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Normalisation des courbes algébriques complexes planes et applications

Dans le document Courbes algébriques complexes (Page 35-78)

Dans ce chapitre, on démontre le théorème de normalisation des courbes et on en donne des applications importantes. Le procédé de normalisation associe à toute courbe algébrique projective dansP2(C)une surface de Riemann compacte appro-priée qui paramétrise la courbe en question, cette surface de Riemann étant unique à isomorphisme près.

§ 1. Singularités des courbes algébriques complexes planes dansP2(C) Considérons une courbe algébrique complexe plane :

C :=

[x: y: z]∈P2: F(x, y, z) = 0 ,

F est un polynôme homogène à coefficients complexes. D’après le théorème des fonc-tions implicites,Cpossède une structure très simple localement au voisinage de tout point géométriquement lisse : c’est un morceau de C. Mais les points qui posent problème, ce sont lespoints singuliers, à savoir les pointsp∈Cen lesquels :

0 = ∂F

∂x(p) = ∂F

∂y(p) = ∂F

∂z (p).

Supposons donc quepest un point quelconque de la courbe, éventuellement singulier.

Choississons des coordonnées projectives surP2 de telle sorte que : p= [1 : 0 : 0];

rappelons à cet effet que le groupe des automorphismes holomorphes de l’espace projectif bidimensionnelP2, est constituées des transformations linéaires de la forme :

[z:x: y]7−→h

az+bx+cy, dz+ex+fy, gz+hx+iy i

— très analogues aux transformations connues ditesde Möbius: z 7−→ az+b

cz+d

de la sphère de RiemannP1(C). Ces transformations deP2forment un groupe visiblement transitif, de telle sorte que tout point deP2 peut être effectivement être ramené à un point de référence tel que[1 : 0 : 0].

Maintenant, siF(x, y, z) = 0est l’équation de la courbe en coordonnées homogènes, posons :

f(x, y) := F(1, x, y),

polynôme de même degré quef mais non homogène en général. Alors la partieaffinede la courbe :

C∩C2

a pour équationf(x, y) = 0; ici, le C2 en question est plongé de manière canonique dans P2par l’application :

C2 −→P2

(x, y)7−→[1 :x: y].

Maintenant, développons f(x, y) comme somme de polynômes homogènes de degrés croissants :

f(x, y) =fk(x, y) +fk+1(x, y) +· · ·+fd(x, y),

où lesfj(x, y), pourj =k, . . . , d, sont des polynômes homogènes de degréjet oùfk 6≡0, fd 6≡0, avec :

d:=degf =degF.

Puisque nos choix font quef(0,0) = 0, on ak >1.

Situation géométrique la plus simple et la plus fréquente : sik = 1, on a : f1(x, y) =a x+b y 6≡0,

c’est-à-dire ou bien :

∂f(x, y)

∂x

(0,0)

=a6= 0, ou bien : ∂f(x, y)

∂y

(0,0)

=b 6= 0.

Le théorème des fonctions implicites — dans un contexte holomorphe — assure alors que notre pointp = (0,0) C2 est un point lisse de la courbe C, laquelle possède donc une droite tangente au pointpd’équation :

f1(x, y) =ax+by = 0.

Dans le langage de la géométrie algébrique complexe, on dira que le pointpest un point simplede la courbeC, ou encore, unpoint de multiplicité1.

Conséquence immédiate : pour qu’un pointpsoit une singularité deC, il faut et il suffit quek >2. Donc sik = 2, on a :

f0(x, y)≡f1(x, y)0, tandis que :

f2(x, y) = ax2+ 2bxy+cy2 6≡0.

Dans une telle circonstance, C possède deuxdroites tangentes au point p, droites qui ou bien s’intersectent transversalement ou bien coïncident : elles sont données par l’équation quadratique :

f2(x, y) =ax2+ 2bxy+c2 = 0,

et on dit que le pointpest unpoint doubledeC. Plus généralement (exercice) :

Lemme. Les solutions dans C2 de toute équation homogène d’un certain degré k quel-conque :

a0xk+a1xk1y+· · ·+ak1xyk1+akyk = 0

sontkdroites complexes (comptées avec multiplicité) passant par l’origine.

