• Aucun résultat trouvé

Les théories du lien social, du contrôle social et de l’intégration sociale

Encadré I-1 : Méthodologie des statistiques des crimes et délits constatés par la police et la gendarmerie (système statistique 4001)

3.1. Les théories du lien social, du contrôle social et de l’intégration sociale

Les premières recherches "scientifiques" sur les criminels ont commencé à la fin du XIXe

siècle. C’est le professeur de médecine légale Cesare Lombroso, qui le premier se penche sur les facteurs du crime. Dans une perspective biologique, il s’attache à l’étude des facteurs individuels du crime. Il procède à l’examen de la morphologie et la psychologie de près de 6 000 individus pour découvrir un « type criminel » : le « criminel-né »46. « Le criminel-né aurait un cerveau relativement petit, des mâchoires énormes, des lèvres charnues, un menton en retrait, des arcades sourcilières avancées, des bras très longs, des orbites excessivement grande, des cheveux abondants. […] Le criminel est atteint par une insensibilité qui atrophie ses sentiments de pitié et de compassion ; il est marqué par l’absence de remords, l’impulsivité, l’imprévoyance, l’égoïsme, la cruauté, la vanité, l’intempérance, l’indolence, la sensualité et la superstition. » [Cusson M., 2000, p. 39].

Largement influencé par la pensée de Darwin, il attribue ces caractéristiques morphologiques et psychologique à l’atavisme. Le criminel est donc de type régressif, présentant les traits d’un homme primitif.

Cette théorie connut d’importants échos, notamment grâce à l’ouvrage l’ « Uomo delinquente » édité en 1876 pour la première fois et réédité cinq fois en vingt ans [Cusson M., 2000, pp. 41-44]. Elle marque pour beaucoup la naissance d’une certaine criminologie, celle du courant positiviste, très déterministe par définition. Même si les disciples de Lombroso intègrent petit à petit le contexte social dans l’analyse du développement des comportements délinquants, c’est au début du XXe siècle que vont apparaître les premières études

sociologiques de la délinquance que nous tâcherons d’analyser dans cette partie.

Dans un premier temps, les grands concepts sur le contrôle social (Durkheim), l’organisation sociale (École de Chicago) et la réussite sociale (Merton), énoncés au début du siècle seront présentés dans les aspects qui aident à penser les faits déviants.

Une fois ces repères théoriques posés, l’affaiblissement actuel du contrôle social informel (famille, voisinage) ou formel (Police et Justice) sera analysé, avant de s’intéresser aux déficits d’intégration sociale.

Enfin la théorie de la "vitre cassée", les évolutions du rapport à l’espace, la théorie de la spirale du déclin seront décrites pour montrer l’effet de l’absence du contrôle social sur le développement de la criminalité dans certains lieux.

3.1.1. Les théories du lien social, du contrôle social, de l’organisation sociale

Il n’est pas question ici de reprendre l’intégralité de la littérature consacrée à la question du lien social, mais de poser quelques repères aidant à penser les faits déviants de délinquance.

3.1.1.1. Durkheim : contrôle social et anomie

Pour Emile Durkheim, l’Homme est avant tout une conscience socialisée, c’est-à-dire un être dont le comportement est façonné par la société qui détermine en lui des "façons de penser, de sentir et d’agir". Tout comportement social obéit donc à des normes, respecte certaines règles. Le respect de la règle passe avant tout par la reconnaissance de l’autorité de celui qui les énonce, de la confiance qu’on lui accorde. Le respect passe aussi par la reconnaissance de l’appartenance au groupe social.

D’autre part, on nomme "contrôle social" ou "contrôle social informel", les interventions / sanctions de tous les membres de la même société ou groupe de proximité pour s’encourager mutuellement à se conformer aux règles du jeu social. Cette cohésion sociale peut être affaiblie par l’évolution de la société. Ainsi pour Durkheim la division et la spécialisation du travail entraînent une diminution des interactions entre les individus de "spécialités" différentes. Dans ces conditions le consensus autour d’un système de règles commun se fait plus difficilement [Durkheim E., 1893].

