• Aucun résultat trouvé

Fonctions elliptiques

Dans le document Courbes algébriques complexes (Page 78-109)

§ 1. Théorèmes de Liouville

Définition.Une fonctionf: C −→ C∪ {∞}est ditedoublement périodiquede périodes ω1, ω2 Csiω1 etω2 sontR-linéairement indépendants et si :

f(z) =f(z+ω1) = f(z+ω2),

pour toutz C. Unefonction elliptiqueest une fonction méromorphe surCdoublement périodique.

Pourω1 etω2 fixés, les fonctions elliptiques correspondantes forment un corps.

Définition.Leparallélogramme fondamentaldes périodes est l’ensemble : Π :=

x1ω1+x2ω2: 06x1 <1, 06x2 <1 .

Géométriquement, il contient donc les deux côtés adjacents à l’origine, mais pas les deux autres côtés, ni les trois autres sommets. Tout translaté :

α+ Π est appelé unparallélogramme de périodes.

On vérifie (exercice mental) que pour tout parallélogramme de périodes α + Π, tout point deCest congruent, moduloZω1+Zω2, à exactement un point deα+ Π.

Premier théorème de Liouville.Toute fonction elliptique non constante doit posséder au moins un pôle.

DÉMONSTRATION. Sinon, la fonction en question, bornée sur l’adhérenceΠ et dou-blement périodique, serait donc holomorphe sur C et bornée, donc constante à cause du

fameuxthéorème élémentaire de Liouville.

Corollaire.Si deux fonction elliptiques ont les mêmes pôles et les mêmes parties princi-pales en ces pôles, elles ne diffèrent que par une constante.

Second théorème de Liouville.Si f(z)est une fonction elliptique dont aucun pôle ne se trouve sur le bordCd’un parallélogramme de périodes, alors la somme des résidus def à l’intérieur deα+ Πest nulle.

Bien entendu, puisque les pôles sont en nombre localement fini, on peut toujours trouver un translatéα+ Πqui satisfait cette hypothèse.

DÉMONSTRATION. Grâce au théorème des résidus de Cauchy, la somme en question est égale à l’intégrale :

1 2π i

I

C

f(z)dz.

Mais les intégrales sur les paires de côtés opposés dans le bord deα+ Πs’annulent (faire une figure), puisque f possède la même valeur en les points congruents, et puisque le parcours dedz s’y fait dans un sens opposé. Donc l’intégrale est nulle.

Corollaire.Sif(z)est une fonction elliptique non constante, alors ou bien f possède au moins deux pôles distincts dansα+ Π, ou bien elle possède un pôle de multiplicité>2.

DÉMONSTRATION. En effet, il doit y avoir au moins un pôle, et la somme des résidus

doit être nulle.

Troisième théorème de Liouville. Soit f(z) une fonction elliptique dont aucun pôle et aucun zéro ne se trouve sur le bordC d’un parallélogramme de périodes α+ Π. Soient {mi}les ordres de ses zéros, et soient{nj}ceux de ses pôles, dansα+ Π. Alors :

X

i

mi =X

j

nj.

DÉMONSTRATION. Puisquef est méromorphe, le résidu de : f0(z)

f(z) en un pointz0 ∈α+ Πvaut :





n sin>1est l’ordre d’un zéro def enz0; 0 sif n’a ni zéro ni pôle enz0;

−n sin>1est l’ordre d’un pôle def enz0.

Par conséquent, une simple application du second théorème de Liouville à la fonction

el-liptique ff(z)0(z) fournit le résultat.

Définition.L’ordred’une fonction elliptiquef est le nombre de ses pôles dans un parallé-logramme de périodesα + Π, comptés avec multiplicité. C’est aussi (exercice !) le degré topologique de l’application entre surfaces de Riemann compactes :

f: C.

Zω1+Zω2

−→P1(C).

Corollaire.Si f est une fonction elliptique d’ordrem, elle prend toute valeurc P1(C) un nombre constantmde fois, compté avec multiplicités.

DÉMONSTRATION. Appliquer le même raisonnement àf(z)−c.

§ 2. Fonctionde Weierstrass

Fixons maintenant deux périodesω1 etω2 linéairement indépendantes surRet soit : Π :=

x1ω1+x2ω2: 06x1 <1, 06x2 <1 le parallélogramme des périodes associé.