De manière similaire, lorsquek = 3, la courbeCpossède trois tangentes enp(comptées avec multiplicité), qui sont données comme le lieu d’annulation :

f3(x, y) = 0, et l’on appellepunpoint triplede la courbeC.

Généralement parlant, si :

f0(x, y)≡f1(x, y)≡ · · · ≡fk1(x, y)0 tandis que : fk(x, y)6≡0,

la courbeCpossèdekdroites tangentes enp(toujours comptées avec multiplicité), qui sont données par l’équation :

fk(x, y) = 0, et le pointpest unpoint de multiplicitéksurC.

Définition.Un pointp C d’une courbe algébrique complexeC P2 est unpoint ordi-naire de multipliciték sip est est de multipliciték et ses k droites tangentes en ce point sontdistinctes.

Exemples.La courbe d’équation affine :

x3−x2+y2 = 0

remplit toutes les conditions de la défintion, aussi bien pour(x, y)R2 que pour(x, y) C2.

Considérons maintenant la courbe algébrique complexe plane d’équation : x3+x2+y2 = 0,

pour laquelle on a visiblement0≡f0(x, y)≡f1(x, y), tandis que : f2(x, y) = x2+y2 = (x+iy)(x−iy)

se factorise sur les nombres complexes. Ainsi, l’origine (0,0) est aussi un point double ordinaire deC dans ce cas.

Enfin, la courbe d’équation :

x3−y2 = 0

fournit un exemple pour lequel l’origine est un point double non ordinaire, puisque la tangente{y= 0}est de multiplicité2.

§ 2. Connexité des courbes algébriques complexes planes

Notre premier objectif est d’établir que l’ensemble Sing(C)des points singuliers d’une courbe algébrique complexe planeC P2est un ensemblefini. Pour cela, on doit commen-cer par introduire le concept derésultantentre deux polynômes, lequel permet d’éliminer une variable commune.

Lemme.SoitA un anneau factoriel intègre, tel que par exempleCouC[y], et soient deux polynômes :

f(x) =a0xm+· · ·+am (a06= 0), g(x) =b0xn+· · ·+bn (b06= 0),

à coefficients dansA. Alors une condition nécessaire et suffisante pour quefetgpossèdent un facteur commun non trivial est qu’il existe deux polynômesF, G∈A[x]non tous deux nuls de degrés :

degF < m, degG < n et satisfaisant :

f G =g F

DÉMONSTRATION. Supposons donc quef etg possèdent un facteur commun non tri-vial, disonsh, à savoir supposons que :

f =F h pour un certain F ∈A[x] avec degF < m, g =G h pour un certain G∈A[x] avec degG < n.

Par produits croisés, on obtient immédiatement : f G=g F.

Réciproquement, s’il existe deux polynômesF, G∈A[x]non tous deux nuls qui satis-font :

degF < m, degG < n, f G=g F,

alors les facteurs non triviaux def ne peuvent pas tous être des facteurs deF, sachant que

degF <degf. Or, puisque d’après un énoncé d’algèbre considéré comme connu dans ce cours,A[x]est lui aussi un anneau factoriel intègre, il doit y avoir à cause du Lemme de

Gauss un facteur non trivial def qui diviseg.

Maintenant, les polynômesF etGdu lemme précédent peuvent être écrits explicitement comme :

F(x) =A0xm1+· · ·+Am1, G(x) =B0xn1 +· · ·+Bn1.

En identifiant les coefficients des puissances dexdans l’identitéf G =g F, on obtient : a0B0 =b0A0,

a1B0+a0B1 =b1A0+b0A1,

· · · ·

amBn1 = bnAm1.

On peut alors se représenter ces expressions comme un système d’équations linéaires ho-mogènes en les variables :

B0, . . . , Bn1, A0, . . . , Am1,

de telle sorte qu’une condition nécessaire et suffisante pour que ce système possède une solution non nulle est que son déterminant :

En transposant la matrice de ce déterminant, on obtient un résultat qu’il est avisé de résumer comme suit.