C’est une situation d’anomie, c’est-à-dire une situation où les normes perdent leur pouvoir contraignant. Le contrôle social ne s’applique en effet que si prévaut un minimum de stabilité sociale. Pour Durkheim, l’affaiblissement de l’intériorisation des normes provoque immédiatement un excès de déviance et de marginalité. L’état d’anomie libère les passions et les jeunes ne connaissent plus ou mal les limites de ce qui est interdit, permis, toléré.

3.1.1.2. École de Chicago : organisation, désorganisation sociale

Au-delà de la sociologie urbaine, cette école s’est intéressée à une question politique et sociale majeure : l’immigration et l’assimilation de milliers de migrants à la société

L’organisation sociale est un ensemble de conventions, d’attitudes et de valeurs collectives qui sont supérieures aux intérêts individuels.

A contrario la désorganisation sociale se produit quand il y a un déclin de l’influence des règles sociales et une valorisation des pratiques individuelles. La désorganisation se produit quand les attitudes individuelles ne trouvent pas de satisfaction dans les institutions du groupe. La désorganisation sociale apparaît notamment lorsque les primo immigrants ont du mal à assimiler l’organisation du groupe dans lequel ils arrivent [Thomas W. et Znaniecki F., 1927].

3.1.1.3. Merton et les aspirations de réussite sociale

Pour le sociologue Robert K. Merton [1938], le fonctionnement de la société repose sur trois variables fondamentales :

- Les buts culturels : désirs et aspirations que la société "fixe" aux hommes.

- Les normes : ensemble des règles sociales qui prescrivent aux hommes les moyens légitimes pour atteindre les buts.

- Les moyens institutionnalisés : possibilités offertes par la société pour accomplir les buts culturels d’une manière compatible avec les normes.

L’interaction entre ces trois variables détermine la distribution de ce que Merton nomme la « tension socialement structurée ».

3.1.2. Aujourd’hui, un contrôle social moins fort ?

Pour expliquer l’augmentation des comportements incivils ou des actes délinquants, on invoque souvent un relâchement du contrôle social.

3.1.2.1. Le contrôle et l’apprentissage des normes par la famille

Le premier "milieu social" d’un individu est la famille. Par l’éducation, elle est le premier lieu d’apprentissage des normes. Aujourd’hui un relâchement des liens familiaux47

est parfois évoqué. Divorces, familles monoparentales expliqueraient une carence éducative à l’origine de la déviance de certains jeunes.

En 1950, Sheldon et Eleanor Glueck s’intéressent aux enfants "mal suivis" par leurs parents : soumis à des mesures disciplinaires incohérentes (autorité marquée à la fois par le

relâchement, l’inconstance et la brutalité occasionnelle et imprévisible), ils ont de fortes chances de devenir des délinquants persistants.

S’il y a dans cette éducation des difficultés pour un jeune à comprendre où sont les règles, il convient d’être prudent à propos du rôle des carences éducatives dans la formation du caractère délinquant des individus. Cette rhétorique n’est en effet pas neutre. En 1970, Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire notaient ainsi que « C'est dans les conflits qui naissent à propos des jeunes que l'on peut le mieux ressaisir tous les griefs portés contre les mœurs populaires. [...] C'est dans l'aptitude à transmettre la culture que l'on voit le signe le plus indiscutable de culture et c'est une accusation de barbarie que de dénoncer l'incapacité de donner une éducation correcte ». En fait « aucune étude empirique d’envergure récente ne permet d'établir qu'une "mauvaise éducation" des familles est une cause majeure de la délinquance des enfants. Il serait donc sage de s'abstenir provisoirement sur cette question. » [Mucchielli L., 1999]. Cet appel à la prudence semble raisonnable, car on peut trouver des interprétations des plus "originales", proches de l’eugénisme.

Dans un texte assez aride, désormais disponible dans son intégralité - quarante-deux pages - sous le titre « Des effets de la légalisation de l'avortement sur la criminalité », deux chercheurs, John Donohue, juriste à Standford, et Steven Levitt, jeune économiste de l'université de Chicago, offrent dans le numéro de mai du Quarterly Journal of Economics, une publication du Massachusetts Institute of Technology, une explication inédite à la spectaculaire baisse de la criminalité enregistrée aux Etats-Unis pendant les années 1990 : la pratique légale et répandue de l'interruption volontaire de grossesse qui, selon leurs calculs, est à l'origine de 50 % de la chute de la criminalité.

