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De l’italien vers le français : étude comparative des vocalismes, appuyée

II.2 Étude des espaces acoustiques vocaliques de l’italien chez les participants

II.3.1 À propos des systèmes vocaliques

II.3.1.2 Texte lu : Tâche

Dans le texte lu La tramontana e il sole (tâche 2), 11 occurrences de /u/ jalonnent le texte s’il est lu en italien standard. Parmi celles-ci, la moitié se trouve en syllabes atones. C’est par exemple le cas dans [uɱ] (<un>) ou dans [riuʃito] (<réussi>). Lorsque le texte est lu par les sujets, certains [u] de syllabes toniques disparaissent au profit de la semi-voyelle [w] devant voyelle. Le mot [suo] (<son>, pronom possessif) devient [swo], [due] (<deux>) devient [dwe]. Dans des cas où la syllabe atone finale d’un mot se termine par [u] et la syllabe tonique du mot suivant commence par [u], certains sujets élident le deuxième [u]. On trouve [uno] (<un>) prononcé sous la forme [no] (Cornaz, Bigi et Granjon, soumis). À cela vient s’ajouter la perte de données résultante des traitements et analyses automatiques mais aussi de la représentation de 95% des réalisations et des ellipses tracées à 75 %. De ces faits, la voyelle postérieure fermée /u/ n’a pu être mise en évidence dans les diagrammes des sujets présentant leurs systèmes vocaliques dans la tâche du texte lu. Cependant, la voyelle existe bien dans le système phonologique de chaque sujet (cf. section précédente II.3.1.2), d’où l’intérêt d’un protocole en trois tâches de production.

À partir du texte lu Il vento di tramontana e il sole, la réalisation des voyelles mi-fermées et mi-ouvertes est observée. Le nombre de catégories vocaliques en situation tonique et en situation atone est également comparé. Les résultats sont présentés Figure II.22 à Figure II.27 (voir aussi Annexe IV pour les plans F2/F3). Du

fait de la lecture d’un texte porteur de sens, nous nous attendons à moins de contrôle articulatoire de la part des sujets dans cette tâche 2 et ainsi, à trouver une variabilité et des recouvrements entre ellipses de dispersion beaucoup plus importants que dans les phrases lues.

La Figure II.22 présente les espaces acoustiques vocaliques de LF1, LF6, LF7, LF8 et LF9 pour lesquels les ellipses des voyelles antérieures mi-ouverte /ɛ/ et mi-fermée /e/ d’une part et postérieuresmi-ouverte /ɔ/ et mi-fermée /o/ d’autre part se recouvrent largement, suggérant l’usage d’un système tonique à 5 voyelles. Ce résultat avait déjà été trouvé pour les sujets LF1, LF6 et LF7 dans la tâche de phrases lues (ainsi que pour le sujet LF5 qui utilise un système à 6 traits vocaliques dans la tâche du texte lu).

Figure II.22 Espaces acoustiques F1/F2 à 5 voyelles, mesurés à partir du corpus du texte lu, pour les locutrices italophones LF1, LF6, LF7, LF8 et LF9.

La distinction entre les voyelles /e/ et /ɛ/ relevée dans la tâche de phrases lues dans les productions des sujets LF8 et LF9 n’est pas retrouvée dans la tâche du texte lu. Concernant les voyelles mi-fermées et mi-ouvertes

antérieures /e ɛ/ d’un côté et postérieures /o ɔ/ d’un autre côté, on relève d’ailleurs chez LF7 des valeurs moyennes de F1 et F2 sensiblement égales. Les locutrices LF7 et LF1 ont un nombre égal de catégories vocaliques dans les

tâches des phrases lues et du texte lu. Contrairement à ce qui a été observé dans la tâche de phrases lues pour LF8 et LF9 (ellipses distinctes pour les voyelles antérieures mi-fermée et mi-ouverte), dans la tâche du texte lu, est observé un recouvrement total de l’aire de dispersion de /ɛ/ par l’aire de réalisation de /e/. Chez LF1, la variabilité de réalisations pour chaque catégorie est beaucoup plus importante dans le texte lu que dans les phrases lues, notamment pour les voyelles d’aperture moyenne, résultat probablement lié au traitement sémantique qui accompagne une lecture de texte.

