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La théorie des réalignements

Enjeux, clivages et réalignements

1.3. Les réalignements en France et en Allemagne

1.3.1. La théorie des réalignements

La théorie des réalignements est une théorie profondément liée à l’histoire électorale des Etats-Unis1, qui vise à comprendre les principales discontinuités dans la vie politique des démocraties représentatives. Bien qu’elle soit indissociablement liée au nom de V.O. Key, elle ne constitue pas une théorie unifiée, dont une seule formulation serait parvenue à s’imposer dans la littérature. Bien au contraire : elle a plusieurs autres pères fondateurs, parmi lesquels figurent W.D. Burnham et J.L. Sundquist, et a subi de nombreuses révisions.

En dépit de son caractère pluriel, la théorie classique des réalignements repose sur un socle de quatre propositions communes2. (1) La vie politique des démocraties représentatives peut être analysée comme une succession de périodes de politique ordinaire et de phases de réalignement. (2) Les phases de réalignement, qui se déroulent sur une ou plusieurs élections consécutives, sont caractérisées par des évolutions brutales et durables des rapports de force électoraux et de la structure des électorats partisans. (3) Ces phases de réalignement résultent de modifications dans les enjeux structurant la compétition politique. (4) Elles correspondent à des transformations majeures au-delà de la seule sphère électorale.

Les fondations

La théorie des réalignements est née dans les années 1950, suite à l’incompréhension suscitée par la victoire surprise d’Harry Truman lors de la présidentielle américaine de 1948. Pour la cinquième fois consécutive, un démocrate est élu à la Maison Blanche. Une rupture

1 ROSENOF Theodore, Realignment: The Theory That Changed the Way We Think about American Politics, Lanham, Rowman and Littlefield, 2003.

2 MARTIN Pierre, Dynamiques partisanes et réalignements électoraux au Canada (1867-2004), Paris, L’Harmattan, 2005, p. 18.

s’impose : contrairement à la conception dominante, la présidence de Franklin D. Roosevelt n’est pas qu’une déviation temporaire dans la norme républicaine qui semble caractériser la vie politique des Etats-Unis depuis la guerre de Sécession1. De fait, la période du New Deal a marqué un tournant dans le développement du système partisan, en modifiant durablement les structures de la compétition politique. Deux éléments paraissent décisifs : l’émergence de nouveaux enjeux socio-économiques à l’agenda et la redistribution des soutiens partisans en faveur du Parti démocrate. Les fondations de la théorie des réalignements sont posées : la vie politique américaine est scandée par des changements brutaux et durables, qui touchent à la fois la ligne de conflit entre les partis et les alignements des électeurs.

Une dimension électorale

La composante électorale des réalignements est la plus évidente : un réalignement fait d’abord référence à un changement durable des équilibres électoraux. Cependant, les choses ne sont pas aussi simples. Le changement n’est pas toujours uniforme : il peut varier selon les groupes sociaux, selon les zones géographiques, etc. De manière générale, on distingue donc les évolutions de niveau, qui concernent les rapports de force électoraux, et les évolutions de structure, qui concernent la composition des électorats partisans. De fait, les changements de niveau sont les plus faciles à détecter, mais les changements de structure ne doivent pas être négligés pour bien comprendre les logiques d’un réalignement : une évolution de niveau est souvent liée à l’impact d’enjeux consensuels, alors qu’une évolution de structure résulte plus volontiers de l’irruption de nouveaux enjeux conflictuels2. Quoi qu’il en soit, dans la plupart des cas, un réalignement associe changement de niveau et changement de structure.

Dans ses travaux fondateurs, V.O. Key distingue deux formes de réalignement. Dans un premier temps, il identifie une catégorie particulière d’élections, les « élections critiques », qui marquent un changement large, durable et brutal des rapports de force électoraux3. Puis, dans un second temps, il insiste sur l’existence conjointe de changements plus progressifs, les secular realignments4, qui résultent de dynamiques sociologiques et démographiques de long terme. Contrairement aux apparences, ces deux types de réalignements ne sont pas opposés. Au contraire, ils sont complémentaires pour comprendre les évolutions électorales : certains événements produisent des réactions immédiates dans le corps électoral et sont à l’origine de changements brutaux, alors que d’autres événements engagent des processus de long terme,

1 Ce changement de perspective est initié dans KEY V.O., « The Future of the Democratic Party »,

Virginia Quarterly Review, 28 (2), 1952.