Définition.L’ensemble :

Λ :=

m ω1+ 2: m∈Z, n∈Z

est appelé leréseau des périodes. Lafonctionde Weierstrass associée àΛest :

℘(z) := 1

Nous allons utiliser à plusieurs reprises l’énoncé suivant de la théorie des fonctions d’une variable complexe.

Théorème de Cauchy. Si une suite de fonctions holomorphes dans un ouvert U C converge uniformément sur les compactsK bU, alors la limite est holomorphe et on peut intervertir l’opération limite et l’opération dérivation.

Lemme.Sisest un nombre réel>2, alors la série à termes positifs : X

DÉMONSTRATION. Introduisons la réunion des quatre translatés du parallélogramme fondamental qui entourent l’origine :

:= Π∪ −ω1+ Π Regardons à présent la sérieP

ω6=0

grâce au critère de Riemann. De même, les termes avecm = 0ont une somme finie : X

Ensuite, grâce à la majoration obtenue à l’instant, les termes avec|m|>|n|>1contribuent aussi à une somme finie :

X Proposition.SiF est un sous-ensemble fini quelconque du réseauΛ, alors la série :

X

converge normalement sur tout sous-ensemble compact de : C

Λ\F . Par conséquent, la fonction de Weierstrass :

℘(z) = 1

est méromorphe surC, et ses seuls pôles sont des pôles doubles en tous les points deΛ. De plus, sa dérivée est égale à la série :

0(z) =2 X

ω∈Λ

1 (z−ω)3, elle aussi normalement convergente sur les compacts deC

Λqui définit une fonction mé-romorphe ayant comme seuls pôles les points deΛavec la multiplicité3.

DÉMONSTRATION. Nous pouvons supposer que F contient l’origine ω = 0. Ré-écrivons pour commencer : On vérifie alors (exercice aisé) que pour tout compact K b C

Λ\F Or nous venons d’établir la convergence de la série :

X

ωΛF

1

|ω|3 <∞.

Donc la série définissant℘(z)converge normalement surK, et la limite est méromorphe, à pôles ceux indiqués dans la série, à savoir d’ordre2en tous les points deΛ. La convergence de la série dérivée terme à terme est même un peu plus rapide (exercice).

Proposition.La fonction méromorphe ℘(z)ainsi obtenue est une fonction Λ-périodique, donc1, ω2)-elliptique d’ordre2. De plus, cette fonction est paire :

℘(−z) =℘(z).

DÉMONSTRATION. La série qui définit ℘(z) reste visiblement inchangée lorsqu’on remplacezpar−z, d’où sa parité.

Pour ω Λ fixé, on voit directement dans la série définissant 0(z), quitte à justifier rigoureusement cela grâce à la convergence normale, que :

0 =0(z+ω)−℘0(z),

donc par intégration℘(z+ω)−℘(z) = Const.Mais cette dernière constante est nulle, car enz :=12ω1, qui n’est pas un pôle comme nous le savons, on doit avoir :

Const.= 12ω1

−℘ 12ω1

= 12ω1

−℘ 12ω1

= 0.

De manière similaire, ℘(z +ω2) = ℘(z). Ainsi,℘ est-elleΛ-périodique. Enfin, puisque z = 0est l’unique pôle de℘(z)dansΠ, son ordre vaut2à cause du deuxième théorème de

Liouville.

Théorème (Représentation des fonctions elliptiques). Toute fonction elliptique sur un tore complexe :

C.

Zω1+Zω2

qui est paire :f(−z) =f(z), est une certaine fonction rationnelle de la fonction de Weiers-trass :

f(z) = P(℘(z))

Q(℘(z)) au moyen de certains polynômes P, Q∈C[%].

Généralement, toute fonction elliptiquef sur un tore complexe est de la forme : f(z) = P(℘(z))

Q(℘(z)) +0(z)R(℘(z))

S(℘(z)) pour certains polynômes P, Q, R, S C[%].

DÉMONSTRATION. Commençons par noter que le second énoncé se déduit aisément du premier, puisque toute fonction f méromorphe se décompose trivialement en somme d’une fonction paire et d’une fonction impaire :

f(z) = f(z) +f(−z)

2 +f(z)−f(−z) 2

=:fpaire+fimpaire; si donc on écrit artificiellement la dérivée :

fimpaire =0 fimpaire

0 ,

ce dernier quotient, pair, sera rationnel en℘(z)si l’on admet le premier énoncé.