[…] Plusieurs facteurs sont habituellement cités pour expliquer cette baisse : le taux croissant d'incarcérations, l'augmentation du nombre de policiers, les nouvelles stratégies sécuritaires dans les grandes villes, le déclin du crack, le boom économique. « Aucun de ces facteurs cependant, notent les auteurs, n'explique de manière entièrement satisfaisante une chute de la criminalité aussi forte, étendue et persistante que celle de la décennie 1990. » […]

La simple ampleur du phénomène fait que, lorsque la première génération de l'IVG légale a atteint l'âge où se commettent la plupart des crimes et délits, « il y a eu moins de jeunes hommes de cette tranche d'âge et donc moins de crimes et délits ». « Plus intéressante et plus importante cependant, poursuivent les auteurs, est la possibilité que les enfants nés après la légalisation de l'avortement soient moins sujets à la criminalité pour deux raisons : d'abord, les femmes qui se font avorter sont celles qui risquent le plus de donner naissance à des enfants susceptibles de se livrer à des activités délictueuses (mères adolescentes, seules, économiquement défavorisées). Ensuite, les femmes peuvent utiliser l'avortement pour optimiser le moment de la maternité (en fonction de l'âge de la mère, de son niveau de formation, du revenu, de la présence du père, de la grossesse désirée ou non, de la consommation de drogue ou d'alcool). Les enfants naissent donc dans un environnement meilleur et la future criminalité s'en trouve probablement réduite.

3.1.2.2. Le contrôle social informel de la part des autres membres de la société : la liberté de l’individu dans une société en réseau

Les individus des petites sociétés traditionnelles étaient très dépendants des autres membres du groupe. Il était ainsi difficile pour un individu d’échapper au contrôle social direct auquel tout un chacun était soumis [Duerr H.-P., 1998]. Avec l’urbanisation croissante et la spécialisation de l’espace qui l’accompagne, on a assisté à un élargissement du cercle social et donc un desserrement du contrôle social direct. Certains [Roché S., 1998b ; Robert P. et Pottier M.-L., 2002] évoquent le passage d’une socialité de voisinage à une socialité de réseau. Le zonage urbain fait que l’« on habite à un endroit, on travaille dans un autre, on se distrait dans d’autres encore ». Ce changement de mode de socialité « a fait disparaître la traditionnelle vigilance communautaire propre au village ou au quartier d’antan. » [Robert P. et Pottier M.-L., 1997b]. Mais les changements de mode de vie n’ont pas seulement un effet sur le contrôle social, ils ont aussi un effet sur la prescription des normes. « Il nous apparaît qu’une diminution de l’enracinement territorial homogène des groupes sociaux, de la possibilité de constitution de solidarités localisées ont à la fois un effet sur la surveillance, mais aussi sur la capacité de groupes restreints à prescrire des normes. » [Roché S., 1998b, pp. 99-100].

Le sociologue François Dubet [1992] analyse l’impact de la fin de cette socialité de quartier sur la perception de la violence des jeunes et notamment des enfants. Pour lui, « alors que la délinquance des jeunes apparaît relativement discrète aux habitants des quartiers, celle des enfants est de plus en plus désignée comme insupportable : injures, dégradations, chapardages, bruits. Tout ce que les enfants vivent comme des jeux hors du contrôle des adultes sont perçus comme des violences par ces derniers. La régulation de la rue, celle des enfants photographiés par Doisneau, a disparu car tous les enfants des autres sont des "étrangers" et l'autonomie de leurs jeux est une menace. […] Les désordres du bruit, des défis, des bagarres, de l'oisiveté des jeunes qui "tournent" dans la cité sont d'autant plus perçus comme des violences que les adultes ne se sentent plus la capacité d'intervenir et que les jeunes, qui ne les connaissent guère, ne leur en accordent pas le droit ».

3.1.2.3. La spécialisation de l’espace a entraîné une modification des espaces publics et privés

La spécialisation de l’espace qui a accompagné la croissance urbaine a entraîné, selon Sebastian Roché [1998b], une mobilité croissante d’une part et la naissance de « nouveaux lieux de circulation et de consommation de masse » d’autre part [pp. 80-81].