On note chez LF7 pour /ɛ/ et chez LF1 pour /ɔ/ une zone de dispersion s’étendant dans la zone centrale de l’espace acoustique, suggérant des réalisations moins périphériques pour ces voyelles dans le texte lu que dans les phrases lues. Dans le texte lu, l’airede dispersion de /ɛ/ chez LF1 est plus vaste et la valeur moyenne de F2

est plus élevée que dans les phrases lues, suggérant des réalisations moyennes plus antérieures. Excepté pour LF6, /a/ présente en F1 des ellipses vastes, suggérant une importante variabilité de réalisations au niveau de

l’aperture. Dans le texte lu, des ellipses plus vastes que dans les phrases lues pour /e ɛ a/ ainsi que pour /ɔ/ sont également relevées chez LF8, principalement sur l’axe F1. En situation atone, aucune ellipse de dispersion

n’apparaît sur les espaces acoustiques pour les voyelles mi-ouvertes. Cela suggère dans le texte lu une neutralisation des oppositions /e/~/ɛ/ d’une part et /o/~/ɔ/ d’autre part chez ces locutrices et l’usage d’un espace acoustique à 5 qualités vocaliques.

La Figure II.23 montre que l’espace acoustique tonique de LF5, qui contient des ellipses de dispersion superposées pour les voyelles antérieures moyennes /e ɛ/ mais des ellipses de dispersion distinctes pour les voyelles postérieures d’aperture moyenne /o ɔ/. Ce résultat est marginal puisqu’il s’agit ici du seul espace acoustique mesuré avec cette configuration asymétrique qui présente une distinction des voyelles postérieures moyennes mais neutralisation de l’opposition entre les voyelles antérieures mi-fermée et mi-ouverte. De plus, les inventaires vocaliques trouvés pour LF5 dans les phrases lues et dans cette tâche divergent : on relève un système à 5 voyelles dans les phrases lues dû à l’absence de distinction entre les voyelles mi-ouvertes et mi- fermées, antérieures ou postérieures. L’ellipse de réalisation de /ɛ/ mesurée dans le texte lu mais absente dans les phrases lues recouvre l’aire de dispersion de /e/, suggérant là-aussi la neutralisation de l’opposition /e/~/ɛ/ par cette locutrice. En revanche, contrairement au résultat du test phrases lues où l’on observe une superposition des zones de dispersion des voyelles postérieures moyennes, deux ellipses distinctes apparaissent dans le texte lu pour /o/ et /ɔ/. Malgré un léger recouvrement des aires, la direction des dispersions et les valeurs moyennes en F1 suggèrent des centres de gravité bien distincts pour /o/ et /ɔ/ dans le texte lu. En situation tonique, un

système à 6 voyelles est ainsi trouvé. En situation atone où les ellipses de dispersion des voyelles mi-ouvertes sont absentes, le système est réduit à 5 voyelles, dû à la neutralisation de l’opposition /e/~/ɛ/ d’une part et /o/~/ɔ/ d’autre part.

Figure II.23 Espace acoustique F1/F2 à 5 voyelles, mesuré à partir du corpus du texte lu, pour la locutrice italophone LF5. La Figure II.24 présente les espaces acoustiques vocaliques de LF2, LF3, LF4 et LF10.

Figure II.24 Espaces acoustiques F1/F2 à 7 voyelles, mesurés à partir du corpus du texte lu, pour les locutrices italophones LF2, LF3, LF4 et LF10.

