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Chapitre 1 Problématique de l’épuisement professionnel dans la main-d’œuvre : état de la

2.2 Cadre théorique

2.2.3 Théorie du stress social de Pearlin

Pearlin (1999) présente une approche conceptuelle sociologique du stress et de la santé mentale qui se distingue des autres perspectives, plus psychologiques ou biologiques. En effet, une approche sociologique de la santé mentale permet d’élargir notre compréhension des déterminants de la santé mentale et par le fait même met en lumière des aspects critiques de la société plus large (Pearlin, 1999). Selon lui, le stress social est central à l’étiologie des désordres psychologiques. Il y a trois processus à l’origine du stress dans sa conception, soit les stresseurs, les modérateurs et les conséquences. Les stresseurs font référence à toutes conditions susceptibles de briser la capacité d’adaptation de l’individu. Ensuite, les modérateurs sont les ressources de coping, le soutien social et la maîtrise que l’individu mobilise afin de tenter de réduire l’impact des stresseurs. Ainsi, les conséquences réfèrent à ce qui résulte des stresseurs qui n’ont pas été modérés au niveau de la santé mentale et du bien-être. Un aspect important de la conceptualisation de Pearlin est que les individus exposés aux mêmes stresseurs ne sont pas nécessairement affectés de la même manière. Autrement dit, les conséquences des mêmes stresseurs diffèrent en fonction de l’individu.

Les stresseurs font référence à toute condition ayant le potentiel d’élever les mécanismes d’adaptation de l’individu (Pearlin et Schooler, 1978). Les stresseurs qui sont d’intérêt pour ce

modèle sociologique sont les caractéristiques sociales et économiques des individus. À ce sujet, Pearlin (1999) distingue deux grandes catégories de stresseurs, soient les stresseurs événementiels et les stresseurs chroniques. D’abord, les stresseurs événementiels sont ceux qui surviennent de manière inattendue dans la vie de l’individu, tels qu’un divorce ou des tensions avec le conjoint et les enfants. Ensuite, les stresseurs chroniques sont ceux qui sont constants et persistants, il est question de pression reliée au statut social, au rôle social et contextuel. Les tensions liées au statut émergent directement de la position sociale et de la distribution inégale des ressources, des opportunités, du pouvoir et du prestige (Pearlin, 1999). Le genre, le statut professionnel et l’ethnie en sont des exemples. Les tensions liées au rôle social surgissent principalement du rôle familial et professionnel, par exemple des conflits chroniques avec les enfants et le conjoint. Ces différents stresseurs peuvent s’accumuler et occasionner davantage de stress chez l’individu, c’est ce que Pearlin (1999) nomme la prolifération du stress.

Ensuite, les ressources font référence aux croyances, actions et interactions dans lesquelles l’individu s’engage afin de tenter de gérer les stresseurs (Pearlin, 1999). Les principales ressources dont il est question dans la littérature sur le stress sont le coping, le soutien social ainsi que le contrôle. Le coping implique ce que les individus font de leur propre gré afin d’éviter les stresseurs ou de minimiser le stress qui résulte de leur exposition. Le soutien social se rapporte à l’aide émotionnelle et instrumentale que les individus sont capables de retirer de leur réseau. Le contrôle fait référence au sentiment de contrôle qu’ont les individus sur les forces qui empiètent leur vie (Pearlin, 1999). Ce sont ces ressources qui permettent aux individus de contrebalancer les stresseurs qui surviennent dans leur vie quotidienne, car elles ont une fonction modératrice (Pearlin, 1999). Le terme «modératrice» signifie que la ressource peut modérer l’impact des stresseurs (Pearlin, 1999). Ainsi, si deux personnes sont exposées à des stresseurs similaires, mais possèdent différentes ressources, on s’attend à ce que les conséquences, l’impact négatif des stresseurs, soient moindre pour la personne qui possède de plus grandes ressources (Pearlin, 1999). Les modérateurs exercent leur fonction de diverses façons. La première façon est par «effet tampon» où la ressource permet d’amortir le stresseur avant qu’il ne puisse jouer un impact négatif sur l’individu. Un deuxième mode modérateur est par «effet principal» qui permet la réduction ou la suppression de l’intensité du stresseur. La différence

entre «effet tampon» et «effet direct» est que le premier mode dépend de l’étendue et l’intensité du stresseur alors que le second mode agit indépendamment de ces conditions (Pearlin, 1999). Cela dit, les deux modes peuvent agir à l’intérieur de la même situation de stress. Par ailleurs, les ressources agissent également à titre de médiateur. Afin de mieux saisir cette fonction, il est nécessaire de mettre en évidence le caractère dynamique qui n’est pas fixe dans le temps, mais plutôt sujet à des changements (Pearlin, 1999). Plus clairement, il est question de médiation lorsque le stresseur affecte les résultats à travers son effet sur les ressources de l’individu. Autrement dit, il s’agit d’un cas où le stresseur n’affecte pas directement la santé mentale, mais plutôt indirectement en affectant les ressources qui, elles, ensuite auront un impact sur la santé mentale (Pearlin, 1999). Quoi qu’il en soit, il est important de retenir que les ressources sont ce qui permet à l’individu de s’adapter à diverses situations stressantes qui pourraient lui causer des problèmes de santé mentale, notamment d’épuisement professionnel.

Enfin, il est important de souligner les limites des ressources dans leur rôle de modératrices et médiatrices des stresseurs. Certaines conditions sont stressantes à un point où elles résistent aux efforts de coping des individus (Pearlin, 1999). Dès lors, les individus risquent de vivre des problèmes de santé, ce qui représente le troisième processus de son modèle de stress social. Les conséquences des stresseurs conduisent aux désordres psychologiques, mais le chemin emprunté pour s’y rendre n’est pas toujours direct et clair. Ces chemins ne débutent pas toujours au niveau de l’individu qui expérimente le désordre. Mais plutôt l’origine des désordres et problèmes de santé peut résider dans les structures sociales plus larges et au niveau de la position qu’occupe l’individu au sein de ces structures sociales (Pearlin, 1999). Malgré le fait que des forces biologiques peuvent conduire à certains problèmes de santé mentale, ces derniers sont inséparables des circonstances sociales et économiques dans lesquelles sont plongés les individus.

La prochaine section présentera un modèle qui a su intégrer les différents facteurs explicatifs présentés dans les modèles précédents, soit le modèle de Marchand (2004).