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Théorème de Riemann-Roch extrinsèque

Dans le document Courbes algébriques complexes (Page 118-146)

§ 1. Préliminaires

Afin d’énoncer et de démontrer le célèbre Théorème de Riemann-Roch, nous devons introduire des notations et des définitions que nous accompagnerons de commentaires es-sentiels.

Rappelons que sur une surface de Riemann S, on note O(S) l’algèbre des fonctions holomorphes, M(S) le corps des fonctions méromorphes, Ω(S) l’espace des 1-formes holomorphes etMΩ(S)l’espace1-formes méromorphes, en accord avec les notationsOS, MS,ΩS,MSpour les quatre faisceaux afférents.

SoitSune surface de Riemanncompacteet soit : D=

Xk i=1

nipi Div(S)

un diviseur quelconque surS, à savoir une combinaison linéaires finie de pointspi surS pondérés par des entiers relatifsni Z.

Définition.Si, pour touti= 1,2, . . . , k, les poids : ni >0

sont positifs, on dit que le diviseurDest undiviseur effectifsurS, et on abrège cela par la notation :

D >0.

Clairement, tout diviseur surS s’écrit comme différence de deux diviseurs effectifs.

Notation.On introduit l’espace suivant de fonctions méromorphes globales : L(D) :=

f ∈M(S) : div(f) +D>0 .

Le fait qu’une fonction méromorphef M(S)appartienne à cet espaceL(D)signifie deux choses (exercice mental) :

si le poidsnid’un pointpidu diviseur est60, alorsf doit posséder un zéro de multipli-cité au moins|ni|enpi;

si ce poidsni est> 0, alorsf est autorisée à avoir un pôle enpi de multiplicité au plus ni.

Visiblement,L(D)constitue unC-espace vectoriel.

Notation.On notera la dimension de cet espace :

`(D) :=dimL(D).

Notation. Pour des raisons de dualité-réciprocité qui seront révélées dans un instant, on introduit aussi l’espace suivant de 1-formes méromorphes — mind the difference in the defining inequality! — :

S(D) :=

ω∈MΩ(S) : div(ω)>D .

Le fait qu’une1-forme méromorpheω∈MΩ(S)appartienne à cet espaceΩS(D)signifie précisément deux choses :

si le poidsnid’un pointpi du diviseur est6 1, alorsωest autorisée à avoir un pôle de multiplicité6|ni|enpi;

si ce poidsniest>1, alorsωdoit posséder enpiun zéro qui est de multiplicité au moins ni.

Visiblement,ΩS(D)constitue aussi unC-espace vectoriel.

Notation.On notera la dimension de ce deuxième espace : i(D) :=dimS(D), et on l’appellera l’indice de spécialitédeD.

Dans la démonstration du Théorème de Riemann-Roch, le cas d’un diviseur effectif D > 0 s’avérera être d’une importance notable. Dans ce cas, les fonctions constantes appartiennent à L(D), à savoir C L(D). De plus, lorsque D > 0, l’appartenance ω S(D)implique que la1-forme méromorpheωest en faitholomorphe(sans pôle), et dans ce cas, on a l’inclusion :

S(D)Ω(S).

Définition.Deux diviseurs :

D∈Div(S) et E Div(S)

sur une surface de Riemann compacteS sont ditséquivalents, ce qui sera noté : D∼E,

s’il existe une fonction méromorphef ∈M(S)telle que : D−E =div(f).

Proposition.Étant donné deux diviseurs équivalents quelconques : D∼E,

sur une surface de Riemann compacteS, leurs degrés sont égaux :

degD=degE,

et leur équivalence induit deux isomorphismes d’espaces vectoriels : L(D)=L(E) et ΩS(D)= ΩS(E).

DÉMONSTRATION. Pour commencer, puisque toute fonction méromorphe non constantef ∈M(S)sur la surface de Riemann compacte possède toujours autant de zéros que de pôles, comptés avec multiplicité :

0 = X

p∈S

νp(f),

et puisque par définition :

div(f) =X

p∈S

νp(f)·p, on déduit instantanément, pourD−E =div(f), que :

0 =deg div(f)

=degD−degE.

