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Nous le savons, une des critiques majeures de la notion foucaldienne du pouvoir consiste dans son assimilation à une figure globale de domination. Cřest A. Honneth qui exprime de manière exemplaire ce point de vue. «It is, of course, unwarranted to claim that the newly developed procedures of control are more effective than the instruments of social control found in prebourgeois forms of domination, since they serve the maintenance and stability of a different social order, a new institutional framework. However, Foucault seems to claim precisely this; comparing the two types of social control, he speaks of an augmentation of social power. From this we can infer that he is secretly inclined toward the second model of a functionalist analysis. What stands in the center of this model is not a given social order but a process of increasing social power, from which it is assumed that this process fulfils functions in connection with invariant problems of reference. If Foucault follows such a methodological procedure, he must attempt to observe all social processes from the functionalist perspective, not of the maintenance, but rather of the augmentation of power; in other words, from the viewpoint of the objective aim of a maximum control of all processes of social life. » (Honneth, 1991 : 184). Le pouvoir foucaldien serait donc identifiable à une forme homogène de domination et son devenir inséparable de lřintensification croissante du contrôle de tous les aspects de la vie sociale. De notre point de vue, cette thèse est irrecevable, non parce quřelle affirme que Foucault a pu décrire certains aspects du « pouvoir moderne » comme plus affinés et fonctionnels que le pouvoir traditionnel -par exemple dans Surveiller et Punir- mais parce quřelle laisse croire que les analyses du pouvoir chez Foucault sont secrètement gouvernées par la perspective fonctionnaliste qui veut que la transformation des formes de son exercice soit assujettie à sa fonction transhistorique de permettre la reproduction dřune totalité au-delà des

contradictions grandissantes qui la traversent ou malgré les menaces, toujours plus lourdes, qui pèsent à ses limites, la folie, la délinquance, lřanormalité, et fait croître la faculté de contrôle de la vie de chacun en regard de son accomplissement de cette fonction. Le fonctionnalisme, quel que soit le domaine théorique dans lequel il apparaît, se caractérise toujours par le fait quřil explique lřémergence et la transformation dřun réel quelconque par la ou les fonctions quřil exerce en regard de la reproduction de la totalité dans laquelle il sřinscrit. En posant lřexistence dřun lien nécessaire entre intensité et contrôle qui sřopère sous la forme dřune synthèse coercitive, lřanalyse du pouvoir chez Foucault ne déclinerait rien dřautre que les aspects multiformes de cette synthèse qui obéirait à une seule fonction fondamentale14. On a vu que le pouvoir chez Foucault nřest pas homogène dans le temps et lřespace, quřil nřest jamais si fort ni si victorieux quřon ne doive oublier quřil est doté dřune normativité « faible », quřil est asubjectif, quřil est fait de stratégies et de tactiques qui rencontrent toujours leurs limites et que son réel est non immédiatement représentable. En outre, comme on le verra plus loin, notre analyse de la manière dont il pense les rapports entre rythme et intensité dans son exercice15 disqualifie cette charge dřessentialisme que la position dřHonneth porte avec elle. Lřenjeu sera alors de penser lřefficace du pouvoir comme un processus technico-politique différentiel plutôt que de manière homogène, comme cřest le cas chez Honneth.

Dans Surveiller et punir, le pouvoir comme exercice stratégique, aménage certaines modalités de domination analysables en termes « de dispositions », de « manœuvres », de « tactiques », de « techniques », de « fonctionnements » (SP, 35). La domination nřest

14 En faisant de Foucault un penseur « fonctionnaliste », lřinterprétation dřHonneth, qui radicalise en fait une

interprétation plus ancienne dřHabermas, projette sur Foucault une perspective qui nřest pas la sienne. Lřaccusation explicite de fonctionnalisme surgit chez Habermas de façon plus locale. Cřest parce que Foucault poserait que les exigences de validité dřun discours sont des effets de pouvoir quřil adopterait un point de vue « fonctionnaliste ». Voir (Habermas, 1988 : 328). Mais dřune certaine manière, lřanalyse de Honneth est déjà contenue dans les remarques critiques quřHabermas adresse à Foucault à propos de lřintensification de la surveillance dans la prison moderne et de lřintensification du contrôle social dans la modernité en général. (Idem, 343). De façon plus générale sur les interprétations de Foucault à lřintérieur de la théorie du contrôle social. Voir Alain Beaulieu Michel Foucault et les sciences sociales en Amérique,

article paru dans la revue en ligne Le monde commun, décembre 2007,

http://www.mondecommun.com/index.php/revue/michel_foucault_et_les_sciences_sociales_en_amerique.

