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Organisation et financement des services voyageurs des chemins de fer britanniques

Leçons à tirer de la privatisation des chemins de fer britanniques 1

3. Organisation et financement des services voyageurs des chemins de fer britanniques

L’un des objectifs du mode de privatisation des chemins de fer adopté par le gouvernement britannique était de stabiliser leur financement. Les chemins de fer avaient

pâti, du temps où ils étaient publics, d’un manque d’investissements ainsi que de leur fluctuation au gré des difficultés budgétaires de l’État. Il était dans de telles conditions difficile de programmer les investissements et la profonde incertitude dans laquelle les fournisseurs des chemins de fer, notamment les constructeurs de matériel roulant, se trouvaient plongés au sujet de l’évolution future de la demande, faisait grimper les coûts.

Il avait été pensé qu’en faisant prendre à la quasi totalité du financement public la forme de versements effectués à des opérateurs privés liés par un contrat de concession à une administration publique, l’État allait être obligé de s’engager à long terme (pour la durée de la concession) dans le financement du secteur. L’autre objectif était de réduire les coûts en remplaçant le monolithe public par des opérateurs privés choisis sur appel d’offres. Ces objectifs ont, dans la pratique, été atteints pendant une brève période avant que les choses ne prennent un autre tour.

Les paragraphes qui suivent décrivent les premières méthodes d’organisation et de financement des chemins de fer, montrent comment elles ont évolué pour remédier à certaines faiblesses du système et identifient les problèmes qui restent à résoudre.

3.1. Organisation des services voyageurs

En 1994, les services voyageurs de British Rail, responsables de 90 % de ses recettes, ont été divisés en 25 départements géographiques en préparation de sa privatisation. Ces départements débordaient rarement les uns sur les autres alors que le gouvernement avait précédemment songé à laisser la concurrence s’exercer sur toutes les lignes empruntées par les trains voyageurs. Plusieurs règles arrêtées par le Regulator dans le but de tempérer la concurrence limitaient par ailleurs la liberté d’accès des opérateurs au marché. La concurrence était ainsi limitée par crainte non seulement de son incidence défavorable sur les performances financières du secteur et aggravante sur l’incertitude du secteur privé, ce qui aurait eu pour effet de faire augmenter le volume des aides publiques nécessaires, mais aussi des problèmes d’exploitation que la multiplication des opérateurs utilisant les mêmes voies pourrait causer.

Entre 1995 et 1997, les 25 départements ont été concédés, au terme d’une procédure d’adjudication publique, à des entreprises privées pour des périodes de 7 à 15 ans, ou davantage dans les cas où des investissements majeurs devaient être effectués. L’opération a été réalisée dans le but quasi exclusif de réduire au minimum les subventions à l’exploitation de services maintenus grosso modo à leur niveau d’avant la privatisation. Ce niveau, dont le maintien a été déclaré constituer une obligation de service public, était essentiellement un niveau minimum (qui pouvait être dépassé). Les contrats de concession étaient conclus « à coût net », ce qui veut dire que le secteur privé assumait les risques encourus en matière tant de recettes que de coûts.

Les concessions prévoyaient la location du matériel roulant auprès de trois sociétés privées spécialisées issues elles aussi de l’ancienne British Rail. En n’étant donc pas obligés d’acheter ce matériel, les concessionnaires échappaient à des investissements très risqués et peu rentables eu égard à la brièveté des périodes de concession.

3.2. Financement des services voyageurs concédés

La plupart des concessions ont été accordées sur la base d’offres négatives (les concessionnaires recevaient une aide financière au lieu de payer le droit d’exploiter les

dessert cet aéroport, mais d’autres sont passés progressivement du stade de bénéficiaire d’aides à celui de payeur. Les concessions sont financées par :

L’Office of Passenger Rail Financing (Office de financement des services voyageurs des chemins de fer) qui a été incorporé dans la Strategic Rail Authority lors de sa création en 2001.