Ensuite, étant donné une fonctiong ∈L(D), satisfaisant par définitiondiv(g) +D>0, on observe par un calcul simple que :

div(f g) +E =div(f) +div(g) +E

=D−E+div(g) +E

=div(g) +D>0.

Par conséquent, l’application linéaire :

L(D)−→L(E) g 7−→f g possède pour inverse l’application linéaire :

L(E)−→L(D) g 7−→ g

f, ce qui montre qu’on a bien l’isomorphisme annoncé :

L(D)=L(E).

On établit de manière complètement similaire (exercice) le second isomorphismeΩS(D)=

S(E).

Un autre type d’isomorphisme, plus intéressant, échange les fonctions méromorphes et les1-formes méromorphes.

Proposition (Dualité-réciprocité de Brill-Noether). Sur une surface de Riemann com-pacteS, supposons donnée une1-forme méromorphe globale :

ω ∈MΩ(S).

Alors à toute décomposition :

div(ω) =D+E

de son diviseur en somme quelconque de deux diviseurs (pas nécessairement effectifs) sont associés deux isomorphismes deC-espaces vectoriels :

L(D)= ΩS(E) et L(E)= ΩS(D).

DÉMONSTRATION. Pour toute fonctionf ∈L(D), on a par définition :

div(f)>−D, d’où avec cette1-forme méromorphe fixée :

div(f ω) =div(f) +div(ω)

>−D+D+E

=E.

On en déduit que l’application linéaire :

L(D)−→S(E) f 7−→f ω, qui possède l’inverse :

S(E)−→L(D) ϕ 7−→ ϕ

ω, produisent ensemble l’isomorphisme :

L(D)= ΩS(E).

Le second isomorphisme s’obtient en échangeant simplement les rôles deDet deE.

Introduisons maintenant le concept de partie principale de Laurent.

Définition.Soit une série de Laurent à l’origine dansC: X

j=n

ajzj. Sa partie singulière :

j=X1 j=n

ajzj

sera appelée lapartie principale de la série de Laurent. Lorsque an 6= 0, l’entier n sera appelé l’ordrede la partie principale.

Soit maintenantSune surface de Riemann (pas forcément compacte), et soit un diviseur effectif surS:

D= Xk

i=1

nipi (ni>1).

Soient z1, . . . , zk des coordonnées holomorphes locales centrées en les points p1, . . . , pk

chargés par le diviseur, i.e. satisfaisantzi(pi) = 0. Si, en tout point pi, on se donne une partie principale de Laurent quelconque :

ηi = ai,ni

zini +ai,ni−1

zini1 +· · ·+ai,1

zi (i= 1···k),

on peut naturellement poser la question : sous quelles conditions existe-t-il une fonction méromorphe globalef ∈M(S)ayant exactement ces parties principales en les pointspi?

LorsqueS =C, la réponse est positive, d’après le célèbre : Théorème de Mittag-Leffler.Pour toute suite de points an

n>1 dans le plan complexeC qui tendent vers l’infini :

=limn→∞an,

et toute suite de parties principales rationnelles quelconques centrées en ces points :

constn,νn

(z−an)νn +· · ·+ constn,2

(z−an)2 + constn,1 (z−an), il existe une fonction méromorphe globale :

f ∈M(C),

holomorphe partout sur C

{a1, a2, a3, . . . ,} et dont la partie principale de Laurent en chacun de ces points coïncide exactement avec ces fractions rationnelles prescrites.

On peut démontrer qu’il en va de même sur toute surface de Riemann non compacte, mais lorsqueS est compacte, la réponse n’est pas toujours positive, et c’est pourquoi nous commencerons par étudier le théorème de Riemann-Roch qui est une version affaiblie du problème de Mittag-Leffler.

Toutefois, ajoutons en passant quelques considérations élémentaires. Une fonction mé-romorphe sur une surface de Riemann compacte S est déterminée de manière unique par ses parties principales de Laurent en tous les points où elle a des pôles, puisque si f1, f2 M(S) sont deux fonctions méromorphes surS ayant les mêmes parties princi-pales en tout point, leur différence f2 −f1 devient partout holomorphe, donc constante à cause du principe du maximum.

Cette observation permet d’identifier l’espace vectoriel quotientL(D)

Cà un certain sous-espace vectoriel deCdegD, comme suit.