jamais globale, ni homogène, mais spécifique et plutôt dřordre analytique. Foucault envisage une analyse des « effets » de domination à partir des jeux dřappuis des différents mécanismes de pouvoir qui ont des «modalités propres» (DEII, 202). Dans le cadre de la technologie disciplinaire, par exemple, ce sont les effets de domination déterminés sur les corps que Foucault analyse et non pas une substance diffuse qui informerait subrepticement les actions individuelles. Plus généralement, au début et au milieu des années Ř70, nous assistons à lřintérieur de lřanalyse foucaldienne à une technologisation du couple stratégique pouvoir/domination16. Autrement dit, une des clés interprétatives pour penser cette articulation spécifique pouvoir-domination est la notion dřassujettissement. Cřest bien à travers lřaffrontement physique des forces que les effets de domination sur les corps peuvent être analysés. Dans Surveiller et punir, lřanalyse stratégique des rapports de pouvoir implique un affrontement physique des forces, sur le modèle de la bataille. La problématique de lřaffrontement à lřintérieur de la technologie disciplinaire est réfléchie à partir des différents mécanismes dřassujettissement des forces corporelles. Afin de spécifier cette dernière notion chez Foucault, opposons-la à celle dřassujettissement chez Althusser.

Il y a deux termes qui définissent lřassujettissement chez Althusser, la violence et lřidéologie. Dřabord, le rapport dřassujettissement est garanti par la violence et ce quřil appelle les Appareils répressifs dřÉtat (ARE), à savoir lřarmée et la police. Ces derniers fonctionnent de manière prévalente, mais non-exclusive à la violence au sens physique et non-physique17. Ensuite, le rapport dřassujettissement est produit par lřidéologie et ce quřil appelle les Appareils idéologiques dřÉtat (AIE). Ce type dřappareil dřÉtat fonctionne principalement à lřidéologie, ce qui nřexclut pas lřusage de la violence18. Cřest ainsi quřon

16 La technologie de pouvoir, dit-il, Ŗdomine et se fait obéirŗ. (DEII, 532)

17 ŖRépressif indique que l'Appareil d'État en question [lřappareil répressif dřÉtat] « fonctionne à la violence

», du moins à la limite (car la répression, par exemple administrative, peut revêtir des formes non-physiques)ŗ (Althusser, 1982 : 84).

18 ŖNous dirons en effet que tout Appareil d'État, qu'il soit répressif ou idéologique, « fonctionne » à la fois à

la violence et à l'idéologie, mais avec une différence très importante, qui interdit de confondre les Appareils idéologiques d'État avec l'Appareil (répressif) d'État. C'est que pour son compte l'Appareil (répressif) d'État fonctionne de façon massivement prévalente à la répression (y compris physique), tout en fonctionnant secondairement à l'idéologie. (Il n'existe pas d'appareil purement répressif). […] De la même manière, mais à l'inverse, on doit dire que, pour leur propre compte, les Appareils idéologiques d'État fonctionnent de façon

peut parler chez Althusser dřun assujettissement idéologique. Par exemple, la reproduction de la force de travail sřopère à travers la reproduction de lřassujettissement à lřidéologie19. En critiquant assez ouvertement le concept dřidéologie dřAlthusser, qui la définit comme construction imaginaire et comme impensé de nos rapports sociaux, Foucault récuse la pertinence même du problème de la légitimation au nom de sa conception à la fois relationnelle et réelle du pouvoir. Pour résumer la position foucaldienne articulée dans Surveiller et punir et dans son cours au Collège de France Il faut défendre la société, on peut constater que Foucault pense à lřépoque en termes de pouvoir, pas dřaliénation idéologique, en termes de corps et de ses forces, pas de conscience faussée par lřéducation, en termes dřagencement des techniques et des stratégies et pas sous la forme des représentations imaginaires, en termes de micro-pouvoirs et pas dřAppareil Idéologique dřÉtat. Ce qui émerge alors de cette série de contre-propositions est le complexe savoir- pouvoir quřil oppose à lřemprise de lřillusion idéologique sur les sujets20.