Démontrons donc maintenant ce premier énoncé et supposons quef est paire.

Lemme.Les trois propriétés suivantes sont satisfaites :

(a) Pour tout u C, la fonction elliptique ℘(z)− u possède dans le parallélogramme fondamentalΠou bien deux zéros simples, ou bien un zéro double.

(b)La dérivé℘0(z)possède exactement trois zéros simples dansΠ:

1

2ω1, 12ω2, 12 ω1+ω2 . (c)Les valeurs de℘en ces zéros de℘0 :

u1 := 12ω1

, u2 := 12ω2

, u3 := 12ω1+12ω2

,

sont mutuellement distinctes et sont précisément lesu∈Πen lesquels℘(z)−ua des zéros doubles.

DÉMONSTRATION. (a) est une reformulation du fait que est d’ordre 2, donc prend toute valeur avec multiplicité égale à2.

Pour ce qui est de(b), comme la fonction0(z)est d’ordre3, elle a3zéros. Mais puisque

0(z)est impaire et(ω1, ω2)-périodique, on a :

0 12 ω1

=−℘0 12ω1

=−℘0 ω1 12ω1

=−℘0 12ω1 ,

d’où 12ω1 en est un zéro. On montre de manière similaire que 12ω2 et que 121+ω2)sont aussi des zéros de0.

Enfin, montrons (c). Si℘(z)−us’annule en un z0, ce zéro est double si et seulement si0(z0) = 0. Mais grâce à(b), c’est quez0 = 12ω1, ou= 12 ω2, ou= 121 +ω2). Donc ρ(z)−ρ 12ω1

a un zéro double enz = 12 ω1. Il en va de même pourρ(z)−ρ 12ω2

et pour ρ(z)−ρ 121+ω2)

. Pour terminer, si au moins deux parmi ces trois valeurs :

12ω1

, 12ω2

, 12ω1+ 12ω2 ,

étaient égales, disons à un nombre noté u0, alors ℘(z)−u0 aurait au moins deux zéros doubles,i.e.un zéro d’ordre4, ce qui contredirait que le degré topologique de: C/Λ−→

P1(C)vaut2(troisième théorème de Liouville).

Reprenons donc une fonction elliptique paire quelconquef. Nous allons vouloir lister

‘la moitié’ des zéros et des pôles def, en ignorant temporairement ce qui se passe enz = 0.

Soitaun zéro def,i.e.f(a) = 0. Supposons pour commencer quea∈Πmais que : a6∈

0, 12ω1, 12 ω2, 121+ω2) .

Introduisons aussi le symétriquea dea, ramené à être un point congruent par rapport au réseauZω1+Zω2, dans le parallélogramme fondamentalΠ:

a =





ω1+ω2−a siaest intérieur àΠ(mais non égal à 121+ω2)), ω1−a siaest sur le côté deω1 (mais non égal à 12ω1), ω2−a siaest sur le côté deω2 (mais non égal à 12ω2).

Exercice : montrer que cette symétrie centrala 7→ a est une involution. Maintenant, sia est un zéro d’ordrem >1de notre fonction elliptique f paire quelconque, nous affirmons quea est aussi un zéro de même ordrempourf. En effet :

f a−z

=f période−a−z

=f(−a−z) = f(a+z), et donc sif(a+z) =amzm+· · ·, on a de même :

f(a+z) =f(a−z) =am(−z)m+· · · .

Ensuite, examinons le cas où un des zérosadef serait l’un des trois points 12ω1, 12 ω2,

1

21 + ω2), ce que nous noterons généralement a = 12ω avec ω = ω1, ou = ω2, ou

=ω1+ω2. Alors un tel zéroa = 12ωdefest d’ordre pair, puisque par(ω1, ω2)-périodicité, on obtient la relation :

f 12ω−z

=f 12ω−z

=f 12ω+z

qui montre quef est une fonctionpaireautour dea= 12 ω(si une fonction holomorphe est paire autour d’un point, son ordre d’annulation en ce point est nécessairement pair).