Soit donc un diviseur effectif fixé : D=

Xk i=1

nipi > 0,

sur une surface de Riemann compacte, et soientzides coordonnées holomorphes locales sur Scentrées enpi. Étant donné une fonction méromorphef ∈L(D), ses parties principales en lespi sont de la forme indiquée plus haut :

ηi = ai,ni

zini +· · ·+ai,2 z2i + ai,1

zi ,

pour certaines constantes ai,ni, . . . , ai,1 C. Introduisons alors les espaces vectorielsni -dimensionnelsPi engendrés surCpar ces puissances négatives :

Pi :=VectC

1

zini, . . . , 1 zi2, 1

zi

(i= 1···k). Les considérations qui précèdent ont convaincu le lecteur que l’application :

L(D)

C−→P1⊕ · · · ⊕Pk [f]−→ η1, . . . , ηk

,

où[f]désigne la classe def modulo une constante additiveC, est bien définie et linéaire.

De plus, elle est injective (exercice mental). Si donc nous identifions chaquePi àCni de la manière évidente, alorsP1⊕ · · · ⊕Pk s’identifie àCdegD,i.e.:

η1, η2, . . . , ηk =Cn1 Cn2 ⊕ · · · ⊕Cnk =CdegD.

C’est de cette manière — non encore explorée et cachant des mystères — que l’on peut dire queL(D)/Cs’identifie à un certain sous-espace deCdegD lorsqueD>0est effectif.

§ 2. Dimension de l’espaceΩ(S)des1-formes holomorphes globales

Dans un chapitre qui précède, nous avons établi la formule du genre qui relie la to-pologie d’une courbe algébrique complexe projective plane à son degré et au nombre de ses points doubles ordinaires. Nous avons observé que cette formulerévèle un des aspects du lien étroit entre les propriétés topologiques d’une courbe et ses invariants algébrico-géométriques.

Maintenant, la formule de la dimension pour l’espaceΩ(S)des1-formes holomorphes globales sur une surface de Riemann compacte, abstraite ou immergée dansP2(C), va ré-véler un nouvel aspect de ce lien étroit. Cette formule, un cas spécial du Théorème de Riemann-Roch, joue en fait un rôle important dans la démonstration générale dudit théo-rème, et c’est pour cette raison que nous la produisons ici.

Théorème (Formule pour la dimension de l’espace Ω(S)). La dimension de l’espace des 1-formes holomorphes globales qui vivent sur une surface de Riemann compacte S coïncide avec son genre :

dimΩ(S) =genre(S).

En fait, le théorème est déjà connu (ou laissé en exercice) dans le cas oùSest la sphère de RiemannP1(C).

Nous allons démontrer ce théorème en deux moments, non triviaux et qui demanderont un travail substantiel. Premièrement, établissons le

Théorème.Sous les hypothèses du théorème qui précède, on a l’inégalité :

dimΩ(S)>genre(S).

DÉMONSTRATION. Nous allons baser les arguments en admettant le théorème d’im-mersion suivant, point de départ du cours de cette année 2011–2012.

Théorème (Plongement à croisements normaux dans le plan projectif).Pour toute sur-face de Riemann compacteS, il existe une application holomorphe :

π: S −→P2 dont l’image :

C:=π(S)

est une courbe algébrique projective complexe plane irréductible d’un certain degréd>1 n’ayant comme singularités (éventuelles) qu’un certain nombre,δ > 0, de points doubles à croisements normaux,p1, p2, . . . , pδ. De plus,Sest la normalisation deC.

Sid= 1ou2, on aδ= 0(exercice), doncg = 0par la formule du genre, et dans ce cas, le théorème est déjà connu (exercice).

Il est donc justifié de supposer qued>3dans la suite.

Ainsi, soitπ: S C C2 un plongement holomorphe à croisements normaux. Nous affirmons qu’après une transformation adaptée du système de coordonnées projectives sur

P2:

X: Y : Z ,

on peut supposer (une justification suit) queCn’est pas tangente à la droite à l’infini dans P2:

P1=

[X: Y : 0] ,

que, de plus, tous les points doublesp1, . . . , pδsont contenus dans la carte affine : (x, y)C2 , x= XZ, y= YZ,

et que, encore, aucune des2δtangentes en ces points n’est parallèle à l’axe desx, et que, enfin,C ne passe pas par le point[0 : 1 : 0] = y. En effet, on peut tout d’abord sélection-ner une droite projective dansP2 qui intersecte C(transversalement) endpoints distincts.

