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THÉRAPEUTIQUE PAR LA VIOLENCE EN ASILE

Lřinstitution de lřordre par une diffusion de violence est, pour Foucault, vouée à constituer une pratique exceptionnelle et marginale du pouvoir disciplinaire. Nous avons vu que le problème de la violence pensée exclusivement à partir de son « coût pour le pouvoir » organise dans Surveiller et punir le mode même de sa compréhension et le niveau de son exercice. Mais ce niveau de déploiement de la violence, comme maintien politique dřune régularité des corps nřépuise pas sa disposition stratégique. Comprendre le problème de la violence à partir des effets corporels quřelle induit et de ses usages, autrement dit à partir de ses modes de distribution afin de repérer une disposition stratégique des forces, signifie la saisir dans sa dimension de pratique punitive. Dřune manière schématique, nous pouvons dire quřavec lřHistoire de la folie (1961) et le cours Le Pouvoir Psychiatrique (1973-1974) Foucault repère un niveau moral et thérapeutique de la violence. Il y a un rapport complexe qui sřinstaure entre un pouvoir violent disciplinaire et le corps qui entre sous son emprise. Ce pouvoir nřinstrumentalise pas tout simplement le corps, il se réactive à partir des

87 En visitant la prison dřAuburn aux États-Unis, Tocqueville est surpris par lřefficacité de la machine

pénitentiaire où on utilise le fouet afin de rythmer les corps. Dans la prison, « the cat » fonctionne comme moteur disciplinaire pour stimuler le rendement des détenus. Ainsi, il conclut: « Ceci prouve deux choses: 1) que lřemprisonnement solitaire comme punition disciplinaire est un moyen insuffisant ; 2) que le système des coups, quoi quřon dise, est encore le plus conforme à l’humanité », Archives de Yale, Blf 2, note de Tocqueville ; souligné dans le texte, cité dans (Tocqueville, 1984 : 41)

résistances de ce dernier88. Par la violence le pouvoir disciplinaire se fournit un accès

immédiat au corps : le pouvoir est essentiellement physique, ou bien il a des applications essentiellement physiques89. Il faut saisir la capillarité des relations de pouvoir à partir de ce qui est proprement physique, plus précisément à partir dřune modification des surfaces corporelles et des réinvestissements des forces par des processus mécaniques,90 mais aussi tout en investiguant les effets rhétoriques de la violence.

La violence est un opérateur thérapeutique pour un médecin qui se propose de maîtriser ou de domestiquer la folie. Chez Pinel, la violence remplit un rôle décisif dans le traitement moral des fous91. Au XVIIIe siècle, lřusage de la douche comme pratique thérapeutique avait pour fonction de rendre lřorganisme plus vigoureux, « de détendre les fibres brûlantes et desséchées » (HF, 620). Mais, chez Pinel, la douche change de sens. Elle est intégrée à une thérapeutique par la violence: « […] on lui administre la douche, on la soumet au gilet de force ; elle paraît, enfin, « humiliée et consternée » ; mais de peur que cette honte soit passagère et le remords trop superficiel, « le directeur pour lui imprimer un sentiment de terreur, lui parle avec la fermeté la plus énergique, mais sans colère et lui annonce quřelle sera désormais traitée avec la plus grande sévérité ». Le résultat ne se fait pas attendre : « Son repentir sřannonce par un torrent de larmes quřelle verse pendant près de deux heures. » (Pinel, 1800 : 206, cité dans HF, 621-622). Lřeau est désormais investie par le pouvoir sur le seul plan de lřintensité. La puissance du jet laisse de côté toutes les dimensions qualitatives de lřeau pour ne plus être que le moyen de produire des effets mécaniques. Lřeau a une fonction réductrice, elle doit minorer92 le corps malade pour le

88 « […] un pouvoir qui non seulement ne se cache pas de sřexercer directement sur les corps, mais sřexalte et

se renforce de ses manifestations physiques » (Idem, 69)

89 « Tout pouvoir est physique, et il y a entre le corps et le pouvoir politique un branchement direct. » (PPsy,