2 CLUBB Jerome M., FLANIGAN William H., ZINGALE Nancy H., Partisan Realignment: Voters, Parties

and Government in American History, Londres, Sage, 1980, p. 80. Les enjeux consensuels vont de pair avec un jugement sur la performance des partis et peuvent donc conduire à un changement uniforme de la balance partisane, alors que l’irruption de nouveaux enjeux conflictuels modifie la ligne de conflit dominante et tend donc à redéfinir les coalitions électorales.

3 KEY V.O., « A Theory of Critical Elections », Journal of Politics, 1955.

et provoquent des reconfigurations graduelles. Dans tous les cas, le changement est large et durable, et débouche sur de nouveaux alignements électoraux.

Une première cristallisation de la théorie des réalignements intervient avec l’école du Michigan. Après s’être longuement intéressés aux logiques du choix individuel des électeurs, les auteurs de The American Voter décentrent progressivement leur regard vers le résultat des élections et associent la problématique des réalignements aux dynamiques de l’identification partisane. Pour A. Campbell et ses associés, la décision collective de l’ensemble de l’électorat peut être décomposée en deux éléments1 : (1) le « vote normal », qui renvoie à la distribution théorique de l’identification partisane dans le corps électoral ; (2) une composante spécifique à chaque scrutin, qui décrit l’action des forces de court terme. Sur cette base, ils proposent de distinguer des élections de maintien (maintaining elections), des élections déviantes (deviating elections) et des élections de réalignement (realigning elections)2. Une élection de maintien est une élection où le parti majoritaire en termes d’identification partisane l’emporte, et ce quel que soit le poids des forces de court terme. A l’inverse, une élection déviante est une élection où l’influence temporaire des forces de court terme permet la victoire du parti minoritaire en termes d’identification partisane. Enfin, une élection de réalignement est une élection où les forces de court terme sont si puissantes qu’elles modifient durablement le « vote normal » et instaurent un nouvel équilibre entre les partis. A. Campbell et ses associés précisent toutefois qu’il y a rarement une seule élection de réalignement, mais plutôt une phase de réalignement (realigning electoral era), qui couvre plusieurs élections rapprochées.

Parmi les pères fondateurs de la théorie classique des réalignements, W.D. Burnham est incontestablement le plus ambitieux3. Pour lui, les évolutions brutales qui se produisent à l’occasion des élections critiques (critical realignments) constituent l’essence de la vie politique américaine, la réponse aux conservatismes qui minent le système institutionnel. A intervalles réguliers, le décalage entre les attentes du peuple et les politiques publiques mises en œuvre est si grand qu’une rupture s’impose : les réalignements sont ces moments d’adaptation, où le système politique américain change brutalement car il n’est plus capable de répondre aux aspirations des citoyens. Ces périodes de crise, qui peuvent être conçues comme un substitut à la révolution4 à l’intérieur d’une démocratie représentative, sont souvent catalysées par un

1 CAMPBELL A., CONVERSE P.E., MILLER W.E., STOKES D.E., The American Voter, 1960, p. 528-531. Le concept de « vote normal » n’est pas encore formalisé. Pour une présentation systématique, CONVERSE Philip E., « The Concept of a Normal Vote », in CAMPBELL A., CONVERSE P.E., MILLER

W.E., STOKES D.E., Elections and the Political Order, New York, John Wiley, 1966.

2 La présentation la plus aboutie de cette classification est CAMPBELL Angus, « A Classification of

the Presidential Elections », in CAMPBELL A., CONVERSE P.E., MILLER W.E., STOKES D.E., Elections

and the Political Order, 1966. Pour une première esquisse de ce chapitre, sans mention d’auteur CAMPBELL A., CONVERSE P.E., MILLER W.E., STOKES D.E., The American Voter, 1960, p. 531-538.