Excepté chez LF3, est observé un recouvrement partiel des ellipses des voyelles mi-ouvertes et mi-fermées. Dans l’espace acoustique de LF3 en effet, les ellipses de dispersion des voyelles postérieures mi-fermée et mi-ouverte sont très éloignées l’une de l’autre. On relève même chez ce sujet une stabilité importante dans les réalisations des voyelles mi-ouvertes, plus marquée d’ailleurs dans la présente tâche que dans les phrases lues. Cette locutrice a par ailleurs une aire de dispersion de /a/ plus large dans le texte lu que dans les phrases lues, due à une forte variabilité en F1. La locutrice LF10 présente une zone de dispersion de /i/ moins étendue en F2 que dans l’espace

mesuré à partir du corpus de phases lues. Inversement, l’ellipse de réalisation pour /e/ qui occupe une position plus périphérique dans cette tâche (les valeurs sont globalement plus basses en F1) que dans celle des phrases

lues. Chez LF2, les réalisations de /o/ sont plus centrales que celles de /ɔ/. Ainsi, excepté pour LF3 et LF4 où l’on trouve dans les phrases lues un espace acoustique à 6 qualités vocaliques avec un recouvrement des ellipses de dispersion des voyelles postérieures mi-fermée et mi-ouverte mais possédant une distinction des ellipses de réalisation pour /e/ et /ɛ/, les résultats trouvés dans les phrases lues pour les sujets LF10 et LF2 trouvent une confirmation dans le texte lu avec un inventaire vocalique tonique à 7 voyelles. Chez l’ensemble des locutrices, les ellipses de dispersion des voyelles mi-ouvertes sont absentes dans le système atone, suggérant l’usage par ces locutrices d’un système atone symétrique à 5 voyelles (neutralisation des oppositions /e/~/ɛ/ d’une part et /o/~/ɔ/ d’autre part).

La Figure II.25 présente un système tonique sans ellipse de dispersion spécifique pour les voyelles mi- fermées, suggérant la neutralisation des oppositions /e/~/ɛ/ et /o/~/ɔ/ et donc l’usage par LH2 d’un système tonique à 5 voyelles, mais avec tendance à l’ouverture, ce qui est un résultat original puisqu’aucun autre participant ne présente cette tendance.

Figure II.25 Espace acoustique F1/F2 à 5 voyelles, mesuré à partir du corpus du texte lu, pour le locuteur italophone LH2. Chez ce locuteur, dans le corpus de phrases lues, deux ellipses distinctes sont cependant trouvées pour /e/ et /ɛ/. Des centres de gravité extrêmement similaires pour /e/ et /ɛ/, avec des valeurs moyennes en F1 et en F2

pratiquement identiques ont été mesurés. Les ellipses de dispersion des voyelles antérieures mi-ouverte et mi- fermée occupent une zone plutôt centrale de l’espace acoustique, réservée en français en général aux voyelles

antérieures arrondies. En situation atone, il est intéressant de remarquer que les ellipses de dispersion des voyelles mi-ouvertes disparaissent au profit d’aires situant davantage des réalisations de voyelles mi-fermées.

La Figure II.26 présente l’espace acoustique de LH3 dans lequel l’aire de réalisation de /ɔ/ est recouverte par celle de /o/ suggérant, comme observé pour les phrases lues et certainement pour les mêmes raisons, l’usage d’un système à 6 qualités vocaliques avec une tendance à l’usage d’un système à 5 voyelles chez ce locuteur. En position atone, aucune zone de dispersion distincte pour des voyelles mi-ouvertes n’est observée, suggérant ainsi la neutralisation des oppositions /e/~/ɛ/ d’une part et /o/~/ɔ/ d’autre part.

Figure II.26 Espace acoustique F1/F2 à 6 voyelles, mesuré à partir du corpus du texte lu, pour le locuteur italophone LH3. La Figure II.27 présente des ellipses avec peu ou aucun recouvrement en situation tonique, excepté entre les voyelles postérieures mi-fermée et mi-ouverte, confirmant les observations des phrases lues pour LH1.

Figure II.27 Espace acoustique F1/F2 à 7 voyelles, mesuré à partir du corpus du texte lu, pour le locuteur italophone LH1. Néanmoins, le recouvrement entre ces deux zones de dispersion /o/ et /ɔ/ dans le plan F1/F2 est plus important

atone est observée une réduction du nombre d’ellipses, avec disparition des aires des voyelles mi-ouvertes, suggérant l’usage d’un système à 5 voyelles.

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