15)

90 « Tout ce qui pourra agir sur le cerveau directement ou indirectement et modifier notre être pensant, tout ce

qui pourra dominer et diriger les pensées sera lřobjet du traitement moral » (Esquirol, 1989 : 60). Dr. Calmeil est encore plus tranchant « Ou je me trompe […] ou lřon ne parvient à remédier aux écarts de jugement quřen agissant sur des ressorts matériels » (Leuret, 1840 : 74)

91 « Un principe fondamental pour la guérison de la manie dans un grand nombre des cas est de recourir

dřabord à une répression énergique, et de faire succéder ensuite des voies de bienveillance. » (Pinel, 1800 : 222) cité dans (HF, 416).

92 « La seule qualité dont on lřa chargé, cřest la violence […] [lřeau] doit réduire lřindividu à sa plus simple

expression possible, à sa forme dřexistence la plus mince et la plus pure, lřoffrant ainsi à une seconde naissance […] » (Idem, 401)

restructurer et le récupérer dans la normalité. Déployer une violence à des fins thérapeutiques est une pratique courante dans les asiles du XIXe siècle. Nous le savons, le XXe siècle conserve et propage cette pratique de la violence. Thomas Szasz nous fournit une confirmation à partir de son expérience des hôpitaux psychiatriques américains. « Informed by the ideologies of psychiatry and public health, medicalization legitimizes coercion as treatment. In a Wall Street Journal editorial, Yale University psychiatrist Sally Satel declares: «Addicts would be better off if more of them were arrested and forced to enroll in treatment programs ... [this is] the essence of human therapy. »93

Pour comprendre la formation dřune mémoire corporelle asilaire par le biais de la violence il faut faire appel à ce que Foucault appelle le « rythme disciplinaire ». Dans le pouvoir souverain, lřarticulation dřune mémoire corporelle sřeffectue par le rituel de la marque. Dans les disciplines, le marquage des corps sřopère différemment. Cřest le regard qui laisse des traces sur le corps, mais aussi les violences mineures qui ont une fonction dřincitation, de stimulation des corps. Nous avons vu plus haut que, dans les disciplines, lřinvestissement du rythme comme ingrédient du pouvoir cherche à créer une régularité des corps par son insertion dans un monde des signaux et par lřagencement du programme disciplinaire. Dans lřasile, lřagencement dřune régularité corporelle se déplace et acquiert une fonction thérapeutique. La machine rotatoire, mise en évidence par Mason Cox, constitue un exemple révélateur pour comprendre lřélaboration dřun rythme corporel par des moyens violents. […] « Le mouvement ne vise plus à restituer le malade à la vérité du monde extérieur, mais à produire seulement une série dřeffets internes purement mécaniques et purement psychologiques. Ce nřest plus à la présence du vrai qui sřordonne la cure, mais à une norme de fonctionnement. » (HF, 406). À travers la fixation dřun rythme corporel par la pratique violente dřun châtiment régulier intégré à une thérapeutique asilaire punitive, nous assistons à la constitution dřune mémoire du corps. Pinel prescrit un traitement graduel aux aliénés pour établir un rythme de vie saine par la fixation des habitudes afin dřacquérir des comportements finalisés. « Le plus grand calme règne dans