Pour revenir au traitement foucaldien de lřassujettissement, il faudrait examiner de quelle manière précise il le conceptualise à partir de la technologisation du pouvoir et de la domination. Dans Surveiller et punir, Foucault analyse une figure technologique de lřassujettissement comprise comme un « assujettissement direct » qui est dř « ordre physique » (SP, 34). Pourtant, il ne faut pas entendre cet assujettissement physique comme une forme de violence répressive ou idéologique, au sens dřAlthusser. Il faut plutôt le comprendre comme une capture de forces inhérente à la production historique dřune série de mécanismes disciplinaires qui investissent les forces dans leur matérialité. Précisons dans ce sens que la capture des forces corporelles ne reconduit pas une forme de prélèvement. Cette opération nřest pas de lřordre dřun pouvoir souverain qui épuise les

massivement prévalente à l’idéologie, mais tout en fonctionnant secondairement à la répression, fût-elle à la limite, mais à la limite seulement, très atténuée, dissimulée, voire symbolique. (Il n'existe pas d'appareil purement idéologique.) » (Althusser, 1982 : 86).

19 « La reproduction de la force de travail fait donc apparaître, comme sa condition sine qua non, non

seulement la reproduction de sa « qualification », mais aussi la reproduction de son assujettissement à l'idéologie dominante, ou de la « pratique » de cette idéologie, avec cette précision qu'il ne suffit pas de dire: « non seulement, mais aussi », car il apparaît que c'est dans les formes et sous les formes de l'assujettissement idéologique qu'est assurée la reproduction de la qualification de la force de travail.ŗ (Althusser, 1982 : 72).

corps à travers ses demandes dřextorsion répétées. Nous ne sommes pas du côté dřune technologie qui fait mourir, mais du côté dřune technologie qui, par son pôle disciplinaire, fait vivre. Dans le contexte disciplinaire, la domination comme ordre coercitif sřélabore à partir dřune corrélation entre soumission et production des forces, entre augmentation de la docilité et augmentation de la productivité des forces corporelles. Cřest à partir de cette injonction de production de forces assujetties qui se renforcent à travers lřexercice de leur propre assujettissement que la capture des forces peut être comprise. Cet assujettissement physique compris à partir dřune capture des forces qui sřinscrit dans une microphysique de pouvoir a deux composantes.

1. Dřabord, lřassujettissement opère comme production des forces corporelles à travers le couple contrôle-coercition. Autrement dit, la technologie disciplinaire des corps élabore un assujettissement qui prend la forme dřun contrôle coercitif. Cřest bien lřaxe assujettissement- contrôle - coercition que nous allons traiter dans ce qui suit. Foucault remarque que les schémas de docilité qui sřappliquent au corps à la fin de XVIII siècle ont connu un triple déplacement. Dřabord, il sřagit dřétablir une nouvelle échelle du contrôle: travailler le corps dans le détail, « exercer sur lui une coercition ténue » (SP, 161). Cřest que la technologie disciplinaire a pour fonction dřassurer des prises coercitives au niveau de la mécanique corporelle des mouvements et des gestes. Il sřagit de fixer un nouvel objet de contrôle qui concerne lřintensité des forces, lřefficacité des mouvements, lřune et lřautre étant investies par le pouvoir. Foucault explique que la contrainte ne sřopère plus à travers les signes, comme cřétait le cas dans la sémiotechnique humaniste, mais quřelle «porte sur les forces», comme cřest le cas dans lřespace carcéral (SP, 161). Enfin, le contrôle disciplinaire se définit chez Foucault en termes de coercition, des gestes, des forces, et le processus disciplinaire lui-même apparaît comme une «coercition ininterrompue». La coercition ne relève pas seulement dřune manière de contrôler mais elle formate un rapport de forces. Selon Foucault, la discipline aménage une « politique des coercitions » (SP, 162) qui implique « une manipulation calculée » des gestes et des comportements. La coercition est une manière de fabriquer des forces corporelles qui fait émerger une forme élaborée de soumission intégrée dans un comportement finalisé. Nous avons ainsi un rapport de coercition des forces corporelle qui articule une forme de domination : « [...] la coercition