Les Passenger Transport Executives (Offices des transports de voyageurs) qui soutiennent les transports publics dans les sept plus grandes villes de Grande-Bretagne autres que Londres.

Des organismes écossais et gallois depuis le transfert de certains pouvoirs politiques à l’Écosse et au pays de Galles.

L’appel d’offres a suscité beaucoup d’intérêt, surtout parmi les compagnies privées d’autocars et d’autobus créées dix années auparavant par la privatisation des services de transport de voyageurs par route. Les concessions ont été attribuées sur la base du seul critère du « moindre appel aux subventions » et la procédure a donc été relativement simple. L’appel d’offres a été hautement concurrentiel et le volume des aides aurait dû, au vu des meilleures offres, diminuer de moitié environ au cours des sept premières années.

La réduction au minimum des subventions n’est cependant pas nécessairement ce qu’il y a de mieux en termes de rentabilité et les opérateurs n’avaient ni les stimulants, ni les marges nécessaires pour investir et améliorer la qualité des services. La concurrence entre les candidats concessionnaires a en outre eu pour conséquence que huit des retenus perdaient de l’argent dès 1999/2000.

D’autres problèmes datent en germe aussi de cette époque. C’est ainsi que pour obtenir une concession, les candidats présentaient des prévisions optimistes de trafic qui, quand elles se concrétisaient, s’avéraient requérir plus de capacité que le réseau existant n’en pouvait offrir.

3.3. Évolution du soutien aux concessionnaires des services voyageurs

La croissance, pourtant vigoureuse, de tous les marchés n’a pas été à la hauteur des espoirs des candidats concessionnaires. Ceux-ci comptaient aussi réduire les coûts, mais ces coûts ont en fait été portés à la hausse par la pénurie de personnel qualifié et la pression qu’elle a exercé sur les salaires, d’une part, et l’étoffement, dans le but d’améliorer le service à la clientèle, des équipes d’accompagnement des trains qui a fait suite aux compressions initiales de personnel (surtout administratif), d’autre part11.

Les offres des candidats concessionnaires promettaient au départ une réduction d’environ 600 millions de livres du déficit total des chemins de fer hors aides publiques. La réduction n’a dans la pratique pas excédé 220 millions de livres. La différence a été comblée soit par une réduction (à parfois moins de zéro) de la marge d’exploitation, soit par une augmentation des subventions de la Strategic Rail Authority. Plusieurs concessionnaires, notamment ceux qui assuraient des services régionaux, ont commencé à perdre de l’argent à la fin des années 9012. Au lieu de dénoncer les contrats de concession et de chercher des candidats à la conclusion de nouveaux contrats, la Strategic Rail Authority a estimé qu’il serait moins cher d’amender les contrats existants en se chargeant elle-même du risque d’insuffisance de recettes. Plus d’un tiers des contrats de concession se sont ainsi mués en une sorte de contrats de gestion13. Comme ces opérateurs ne sont

guère poussés à maximiser leurs recettes, le volume de l’aide de la Strategic Rail Authority a donc fortement augmenté.

Le lancement, en 1999, du Rail Passenger Partnership (partenariat pour le transport de voyageurs par chemin de fer), un programme destiné à favoriser l’amélioration des réseaux ferroviaires locaux et régionaux, a aussi eu des répercussions sur le montant des subventions versées aux concessionnaires. Ce programme peut intervenir dans le financement de projets d’investissement ou par versement de compléments de recettes14. L’intervention dans le financement se limite aux projets qui ne sont pas commercialement viables, mais sont profitables à la collectivité tandis que les compléments sont accordés sous la forme d’une majoration des recettes récoltées par les concessionnaires. En juin 2002, le programme avait alloué 69 millions de livres à 56 projets.

Les redevances d’accès aux voies dues par les opérateurs ont, enfin, été relevées après leur deuxième révision périodique et la Strategic Rail Authority a couvert le coût de cette hausse à partir d’avril 2001 en majorant les subventions versées aux concessionnaires.