93 Wall Street Journal editorial, « For Addicts, Force Is the Best Medicine », January 6, 1998, cité dans

cet asile et pour mieux lřassurer on engage les convalescents à travailler dans un vaste atelier au tricot et à la couture si on excite leur émulation par un léger salaire ; un des principes fondamentaux est dřécarter de ce lieu tout sujet de mécontentement et dřaigreur tout motif de chagrin et dřinquiétude […] Cřest un signe de mauvais augure que le passage brusque dřun état de délire à une raison saine, puisque cřest là le caractère ordinaire dřune manie périodique et le plus souvent incurable. Un état intermédiaire et un changement favorable qui sřopère par degrés annoncent un rétablissement solide des facultés morales pourvu que rien ne trouble cette tendance naturelle, et cřest là le motif des précautions sans nombre quřon prend dans la division des convalescents et de la surveillance sévère quřon exerce aussitôt les moindres caractères dřune rechute qui se déclare et pour appliquer les moyens dřen arrêter le développement ultérieur […] Ce quřil y a de plus notable dans ce passage cřest la connaissance profonde de cette loi de lřhabitude qui ne sřaccommode point des changements trop brusques. »94. Foucault entend cette problématique dřune punition appliquée de manière systématique avec pour finalité lřintériorisation de lřinstance judiciaire : « Cette évidence presque arithmétique de la punition, le châtiment répété autant de fois quřil le faut, la reconnaissance de la faute par la répression qui en est faite, tout cela doit aboutir à lřintériorisation de lřinstance judiciaire. » (HF, 621).

Pour notre part, cette figure de la fixation du rythme corporel joue comme modalité pour donner forme à lřexcès dřune thérapeutique de la violence sur les corps. Il en va par exemple ainsi de la douche qui nous aide à mieux comprendre que lřorganisation dřun rythme et lřarticulation dřune mémoire corporelle par la violence ont un but thérapeutique défini. Leuret décide ainsi de faire écrire à un de ses patients lřhistoire de sa vie :

Il est vrai de dire, cependant, que mes confrères et moi, nous nřemployons pas les douches et les affusions dans les mêmes circonstances ni tout à fait dans le même but. Avec eux, jamais un malade inoffensif, jamais un mélancolique, un monomaniaque nřen recevra, à moins quřil nřait commis quelque grave infraction à la règle de lřétablissement ou refusé de se nourrir. Moi pour ne pas attendre que la maladie en vienne à ce point, pour lřarrêter sřil se peut dans sa marche je ne crains pas de fournir au malade lřoccasion de faillir, afin de lui donner la douche et de lui enseigner ce quřil doit faire pour lřéviter. Et quand jřai obtenu une

concession je ne suis pas satisfait, il mřen faut chaque jour des nouvelles ; plus on mřen a fait, plus jřexige et, si jřentrevois la guérison, je mřarrête seulement quand elle est obtenue. » (Leuret, 1840 : 162)

Jřemploie contre lui mon argument le plus fort, je lřenvoie dans la salle des bains, je le fais déshabiller, placer dans une baignoire et on lui jette deux seaux dřeau froide sur le corps. Il promet dřécrire, sřessuie, sřhabille et dit quřil nřécrira pas. Quatre seaux dřeau. Il se déshabille et les reçoit, promet et ne tient pas parole. Huit seaux dřeau. On les apporte et, quand il les voit rangés devant lui quand il est bien sûr dřaprès nos antécédents que je suis un homme à tenir parole, il cède et consacre le reste de la journée et le lendemain à écrire son histoire avec de grands détails.(Idem, 444).

Nous voyons donc que la thérapie des corps par la violence cherche à fixer un rythme corporel par des moyens mécaniques. Cela sřexerce dřune manière préventive afin de restructurer et de redistribuer les forces corporelles, en quittant ainsi le plan dřun châtiment corporel strict, sous la forme dřune sanction, qui réactiverait la micropénalité asilaire. Plus généralement, on peut décrire lřasile comme une machine qui produit des rythmes et des effets dřaccélération sur les corps qui doivent être internalisés et reproduits. « Il y a dans une maison semblable un mouvement, une activité, un tourbillon dans lequel entre peu à peu chaque commensal ; le lypemaniaque le plus entêté, le plus défiant, se trouve à son insu forcé de vivre hors de lui, emporté par le mouvement général, lřexemple […] ; le maniaque lui-même, retenu par lřharmonie, lřordre et la règle de la maison, se défend mieux contre ses impulsions et sřabandonne moins à ses activités excentriques » (Esquirol, 1989 : 126). Cité aussi dans (PPsy: 151-152). Comment donc le pouvoir crée-t-il une mémoire corporelle95, sinon par son rapport direct au corps et par un modelage incessant du corps lui-même qui, en tant que surface résistante, constitue ainsi la matière de cette mécanique de pouvoir ? La marque, les châtiments physiques légers à visée disciplinaire, les douches,

