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Division horizontale en opérateurs verticalement intégrés concurrents

Défis à relever

4.2. Politique de la concurrence et objectifs de la réforme des transports de marchandisesde marchandises

4.2.2. Division horizontale en opérateurs verticalement intégrés concurrents

La seconde formule, celle de la concurrence entre opérateurs verticalement intégrés, impose une charge généralement moins lourde au pouvoir législatif. Les tarifs marchandises peuvent être dictés par la concurrence, sans généralement qu’il soit besoin d’intervention du pouvoir législatif, quand les clients sont directement servis par plus d’une compagnie ferroviaire ou sont suffisamment proches d’une seconde compagnie ferroviaire à laquelle ils peuvent menacer de transférer leur trafic. Les compagnies peuvent en outre, si leur pouvoir économique s’équilibre plus ou moins, convenir d’accorder à chacune le droit d’utiliser les infrastructures des autres, dans des conditions d’accès librement négociées.

Le Plan envisage la création d’entreprises ferroviaires verticalement intégrées concurrentes en Russie d’Europe pendant la troisième phase de la restructuration. Comme la question de la concurrence rail/rail est directement liée à la question du besoin de réglementation (celle, en d’autres termes, des dimensions et de la portée du cadre réglementaire à mettre en place), il semble judicieux d’examiner, en partant de quelques exemples, comment une structuration appropriée du système peut générer cette concurrence.

Comme les problèmes de structuration du système ont joué un rôle important dans l’analyse des fusions des compagnies ferroviaires américaines, la « Federal Railroad Administration » (Administration fédérale des chemins de fer), le « Surface Transportation Board » (Office des transports terrestres) et les chemins de fer ont développé des modèles pour affecter chaque transport (sur la base de la lettre de voiture) à une gare d’origine et une gare de destination. La lettre de voiture contient toutes les données importantes, telles que le poids de l’envoi, le nombre de wagons (par type), le type de train, la catégorie de marchandises, le tarif appliqué et les recettes qu’il génère, l’itinéraire (s’il ne va pas de soi), la date du transport, etc., nécessaires à l’analyse de tous les flux de marchandises parcourant toutes les lignes du système. Le modèle permet de pronostiquer l’incidence que des fusions de compagnies ferroviaires (qui peuvent fermer plus ou moins l’accès de certains chargeurs à des compagnies de substitution) peuvent avoir sur la concurrence.

L’application d’un tel modèle en Russie d’Europe permettrait de déterminer l’intensité de la concurrence générée par la division du système en deux ou plusieurs systèmes concurrents.

Comme il n’existe pas de modèle de réseau de ce type en Russie, l’étude des possibilités d’ouverture des chemins de fer à la concurrence en Russie d’Europe doit se fonder sur des données moins affinées. En s’appuyant sur les chiffres d’une matrice de 80 origines et 80 destinations fournie par MPS, l’équipe a bâti une matrice approximative des flux de marchandises courant entre les 17 réseaux régionaux (tableau 4.2). Cette matrice montre que les flux de marchandises transportées par chemin de fer en Russie se divisent assez naturellement en deux régions, une région « occidentale » (englobant Kaliningrad, Octobre, Moscou, le Sud-Est, le Caucase septentrional, la Volga, Kuibyshev, Gorky, le Nord, Sverdlovsk et l’Oural du Sud) et une région « orientale » (englobant la Sibérie

DÉFIS À RELEVER

LAFORME DE LA RÉGLEMENTATION DES CHEMINS DE FER EN RUSSIE – ISBN 92-821-2310-3 – © CEMT 20

Source : MPS.

Transport de marchandises Ouest Transport de marchandises Est

Destinations Russie

Kalinin-grad Octobre Moscou Sud-Est Caucase

du Nord Volga Kuibyshev Gorky Nord Sverdlovsk Oural du Sud

Sibérie occidentale

Krasno- yarsk

Sibérie orientale

Trans- baïkal

Extrême-

Orient Sakhaline Russie

Solde du flux de tonnage par région Origines

Russie 1 156 840 8 896 142 259 134 825 75 086 89 740 28 112 35 130 48 140 60 564 115 982 80 637 146 094 47 370 35 979 28 781 76 655 2 591 1 156 840