En déclarant que cette droite est leP1à l’infini, on garantit automatiquement queCetP1

ne peuvent pas être tangentes, pour la raison suivante. Supposons par l’absurde que C et P1soient tangentes en un pointq∈C∩P1; alors le nombre d’intersection entreCetP1 serait>2, ce qui impliquerait :

P1

>d+ 1,

en contradiction avec le théorème de Bézout. Par un raisonnement similaire, on se convainc (exercice) que la droite sélectionnée P1 ne peut passer par aucun des points doubles p1, . . . , pδ. Pour terminer, on sélectionne un point sur P1 qui n’est pas sur la courbe C, et on ajuste les axes de coordonnées sur leC2affine pour que ce point soity = [0 : 1 : 0].

Si certaines des2δ tangentes aux points doubles sont parallèles à l’axe des x, une toute petite perturbation du système de coordonnées élimine ces alignements sans changer ce qui a été arrangé auparavant.

Maintenant, dans ces coordonnées affines, la courbe algébriqueCpossède une certaine équation polynomiale :

f(x, y) = 0.

de degréd>3. Introduisons le diviseur des points doubles : Γ :=p1+p2+· · ·+pδ,

et introduisons l’espace vectoriel des polynômes homogènes de degré d−3 en trois va-riables :

Hd3 :=

R(X, Y, Z)∈C[X, Y, Z] : R homogène, degR=d−3 . Par un raisonnement de combinatoire élémentaire, on se convainc que :

dimHd3 = 12 (d1)(d2).

Enfin, introduisons le sous-espace vectoriel des polynômes qui s’annulent en tous les points doubles deC :

Hd3 Γ :=

R(X, Y, Z)Hd3: 0 = R(p1) =R(p2) = · · ·=R(pδ) . Quant à la dimension de ce dernier espace, puisque la condition qu’un polynôme s’annule en un pointpi équivaut à ce que ses coefficients satisfassent une certaine équation linéaire (exercice !), et puisque les équations linéaires correspondantes pour les points p1, . . . , pδ peuvent éventuellement ne pas être linéairement indépendantes, on voit au moins que :

dimHd3 Γ

> 12(d1)(d2)−δ

=g, en appliquant naturellement la formule du genre.

Ainsi la prochaine idée — comme on en aura eu instantanément l’intuition — va être de montrer qu’il existe un morphismeinjectif:

Hd3 Γ

−→Ω(S), ce qui garantira l’obtention de l’inégalité :

dimΩ(S)>dimHd3 Γ

>g.

Procédons et raisonnons dans nos coordonnées bien disposées. À tout polynôme homo-gène :

R Hd3 Γ ,

est associé son représentant affine :

r(x, y) := R(x, y,1),

qui est de degré6 d−3(exercice mental : oui, le degré peut baisser). Si l’on introduit les deux ouverts affines canoniques :

U0 :=

[x:y: 1] et U1 :=

[1 : u:v] ,

dont la réunion U0 ∪U1 = P2\{∞y} couvre tout P2 excepté un seul point, il est clair que nous nous sommes arrangés à l’avance pour que leur réunion couvre notre courbe algébrique :

C⊂U0∪U1.

Bien entendu, le deuxième ouvertU1 est issu du premier U0 via le (1/x)-changement de carte :

u= 1

x, v = y x.

Définissons alors une 1-forme α méromorphe comme suit, tout d’abord en partant de 1-formes méromorphes surC2, puis en les restreignant à la courbeC:

sur l’intersectionC∩U0 et en les points oùfy := ∂f∂y 6= 0: α := r(x, y) dx

fy(x, y)

| {z }

forme méromorphe surC2

C

| {z }

forme holomorphe surC∩ {fy6= 0}

;

sur l’intersectionC∩U0 et là oùfx := ∂f∂x 6= 0(noter qu’il y a un signe) : α:= −r(x, y) dy

fx(x, y)

| {z }

forme méromorphe surC2

C

| {z }

forme holomorphe surC∩ {fx6= 0}

.