La mobilité croissante, favorise l’"exposition" à la délinquance, nous y reviendrons plus loin (cf. § 3.4.2.1). Mais elle favorise aussi l’émergence de lieux spécifiques à la circulation. Des « non lieux » comme les nomment Marc Augé [1992, p. 48], espaces privés ou publics dans lesquels passent un nombre important de personnes. Il s’agit soit d’espaces privés collectifs (hypermarchés, centres commerciaux, résidences), soit d’espaces publics, dépendant juridiquement des pouvoirs publics (rues, places, collèges, lycées). Ces espaces sont des lieux de « frictions fugitives ou de rencontres interpersonnelles » et non pas des espaces où se déploie « une forme de vie collective impliquant les individus. » [Roché S., 1998b, p. 84]. Au contraire se sont des espaces "anonymes", au sens où le sociologue Louis Wirth [1938] l’entend48. Les individus présents en même temps dans un même espace font preuve d’une

« inattention polie » [Goffman E., 1973]. Le sociologue Michel Peroni [1991] a appliqué cette notion à la réaction des individus face à la délinquance de rue dont ils sont témoins. La « proximité physique prolongée sans activité commune » caractérise la situation des individus dans les espaces de circulation. Les individus n’ont alors pas de rôle défini à jouer par rapport aux autres et par rapport aux désordres. « L’individu n’a pas la qualité de professionnel qui donne la légalité de l’immixtion, et lui fait également défaut la qualité de membre du même collectif qui pourrait sous-tendre une légitime intervention. » [Roché S., 1998b, p. 103]. L’individu ne prendra pas de risques pour des personnes qu’il ne connaît pas, anticipant qu’elles feraient de même vis à vis de lui.

L’aménagement de l’environnement résidentiel et notamment l’architecture des grands ensembles à la françaises construits dans les années 60 est souvent mis en cause dans le développement de la délinquance. L’ensemble n’est pas pensé pour la convivialité, les espaces communs manquent, les parents peuvent difficilement surveiller les enfants qui jouent en bas… « Avec la disparition de la rue, tous les espaces intermédiaires entre le privé

et le public s’étiolent. Le privé se replie sur l’appartement qui devient une forteresse et le public devient hostile. » [Dubet F. et Lapeyronnie D., 1992].

Dans les années 70, l’américain Oscar Newman propose l’idée d’un espace défendable « modèle pour l’environnement résidentiel qui inhibe la délinquance en créant l’expression physique d’un tissu social qui se défend tout seul. » [1973, p. 3]. En fractionnant les grandes places publiques, en positionnant les fenêtres de manière à favoriser la surveillance, il pense pouvoir promouvoir une responsabilité collective vis-à-vis de ce qui se déroule dans les lieux publics, soit directement par l’intervention personnelle, soit par l’appel aux autorités.

Mais « le résident [ne veut pas] s’impliquer pour un espace qui n’a de public que le nom, et devrait s’appeler comme il est ressenti : impersonnel. La seule application viable de ce projet réside dans sa radicalisation : en isolant complètement un quartier du reste de la ville, on est susceptible d’y imposer des règles collectives différentes. » [Roché S., 1998b, p. 104].

3.1.2.4. Le contrôle social direct et formel : un recours croissant à la police et à la justice

À propos du rôle de la police et de la justice, comme éléments d’un contrôle social direct et formel, deux remarques reviennent dans la littérature : d’une part une critique à l’égard d’une police devenue plus "réactive" que " préventive", et d’autre part un constat d’un recours croissant à l’État, là où la société n’est plus en mesure d’agir.

Les années soixante ont vu le retrait des polices publiques de l’espace public. Le travail de patrouille, astreignant et peu gratifiant, a d’abord diminué au profit des priorités d’ordre public (Guerre d’Algérie et l’après mai 68). Puis en même temps qu’elles se professionnalisaient, les polices se sont concentrées sur la détection et la punition des actes délinquants une fois que ceux-ci étaient commis [Robert P. et Pottier M.-L., 2002].