Bien entendu, les mêmes arguments s’appliquent aux pôles def. Ainsi, si une fonction (ω1, ω2)-elliptique paire quelconque f a un pôle en un point a Π, d’abord avec a 6∈

0, 12 ω1, 12ω2, 121+ω2) , alorsf a aussi un pôle du même ordre ena. Ensuite, l’ordre d’un pôle def éventuellement situé en l’un des trois points 12 ω1, 12ω2, 121+ω2)est lui aussi pair.

Maintenant, listons comme promis ‘la moitié’ des zéros et des pôles def(z), en procé-dant de la manière suivante. Soit{ai}une liste des zéros def(z)dansΠqui sont différents de0, 12ω1, 12ω2, 121 +ω2), chacun pris avec leur multiplicité, mais en ne sélectionnant que l’un des deux zérosaouaà chaque fois (exercice mental :aetasont distincts). Pour ce qui est des zéros def(z)qui pourraient être l’un des trois points 12 ω1, 12ω2, 121+ω2), on les prend avec leur multiplicité (exercice mental :a = a dans ces cas-là). De manière similaire, soit{bj}une liste de ‘la moitié’ des pôles def(z)dansΠautres que0.

Comme tous lesai et tous lesbj sont non nuls, les valeurs℘(ai)Cet℘(bj) Csont finies, donc on peut introduire le quotient :

g(z) :=

Q

i ℘(z)−℘(ai) Q

j ℘(z)−℘(bj).

Notre but est maintenant de montrer queg(z) = f(z), ce qui terminera la démonstration.

Nous affirmons pour commencer que g a les mêmes zéros et les mêmes pôles que f, comptés avec multiplicités, dansΠ\{0}excepté l’origine.

Comme les seuls pôles du numérateur et du dénominateur se trouvent en z = 0 (pro-priété de℘(z)), les autres zéros ou pôles deg(z)proviennent seulement des zéros du nu-mérateur et des zéros du dénominateur.

Soit doncz0 Π\{0}un zéro du numérateur, un point en lequel℘(z0) = ℘(ai). Siai est l’un des trois points 12ω1, 12ω2, 121+ω2), on sait que℘(z)prend la valeur℘(ai)avec la multiplicité2enz = ai et en nul autrez. Ainsi℘(z)−℘(ai)a un zéro d’ordre2enai et doncf etg ont les mêmes zéros avec les mêmes multiplicités en chacun des trois points

1

2 ω1, 12ω2, 121+ω2).

Ensuite, si ai n’est pas l’un des trois points 12ω1, 12ω2, 121 +ω2), puisque l’on a

℘(ai) = ℘(ai), la fonction℘(z)−℘(ai)a deux zéros distinctsai etai, et ces zéros sont, on le sait, simples. Mais puisque l’on a placé seulement la moitié des telsaiau numérateur deg, on déduit à nouveau quef etg ont les mêmes zéros en cesai (exercice mental).

En définitive, f et g ont les mêmes zéros dans Π, excepté peut-être en z = 0. Un raisonnement similaire montre quef etg ont aussi les mêmes pôles dansΠ, excepté peut-être enz = 0. Mais le troisième théorème de Liouville assure (exercice impératif) quef etg ont ou bien un pôle ou bien un zéro (ou bien ni zéro ni pôle) en z = 0 de la même multiplicité. Doncf /gest holomorphe sans pôles ni zéros dansΠ, puis holomorphe surC sans pôles ni zéros par(ω1, ω2)-périodicité, donc bornée, donc constante. Ceci montre bien que toute fonction elliptique paire s’identifie à un quotient de polynômes en℘(z).

Théorème. La fonctionw := ℘(z) de Weierstrass satisfait l’équation différentielle

dans laquelle les deux constantes g2 C et g3 C s’expriment en fonction du réseau Λ =Zω1+Zω2par les séries absolument convergentes :

DÉMONSTRATION. Dans un petit disque ouvert centré enz = 0, cherchons à dévelop-per en série double :

℘(z)− 1

au moyen de la formule standard : 1

Ici, la convergence double est aisément justifiable (exercice) grâce au fait que l’on peut choisir le disque oùzvarie de telle sorte que z

ω6 12 et grâce au fait que toutes les séries

convergent absolument pourm>3(en fait, elles sont identiquement nulles pourmimpair).

Par acquit de conscience, énonçons un lemme rigoureux qui justifie cela, sans en rappeler la démonstration (exercice).