Théorème.SoitA un anneau intègre factoriel et soient :

f(x) =a0xm+· · ·+am (a06= 0), g(x) =b0xn+· · ·+bn (b06= 0),

deux polynômes à coefficients dansA. Alors f etg ont un facteur commun de degré> 1 dansA[x]si et seulement si le déterminant :

Résultant(f, g) :=

a0 a1 ·· ·· ·· am a0 a1 ·· ·· ·· am

·· ·· ·· ·· ·· ··

a0 a1 ·· ·· ·· am b0 b1 ·· ·· bn

b0 b1 ·· ·· bn

·· ·· ·· ·· ··

b0 b1 ·· ·· bn

est égal à zéro.

Définition.Ce déterminantRésultant(f, g)est appelé lerésultantentref etg.

Corollaire.Sous les hypothèses du théorème précédent, il existe deux polynômes : α∈A[x] avec degα < n et β ∈A[x] avec degβ < m tels que :

α(x)f(x) +β(x)g(x) =Résultant f, g (x).

DÉMONSTRATION. En effet, si l’on note Ai lei-ème cofacteur à la ligne iet à la co-lonne(m+n)dansRésultant(f, g), et si l’on pose :

α(x) :=A1xn1+· · ·+An, β(x) :=An+1xm1+· · ·+Anm,

alors on vérifie (exercice) que l’on a bien la relation annoncée.

Définition.SoitA un anneau factoriel intègre. Le résultant entre un polynôme f A[x]

et son polynôme dérivéf0 ∈A[x], noté :

Discriminant(f) := Résultant f, f0 , est appelé lediscriminantdef. C’est un ‘scalaire’ deA.

Corollaire.Une condition nécessaire et suffisante pour qu’un polynômef A[x]ait au moins un facteur irréductible de multiplicité>2est que son discriminant s’annule :

Discriminant(f) = 0.

Lemme.SoitCune courbe algébrique complexe plane de degrén. Alors il est possible de choisir un système de coordonnées projectives surP2dans lequel Cpossède une équation affine de la forme :

f(x, y) = yn+a1(x)yn1+· · ·+an(x) = 0, dans laquelle lesaj(x)C[x]sont des polyômes satisfaisant :

degaj 6j à moins que : aj(x)0.

DÉMONSTRATION. En effet, soit une équation affine initiale : g(x, y) = 0

de la courbe, avecdegg =n. Sig n’est pas déjà de la forme voulue, nous allons effectuer un changement de coordonnées de la forme :

x:=x0+λ y0, y:= y0, pour y parvenir, oùλ∈Cest une constante indéterminée.

Condidérons donc le coefficient b(λ) du monôme y0n dans le polynôme ainsi trans-formé :

g x0+λ y0, y0 .

C’est un polynôme non identiquement nul enλ (exercice mental), et donc il peut être nul seulement pour un nombre fini de valeurs deλ. Ainsi, on peut toujours choisir λ de telle sorte queb(λ)6= 0.

Avec un telλ, introduisons maintenant le polynôme : f x0, y0

= b(λ)1 g x0+λy0, y0 .

Dans ces nouvelles coordonnées affines(x0, y0), l’équation de la courbeCdevient : f x0, y0

= 0,

et c’est ce que nous voulions puisqu’alors la condition que lesaj(x0)sont ou bien nuls ou bien de degrés6j est forcée par l’hypothèse quedegf =n.

Théorème.Une courbe algébrique complexe plane irréductibleC P2possède seulement un nombre fini de points singuliers.

DÉMONSTRATION. Choisissons un système de coordonnées dans lequel l’équation af-fine de la courbe :

f(x, y) =yn+a1(x)yn1+· · ·+an(x) = 0 est sous la forme du lemme. Considéronsf comme un élément de :

C[x]

|{z}

=:A

[y], et regardons son discriminant relatif à la variabley:

Discriminanty(f) :=Résultant f, fy ,

où bien entendufy est une notation abrégée pour la dérivée partielle ∂f∂y. Puisque c’est un polynôme en la variablex, il est avisé de le noter :

Discriminanty(f)(x)6≡0,

et puisque notre polynôme de départ était supposé irréductible, ce discriminant n’est pas identiquement nul (exercice).