3 L’ouvrage de référence est BURNHAM Walter D., Critical Elections and the Mainsprings of American

Politics, New York, Norton, 1970.

4 BURNHAM Walter D., « Party Systems and the Political Process », in CHAMBERS W.N., BURNHAM

W.D. (dir.), The American Party Systems: Stages of Political Development, New York, Oxford

événement exceptionnel, une guerre, une crise économique, etc. Elles se manifestent par une très nette intensification du combat politique et par une transformation des rapports de force électoraux, avec une restructuration large et durable des coalitions partisanes sur les enjeux liés aux tensions qui ne peuvent plus être canalisées par le système politique. La plupart du temps, cette restructuration n’a pas lieu lors d’une seule élection, mais lors d’une « phase de réalignement » (era of critical realignment). Et elle a des conséquences importantes dans quatre autres domaines de la vie politique : le système de partis, le fonctionnement des institutions, les politiques publiques et les relations entre les élites et les citoyens.

Une dimension partisane

Pour autant, les réalignements ne se réduisent pas à des changements électoraux : ils supposent également une modification des principaux enjeux à l’agenda. Cette approche des réalignements, centrée sur le contenu de l’affrontement entre les partis, est largement héritée des travaux d’E.E. Schattschneider. Dans cette perspective, l’essence des réalignements n’est pas l’évolution large et durable des équilibres électoraux, mais le déplacement de la ligne de conflit entre les partis : la reconfiguration des coalitions électorales n’est qu’une conséquence du changement des enjeux dominants. En d’autres termes, un réalignement correspond à un « changement de l’alignement partisan », c’est-à-dire à un changement du terrain sur lequel les partis s’affrontent pour mobiliser les électeurs1. Dans ce cadre, les élites partisanes jouent un rôle déterminant : les réalignements sont le produit de la lutte permanente à laquelle elles se livrent pour imposer des enjeux qui leur permettent d’être majoritaires dans l’électorat.

De ce point de vue, les travaux de J.L. Sundquist proposent sans doute la formulation la plus élaborée de la théorie des réalignements2. Prolongeant les réflexions sur la nature des réalignements esquissées par E.E. Schattschneider, J.L. Sundquist suggère de distinguer deux types de changements électoraux : (1) les changements liés à une reconfiguration durable du conflit partisan, qu’il qualifie de « réalignements » ; (2) les changements qui ne résultent pas d’une redéfinition du conflit partisan, qu’il qualifie de « changements de la balance partisane au sein d’un alignement établi et persistant »3. Sur cette base, il rejette la séparation entre critical et secular realignments : dans la mesure où les électeurs ne réagissent pas nécessairement tous au même rythme à l’établissement d’une nouvelle ligne de conflit dominante entre les partis, un réalignement peut avoir à la fois des phases de changement brutal (critical) et des phases de changement progressif (secular). La vitesse du changement importe peu : l’originalité d’un réalignement réside dans la modification du contenu de l’affrontement partisan.

Le modèle développé par J.L. Sundquist accorde une place centrale à la dynamique des enjeux : un réalignement implique l’irruption d’un nouvel enjeu à l’agenda. Cependant, l’inverse n’est pas vrai : un nouvel enjeu ne conduit pas toujours à un réalignement. En fait,

1 SCHATTSCHNEIDER Elmer E., The Semisovereign People, 1960, p. 87.

2 SUNDQUIST James L., Dynamics of the Party System, 1983. Une première édition de cet ouvrage est parue en 1973, mais les développements théoriques sont moins nourris.

le déclenchement d’un réalignement dépend de cinq facteurs1 : (1) la taille du problème : un réalignement est d’autant plus probable que le nouvel enjeu touche beaucoup d’électeurs et suscite de l’émotion ; (2) la capacité à générer des résistances : un réalignement est d’autant plus probable que le nouvel enjeu polarise fortement les électeurs sur les moyens à mettre en œuvre ou, mieux, sur les objectifs à atteindre ; (3) le leadership des responsables politiques : un réalignement est d’autant plus probable que les leaders en place sont affaiblis et peinent à écarter le nouveau problème ; (4) la division interne des partis : un réalignement est d’autant plus probable que le nouvel enjeu divise les partis établis et ne se superpose pas à la ligne de conflit en place ; (5) la force des attaches partisanes existantes : un réalignement est d’autant plus probable que les attaches partisanes des électeurs sont affaiblies.