Cette triple évolution, venant après plusieurs années de recul de l’aide publique qui aurait dû se poursuivre d’après les offres présentées au départ, a eu pour effet de faire augmenter le coût net de l’aide au secteur à partir de 2002, comme le montre le graphique B.315.

En outre, Railtrack a été incapable, comme le chapitre 4 sur les redevances le montrera, de financer des investissements en infrastructures sur ses fonds propres et rien ne pousse les opérateurs à les financer eux-mêmes. Il a donc été décidé que la Strategic Rail Authority financerait certains investissements en versant de l’argent à Railtrack et que Network Rail (le successeur de Railtrack) ne serait plus tenu de les financer en puisant dans le produit des redevances d’accès aux voies. Cette situation risque de rendre plus difficile la protection du secteur à l’égard des pressions qui pourraient s’exercer sur le budget Graphique B.3. Sommes versées annuellement aux concessionnaires de services

voyageurs (en millions de livres) de 1998 à 20021

1. Les chiffres englobent les primes versées aux opérateurs pour bonnes performances ainsi que les pénalités qu’ils doivent payer quand leurs performances sont mauvaises (retards). La faiblesse des performances de ces dernières années s’est traduite par une diminution des versements nets aux opérateurs. Les paiements nets hors primes aux opérateurs ont augmenté en 2001/02. Source : Strategic Rail Authority et estimations de l’OCDE pour 2002/03.

Source :Strategic Rail Authority, analyse de KPMG.

1998 1999 2000 2001 2002

1 900 1 800

1 600

1 200

1 000 1 700

1 100 1 500 1 400 1 300

£m

Subventions versées aux opérateurs Subvention prévue dans les offres ; subvention effectivement versée

gouvernemental ; il sera en effet plus facile au gouvernement de tailler dans les budgets de Netwrok Rail que d’avoir à renégocier avec les opérateurs concessionnaires dans le cadre des engagements contractuels de longs termes.

3.4. Modification du processus de concession

Le processus de concession a subi ces trois dernières années plusieurs modifications.

La première vise à gonfler les investissements en allongeant la durée des concessions (une concession a été attribuée en 2001 pour une durée de 20 ans), mais cette idée est aujourd’hui abandonnée et un texte de novembre 200216 ramène leur durée normale à 5/8 ans.

Le régime actuel diffère du régime mis en place lors de la privatisation en différents points.

a)Au lieu de définir simplement les exigences auxquelles les services voyageurs doivent répondre, le contrat fixe aussi les horaires et la composition des trains (nombre de voitures) pour être sûr qu’il soit tenu compte de l’impact global des services, et notamment de leur impact sur la congestion du réseau.

b)Les opérateurs fixent les horaires après consultation des diverses parties intéressées, les autorités locales en particulier, et les contrats définissent les conditions dans lesquelles les horaires que l’opérateur est tenu de respecter ainsi que les redevances d’accès et autres droits correspondants peuvent être modifiés pendant la durée de la concession.

c)Le régime complexe de primes à l’amélioration de la fiabilité des services est remplacé par un système qui fait directement entrer la Strategic Rail Authority en jeu quand les objectifs ne sont pas atteints.

d)Des indicateurs clés de la qualité de la mobilité des voyageurs (propreté, atmosphère des gares, information des voyageurs, billetterie et sécurité) vont être définis, contrôlés par les opérateurs et supervisés par la Strategic Rail Authority17.

e)Les opérateurs assument le risque de coût (ils doivent prendre à leur charge toutes les augmentations des coûts, sauf celles qui sont dues à la hausse des redevances d’accès qu’ils acquittent à Network Rail ou à des déficiences de Network Rail). Les coûts doivent en outre être transparents et rapportés à des étalons de référence pour qu’il soit plus difficile aux opérateurs de transférer le risque de coût à la Strategic Rail Authority.

f) Les opérateurs assument le risque d’insuffisance de recettes à court terme, mais ce risque sera probablement partagé à plus long terme si les profits ou les déficits deviennent excessifs (s’il y a déficit, il faudra un plan de redressement et la concession pourrait en fin de compte être révoquée).

g)Les opérateurs seront incités à établir et réaliser des projets d’investissement, notamment à la fin de la période couverte par la concession, c’est-à-dire à un moment où les stimulants commerciaux sont les plus faibles.