Observons que dansU0, puisque la différentiation de l’équation affine deC : f(x, y) = 0,

donne immédiatement :

∂f

∂x dx+∂f

∂y dy= 0,

on déduit après division et placement des deux membres de part et d’autre du signe ‘=’ que l’on a :

dx fy(x, y)

C∩{fx6=06=fy}

= dy fx(x, y)

C∩{fx6=06=fy}

,

et donc, les deux définitions de α coïncident en tous les points (génériques) où l’on a simultanément :

fx6= 0 et fy 6= 0.

Les difficultés éventuelles pour une définition de α peuvent seulement se produire en les points singuliersp1, . . . , pδ, où ces deux dérivées partielles s’annulent. Heureusement, l’hypothèse queCa deux tangentes distinctes enp1, . . . , pδ jamais horizontales, adjointe à

l’hypothèse que le polynôme-coefficientr(x, y)s’annule en ces points, vont assurer que la définition suivanteétenduedeα:

α := ce qui se passe à l’infini un peu plus tard).

En effet, on vient de voir que là où fx 6= 0, la deuxième définition ne pose aucun problème. Soit donc un point doublepien lequelfy =fx= 0, et en lequel, par hypothèse, le coefficient-polynôme s’annule aussi :

r(x, y) = O(x) + O(y).

Après une translation, on se ramène àpi = 0et les deux branches locales de C se repré-sentent sous la forme de deux graphes holomorphes locaux s’annulant en0:

x=g1y+ O(y2) et x=g2y+ O(y2),

avec deux constantes distinctesg1 6=g2. Les coefficients des termes d’ordre deux def : f(x, y) = a x2+ 2b xy+c y2+· · ·

=a x−g1y

x−g2y +· · ·

satisfontac−b2 6= 0(deux tangentes distinctes) eta 6= 0(aucune tangente n’est horizon-tale). Sachant que le fait de "tirer en arrière" π(α) revient à restreindreα à chacune des deux branches locales deC, on réalise alors que la dérivée partielle def :

fx =a x−g2y+x−g1y +· · · en restriction à ces deux branches, ne s’annule qu’à l’ordre1: fx g1y+· · · , y et donc on voit bien que les deux formes obtenues :

−r g1y+· · · , y sont holomorphes au voisinage de0par élimination deyen haut et en bas.

Ensuite, on prolonge naturellementαà l’infini en transférant sa première expression : α=r(x, y) dx

fy(x, y) là où fy 6= 0,

à travers le(1/x)-changement de carte qui induit sur les différentielles les formules : du=−dx

x2 et dv= dy

x y dx x2 ,

ce qui donne une expression dont on réorganise le numérateur et le dénominateur afin d’y éliminer les u1 :

α=r u1, uv 1

∂f

∂y 1

u, vu −du u2

=−ud3r 1u, vu du ud1 ∂f∂y 1u, vu .

Puisquerest de degré6d−3et puisque ∂f∂y est de degré6d−1, nous observons en effet qu’avec cette écriture, numérateur et dénominateur deviennent des polynômes en(u, v). À présent, la droite affine à l’infini C1 = P1\{∞y} est devenue la droite {u = 0} ∼= C. Comme par hypothèse la droite à l’infini n’était nulle part tangente à la courbe, de même, la courbe transformée Cnew par le (1/x)-changement de carte n’est nulle part tangente à la droite {u = 0}. Nous affirmons que cela implique la non-annulation du dénominateur ud1 ∂f∂y 1u, uv

ci-dessus en chacun desdpoints distincts d’intersectionCnew∩ {u= 0}. En effet, l’équation la transforméeCnewest, on le sait :

k(u, v) := udf u1, uv

= 0.

Or la dérivée partielle par rapport àv de cette équation coïncide manifestement avec notre numérateur :

∂k(u, v)

∂v =ud1 ∂f

∂y 1

u, v u

.

Et par hypothèse de non-tangence, cette dérivée partielle ne s’annule en aucun des points d’intersection de Cnew ∩ {u = 0} (rappelons que ceci veut dire qu’au voisinage de ces points, la courbe est un graphey=y(x)).

En définitive, nous avons construit une application linéaire : Hd3 Γ

−→Ω(S) R 7−→π(α).