Lemme (Convergence de séries de fonctions holomorphes).Soit une suite de fonctions :

fn(z) = X k=0

an,k(z−z0)k (n= 0,1,2,···)

toutes holomorphes dans un disque ouvert non vide

|z z0| < r centré en un point z0 C. Si la série de ces fonctions :

F(z) = X n=0

fn(z)

=a0,0+a0,1(z−z0) +a0,2(z−z0)2+· · · +a1,0+a1,1(z−z0) +a1,2(z−z0)2+· · · +a2,0+a2,1(z−z0) +a2,2(z−z0)2+· · · +· · · ·

converge normalement dans un sous-disque ouvert|z−z0| < r0 < r, alors la somme des coefficients numériques de chaque colonne infinie :

Ak :=

X n=0

an,k (k= 0,1,2,···)

est absolument convergente, et la série entière convergente deF(z)vaut : F(z) =

X k=0

Ak(z−z0)k,

et définit une fonction holomorphe dans le sous-disque dont les dérivées enz0 sont : F(k)(z0) = 1

k!Ak.

Ainsi, en revenant à notre série double, on a obtenu en termes des coefficientsGk(nuls pourkimpair) la série :

℘(z)− 1 z2 =

X k=1

(2k+ 1)G2k+2z2k, dont il s’avère utile d’exhiber les premiers termes :

℘(z) = 1

z2 + 3G4z2+ 5G6z4+ 7G8z6+· · · . En effet, un calcul direct montre que l’on a :

0(z) = 2

z3 + 6G4z+ 20G6z3 + 42G8z5+ O z7 ,

0(z)2 = 4

z6 24G4

1

z2 80G6+ 36 (G4)2168G8

z2+ O z4 ,

℘(z)2 = 1

z4 + 6G4+ 10G6z2+ O z4 ,

℘(z)3 = 1

z6 + 9G4 1

z2 + 15G6+ 21G8 + 27 (G4)2

z2+ O z4 , et une combinaison linéaire appropriée supprime tous les pôles à l’origine :

0(z)24℘(z)3+ 60G4℘(z) + 140G6 = O z2 .

Or comme℘(z)et sa dérivée0(z)n’ont pas de pôles dansΠ\{0}, c’est que cette combi-naisons linéaire est holomorphe et(ω1, ω2)-périodique, donc bornée, donc constante, donc

identiquement nulle.

Maintenant, introduisons le plan projectifP2(C)muni des coordonnées homogènes : [X:Y : Z]P2(C),

et de la carte affine : X

Z: XZ: 1

=

x: y: 1 .

Théorème. L’application du tore complexe C avec Λ = Zω1 +Zω2 à valeurs dans P2(C)définie par :

z 7−→

( ℘(z) : 0(z) : 1

lorsquez6∈Λ, [0 : 1 : 0] lorsquez Λ,

est holomorphe entre surfaces de Riemann compactes et elle produit un biholomorphisme à valeurs sur son image qui est la cubique projectiveEd’équation affine :

y2 = 4x3−g2x−g3 g2= 60P0 1

(m ω1+n ω2)4, g3= 140P0 1 (m ω1+n ω2)6

, géométriquement lisse dansP2(C)et qui n’intersecte la droite à l’infini

[X:Y : 0] qu’en un seul point :

[0 : 1 : 0].

DÉMONSTRATION. Pour z 6= 0 dans C/Λ, les valeurs de de ℘(z) et de 0(z) sont finies et l’image devient ℘(z), ℘0(z)

dans la carte affine (x, y). Au voisinage de z = 0, on considère plutôt la carte : X

Y : 1 : YZ

ce qui correspond à effectuer le(1/y)-changement de carte affine : (x, y)7−→ xy, 1y

, à travers lequel l’application devient :

z 7−→

℘(z)

0(z), 1

0(z)

.