Police et Justice sont aujourd’hui sollicitées pour rappeler règles et normes dans des occasions où le contrôle social informel de la famille et du voisinage aurait "joué" autrefois. C’est ce dont témoigne le Magistrat Jean-Paul Jean : « Que la justice soit de plus en plus sollicitée pour répondre aux problèmes des jeunes constitue un des phénomènes les plus inquiétants pour l’avenir de nos sociétés urbaines. Les mécanismes normaux de régulation, à l’échelon des familles, de l’école, des quartiers, ont de plus en plus de mal à gérer les conflits ; les juges se retrouvent en première ligne confrontés à des adolescents auxquels ils doivent rappeler les interdits fondamentaux que nul ne peut transmettre. » [Ramonet I., 1997, p. 16].

Un problème domine tous les autres, la formidable croissance des plaintes pour vols et cambriolages depuis la fin des années 50. […] Or ces biens sont mal surveillés par leurs propriétaires en raison de nos modes de vie, notamment de la séparation entre lieu de travail et lieu d’habitation. D’où un considérable problème de délinquance patrimoniale.

Devant ce problème, les citoyens se trouvent désarmés. Ont presque disparu les solutions communautaires traditionnelles qui mettaient en œuvre des surveillances et des arrangements informels sous l’arbitrage de petites communautés locales. La vie de village n’existe plus guère. Toutes les tentatives pour recréer artificiellement ces solutions communautaires se heurtent à l’anonymat des auteurs : si la victime ignore qui est le délinquant, aucun arrangement, aucune médiation n’est possible.

Le marché privé ne répond que partiellement à cette demande des particuliers : l’assurance ne comble pas tout, notamment pas la peur ou l’irritation. Surtout, elle intervient après coup, et l’on oublie que les gens désirent avant tout ne pas être volés ou cambriolés. Quant aux prestations privées de sécurité, elles s’adaptent bien à la demande des entreprises et des organisations, assez mal à celle des particuliers, qui n’ont accès, de la serrure multipoints à la sirène d’alarme, qu’à des technologies bas de gamme assez coûteuse pour leur efficacité. Reste l’Etat. Mais lui ne répond pas : 85% au moins de ces plaintes ne sont pas élucidées. Cette "petite délinquance" banale, comme on dit, n’est guère mobilisante. La traiter demanderait beaucoup de temps et de moyens, probablement une révision déchirante des pratiques policières, et elle ne serait pas très gratifiante pour des professionnels portés à sous- estimer son impact social. Quoi qu’il en soit, la police n’est guère parvenue à prévenir vols et cambriolages, ni à les élucider ni à les rendre "moins rentables" en s’attaquant sérieusement aux circuits de recels ordinaires.

Philippe Robert, « Délinquance, la justice impuissante »

Le Monde, 14 mai 1992.

3.1.3. Absence de travail ou travail précaire : déficit d’intégration sociale et frustration

Pour respecter les règles d’un groupe, d’une société, il faut que l’individu se considère comme membre de cette société. Il faut qu’il y ait un processus d’intégration sociale réussi.

3.1.3.1. Fin de l’intégration par le travail : culture ouvrière déclinante et chômage croissant

Depuis la révolution industrielle, l’intégration sociale se faisait avant tout par le travail et notamment le travail ouvrier. Or, aujourd’hui, le monde ouvrier décline tant quantitativement (nombre d’ouvriers) que qualitativement (solidarités et luttes ouvrières). « Un "système" socio-politique cohérent qui reposait sur une culture ouvrière politisée, vivant à l’usine et dans les quartiers populaires, est en voie d’extinction. Cette culture a volé en éclats sous l’impact des effets multiples de la crise (paupérisation, pression croissante au travail, fuite des

Maurice Bernard, soixante-douze ans, ancien ouvrier de l'usine de chaudières Babcock, ex- membre du Parti communiste - de 1951 à 1987, précise-t-il -, aujourd'hui locataire au Mail, se souvient de son arrivée à Renoir, en 1963. Il revit son plaisir de trouver un appartement suffisamment spacieux pour abriter sa famille et de la solidarité qui s'est aussitôt tissée entre les habitants, des rapatriés, des « Parisiens » et des Courneuviens d'origines diverses. Le centre commercial au pied des immeubles était florissant et l'on pouvait s'attarder au café du