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Théorie des redevances d’utilisation des infrastructures ferroviaires

Contexte et objectifs

La question des redevances d’utilisation des infrastructures ferroviaires a pris de l’importance depuis la séparation des infrastructures et de l’exploitation. Par ailleurs, l’ouverture de l’accès des infrastructures à de nouveaux opérateurs soulève la question des possibilités de discrimination entre les opérateurs.

La perception de redevances d’utilisation des infrastructures ferroviaires peut avoir pour objet principal :

1. D’assurer la couverture des coûts d’une mise à disposition efficiente des infrastructures, et notamment le financement des investissements.

2. De promouvoir une utilisation rationnelle des infrastructures.

3. De pousser les opérateurs à l’efficacité, en facilitant par exemple la concurrence.

4. D’harmoniser les conditions d’exercice du jeu de la concurrence entre les modes.

Il est évident qu’il y a des arbitrages à opérer entre ces différents objectifs et qu’ils ne peuvent pas tous être atteints par la seule entremise des redevances d’accès aux voies.

Certains sont aussi plus importants que d’autres, mais ce sont les deux premiers, à savoir la couverture des coûts de mise à disposition des infrastructures et l’utilisation rationnelle des infrastructures, qui sont certainement les plus importants. Ces deux objectifs doivent en tout état de cause être atteints par les moyens les moins préjudiciables aux autres objectifs.

L’Union européenne et le Rail Regulator posent en principe que les redevances ne doivent pas être discriminatoires et doivent se fonder sur le coût marginal à court terme.

Des redevances ainsi calculées permettent d’atteindre les trois derniers objectifs, mais ne donnent pas au gestionnaire du réseau le moyen de financer le développement du réseau (1erobjectif). Il convient donc de songer au coût marginal à long terme. Les paragraphes qui suivent traitent des coûts marginaux à court terme d’abord et à long terme ensuite.

Coûts marginaux à court terme

Les coûts marginaux à court terme générés par la circulation d’un train supplémentaire ne se limitent pas, comme on le pense souvent, au coût de l’usure causée par cette utilisation de l’infrastructure (quoique ce coût en compose la plus grande partie), mais englobent aussi les coûts de la congestion, de la rareté, de la sécurité et des atteintes

Usure de la voie

L’usure de la voie est la somme des dommages causés par l’utilisation et le temps.

L’inspection, l’entretien et le renouvellement des voies sont sources de coûts. Le coût de l’usure causée par l’utilisation des voies est égal à la fraction des coûts d’inspection, d’entretien et de renouvellement générée par la circulation des trains sur les voies et par les dommages qu’elle leur occasionne.

Congestion et rareté

Pour que l’utilisation des infrastructures soit rationnelle, en l’absence de contraintes de capacité et d’externalités, les opérateurs disposés à prendre à leur charge les coûts d’usure qu’ils causent en utilisant l’infrastructure doivent être autorisés à l’utiliser. En présence de contraintes de capacité, l’utilisation qu’ils font de la capacité a toutefois un coût d’opportunité puisqu’ils en barrent l’usage à d’autres opérateurs : l’utilisation de l’infrastructure est alors rationnelle si la capacité est réservée à l’opérateur et au type de trafic qui produisent la valeur sociale nette la plus élevée. La valeur sociale nette est égale à la valeur du sillon pour l’opérateur et ses clients, avec addition des avantages procurés par la réduction de la congestion routière, des accidents et des atteintes à l’environnement consécutive au transfert de certains trafics au rail et soustraction des coûts d’usure, des coûts externes d’accidents et des coûts environnementaux imputables à l’occupation du sillon.

Sur la route, la congestion survient habituellement quand la densité de la circulation fait chuter les vitesses au point d’empêcher le libre écoulement de cette circulation et bloque les croisements. Comme les gestionnaires des infrastructures ferroviaires planifient l’accès au réseau, le manque de capacité peut avoir deux conséquences, à savoir la congestion ou la rareté.

La congestion représente la somme des retards que le retard d’un train cause à ceux qui le suivent. Ces retards s’aggravent en cas d’utilisation intensive de la capacité parce qu’il n’y a pas de capacité de réserve pour résorber les retards. Les coûts de congestion sont les coûts générés par ces retards.