Or maintenant, la partie principale en z = 0 de la seconde composante 01(z) vaut 1/(2/z3) = 12z3 et celle de la première (1/z2)

(2/z3) = 12z, d’où la dispari-tion des pôles et l’holomorphie dans cette carte. On observe d’ailleurs que l’équadispari-tion de la cubique devient à travers ce(1/y)-changement de carte :

1 y

2

= 4 xy3

−g2xy −g3

que l’on doit multiplier pary3, à savoir l’équation de la cubique devient : y= 4x3−g2y2−g3y3;

dans ce changement de carte, l’ancienne partie affineCy de la droite projective à l’infini P1est devenue l’axe{y = 0}. Or on voit immédiatement que l’intersection de la courbe avec {y = 0}, donnée par 0 = 4x3 + 0, se réduit donc au singleton {x = y = 0}, et ce point-origine correspond au point à l’infini y dans la direction de l’axe des y dans les coordonnées affines(x, y)dont on est parti (en coordonnées affines, ce point à l’infini correspond intuitivement à faireY XetY Z, c’est donc bien le point[0 : 1 : 0]).

Ensuite, grâce au théorème qui précède, nous savons que l’image de notre application : z 7−→

℘(z) :℘0(z) : 1

est contenue dans la cubique projectiveE. z2appartiennent à l’ensemble1

2ω1, 12 ω2, 12 ω1+ω2 des zéros de0, qui sont aussi les points fixes de la symétrie centrale involutive(·), ce qui impliquez1 =z1etz2 =z2. Mais par ailleurs, rappelons que l’on on sait que℘(z1) =℘(z2)impliquez2 =z1. On en déduit de tout cela quez2 =z1, donc au finalz2 =z1, contradiction.

Enfin, montrons que notre application est surjective. Soit [x: y: 1] E. Puisque℘(z) est d’ordre2, on peut trouver unz (clairement6= 0) avec :

℘(z) =x. séparé qui a été démontré en un autre endroit.

Lemme.Le polynôme cubique à une variable4w3−g2w−g3associé au réseauZω1+Zω2 en termes des trois racines :

ω21

, ω22

, ω12 2

qui sont distinctes deux à deux. De plus, la courbe projective d’équation affine : y2 = 4x3−g2x−g3

est géométriquement lisse en chacun de ses points dans P2(C), car le discriminant du membre de droite :

égal, d’après la théorie générale, au produit (à une constante près) des différences des racines distinctes au carré :

℘(ω21)−℘(ω22)2

DÉMONSTRATION. Le fait que ces trois valeurs 12 ω1

, 12 ω2

, 121 + ω2) soient mutuellement distinctes a déjà été vu dans un lemme plus haut, et aussi le fait que

℘(z)−u s’annule à l’ordre2 lorsque u est l’une d’entre elles. Si donc nous appliquons le théorème de représentation à la fonction elliptique paire 0(z)2 qui possède des zéros d’ordre2en 12ω1, 12ω2, 12 ω1 +ω2

, il existe une certaine constante telle que :

0(z)2 =C

℘(z)−℘ 12ω1

℘(z)−℘ 12ω2

℘(z)−℘ 121+ω2) .

Cette constante C se détermine tout simplement en revenant aux développements de Laurent de 0(z)2 et de ℘(z)3 en z = 0 : pour que les coefficients de z16 coïncident à gauche et à droite, il faut et il suffit (exercice) queC = 4.

Les énoncés sur le discriminant sont considérés comme connus. La lissité de la cubique est un exercice de géométrie différentielle projective effectué en un autre endroit du cours.

Pour achever la démonstration du théorème, nous devons encore établir que notre appli-cation est un biholomorphisme. Or un énoncé élémentaire d’analyse complexe déjà vu dans ce cours montre que toute application bijective entre surfaces de Riemann compactes est né-cessairement localement biholomorphe en tout point, donc globalement biholomorphe.

§ 3. Problème d’inversion : description résumée

Dans les pages qui précèdent, nous avons vu comment associer à un réseau deC: Λ =Zω1+Zω2

une courbe algébrique complexe géométriquement lisse cubique planeE P2(C) d’équa-tion :

y2 = 4x3−g2x−g3,

avec certains coefficients complexesg2, g3 Cqui s’expriment en fonction du réseauΛ.

Tout reposait sur l’utilisation de la fonction elliptique universelle de Weierstrass :

℘(z) = 1

z2 +X

ωΛ ω6=0

1

(z−ω)2 1 ω2

,

puisque l’application de plongement biholomorphe du tore complexe sur la cubique en question :

ϕ: C/Λ−→E z 7−→

( ℘(z) :℘0(z) : 1

lorsque z 6∈Λ, [0 : 1 : 0] lorsque z∈Λ, s’exprimait au moyen deet de sa dérivée0.

