• Aucun résultat trouvé

1.3 Problématique clinique

1.3.1 Thérapie de resynchronisation cardiaque

1.3.1.1 Principe général

La thérapie de resynchronisation cardiaque (CRT) est un traitement de l’asynchronisme cardiaque qui consiste en la pose de stimulateurs cardiaques. Ces stimulateurs déclenchent de

manière forcée la contraction du myocarde par impulsions électriques et visent donc à rétablir le synchronisme inter et intraventriculaire. L’implantation dure environ une heure et l’hospita-lisation une journée.

1.3.1.2 Sélection des patients

La sélection des patients pour la CRT se fait selon les critères d’inclusion suivant :

– une insuffisance cardiaque chronique avec une dysfonction ventriculaire gauche systolique, une fraction d’éjection inférieure ou égale à 35% et un diamètre télédiastolique du ventri-cule gauche supérieure à 27mm,

– une classe NYHA III ou IV malgré un traitement médical optimal, – un rythme sinusal au moment de l’inclusion,

– une durée du complexe QRS supérieure ou égale à 120ms.

Dans le cadre du projet IMOP (cf. paragraphe 1.3.2.2) et en général des projets de recherche en CRT menés en collaboration par le LTSI (unité INSERM U1099) et le CIC-IT 804, les patients adressés au CHU de Rennes pour une indication de resynchronisation cardiaque se sont vu proposer de participer à l’étude, sous réserve qu’il n’y ait pas de critère d’exclusion. Les critères d’exclusion possibles sont les suivants :

– patient déjà implanté d’un stimulateur ou défibrillateur cardiaque,

– patient souffrant d’insuffisance rénale sévère contre indiquant l’utilisation de l’iode, – allergie à l’iode connue,

– patient incapable de comprendre les objectifs de l’étude ou de coopérer, – patient non disponible pour les suivis,

– patient mineur ou femme enceinte.

1.3.1.3 Geste interventionnel

L’appareil est électronique, alimenté par batterie et son implantation sous-cutanée se fait en général sous la clavicule. La CRT consiste en la pose de trois sondes de stimulation (cf. figure 1.15). Une sonde est destinée à l’oreillette droite (placée au sommet de l’oreillette), une au ventricule droit (positionnée à l’apex) et la dernière au ventricule gauche [Cazeau et al., 2001, Cleland et al., 2005].

Plusieurs systèmes de CRT sont actuellement à l’étude. Le plus développé actuellement et le plus utilisé en clinique a été proposé par le Département de Cardiologie de Rennes dès 1998 [Daubert et al., 1998, Leclercq et al., 2000] où la stimulation ventriculaire gauche se fait alors dans la majorité des cas par l’insertion d’une unique sonde dans une veine du sinus coronaire par voie épicardique. De nouvelles modalités de stimulation sont cependant en évaluation dont la stimulation par voie endocardique trans-septale atriale [Lafitte et al., 2009] ou la stimula-tion multi-site [Rogers et al., 2012]. Nous ne considérons dans ce manuscrit que le mode de stimulation épicardique par voie veineuse. Le site optimal de stimulation du VG est générale-ment celui de dernière activation sur la paroi libre du VG (paroi latérale à mi chemin entre la base et l’apex). Toutefois, le choix d’une veine cible s’appuie sur d’autres critères tel que l’emplacement de la veine, sa qualité pariétale, les possibilités d’accès. La technique originale de pose de prothèse biventriculaire, aujourd’hui utilisée, a été conçue au CHU Pontchaillou [Daubert et al., 1998] et a été reprise au niveau international. Elle procède schématiquement de la manière suivante :

– le repérage de la veine cible est réalisé grâce à une angiographie du sinus coronaire sous fluoroscopie en incidence oblique antérieure gauche,

– l’électrode de stimulation ventriculaire gauche est ensuite insérée par la veine sous-clavière dans la veine cible,

Figure 1.15 – Implantation des sondes de stimulation biventriculaire pour la thérapie de resynchronisation cardiaque. Trois sondes sont implantées pour assurer la stimulation auriculaire droite, ventriculaire droite et ventriculaire gauche.

– la pose des électrodes ventriculaire et auriculaire droites, plus classique, est réalisée par voie aortique fémorale.