Maintenant, notonsSing(C) l’ensemble des points singuliers deC, qui, vu dans notre C2affine, n’est autre que l’ensemble :

Sing(C)C2 =

(x, y)C2: f(x, y) = fx(x, y) =fy(x, y) = 0 ,

et donc il est au moinscontenudans l’ensemble :

Sing(C)C2

(x, y)C2: f(x, y) = fy(x, y) = 0 dont on va démontrer qu’il estfini.

En effet, d’après un théorème qui précède, la projection de ce dernier ensemble sur l’axe desxest l’ensemble des zéros :

x∈C: Discriminanty(f)(x) = 0

d’un polynôme non identiquement nul en la seule variable x, et donc, cette projection consiste en un nombre fini de points. Mais pour chaque telx0 Csatisfaisant :

Discriminanty(f)(x0) = 0, il ne peut exister qu’un nombre fini de valeurs deytelles que :

f(x0, y) = 0,

puisquef est un polynôme monique eny de degré n, i.e. il ‘commence’ par1·yn. Ceci montre queSing(C)C2consiste en un nombre fini de points.

Mais que se passe-t-il à l’infini dans P2 = C2 ∪L? On vérifie (exercice) que sur la droite à l’infini,C ∩L ne contient toujours qu’un nombre fini de points — certains d’entre eux peuvent d’ailleurs être aussi des points réguliers de la courbe —, ce qui conclut

la preuve.

À présent, l’objectif est de démontrer que la partie régulière de la courbe :

Reg(C) := C

Sing(C)

est connexe — énoncé qui serait en général faux si l’on travaillait surR —, et queC elle-même est aussi connexe. DoncReg(C)est une vraie surface de Riemann, à savoir un variété complexe de dimension1qui est connexe. Mais en général, à moins queC elle-même soit lisse,Reg(C)n’est jamais compacte.

Afin d’établir queReg(C)est connexe, on va utiliser le concept de prolongement analy-tique au sens de Weierstrass.

Rappelons à cet effet qu’un élément analytiqueest une paire(∆, f)qui consiste en un disque ouvert∆Cet une fonction holomorphef définie dans ce disque. Deux éléments analytiques ∆1, f1

et ∆2, f2

sont dits être le prolongement analytique direct l’un de l’autre lorsque :

12 6=∅,

et lorsque, sur cette intersection non vide, leurs valeurs coïncident : f1

12 ≡f2

12.

Unechaîne de prolongements analytiquesest une collection d’éléments analytiques :

1, f1

,2, f2

, . . . ,N, fN

dans laquelle toute paire d’éléments analytiques successifs est prolongement analytique direct.

Soit maintenantγ une courbe continue connexe dansCdont le point initial, resp. final, est notéa, resp.b. Étant donné un élément analytique initial0, f0

dont le disque∆0 3a

contienta, on dira que0, f0

peut êtreprolongé analytiquement le long de la courbeγ s’il existe une partition deγ :

γ = [N j=0

γj,

a=x0 < x1 <· · ·< xN+1 =b, γj :=γj

[xj,xj+1],

et une chaîne de prolongements analytiques qui commence en ∆0, f0 :

1, f1

,2, f2

, . . . ,N, fN de telle sorte queγj j pourj = 0,1, . . . , N.

Un résultat classique d’analyse complexe — considéré comme connu ici — est le cé-lèbre :

Théorème de la monodromie.Soit C un ouvert simplement connexe. Si un élément analytique(∆, f)peut être prolongé continûment le long de toute courbe continue à l’inté-rieur deΩ, alors cet élément analytique se prolonge globalement et de manière unique en

une fonction holomorphe bien définie surtout entier.

Revenons maintenant aux connexités de Reg(C) et deC. Nous savons déjà que C ne peut avoir qu’un nombre fini de points singuliers, et que, de plus,Cn’intersecte la droite à l’infini qu’en un nombre fini de points. Il en découle (exercice mental) que :

Reg(C)C2 =C.

Mais on a le résultat élémentaire suivant de topologie générale (exercice s’il n’est pas connu).

Lemme.Si un sous-ensembleA ⊂X d’un espace topologique quelconqueX est connexe et si un autre sous-ensembleB ⊂Xest encadré entreAet son adhérence :

A⊂B ⊂A,

alorsB est lui aussi connexe ; en particulier, l’adhérenceAdeAest connexe.