Dans les paragraphes qui vont suivre, nous allons étudier leproblème inverse. On a établi dans une autre partie du cours que toute courbe algébrique complexe géométriquement lisse cubique planeE P2(C)peut, après un changement de coordonnées qui utilise des automorphismes appropriés deP2(C), être ramenée à la forme :

y2 = 4 (x−a)(x−b)(x−c),

où les nombresa, b, c∈Csont mutuellement distincts. On peut même s’arranger pour que a+b+c= 0,i.e.pour que le coefficient dex2s’annule.

Laquestion d’inversions’énonce alors ainsi : étant donné une telle cubiqueE P2(C), existe-t-il un réseauΛ Ctel que, en utilisant les fonctions et0 de Weierstrass d’un tel réseau, on retrouve la cubique comme image biholomorphe deCpar l’applicationϕ ci-dessus ?

Disons sans attendre que la réponse est : "oui!". Nous pourrions la déduire du théo-rème d’uniformisation des surfaces de Riemann compactes — théothéo-rème qui repose sur des outils avancés d’Analyse Complexe et de Théorie du Potentiel et que nous démontrerons plus tard dans le cours —, mais nous préférons emprunter ici une voie plus directe, plus explicite, et plus classique. Essentiellement, nous allons produire des formules concrètes qui reconstituent les deux périodesω1etω2du réseau recherché en fonction d’intégrales de chemin.

Pour résumer très brièvement l’idée, nous allons utiliser la cubique E pour construire une paire de périodesω1etω2, puis former la fonctionde Weierstrass associée, et montrer que l’on peut retrouver les trois racinesa,b,cde la cubique en fonction des trois paramètres principaux :

ω21

, ω22

, ω12 2 du réseau.

La construction de ces trois paramètres va être une conséquence de l’existence hypo-thétique deϕ1. En fait, pour comprendre la nature de ϕ1, et voir l’émergence naturelle des intégrales dites elliptiques qui ont bénéficié d’un intérêt considérable au 19ème siècle, supposons — hypothèse d’analyse du problème au sens de Descartes — que la cubique E P2(C)provienne effectivement dew =℘(z). Alors les résultats que nous venons de démontrer donnent :

dw dz

2

= 4 (w−a)(w−b)(w−c), c’est-à-dire en éliminant les quotients différentiels :

dw 2p

(w−a)(w−b)(w−c) =dz, et enfin, par intégration :

z(w) = Z w

0

dw 2p

(w−a)(w−b)(w−c). Une telle intégrale est appeléeintégrale elliptique de première espèce.

Dans l’objectif de démontrer quew=℘(z)est réellement la fonction inverse d’une in-tégrale elliptique de première espèce, nous devons donner un sens à cette inin-tégrale, et nous allons voir qu’elle possède la propriété merveilleuse et magique d’êtredoublement pério-dique. La première étape consiste à donner un sens aux valeurs doubles de l’intégrande, c’est-à-dire à donner un sens à la surface de Riemann maximale à laquelle se prolonge cette racine d’un polynôme cubique. Ensuite, nous devrons clarifier la notion d’intégration sur des chemins, tracés ou bien dansC — en passant éventuellement par les pointsa, b,c où la racine carrée ramifie —, ou bien sur la surface de Riemann en question. Nous allons constater que des choix différents de chemins donnent lieu à des valeurs différentes de l’in-tégrale, mais . . . !lorsque les chemins seront fermés dansC\{a, b, c}, toutes les valeurs de cette intégrale seront nécessairement contenues dans un certain réseau (à une translation près)ΛC.

Ainsi, à partir du moment où nous aurons démontré cela, nous pourrons définir l’inverse ϕ1 deϕau moins localement, puis nous montrerons que cet inverse local se prolonge en un inverse global.

Le théorème final apparaît à la fin, et il est grandement conseillé de le lire tout de suite.

§ 4. Surface de Riemann de l’intégrande

Soient donca, b, c Ctrois points distincts quelconques. Notre premier objectif est de définir la surface de Riemann de la fonction racine :

p(z−a)(z−b)(z−c).

Fixons un point :

z0 C

{a, b, c}, et fixons :

q0 :=une des deux valeurs non nulles dep

q0 :=une des deux valeurs non nulles dep

Dans le document Courbes algébriques complexes (Page 78-109)