La pose des électrodes de stimulation est un geste faiblement invasif mais néanmoins délicat et complexe. Aussi des complications cardiaques ou liées au système de stimulation peuvent être rencontrées durant la pose [Ritter et Fischer, 1997] :

– les complications cardiaques éventuelles sont :

∗ des troubles rythmiques (fibrillations auriculaires ou ventriculaires, extrasystoles), ∗ l’asystole (surtout pour des patients en bloc atrio-ventriculaire de troisième degré), ∗ la perforation myocardique (plus fréquente dans le cas de sondes fines ou à vis), – les complications liées au système de stimulation éventuelles sont :

∗ la stimulation du diaphragme : soit par stimulation directe du nerf phrénique droit par la sonde de stimulation OD, soit par stimulation musculaire (le myocarde reposant sur le diaphragme) par la sonde de stimulation VG si sa position est proche de l’apex ventriculaire droit et pour des niveaux d’énergie de stimulation élevés,

∗ le déplacement de sonde.

Ces complications entraînent le plus souvent un repositionnement de la ou des sondes. Malgré les complications énoncées, les risques liés à l’implantation sont minimes et comparables aux risques encourus lors de l’implantation d’un pacemaker conventionnel [Strickberger et al., 2003]. Toutefois, si les risques sont minimes, il ne faut pas négliger les difficultés rencontrées du point de vue de l’acte interventionnel, en particulier :

– le positionnement essentiellement empirique des électrodes,

– l’accès anatomiquement très contraint au sinus coronaire ainsi qu’aux veines cibles dépen-dant des conformations et des diamètres des vaisseaux,

– l’absence de prise en compte des paramètres hémodynamiques, mécaniques et électriques intracardiaques (débits, état et réponse contractile du myocarde) : le contrôle de la pose est fait par électrocardiogramme acquis durant la procédure.

Pour ces raisons, le site de stimulation optimal visé (celui de dernière activation situé généra-lement sur la paroi latérale) peut ne pas être accessible.

1.3.1.4 Stimulation biventriculaire

Les trois sondes de la CRT biventriculaire sont reliées à un stimulateur cardiaque ou pile délivrant les impulsions électriques aux sondes. Les stimulateurs cardiaques récents sont mu-nis d’une triple sortie permettant le réglage des délais auriculo-ventriculaire (AV) et inter-ventriculaire (VV). Les délais AV et VV sont adaptés sous contrôle échocardiographique afin d’obtenir le meilleur profil de remplissage ventriculaire tout en préservant une dépolarisation ventriculaire gauche optimale. Dans une étude réalisée sur 43 patients, le délai AV optimal obtenu est en moyenne de 148 ms [Purnode et al., 2004].

La stimulation biventriculaire, en comparaison à une stimulation seule du VD (et de l’OD) permet de corriger des défauts de conduction (bloc de branche) pour lesquels l’activation du VG est retardée (de 150 ms en moyenne) par la conduction intraseptale. Le but de cette sti-mulation est d’assurer une stisti-mulation synchrone des deux ventricules, de diminuer les effets hémodynamiques néfastes des blocs de branche et de diminuer l’importance des régurgitations valvulaires [Ritter et Fischer, 1997].

1.3.1.5 Effets de la CRT

Les patients souffrants d’asynchronisme ventriculaire candidats à la CRT ont une fraction d’éjection du ventricule gauche faible (FEVG ≤ 35%). Des mécanismes physiologiques naturels visent à compenser cette insuffisance au niveau cardiaque et extra-cardiaque.

Au niveau cardiaque, le rythme s’accélère (tachycardie), le volume ventriculaire augmente pour assurer un volume d’éjection systolique suffisant, le muscle cardiaque s’épaissit (hypertro-phie ventriculaire gauche). Après implantation des sondes de stimulation, la FEVG augmente, le rythme cardiaque diminue entraînant un remodelage du cœur. Le ventricule gauche peut, en 6 mois perdre 20 à 50mL de son volume pré-implantation.

Au niveau extra-cardiaque, la CRT diminue les symptômes de l’insuffisance cardiaque (essoufflement ou dyspnée, œdèmes des membres inférieurs, meilleure qualité de vie) [McAlister et al., 2007]. La CRT abaisserait également la mortalité chez les patients fortement symptomatiques [Moss et al., 2009].