Kaliningrad 3 230 2 584 79 281 18 28 32 29 46 15 47 48 20 6 1 0 1 0 3 230 –5 666

Octobre 98 269 296 56 687 11 729 1 235 1 076 2 441 998 2 230 15 364 1 931 1 528 1 009 809 359 116 442 26 98 269 –43 990

Moscou 93 751 642 8 676 57 902 3 617 1 855 1 071 1 280 2 327 2 277 3 453 4 888 3 827 518 430 239 701 70 93 751 –41 074

Sud-Est 85 355 411 3 117 13 662 44 447 8 039 1 432 2 047 1 465 1 575 1 348 5 123 1 233 890 276 97 205 5 85 355 40 908

Caucase du Nord 58 872 55 1 447 4 045 2 438 39 423 4 664 1 254 1 122 1 581 1 032 529 623 268 121 109 180 18 58 872 –30 868

Volga 44 462 760 4 090 4 345 1 471 18 123 10 234 1 547 1 221 937 605 414 261 124 123 61 152 3 44 462 16 350

Kuibyshev 49 803 384 5 845 4 369 1 910 3 713 1 534 12 164 6 528 1 864 3 526 4 581 1 354 401 337 531 766 11 49 803 14 673

Gorky 37 365 364 5 727 3 959 810 1 732 629 1 845 14 106 3 674 2 126 984 587 189 158 137 333 16 37 365 –10 775

Nord 69 228 421 21 621 9 134 1 823 1 809 833 1 079 2 882 26 910 1 462 695 230 82 70 56 115 5 69 228 8 664

Sverdlovsk 110 561 565 10 382 5 322 936 3 557 771 2 636 7 291 2 496 61 858 5 798 3 902 623 1 505 575 2 343 13 110 561 –5 421

Oural du Sud 106 673 1 289 3 008 5 954 1 477 4 268 3 491 8 331 5 106 1 114 26 544 39 418 1 904 469 497 346 3 444 19 106 673 26 036

Sibérie occidentale 222 110 893 18 887 10 685 14 057 4 517 778 1 306 2 495 2 276 10 162 15 651 115 444 9 231 1 980 1 326 12 285 132 222 110 76 016

Krasnoyarsk 62 624 170 1 751 2 204 624 971 108 421 1 034 372 1 023 544 10 680 28 767 6 778 2 620 4 505 56 62 624 15 254

Sibérie orientale 52 432 63 692 371 72 567 68 100 143 73 380 106 4 489 4 288 21 984 4 969 13 998 72 52 432 372

Transbaïkal 24 507 1 46 260 35 34 6 17 40 20 132 29 81 521 466 15 998 6 823 7 24 507 –4 274

Extrême-Orient 35 653 1 213 590 126 62 27 76 130 29 339 308 450 188 895 1 601 30 337 303 35 653 –41 002

Sakhaline 1 946 0 7 31 3 3 0 1 2 0 7 3 10 1 2 3 34 1 837 1 946 –645

Russie 1 156 840 8 896 142 259 134 825 75 086 89 740 28 112 35 130 48 140 60 564 115 982 80 637 146 094 47 370 35 979 28 781 76 655 2 591 1 156 840

D’ouest en ouest 723 368 63 % D’ouest en est 34 341 3 % D’est en ouest 96 142 8 % D’est en est 303 161 26 % 1 157 012 100 %

occidentale, Krasnoyarsk, la Sibérie orientale, le Transbaïkal, l’Extrême-Orient et Sakhaline).

Quelque 63 % des tonnages transportés par chemin de fer en Russie ont leur origine et leur destination dans la région occidentale tandis que 26 % ont les leurs dans la région orientale, ce qui ne laisse pas plus de 11 % aux échanges entre ces deux régions. La région occidentale, avec 63 % des tonnages parcourant 73 % de la longueur des voies, enregistre donc une intensité de trafic moyenne supérieure à celle des chemins de fer américains et il semble donc raisonnable d’avancer qu’elle pourrait s’accommoder du même genre de concurrence ligne contre ligne qu’aux États-Unis.

