lymphocytes T. L’activation des pDC par des agonistes de TLR et CD40L régule négativement l’expression du granzyme B et la capacité des pDC à supprimer les lymphocytes T. A l’inverse des NK, les pDC ne relargue pas de perforine et sont donc incapables de tuer les tumeurs cibles en relargant des granules lytiques.

Plusieurs preuves montrent que divers cancers expriment des ligands reconnus par les récepteurs régulateurs des pDC, suggérant que les tumeurs développent aussi des mécanismes afin d’échapper aux réponses antivirales des pDC. BST-2, le ligand d’ILT-7, est exprimé par un grand nombre de tumeurs (Blasius et al., 2006b). En effet, l’interaction de BST-2 et ILT-7 supprime la production de tous les sous-types d’IFN-I et de TNFα après activation des TLR7/9 mais n’affecte pas les marqueurs de surface de maturation CD80 et CD86. Certaines cellules cancéreuses comme les mélanomes, les carcinomes rénaux et les tumeurs du poumon expriment constitutivement BST2 alors que d’autres tumeurs ont besoin d’une stimulation par des cytokines produites par les cellules immunitaires dans le microenvironnement tumoral pour exprimer cette molécule.

Lorsque les pDC sont stimulées de façon appropriée, elles peuvent aussi promouvoir des réponses anti-tumorales immunogéniques. L’injection de pDC activées avec des peptides associés aux tumeurs à des patients avec des mélanomes métastasiques mène à des réponses favorables des lymphocytes T CD4+ et CD8+. Ces résultats indiquent que la stratégie vaccinale utilisant des pDC activées peut être une stratégie thérapeutique attractive afin de surmonter la tolérance immunitaire dans certains types de cancers (Tel et al., 2013). Dans un modèle murin de tumeur mammaire, l’administration de ligand de TLR7 a résulté en l’activation de pDC associées à la tumeur qui ont alors un fort potentiel de cellules anti-tumorales. Dans le modèle murin de mélanome B16, les pDC stimulées par TLR expriment TRAIL et le granzyme B, ce qui va activer les cellules NK et donc induire la mort de la tumeur. Ainsi le développement d’un vaccin qui active les pDC et qui leur confère à la fois la capacité de produire de l’IFN, de présenter l’antigène et de lyser les cellules cibles a fait ses preuves (Tel et al., 2012).