95 Ce thème dřune mémoire corporelle avait dřailleurs une grande importance aux yeux de Foucault. Ainsi

écrivait-il, à propos du film de René Allio sur Pierre Rivière, que « ces micro-événements qui ne méritent même pas dřêtre racontés et qui tombent quasi-hors de toute mémoire » ne tombent pourtant pas dans le néant car « il y a bien un niveau où ça sřinscrit, et il nřy a pas finalement un événement quelconque qui sřest passé au fond de nos campagnes qui, dřune certaine manière, ne sřinscrive encore dans le corps des habitants des villes du XXe siècle » dans (DEII, 116). Curieux bergsonisme où le passé se conserve non sous la forme de

traces virtuelles, mais sur la surface du corps, où le pouvoir, lui aussi, sřécrit et forme une mémoire assujettie. Foucault lřavait déjà théorisé dans « Nietzsche, la généalogie et lřhistoire » où il écrivait : « sur le corps on trouve le stigmate des événements passés » […] il est pris dans une série des régimes qui le façonnent ; il est rompu à des rythmes de travail, de repos et de fêtes ; […] il se bâtit des résistances. (DEI, 1015).

le fauteuil rotatoire, etc. sont des moyens pour modeler le corps et restructurer ses forces. Par une diminution dřintensité et par une graduation de la violence sur les corps, ces pratiques fournissent une autre dimension de la violence qui nřest pas purement négative, mais au contraire pleinement positive. Elles articulent des techniques de réformation des corps et des âmes, qui peuvent à la fois guérir et enseigner les corps sans les détruire.

Dans lřasile, lřextension du spectaculaire sřopère à travers la multiplication des scènes dřaffrontement entre le médecin et le malade. Les scènes de guérison fonctionnent dans lřéconomie du pouvoir comme des formes de capture des corps. Dans la dramaturgie asilaire, la peur joue un rôle capital. Pour Foucault, la peur au XVIIIe siècle est un « personnage essentiel de lřasile. » (HF, 600), un moyen thérapeutique qui se justifie par un recours aux observations physiologiques. « La peur, au XVIIIe siècle, est considérée comme une des passions quřil est le plus recommandable de susciter chez les fous. […] Elle a la propriété de en effet de figer le fonctionnement du système nerveux, dřen pétrifier en quelque sorte les fibres trop mobiles, de mettre un frein à tous leurs mouvements désordonnés ; « la peur étant une passion qui diminue lřexcitation du cerveau peut par conséquent en calmer lřexcès, et surtout lřexcitation irascible des maniaques. » (Cullen, Institutions de médecine pratique, t II, p. 307 cité dans HF, 410).Toutefois, au XIXe il fait signaler un glissement dřusage : la peur nřest plus une « méthode de fixation du mouvement» (Idem, 411), mais intégrée dans le traitement moral, elle devient moyen de contrainte et de punition. Le constat est important : la peur acquiert effectivement une dimension morale, sans pourtant quitter lřenjeu thérapeutique proprement dit. La thérapie est plutôt renforcée par des moyens moraux. La peur reste une tactique asilaire remarquable utilisée à des fins curatives96. La thérapie par la peur comporte lřaménagement dřun décor théâtral. « La mise en scène de la justice, dans tout ce quřelle a de terrible et dřimplacable, fera donc partie du traitement. Un des internés de Bicêtre avait un délire religieux animé par une terreur panique de lřEnfer ; il ne pensait pouvoir échapper à la damnation éternelle que par une abstinence rigoureuse. […] Un soir, le directeur se présente à la porte du malade « avec un appareil propre à lřeffrayer, lřœil en feu, un ton de voix foudroyant, un

96 « Le principe de la peur, qui est rarement diminué dans la folie, est considéré comme dřune grande

groupe de gens de service pressés autour de lui, et armés de fortes chaînes quřils agitent avec fracas. On met un potage auprès de lřaliéné et on lui intime lřordre le plus précis de le prendre durant la nuit, sřil ne veut pas encourir les traitements les plus cruels. On se retire, et on laisse lřaliéné dans lřétat le plus pénible de fluctuation entre lřidée de la punition dont il est menacé et la perspective effrayante de tournements de lřautre vie. Après un combat intérieur de plusieurs heures, la première idée lřemporte et il se détermine à prendre la nourriture. » (Pinel, 1800 : 207-208) cité dans (HF, 620).