Guriev, Pittman et Shevyakhova11 ont conçu un scénario intéressant pour une région de Russie d’Europe semblable à celle qui est décrite ci-dessus. Le système qu’ils examinent voit se développer une concurrence ligne contre ligne entre deux compagnies de chemin de fer intégrées sur la plupart des marchés de la région occidentale (cf. graphique 4.2). Ils donnent clairement à entendre qu’il serait préférable d’avoir plus de deux concurrents, mais estiment inopportun, en l’absence de modèle détaillé des flux de trafic, de réfléchir aux modalités de structuration sur la base d’un plus grand nombre de concurrents. Leurs deux compagnies pourraient se disputer les transports à effectuer en Russie d’Europe soit sur des voies parallèles de leurs deux réseaux, soit en des points nodaux communs tels que Cheliabinsk, Samara, Kursk, Smolensk, Moscou et Saint-Pétersbourg.

Les deux réseaux pourraient aussi être reliés à la région orientale de telle sorte que chaque compagnie puisse recevoir les flux qui franchissent la « frontière » et s’offrir à amener à leurs destinataires les marchandises expédiées de l’Est en Russie d’Europe (le tableau 4.2 montre que les tonnages acheminés d’est en ouest, essentiellement du charbon et des produits pétroliers, sont près de 3 fois plus importants que ceux qui circulent dans l’autre sens). Un tel système ramènerait le besoin de réglementation du pouvoir tarifaire des monopoles à la seule réglementation des redevances d’accès dans la région orientale.

Il s’y ajoute que les transporteurs concurrents de la partie occidentale pourraient s’ils le voulaient (ils le feront sûrement si les redevances d’accès ne sont pas discriminatoires) acquérir des droits d’accès dans la région orientale et se faire concurrence jusqu’aux côtes pacifiques de la Russie.

Guriev, Pittman et Shevyakhova proposent d’user d’un système de concessions exclusives pour susciter l’émergence de transporteurs concurrents en Russie d’Europe.

Cette formule ferait jouer la concurrence au stade non seulement de l’accès au marché du transport de marchandises par chemin de fer (concurrence entre candidats à l’obtention d’une licence), mais aussi de l’exploitation même de ce marché. Elle a pour autre avantage d’offrir le moyen de développer la concurrence entre des entreprises verticalement intégrées sans qu’il soit nécessaire de modifier une loi qui impose actuellement la division des actifs de base de RZhD. Leur étude montre que ce genre de concession des activités ferroviaires a donné de bons résultats au Mexique, au Brésil et en Argentine. L’expérience apprend qu’une concession pour 30 ou 50 ans suffit pour encourager les entreprises privées à investir généreusement dans les infrastructures.

La graphique 4.3 simplifie la structure en regroupant les 17 régions ferroviaires existantes en 7 nouvelles plus grandes (9 au total, avec Kaliningrad et Sakhaline). Le transfert de deux courtes lignes de la région nord à la région Gorky offrirait à une nouvelle compagnie centre-nord une liaison directe avec le réseau d’Octobre et ses ports. Ce simple regroupement permettrait à quasi toutes les marchandises en provenance de l’est d’accéder à Moscou et à Saint-Pétersbourg en faisant jouer la concurrence et ouvrirait

Graphique 4.2. Deux compagnies verticalement intégrées concurrentes de transport de marchandises par chemin de fer en Russie d’Europe

Source :Guriev, Pittman et Shevyakhova, A Proposal for Railroad Restructuring in Russia, 2003.

Yamalo-Nenetskiy AO

Graphique 4.3. Réorganisation des réseaux régionaux dans une optique de coexistence de concurrents intégrés et de liberté d’accès au marché du fret

ferroviaire

des routes concurrentielles au trafic d’importation et d’exportation ainsi qu’au trafic transsibérien. Cette concurrence pourrait sans doute aussi tempérer le besoin de réglementation du prix des transports de marchandises à destination et en provenance de la région orientale et autoriser à renoncer à réglementer les prix de la plus grande partie du trafic de la Russie d’Europe.

Aucun de ces deux scénarios ne doit évidemment être considéré comme étant de nature à clore définitivement le débat parce qu’ils se fondent sur des données qui ne sont pas sûres. Les deux scénarios se veulent au contraire être des propositions dignes d’être prises en considération, de préférence rapidement, à mesure que sera développée la base analytique pour les phases suivantes de la réforme. Beaucoup d’autres modalités intermédiaires de regroupement des régions ferroviaires existantes permettraient sans doute aussi de mettre en concurrence plusieurs, plutôt que simplement deux, opérateurs ferroviaires verticalement intégrés.