Or cette application estinjective, puisque l’on aπ(α) = 0si et seulement si le coefficient-polynômer(x, y)deαs’annule identiquement sur la courbe affine irréductibleC∩U0, ce qui est impossible car nous avons supposé quedegr 6d−3. Ceci conclut la démonstration

de l’inégalité annoncée.

Ensuite, notre objectif est d’établir l’inégalité inverse :

dimΩ(S)6g.

À cette fin, il est utile d’effectuer quelques rappels (admis dans ce cours) au sujet de l’homologiedes surfacesCcompactes orientables (sans bord).

Soit doncS une surface de Riemann compacte de genregorientée, homéomorphe à un tore àgtrous, que l’on dispose horizontalement et étirée dans le sens de la longueur. SurS, on trace2g courbesorientées:

γ1, . . . , γg, γg+1, . . . , γ2g,

dont lesg premières tournent une fois "verticalement dans le sens des méridiens", et les g dernières tournent une fois "horizontalement le long des parallèles", de telle sorte aussi queγketγg+ks’intersectent transversalement en un seul point, tout en cohérence avec une orientation deS fixée à l’avance.

Fait admis dans ce cours. De telles courbes γ1, . . . , γg, γg+1, . . . , γ2g forment une base pour le premier groupe d’homologie :

H1(S,Z) deS.

Soit alorsγune courbeC1 par morceaux quelconque tracée surS. On a alors en homo-logie :

γ = X2g

i=1

niγi+∂Ω,

avec certains entiersni Zet une certaine régionΩdansS. Notons[γ]la classe d’homo-logie deγ, dans laquelle∂Ωdisparaît par définition. Une application directe du Théorème de Stokes fournit alors (exercice) la :

Proposition.Pour toute1-forme ferméeλde classeC1 surS, l’application : ηλ: H1(S,Z)−→C

[γ]7−→

Z

γ

λ,

oùγ est une courbeC1par morceaux fermée surS, est bien définie.

DÉMONSTRATION. En effet, siγ0 est une autre courbeC1 par morceaux homologue à γ, à savoir satisfaisant :

γ−γ0 =

pour une certaine régionΩ⊂S, le théorème de Stokes fournit l’égalité : ηλ(γ)−ηλ0) =

Proposition.Si une1-forme différentielle ferméeλ sur S est d’intégrale nulle sur toutes les courbes engendrant l’homologie :

0 = toute courbeC1 par morceauxγ allant dep0 àp, définissons :

f(p) :=

Z

γ

λ.

Nous affirmons alors que la définition de cette fonction ne dépend pas du choix d’une telle courbeγ. L’argument est simple : siγ0 est une autre courbeC1 par morceaux allant aussi dep0àp, alorsγ−γ0 est une courbe fermée surS, et donc on a en homologie :

γ−γ0 = X2g

i=1

niγi+∂Ω,

pour certains entiersni Zavec une certaine régionΩ S. Mais l’hypothèse d’annula-tion :

0 = Z

γi

λ (i= 1···2g), et le théorème de Stokes : Z

∂Ω

λ = ZZ

= 0,

assurent sans délai que les deux définitions éventuelles def(p)coïncident: f(p) =

Z

γ

λ= Z

γ0

λ,

et donc, le résultat est indépendant du choix de courbeγ. Ainsi,f est une fonctionCbien définie surS (exercice : pourquoiC malgré le choix de courbesC1 par morceaux ?), et donc par différentiation d’une primitive, on obtientdf =λ, ce qu’il fallait démontrer.

Proposition. Soit S une surface de Riemann compacte, et soient deux 1-formes holo-morphes :

ω, ϕ Ω(S).

Considérant queωetϕsont des1-formesCsurS, si la somme : ω+ϕ =df

est une forme exacte, égale à la différentielle d’une certaine fonctionf ∈C(S), alors en fait :

ω=ϕ = 0.

DÉMONSTRATION. Dans une coordonnée holomorphe locale z sur S, ces deux 1-formes s’écrivent en effet :

ω =h(z)dz et ϕ=g(z)dz,

avechetg holomorphes, d’où trivialement par antisymétrie du produit extérieur : ω∧ϕ = 0.

Ensuite aussi, avecz =x+iy:

i

2ϕ∧ϕ =g(z)2 i

2dz∧dz =g(z)2dx∧dy.