disciplinaire établit dans le corps le lien contraignant entre une aptitude majorée et une domination accrue» (SP, 162). De manière schématique, nous avons une triple assignation coercitive des forces corporelles:

a) Dans le temps. Foucault montre que le corps discipliné devient «siège dřune durée» dans le sens où il incorpore des normes qui lui permettent de sřinscrire dans un programme prédéfini. Lřexercice disciplinaire constitue un bon exemple de cette intégration. Lřexercice est «cette technique par laquelle on impose aux corps des tâches à la fois répétitives et différentes, mais toujours graduées. » (SP, 189). Lřexercice se décrit par rapport à un «état final», par rapport «aux autres individus» ou bien «par rapport à un type de parcours» (ibidem). Autrement dit, les exercices ont un rôle différenciateur. La spécificité de lřexercice est dřinscrire les corps dans une série temporelle qui définit le niveau ou le rang de lřindividu. Cette inscription temporelle qui a pour fonction de marquer des différenciations qualitatives est de lřordre dřune assignation coercitive dans le sens où elle assure dans la forme de la continuité et de la contrainte une «croissance», une «observation», une «qualification». (SP, 189).

b) Dans l’espace. Le corps discipliné est spatialisé, il est un « morceau d'espace ». Lřassignation coercitive sřopère à lřintérieur de lřespace disciplinaire de deux manières. Dřabord, il y a le principe de quadrillage qui sert à organiser un espace analytique. «À chaque individu sa place, à chaque emplacement un individu » (SP, 168). Lřobjectif est de localiser à tout moment lřindividu, ses gestes, ses mouvements. Foucault donne les exemples de la ville pestiférée et de lřespace carcéral qui procèdent par « strict quadrillage spatial ». À chaque fois, il sřagit dřun « espace découpé, immobile, figé. Chacun est arrimé à sa place. » (SP, 229). Ensuite, il y a la règle des emplacements fonctionnels qui sert à créer un espace utile qui peut répondre aux exigences dřune surveillance efficace. Un exemple serait le fonctionnement des hôpitaux militaires et maritimes. Lřhôpital maritime doit soigner. Mais pour cela il doit opérer comme un « filtre » (SP, 169) comme « un dispositif qui épingle et quadrille » (SP, 169), «une véritable instance instauratrice dřordre

qui prévient les contagions, exerce un contrôle sur les déserteurs, sur les marchandises, les morts, les disparitions, les simulations » (SP, 169). Ainsi, on assiste à la conversion de cet espace politique et administratif en espace thérapeutique.

c) Comme indice de normalité. Avec la coercition à travers la répartition spatiale et la distribution temporelle, il existe encore une coercition qui se situe au niveau de la production du partage binaire entre normal21 et anormal. Cřest la série suivante de questions qui entre en jeu : qui est-il ? Où doit-il être ? Comment le reconnaître? Comment le surveiller ? Lřassignation coercitive identitaire nřa pas une fonction dřexclusion, mais dřinclusion. Ce type dřinclusion nřa pas pour objectif dřabsorber et dřunifier, autrement dit dřhomogénéiser, mais lřinclusion reproduit des écarts immanents et instaure des dissymétries sur les corps eux-mêmes. Par-là, lřinclusion et donc lřassignation coercitive identitaire a pour fonction dřindividualiser. Nous pouvons appeler cela une inclusion qui procède par exclusion et qui a pour objectif dřindividualiser les exclus. La coercition, comme forme d'inclusion exclusive, ne reconduit pas le rejet, mais elle procède par une minutieuse « insertion », « un cumul de coercitions disciplinaires » (SP, 352). La mise en isolement nřest pas présente comme ségrégation massive, mais comme tactique locale de pouvoir, comme lřapplication dřun quadrillage à un niveau individuel et, nous allons le voir, intra-individuel.