Les développements

En dépit de son caractère parfois éclaté, la théorie des réalignements s’est rapidement imposée comme un outil indispensable pour périodiser la vie politique américaine. Au début des années 1970, trois phases de réalignement font consensus dans la littérature, la première dans les années 1850, la seconde dans les années 1890, la troisième dans les années 1930. De fait, l’histoire électorale des Etats-Unis semble pouvoir être décrite comme une succession de phases de réalignement et de périodes de politique ordinaire.

Ce tableau change radicalement au cours des années 1970. La théorie peine soudain à rendre compte des évolutions électorales les plus récentes : les équilibres électoraux issus du New Deal sont rompus depuis le milieu des années 1960, mais aucun réalignement ne semble avoir eu lieu. La remise en cause s’étend à la chronologie traditionnelle des réalignements : la théorie est accusée de n’avoir jamais été pertinente pour comprendre l’histoire politique des Etats-Unis2. La critique porte essentiellement sur la multiplication des modèles d’analyse et sur le foisonnement des techniques statistiques pour repérer les « élections critiques ».

Depuis la fin des années 1980, de nouveaux développements ont permis de répondre à la plupart des critiques. En intégrant les apports successifs d’E.G. Carmines et J.A. Stimson, de B.E. Shafer et de P. Martin, un réalignement peut désormais être défini comme le passage d’un ordre électoral à un autre suite à une transformation de la structure d’enjeux dominant la compétition politique3. Ce passage intervient au cours d’une phase de changement brutal, la phase de réalignement, qui s’ouvre avec l’effondrement de l’ordre électoral en place et se referme avec l’émergence d’un nouvel ordre électoral. Cette phase est suivie par une période de politique ordinaire, au cours de laquelle la structure d’enjeux qui s’est imposée à l’agenda se déploie au sein du nouvel ordre électoral.

1 SUNDQUIST James L., Dynamics of the Party System, 1983, p. 41-47.

2 LICHTMAN Allan J., « The End of Realignment Theory? Toward a New Research Program for

American Political History », Historical Methods, 15 (4), 1982.

3 GOUGOU Florent, LABOURET Simon, « Critical and Secular Patterns of Electoral Change in France: The Realignment Era of the 1980’s and Afterwards », Paper presented in a Short Course of the Annual Meeting of the American Political Science Association, Seattle, 2011.

La nature du changement : le passage d’un ordre électoral à un autre

La théorie des réalignements s’est assez largement construite autour du problème du repérage des « élections critiques ». De prime abord, cette situation n’a rien d’anormal : après tout, la théorie est née pour rendre compte des évolutions électorales brutales et durables qui peuvent se produire à l’occasion de certaines élections. Cependant, la recherche permanente de nouvelles méthodes pour dater les réalignements a longtemps parasité la discussion sur la nature des processus à l’œuvre, et parfois conduit à les réduire à de simples changements de niveau dans les rapports de force électoraux. De ce point de vue, la notion d’ordre électoral développée par B.E. Shafer est extrêmement utile car elle permet de réconcilier la dimension électorale et la dimension partisane des réalignements1.

Étonnamment, la notion d’ordre électoral a d’abord été pensée comme une alternative à la problématique des réalignements2 : pour B.E. Shafer, l’histoire politique américaine peut être découpée en plusieurs époques correspondant chacune à un ordre électoral, c’est-à-dire à un ensemble de « structures politiques » influençant les comportements des électeurs et les résultats des élections. La notion est très générale : parmi les structures politiques figurent la nature des divisions sociales, la place des partis, l’agencement des institutions politiques, etc. De la sorte, elle est moins rigide que la notion de « party system » généralement utilisée dans la littérature sur les réalignements pour décrire les structures de la compétition politique lors des périodes de politique ordinaire, et permet d’envisager l’existence de différences durables entre les enjeux dominant chaque type d’élection3.

