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Chapitre 1 Problématique de l’épuisement professionnel dans la main-d’œuvre : état de la

1.3 Les conditions de l’organisation du travail

1.3.2 Les demandes du travail

1.3.2.3 Les demandes contractuelles

L’horaire de travail et le nombre d’heures travaillées en fonction du contrat de travail sont les deux éléments qui composent les demandes contractuelles. Un horaire de travail irrégulier ainsi qu’un nombre important d’heures travaillées représentent des risques importants qui peuvent augmenter la charge mentale, psychique et cognitive des travailleurs (Marchand, 2004). Les individus qui sont dans l’obligation de travailler selon des horaires de travail alternants, irréguliers ou de nuit vivent des situations particulièrement difficiles (Marchand, 2004). Le fait de changer régulièrement de quart de travail ou d’être sur appel demande à la personne une adaptation constante causée par les variations du rythme circadien (rythme biologique sur une base de 24 heures) et cela peut provoquer des troubles du sommeil et de multiples réactions de nervosité (Marchand, 2004). Ainsi, il serait attendu à ce que les personnes contraintes à de tels horaires de travail soient plus à risque de vivre de l’épuisement professionnel. À notre connaissance, uniquement trois études ont tenté de le vérifier et elles n’arrivent pas aux mêmes conclusions. Selon Singh et al. (2012), l’horaire de travail irrégulier contribue à faire augmenter l’épuisement émotionnel et le cynisme et à faire diminuer le sentiment d’efficacité. Une étude de Xie et al. (2011) arrive à des conclusions identiques. Par contre, Marchand et Durand (2011a) concluent que l’horaire de travail irrégulier n’aurait aucun effet significatif sur le syndrome de l’épuisement professionnel. Cependant, cette étude portait sur un échantillon de policiers avec un faible taux de réponse, ce qui a pu limiter les résultats obtenus. Autrement, il est possible que les policiers soient moins affectés par l’horaire de travail irrégulier. L’hypothèse derrière cette affirmation serait que certaines professions attirent et sélectionnent des candidats qui possèdent

certaines caractéristiques particulières (capacités d’adaptation) et qui s’attendent au préalable à devoir travailler selon des horaires variables.

En ce qui concerne le nombre d’heures travaillées, il existe un nombre plus important d’études qui ont tenté de vérifier son impact sur l’épuisement professionnel. Toutefois, les conclusions de ces dernières ne sont pas univoques. À notre connaissance, il n’y a qu’une seule étude qui démontre que plus le nombre d’heures travaillées est important, plus le risque d’épuisement professionnel, dans son ensemble, augmente (Shanafelt et al., 2009). D’autres études concluent que le nombre d’heures travaillées fait augmenter la dimension épuisement émotionnel (Fletcher et al., 2011; Love et al., 2011). Selon Ahola et al. (2006), le nombre d’heures travaillées est responsable d’une augmentation du cynisme chez les femmes, d’une augmentation de l’épuisement émotionnel chez les hommes et d’une faible efficacité profesionnelle chez les deux sexes. Par ailleurs, Klersy et al. (2007) en arrivent à une conclusion étonnante, soit que le nombre d’heures travaillées fait diminuer l’épuisement émotionnel. Mis à part l’échantillon non représentatif de la population générale (une seule profession), aucune limite méthodologique importante ne semble être intervenue afin de compromettre cette étude et expliquer ce résultat contradictoire. Toutefois, les auteurs précisent tout de même que les scores obtenus quant à l’échelle d’épuisement émotionnel sont plus faibles que la moyenne et que cela pourrait expliquer leurs résultats. Outre les liens significatifs trouvés dans ces études, la majorité des études confirment l’absence d’association significative entre les variables qui nous occupent (Marchand et Durand, 2011a; McCranie et Brandsma, 1988; Narumoto et al., 2008; Sundin et al., 2011; Thompson et Cavallaro, 2007). Donc, il semble que le courant majoritaire confirme l’absence d’effet significatif des demandes contractuelles sur l’épuisement professionnel.

Pour ce qui est de l’effet des demandes contractuelles sur le niveau de cortisol salivaire sécrété par les travailleurs, la littérature offre très peu de réponses. Une étude de Garde et al. (2007) confirment que la différence dans les concentrations de cortisol salivaire du matin versus de l’après-midi est plus grande chez les travailleurs avec heures prolongées. Cela dit, les travailleurs avec les heures prolongées dans cette étude ont plus de pauses durant la journée et donc, peuvent compenser. De cette façon l’impact des heures travaillées est possiblement plus important. Une autre étude affirme que les heures travaillées en supplémentaire corrèlent

positivement avec les mesures de sécrétion de cortisol salivaire (Lundberg et Hellstrom, 2002). Par contre, cette étude n’a mesuré la sécrétion de cortisol salivaire que sur une seule journée, ce qui ne permet pas de voir si les effets se répètent. De plus cette étude fournit des analyses corrélationnelles et ne contrôle pas pour aucune variable qui pourrait être susceptible d’influencer ces résultats. Également, une étude de Marchand et al. (2013) confirme que les heures travaillées agissent comme stresseurs puisqu’elles s’associent positivement aux concentrations de cortisol salivaire. Cela dit, il est à noter que les heures de travail par semaine ont été sondées avant la collecte des échantillons de cortisol salivaire. Ainsi, il est difficile de déterminer si les heures de travail étaient plus ou moins nombreuses au moment de la collecte des échantillons de cortisol salivaire. Pour leur part, Thomas et al. (2009) en arrivent à une conclusion opposée, soit que les heures travaillées s’associent de manière négative avec la sécrétion de cortisol salivaire mesurée 3 heures après le réveil, et pour les hommes uniquement. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les variables contrôles dans cette étude ne permettent pas de saisir l’ensemble de l’influence hors travail. Autrement dit, il est possible que d’autres facteurs soient intervenus. En ce qui a trait à l’horaire de travail irrégulier, l’étude de Lac et Chamoux (2004) nous apprend qu’un horaire de travail irrégulier conduit à des changements dans les profils de cortisol circadien. Mais on ne connaît pas la nature ou l’ampleur de ces changements. D’autant plus que cette étude comporte un petit échantillon composé uniquement d’hommes dans une seule compagnie avec une seule journée de mesure da la sécrétion de cortisol salivaire, ce qui limite grandement la portée et la généralisation de leur conclusion. De façon générale, on constate que l’effet des demandes contractuelles sur le niveau de cortisol salivaire sécrété n’est pas clair et net, donc mérite qu’on tente de le clarifier dans la présente thèse.