3.5. Nouveau rôle des collectivités locales

La Grande-Bretagne a été plus longue que beaucoup d’autres pays à transférer aux autorités locales et régionales la pleine responsabilité du financement des services locaux de transport de voyageurs par chemin de fer. La délégation de pouvoirs s’est arrêtée aux Passenger Transport Executives (organes responsables des transports dans les sept plus grandes villes de Grande-Bretagne autres que Londres) et s’est étendue depuis peu à des organismes écossais et gallois. Les Passenger Transport Executives définissent les services,

mais le financement de ces services reste de la responsabilité de la Strategic Rail Authority.

L’irrationalité de ce partage des responsabilités est encore aggravée par la focalisation des Passenger Transport Executives sur les services locaux de voyageurs qui empêchent souvent les trains de marchandises et les rapides d’accéder au réseau s’il est surchargé. Il s’en suit que les relations entre l’État/ la Strategic Rail Authority et les Passenger Transport Executives sont tendues et qu’il est difficile d’optimiser les services. Un même problème pourrait se poser à Londres où la Mairie dispose de moyens de financement limités, mais est habilitée à adresser des directives à la Strategic Rail Authority.

La Strategic Rail Authority tente de remédier à cette irrationalité du partage des responsabilités par la voie du dialogue, mais il est difficile d’imaginer que ce dialogue puisse à lui seul résoudre le problème, eu égard à la dissemblance des objectifs poursuivis par les parties en présence.

La solution pourrait peut-être venir d’autres pays d’Europe occidentale où les Länder, en Allemagne, les Régions, en France, et d’autres autorités locales ont accepté de financer les services locaux des chemins de fer (ainsi que d’autres services de transport) en échange de subventions généreuses de l’État. Ces pays ne se sont toutefois pas encore préoccupés du fait que cette politique peut encore aggraver la congestion du réseau parce que les redevances d’accès ne reflètent pas la totalité des coûts, y compris le coût d’opportunité de capacités rares.

3.6. Financement des services marchandises

Contrairement au trafic voyageurs, le trafic marchandises n’est pas régi par des contrats de concession et constitue un marché concurrentiel totalement libre d’accès. Il a en revanche ceci de commun avec le trafic voyageurs que ses grands projets bénéficient d’un financement direct qui se limite toutefois jusqu’ici à la planification des études de faisabilité. Il bénéficie aussi de deux autres types d’interventions financières, à savoir :

Les aides à l’investissement.

Les compléments de recettes versés aux opérateurs à titre d’aide au paiement des redevances d’accès.

Comme dans le cas du partenariat pour le transport de voyageurs par chemin de fer, ces deux types d’aides ne sont accordés qu’à des projets qui ne sont pas commercialement viables, mais génèrent des avantages sociaux suffisants pour les justifier. Les montants dégagés en 2001/2002 s’élèvent à 33 millions de livres pour les aides à l’investissement et 22 millions de livres pour les aides au paiement des redevances d’accès18. Les aides accordées cette année-là au trafic marchandises représentaient moins de 5 % de celles dont ont bénéficié les services voyageurs19.

Les grands projets d’infrastructures actuellement à l’étude pour les services marchandises (comme pour les services voyageurs) pourraient, s’ils s’avèrent économiquement défendables et s’il y a de l’argent, être financés par la Strategic Rail Authority. En 2001, l’État et la Strategic Rail Authority envisageaient d’investir 3.4 milliards de livres dans le secteur des marchandises entre 2000 et 2010 (près de 10 % de l’ensemble des aides publiques aux chemins de fer), mais il semble aujourd’hui, étant donné que l’argent manque, improbable que ce niveau soit jamais atteint.