Dans la suite de ce travail, la notion d’ordre électoral est employée dans un sens plus précis : elle fait référence à une structure d’enjeux stable et durable, qui façonne les relations entre les partis et les rapports de force électoraux. De fait, elle est plus large que la notion de « système partisan »4 : elle rend compte des relations de compétition et de coopération qui se nouent entre les partis, mais elle s’intéresse aussi aux liens qui s’établissent entre les électeurs et les partis. En clair, elle désigne une configuration spécifique de la compétition politique, à laquelle correspondent un système partisan et des alignements électoraux. Dans ce cadre, un réalignement peut être simplement défini comme le passage d’un ordre électoral à un autre.

D’un point de vue théorique, un réalignement décrit deux dynamiques : la disparition d’un ordre électoral en place et l’apparition d’un nouvel ordre électoral. Sur cette base, et à la

1 SHAFER Byron E., « The Notion of an Electoral Order: The Structure of Electoral Politics at the

Accession of George Bush », in SHAFER B.E. (dir.), The End of Realignment? Interpreting American

Electoral Eras, Madison, The University of Wisconsin Press, 1991.

2 Cependant, les deux perspectives ne sont pas incompatibles : pour B.E. Shafer, la notion d’ordre

électoral est plus abstraite que celle de réalignement, de sorte qu’elle peut aussi rendre compte

des élections critiques traditionnelles. SHAFER Byron E., « The Notion of an Electoral Order », in

SHAFER B.E. (dir.), The End of Realignment?, 1991, p. 65.

3 Cet aspect est primordial : B.E. Shafer montre ainsi que le « gouvernement divisé » n’est pas une

anomalie, mais une caractéristique structurelle de la politique américaine après les années 1960.

4 Sur cette notion, la référence reste SARTORI Giovanni, Parties and Party Systems: A Framework for

suite de P. Martin, on peut distinguer un « moment de rupture », qui marque l’effondrement d’un ordre électoral établi, et un « moment de réalignement », qui marque l’émergence d’un nouvel ordre électoral1. Ces deux moments ne sont pas nécessairement séparés : en principe, rien n’empêche qu’un réalignement s’opère sur un seul et même scrutin. Cependant, dans les faits, le « moment de rupture » et le « moment de réalignement » sont généralement distincts, de sorte qu’ils délimitent une « phase de réalignement ».

Cette nouvelle approche des réalignements axée sur la nature du changement permet à la fois de mieux articuler la dimension électorale et la dimension partisane, et de spécifier la notion souvent ambivalente d’élections critiques. En revanche, elle ne résout pas le problème du repérage des réalignements : à ce jour, il n’existe pas de méthode infaillible pour identifier à coup sûr des élections de rupture ou des élections de réalignement. La plupart du temps, il est nécessaire d’accumuler plusieurs indices concordants. Et, plus déroutant, il faut attendre au moins l’élection suivante pour confirmer l’effondrement d’un ordre électoral en place ou l’émergence d’un nouvel ordre électoral.

Tous les scrutins ne sont pas susceptibles de constituer un moment de rupture ou un moment de réalignement2. En principe, seuls les scrutins pouvant permettre un changement des enjeux à l’agenda du pouvoir gouvernemental sont concernés. De fait, en France, toutes les élections d’organisation nationale satisfont ce critère : la présidentielle, les législatives, les européennes, mais aussi les régionales, les municipales et les référendums. En Allemagne, en revanche, les possibilités sont beaucoup plus limitées : seules les élections au Bundestag et les élections européennes sont synchronisées sur l’ensemble du territoire, et donnent donc lieu à une véritable campagne nationale3.

La forme du changement : une phase critique et une période de déploiement

La théorie des réalignements est souvent utilisée de manière caricaturale, comme si la vie politique des démocraties représentatives pouvait être résumée à de longues périodes de stabilité entrecoupées par de brefs moments concentrant l’essentiel des évolutions électorales et partisanes. Les choses sont pourtant un peu plus compliquées que cela : le changement ne