Ainsi par application de ce lemme, pour établir la connexité deReg(C)et deC, il suffit d’établir seulement la connexité deReg(C)C2, puisque l’on a :

Reg(C)C2 Reg(C)Reg(C)C2.

Pour simplifier, nous allons noter dans la preuveReg(C)et C au lieu deReg(C)C2 et C∩C2.

Supposons comme précédemment que C est représentée par l’équation polynomiale f(x, y) = 0. On peut choisir un système de coordonnées dans lequel f est sous forme weierstrassienne :

f(x, y) =yn+a1(x)yn−1+· · ·+an(x).

Introduisons comme ci-dessus le discriminant :

Discriminanty(f)(x) = Résultant f, fy)(x) def par rapport ày. On va noter son lieu d’annulation dansCpar :

D:=

x∈C: Discriminanty(f)(x) = 0 .

Soit maintenant :

π: C −→CCx

la projection de la courbe C sur l’axe des x. Grâce à ce qui a été vu dans la preuve du théorème de finitude deSing(C), on sait queπ−1(D)est un ensemble fini.

De plus, si un point x0 C\D appartient au complémentaire, on a par définition du discriminant exactementnracinesdistinctes:

y10, . . . , y0n, yi0 6=y0j (16i < j6n), de l’équation eny:

f(x0, y) = 0,

équation qui repère les points deCse situant ‘au-dessus’ dex0 relativement à la projection π: (x, y) 7−→ x. Mais qui plus est, en n’importe quel tel point(x0, yi0) C de la courbe, on a :

fy(x0, y0i)6= 0,

donc le théorème des fonctions implicites assure que localement autour de chacun de cesn points distincts :

(x0, y10), . . . , (x0, y0n), la courbe est réunion dengraphes holomorphes :

x, y1(x)

: x près dex0 , . . . ,

x, yn(x)

: x près dex0 ,

où lesx 7−→ yi(x)sont des fonctions holomorphes dans un certain petit disque autour de x0.

Soit maintenant Λ une courbe continue affine par morceaux dans C qui connecte les points de l’ensemble fini D C et qui part ensuite à l’infini. Alors Ω := C\Λ est un domaine simplement connexe. Grâce au théorème de la monodromie rappelé il y a quelques instants, lesnfonctions holomorphes graphantes :

y1(x), . . . , yn(x)

peuvent être prolongées comme fonctions holomorphes bien définies dans Ω tout entier.

Notons encorey1(x), . . . , yn(x)ces prolongements. Grâce au théorème d’identité pour les fonctions holomorphes définies sur un ouvert connexe, ces fonctions doivent toujours sa-tisfaire :

0≡f x, yi(x)

(i= 1···n).

Ensuite, si on prolonge analytiquement chaqueyi(x)à travers un segment de la courbeΛ entre deux points deD, Le théorème d’identité assure encore que les fonctions prolongées yi(x), . . . , yn(x)satisfont :

0≡f x, yi(x)

(i= 1···n),

et par conséquent, chaqueyi(x) doit s’identifier à l’une des n fonctions racines de cette équationy1(x), . . . , yn(x).

Assertion.Deux fonctions distinctes yi(x) 6= yj(x)aveci 6= j ont pour prolongement à travers un segment deΛdeux fonctionsyi(x)6=yj(x)qui sont aussi distinctes.

DÉMONSTRATION. Par l’absurde, en prolongeant dans l’autre sens à travers le même segment deΛ, en partant deyi(x) =yj(x), on obtiendraityi(x) = yj(x).

Définition.Deux solutionsyi(x) etyj(x) def(x, y) = 0 qui peuvent être obtenues l’une à partir de l’autre via un certain prolongement analytique le long d’une certaine courbe continueγdansC\Dseront ditesreliées, et on écrira :

yi(x)∼yj(x).