La rareté se fait sentir quand un opérateur ne peut pas obtenir le sillon qu’il souhaite, en termes d’heure de départ, d’arrêts ou de vitesse. En cas de manque de capacité, la valeur du train empêché de circuler (coût d’opportunité) doit être ajoutée aux autres coûts.

Coûts des accidents

Le chemin de fer est un mode relativement sûr, mais les accidents de chemin de fer existent et ils ont un coût. Les voyageurs qui prennent le train s’exposent au risque moyen d’accidents du service emprunté. Une partie du coût des accidents peut en outre retomber sur des tierces parties et ne pas être couverte par la compagnie de chemin de fer ou ses assureurs. Le coût marginal des accidents est égal à la valeur économique des conséquences en termes de sécurité de l’augmentation de l’utilisation du rail.

Coûts environnementaux

Le chemin de fer génère aussi moins de coûts environnementaux que les autres modes, mais l’impact de la pollution locale et régionale de l’air qu’il cause, de sa participation au réchauffement de la planète et du bruit qu’il produit est bel et bien à l’origine de tels coûts. Plusieurs méthodes d’évaluation de cet impact ont été mises au

point et des études approfondies ont été réalisées au niveau national et international pendant la dernière décennie pour en chiffrer le coût.

Valeur sociale

Pour rationaliser au maximum l’utilisation des infrastructures, il faudrait que les opérateurs couvrent le coût marginal à court terme, c’est-à-dire le coût additionnel, ou marginal, d’utilisation des infrastructures existantes par le train en cause, compte tenu des autres trains circulant sur le réseau. Le prix auquel l’opérateur est disposé à payer son accès ne représentera toutefois que rarement la valeur sociale de l’exploitation du train parce qu’il est fréquent que ce service apporte à son utilisateur des avantages auxquels il ne peut pas être donné de prix ou génère des coûts ou des avantages externes. Ces avantages et coûts devraient idéalement se traduire en taxes levées et aides versées par l’État, mais l’opération peut être à la fois techniquement et politiquement difficile. La tarification de l’accès aux voies ne suffira donc pas à elle seule pour répartir les capacités et devra donc être complétée par des moyens administratifs (rationnement).

Coûts marginaux à long terme

Le coût marginal à court terme est un concept souvent opposé à celui de coût marginal à long terme, c’est-à-dire le coût additionnel, comprenant entre autres le coût de l’adaptation de l’infrastructure à la demande, d’un train supplémentaire. Si les infrastructures étaient optimales, les deux concepts auraient la même valeur puisque l’amélioration des infrastructures aurait atteint le point où le coût de la capacité supplémentaire serait exactement égal à la valeur que lui confèrent l’atténuation de la congestion et l’augmentation du nombre de trains admis à circuler. L’idée, très répandue, que le coût marginal à court terme est inférieur au coût marginal à long terme n’est vraie qu’en présence d’excédents de capacité et l’inverse est vrai quand la capacité est rare, comme sur certaines lignes en Grande-Bretagne et dans quelques autres pays d’Europe occidentale.

Les coûts marginaux à court et à long terme semblent, eu égard à l’indivisibilité et à la durée des travaux d’adaptation de la capacité au volume de trafic, condamnés à diverger.

S’ils divergent effectivement, la théorie veut que la tarification s’effectue au coût marginal à court terme et que l’adaptation des infrastructures procède d’une analyse coûts/

avantages sociaux des différents projets en présence.

Il est ainsi possible de garantir l’utilisation optimale des infrastructures existantes et d’étaler dans le temps leur optimisation tant quantitative que qualitative ainsi que l’adaptation correspondante des prix. La Commission européenne et l’Office of the Rail Regulator sont tous deux arrivés à la conclusion que l’élément variable des redevances d’accès aux infrastructures ferroviaires doit être calé sur le coût marginal à court terme.

Des redevances forfaitaires ou d’autres suppléments viendraient combler les besoins financiers quand les tarifs établis sur la base des coûts marginaux à court terme ne rapportent pas assez pour atteindre les objectifs fixés par l’État ou les entreprises en matière de couverture des coûts.

© CEMT 2004

ANNEXE C

Fonctionnement du système de tarification des sillons