Les fameuses tea-parties dans lřasile de Tuke font émerger un investissement spectaculaire du regard97. Le théâtre98 est moyen de surveillance des gestes. Il est pensé comme un procédé dřacquisition du self restraint chez Tuke et il avait déjà été longuement exploré par les Jésuites au XVIIe siècle. « Les directeurs et les surveillants de la Retraite convient donc régulièrement quelques malades à des « tea-parties » ; les invités « revêtent leurs meilleurs costumes, et rivalisent les uns avec les autres en politesse et en bienséance. On leur offre le meilleur menu, et on les traite avec autant dřattention que sřils étaient des étrangers. La soirée se passe généralement dans la meilleure harmonie et dans le plus grand contentement. Il arrive rarement quřun évènement désagréable se produise. Les malades contrôlent à un degré extraordinaire leurs différents penchants ; cette scène suscite à la fois lřétonnement et une satisfaction bien touchante ». (Tuke, 1964 : 178) cité dans (HF, 604). Esquirol produit lui aussi des spectacles asilaires pour réactiver ses malades. « Un mélancolique se désespère : on lui suppose un procès; le désir de défendre ses intérêts lui rend son énergie intellectuelle. » (Esquirol, 1989 : 67). Le spectaculaire asilaire subsiste toujours comme manière de reconversion des âmes, mais cette fois chez un antipsychiatre. En effet, résister dans lřasile signifierait, pour R. D. Laing, remanier le spectaculaire asilaire et le transformer dřune procédure dřobjectivation qui amène à la dissolution des

97 « Tuke avait organisé tout un cérémonial autour de ces conduites du regard. Il sřagissait des soirées selon la

mode anglaise où chacun devait mimer lřexistence sociale dans toutes ses exigences formelles, sans que rien dřautre ne circule que le regard qui épie toute incongruité, tout désordre, toute maladresse où se trahirait la folie. » (HF, 603-604)

98 « […] le théâtre de la folie était effectivement réalisé dans la pratique médicale ; sa réduction comique était

individus dans un rituel dřinitiation qui explore les profondeurs du moi : « Au lieu du cérémonial de dégradation que constituent lřexamen, le diagnostic et le pronostic psychiatriques, nous aurions besoin, pour ceux qui sont prêts […] dřun cérémonial d’initiation, grâce auquel la personne serait guidée dans lřespace et le temps intérieurs par des gens qui ont déjà effectué ce voyage et qui en sont déjà revenus. » (Laing et Elsen, 1976 : 88)

La pratique de la violence dans son sens thérapeutique émerge aussi dans le contexte de la constitution du médecin comme présence asilaire toute-puissante. Entre le médecin et le malade, sřinstaure un « déséquilibre de pouvoir », une rupture de niveaux, pour instituer une dissymétrie irréversible des forces. Lřexpression du pouvoir médical exige, la plupart du temps, un « appareil de contrainte » (Pinel, 1800 : 61, cité dans PPsy: 146). On a donc un affrontement physique au sens strict. Selon Foucault, le pouvoir psychiatrique constitue une réplique de puissance à la folie et à ses prétentions délirantes (Foucault, Idem : 147). Le médecin, point fonctionnel de visibilité maximale, nœud de pouvoir qui absorbe toute volonté étrangère à la sienne99, « maître de la folie » (Idem, 345), décideur de ce qui doit contrer la maladie, opérateur de son traitement, est un producteur dřévènements. Esquirol nous dit que « le médecin qui donne impulsion à tout, dans un pareil établissement, auquel se réfère tout ce qui intéresse chaque individu, voit des malades […] intervient dans leurs