On vérifie aisément (exercice mental) queest une relation d’équivalence. En utilisant cette relation d’équivalence pour partitionnery1(x), . . . , yn(x)en classes d’équivalence :

E1, E2, . . . , El, on va montrer à présent un :

Lemme fondamental.Pour toute telle classe d’équivalenceEk, le produit associé : Y

yi(x)Ek

y−yi(x)

C[x, y],

est un polynôme, etf se décompose comme produit de ces polynômes : f(x, y) =

Yl k=1

Y

yi(x)Ek

y−yi(x) .

Corollaire.Lorsque le polynôme définissant f(x, y) deC est irréductible, on a l = 1et les solutionsy1(x), . . . , yn(x)sont toutes reliées entre elles par prolongement analytique

le long de courbes continues dansC\D.

Dit géométriquement, deux points quelconques : x0, yi(x0)

et x0, yj(x0) de C

π1(D) peuvent être reliés par une courbe continue dans C

π1(D), ce qui prouve queC

π1(D)est connexe et achève d’établir la connexité désirée deRég(C) = C

Sing(C).

DÉMONSRATION DULEMME FONDAMENTAL. Après renumérotation éventuelle, on peut supposer que :

Ek :=E =

y1(x), . . . , ym(x) . Alors on a :

Y

yi(x)E

y−yi(x)

= Ym i=1

y−yi(x)

=ym+b1(x)ym1+· · ·+bm(x),

où, par simple développement, les coefficients — non forcément polynomiaux enx — qui apparaissent sont donnés par les formules :

b1(x) = X

16i16m

yi1(x), b2(x) = X

16i1<i26m

yi1(x)yi2(x),

· · · · bm(x) = (1)my1(x)· · ·ym(x).

Puisque le prolongement analytique le long d’une courbe continue dansC\Dne conduit par définition qu’à des permutations de la classeE, chaque fonctionbj(x), pourj = 1, . . . , m, reste inchangée et définit alors une fonction holomorphe univaluée dansC\D.

Grâce au théorème de Rouché ou à une majoration élémentaire (exercice), si les coeffi-cients d’un polynôme :

ym+b1ym1+· · ·+bm

satisfont :

aj6M (j= 1···n),

alors toutes les racinesy1, . . . , ymde ce polynôme doivent satisfaire la majoration : yi61 +M.

Par conséquent, chacune des fonctionsbj(x)introduites à l’instant reste bornée au voisinage de tout point deD. Le théorème d’élimination des singularités bornées dû à Riemann assure enfin que toutes ces fonctionsbj(x), pourj = 1, . . . , m, se prolongent holomorphiquement à travers les points deDen des fonctions holomorphes définies surCtout entier qui seront encore notéesbj(x).

Nous affirmons maintenant que ces fonctions b1(x), . . . , bm(x) sont toutes des poly-nômes. Pour y parvenir, il suffit (exercice) de démontrer que le point à l’infini est un pôle, et non une singularité essentielle, pour chacune de ces fonctions.

Dans notre polynôme de départ :

f(x, y) =yn+a1(x)yn1+· · ·+an(x),

si l’on effectue un des deux changements de variables qui change de carte projective sur P2:

x= 1/x0, y=y0/x0,

on obtient la transformée defque l’on multiplie parx0nafin d’éliminer les dénominateurs : x0nf x10, yx00

=y0n+ x0a1 x10

y0n1+· · ·+x0nan x10 .

Or rappelons que par arrangement préalable, nous pouvions supposer sans perte de généra-lité que :

degai 6i à moins que : ai = 0 (i= 1···n). Il en découle que chaque :

x0iai x10

C[x0]

est un polynôme enx0, encore de degré6i, et donc au final : y0n+ x0a1 x10

y0n1+· · ·+x0nan x10

C[x0, y0] reste un polynôme à deux variables.

Maintenant, fixonsx0et considérons ce polynôme comme un polynôme eny0. Alors une valeurr =r(x0)est une racine de ce polynôme eny0 si et seulement si :

x0nf x10, xr0

= 0, c’est-à-dire si et seulement si :

r

x0 =yi x10

=yi(x),

pour un certain entieri∈ {1, . . . , n}. Donc dans l’ouvert simplement connexe : x0: x10 C\Λ ,

les racines du polynôme eny0ci-dessus donnent naissance ànfonctions holomorphes : yi0(x0) := x0yi x10

(i= 1···n), et par hypothèse, lesmpremières, à savoir :

y10(x0), . . . , ym0(x0)

sont permutées entre elles lorsqu’on effectue des prolongements analytiques le long de toute courbe continue qui évite l’ensemble :

x0: x0 = 0 ou 1/x0 ∈D .