Parreductio ad absurdum, montrons queϕ = 0. Sinon, si ϕ 6≡ 0, i.e.si g(z) 6≡ 0, alors l’intégrale :

i 2

ZZ

S

ϕ∧ϕ = ZZ

S

g(z)2du∧dv >0

est positive, puisque son intégrande est une fonctionpartout positiveetstrictement positive sur un ouvert non vide. Mais par hypothèse :

ϕ∧ϕ =ϕ∧ω+ϕ∧ϕ =ϕ∧ ω+ϕ

=ϕ∧df, et nous allons prouver dans un instant que l’on a l’annulation :

ZZ

S

ϕ∧df = 0,

ce qui contredira directement la positivité de notre intégrale, donc montrera queϕ 0.

Afin d’établir cette annulation, observons tout d’abord que :

() d f ϕ

=df ∧ϕ+f∧dϕ.

Or le coefficientg deϕétant holomorphe :

∂g

∂z = 0,

on déduit par un calcul fort simple (et déjà connu) que la différentielle deϕs’annule : =d g dz

Or puisquef ϕ est une1-formeC sur notre surface de Riemann compacteS sans bord, l’intégrale totale s’annule grâce au théorème de Stokes :

ZZ

Nous pouvons maintenant établir la seconde inégalité du Théorème en cours.

Théorème.Sur toute surface de Riemann compacteS, on a l’inégalité inverse :

dimΩ(S)6genre(S).

DÉMONSTRATION. Supposons par l’absurde quedimΩ(S)>g+ 1. Soit donc(g+ 1) formes différentielles holomorphes :

ω1, . . . , ωg+1 Ω(S)

qui sont linéairement indépendantes surC. Introduisons alors les équations linéaires : Z d’homolo-gieH1(S,Z). Puisqu’il y a donc deux inconnues en plus par rapport au nombre d’équations 2g, ce système linéaire possède nécessairement des solutions non triviales. Notons alors :

λ10, . . . , λg+10 , η10, . . . , ηg+10

une telle solution non nulle. Alors en choisissant les deux1-formes holomorphes : ω:=

globales surS, on obtient les annulations : Z

γi

ω+ϕ

= Z

γi

Xg+1 j=1

λj0ωj +η0jωj

= 0,

pour touti = 1, . . . ,2g. Alors la proposition pénultième montre qu’il existe une certaine fonctionf ∈C(S)telle que :

ω+ϕ=df,

et la proposition qui précède montre que l’on a nécessairement : ω=ϕ = 0.

Or puisque les constantesλ10, . . . , λg+10 , η01, . . . , ηg+10 ne sont pas toutes nulles, ceci contredit

l’indépendance linéaire deω1, . . . , ωg+1.

§ 3. Deux théorèmes importants

Les résultats contenus dans la section qui précède contiennent en fait les démonstrations de deux théorèmes importants : le Théorème de Hodge et le Théorème de de Rham dans le cas d’une surface de Riemann compacte. Nous allons présenter quelques considérations à leur sujet, avant de passer au Théorème de Riemann-Roch.

Définition.Sur une surface de Riemann compacteS, le premier groupe decohomologie à valeur dansCest le dual du premier groupe d’homologie :

H1(S,C) :=HomC H1(S,Z), C

= n

applicationsC-linéaires H1(S,Z)ZC−→Co . Définition.Le premier groupe de cohomologie de de Rham :

HdR1 (S)

est le groupe quotient des1-formesCfermées surSmodulo les1-formesCexactes.

Soit donc λ une1-forme fermée sur S. Plus haut, nous avons (déjà) défini une forme linéaire associée :

ηλ: H1(S,Z)−→C [γ]7−→

Z

γ

λ, qui définit en fait un élément :

ηλ ∈H1(S,C).

De plus, lorsque la1-formeλvarie,λ7−→ηλ est linéaire, donc on a un homomorphisme : η:

1-formes ferméesCsurS −→H1(S,C) λ 7−→ηλ.

Enfin, une proposition qui précède (laquelle ?) montre que cet homomorphisme est injectif en restriction au premier groupe de cohomologie de de Rham :

η: HdR1 (S)−→H1(S,C).

Par ailleurs, une autre proposition démontrée précédemment affirme, après

Par ailleurs, une autre proposition démontrée précédemment affirme, après

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