2. Deuxièmement, lřassujettissement nřest pas seulement pensé en termes de contrôle et dřassignation coercitive des forces. Mais il a également une composante «psychique», pour reprendre la formule de J. Butler, qui relève dřune pénalité de lřincorporel. Nous avons ici comme exemple la tour panoptique de Bentham. Cette tour, située au centre, surveille à la périphérie un bâtiment en anneau, divisé en cellules, où les détenus sont placés et entièrement visibles. Le panoptique émerge non pas comme un pouvoir répressif, mais comme un pouvoir productif22. Ce pouvoir naît dřun principe de surveillance et lřélabore

21 « Le Normal s'établit comme principe de coercition dans l'enseignement avec l'instauration d'une éducation

standardisée et l'établissement des écoles normales; » (SP, 186).

22 « Le Panopticon au contraire a un rôle dřamplification ; sřil aménage le pouvoir, sřil veut le rendre plus

aussi bien comme surveillance de soi. Lřinvestissement politique du regard rend possible la visibilité des corps. Selon Bentham, le regard inspecteur règne comme un esprit23 tout en agissant dřune manière efficace si la situation lřexige. Par son regard ubiquitaire, il fonctionne comme « une sorte de présence universelle dans lřenceinte de son domaine. » (Bentham, 1977 : 7). Afin de décrire le pouvoir regardant de lřinspecteur, Bentham utilise lřexpression dř « omniprésence apparente ». (SP, 235). Ainsi, la présence évanescente de lřinspecteur qui, en voyant tout, se laisse la possibilité dřagir à tout moment, tout en allégeant le processus correctif, élabore un mécanisme de prévention de toute forme dřirrégularité qui pourrait surgir. Cela, il le réalise à travers la formation dřun pouvoir dissymétrique : à la fois visible et invérifiable. Autrement dit, le principe de surveillance sřexerce à travers lřaménagement spatial dřune série de dissymétries créées par le regard inspecteur et qui sont à comprendre à partir de lřexercice dřun pouvoir omniprésent qui dissocie le couple voir/être vu. Cřest ainsi quř« un assujettissement réel naît mécaniquement dřune relation fictive. » (SP, 204). Nous avons ici un double déplacement du centre de gravité des rapports de pouvoir. Dřabord, tout en étant un dispositif technique, à savoir un ensemble de surfaces, dřintervalles temporels et de regards qui codifient les corps, le pouvoir déplace ses effets dřindividualisation. Lřobjectif du Panoptique est dřinduire au détenu un « état conscient et permanent de visibilité » (DEII, 242). Autrement dit, cřest le corps qui est qualifié de manière continue en mécanisme dřindividualisation autonome, foyer dřindividualisation de soi. Ensuite, ce pouvoir qui tend à lřincorporel24, qui déplace le processus dřindividualisation à lřintérieur des corps et le fait sřaccomplir à partir des corps eux-mêmes, sřexerce par la formation dřun mécanisme de redoublement sur soi du théâtre panoptique. Ce mécanisme dřindividualisation nřest ni vide ni sans finalité. Au contraire, l'incorporation du regard surveillant à partir dřun pouvoir omniprésent et invisible fabrique un comportement finalisé. La finalité du processus dřincorporation du regard surveillant a pour effet lřautorégulation du comportement du détenu. Par

développer lřéconomie, répandre lřinstruction, élever le niveau de la morale publique ; faire croître et multiplier. » (SP, 242).

23 « Lřinspecteur invisible lui-même règne comme un esprit ; mais cet esprit peut au besoin donner

immédiatement la preuve dřune présence réelle. » (Bentham, 1977 : 8). Cřest nous qui soulignons.

lřincorporation dřun mécanisme externe de régulation, est produite une identité singularisée qui surveille sa propre disposition subjective. De cette façon, le principe de surveillance est devenu surveillance de soi. La surveillance de soi possède elle-même deux aspects qui se renforcent réciproquement à savoir lřauto-assujettissement de soi par soi, par la médiation efficace dřune altérité inspectrice, et le travail individualisant dřauto-assignation identitaire.