Maintenant, observons que pour la même raison que ci-dessus, chaque fonctionyi0(x0) reste bornée au voisinage dex0 = 0. De plus, un calcul simple donne :

x0b1 1

Par conséquent, toutes les fonctions holomorphesx0ibi 1/x0

, i = 1, . . . , m, restent bor-nées au voisinage de x0 = 0, et donc par élimination des singularités et division, chaque bi 1/x0

a un pôle d’ordre au plusienx0 = 0, de telle sorte quebi(x)est un polynôme de degré au plusi. La preuve du Lemme fondamental est enfin achevée !

En résumé, les raisonnements qui précèdent ont montré premièrement que : C

π1(D)

est connexe ; deuxièmement, comme nous l’avons signalé, un lemme de topologie générale assure que la connexité deReg(C)et deC en découle grâce aux encadrements inclusifs :

C

π1(D)Reg(C)⊂C =C

π1(D).

Nous avons donc terminé d’établir l’important :

Théorème de connexité du lieu régulier en géométrie algébrique

analytique com-plexe.Le lieuReg(C)des points géométriquement lisses — c’est-à-dire au voisinage des-quelsC est une variété complexe de dimension1 — de toute courbe algébrique complexe projectiveirréductibleC P2(C)estconnexe, etCelle-même est aussi connexe.

Il en découle que Reg(C) est une vraie surface de Riemann (connexe). On démontre plus généralement en dimension supérieure que le lieu des zéros communs à toute famille finie de polynômes ànvariables(z1, . . . , zn):

se décompose en un nombre fini de composantes irréductibles : C1∪ · · · ∪Ck

et que la partie régulière :

Reg(Cl) (l= 1···k)

de chacune d’entre elles est une variété complexe connexed’une dimension fixée dl. De plus, la propriété de connexité du lieu régulier reste vraie sur la projectivisation de ce lieu des zéro qui vit dansPn(C).

§ 3. Le concept de normalisée d’une courbe complexe

Nous avons déjà évoqué la normalisée d’une courbe algébrique complexe projective plane, non seulement d’un point de vue intuitif et géométrique mais aussi en énonçant un théorème mathématique précis. Il est temps maintenant d’en établir rigoureusement l’exis-tence et de revenir sur les définitions exactes.

Définition.SoitC P2une courbe algébrique complexe plane irréductible et soitSing(C) l’ensemble de ses points singuliers. S’il existe une surface de Riemann compacteCe et une application holomorphe :

σ: Ce −→P2 satisfaisant :

(a)σ Ce

=Cest surjective ;

(b)l’image réciproqueσ1 Sing(C)

est aussi un ensemble fini de points ; (c)la restriction :

σ: Ce

σ1 Sing(C)

−→C

Sing(C) est bijective,

alors on appelle C, σ)e unenormalisationdeC.

Nous avons vu qu’en des points singuliers, C possède plusieurs tangentes, parfois de multiplicité>2. Quand deux tangentes en en tel point sont réellement distinctes, on s’ima-gine intuitivement qu’elles correspondent à deux composantes irréductibles localesde la courbe. L’idée pour construire une normalisation consiste à séparer les composantes ayant des tangentes distinctes, ce qui élimine cette sorte de singularités. Mais on doit aussi ‘dés-ingulariser’ les points restants où des tangentes uniques restent qui sont de multiplicité>2 et coïncident géométriquement.

Mais avant de commencer, observons que la condition de bijectivité de la restriction de σau-dessus des points singuliers pourrait être affaiblie en ne requérant que son injectivité.

Lemme.Soient Ce etCe0 deux surfaces de Riemann —i.e.deux variétés complexes de di-mension1connexes —, et soit :

h: Ce−→Ce0

une application holomorphe surjective qui est injective sur un sous-ensemble ouvert dense

une application holomorphe surjective qui est injective sur un sous-ensemble ouvert dense

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