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Chapitre I Acquisition d’une

I.2 Outils, méthodes et approches « musicales » en intégration phonétique : pratiques courantes et pratiques émergentes

I.2.3 L’exploitation difficile de la chanson en phonétique

I.2.3.2 La place de la chanson en Français Langue Étrangère

Alors que l’enseignement général a été fortement marqué par les découvertes concernant le rôle de la musique sur les apprentissages, le domaine des langues et du Français Langue Étrangère ne profite encore que de faibles répercussions (Stansell, 2005). Ceci étant, les connaissances historiques sur l’exploitation de la chanson

26 La méthode Orff (aussi appelée Orff-Schulwerk) est une pédagogie musicale active dans laquelle le chanteur est au centre

du processus. La méthode mélange instruments à lames et à percussions principalement, voix, danse et percussions corporelles

(Comeau, 1989 ; Campbell, 1998 ; Backeroot, 2000 ; Göktürk Cary, 2012).

27Wachs (2001) précise que la suggestopédie, elle-même basée sur la suggestologie, considère que le bien-être, une respiration

saine, une bonne qualité d’écoute, l’association des sens à la parole sont nécessaires pour un apprentissage réussi de la prononciation. La chanson est alors utilisée comme support mnémotechnique.

en classe de français langue étrangère sont limitées et la période d’introduction de la chanson elle-même est méconnue (Aubin, 2004 ; 2005). La principale raison est le manque de documents sur la question, raison probablement associée à son entrée récente en didactique et surtout, décriée (Calvet, 1980). À notre connaissance, ce sont en premier lieu les enjeux culturels qui limitent l’exploitation de la chanson. Cette dernière a longtemps été privilégiée pour des sphères spécifiques de la vie quotidienne, et est encore réservée à des scènes religieuses dans certaines cultures. L’acceptation du jeu et du plaisir pour l’enseignement est très récente dans le milieu occidental de l’enseignement (Calvet, 1980), surtout lorsqu’il est destiné à un public adulte. De plus, un stéréotype courant est que les connaissances musicales sont un pré-requis nécessaire à la pratique musicale et vocale des enseignants, mais aussi des apprenants, tous craignant par ailleurs d’être mal jugés (cf. à ce sujet l’enquête de terrain de Boite, 2009).

Quelques chercheurs proposent des hypothèses alternatives à l’idée répandue que la chanson serait apparue au milieu du XXème siècle dans l’enseignement du français langue étrangère. Aubin (2004 ; 2005) postule par

exemple que les premières méthodes d’enseignement des langues utilisaient déjà la musique par le biais de comparaisons et de transferts systématiques entre musique et langue. Elle émet l’hypothèse que la continuité de cette méthode transversale aurait été freinée, et même empêchée, avec le souhait issu des hautes sphères de la société de séparer les champs didactiques relatifs à l’apprentissage des langues et des arts (ibid.). Toutefois, le manque de références sur l’histoire de l’introduction de la chanson en français langue étrangère oblige à nous focaliser sur les soixante dernières années et à tirer parti des manuels pédagogiques et publications scientifiques abordant le sujet.

D’après nos recherches bibliographiques, le premier manuel à intégrer des chansons authentiques ou créées à but didactique est Le Mauger bleu (Mauger, 1953), lequel exploite plus précisément des chansonnettes du folklore publiées sous forme de textes accompagnés de leur partition. L’auteur envisage leur utilisation pour faciliter le réemploi des formes grammaticales et favoriser ainsi la mémorisation. Mauger propose aussi quelques exercices de prononciation à partir de phrases tirées du texte des chansonnettes. Les années 1970, quant à elles, utilisent la chanson plutôt dans un objectif d’intégration lexicale. C’est la période du Français Fondamental

(Gougenheim, Michea, Rivenc et Sauvageot, 1956 ; 1964) et les chansons sont classées à partir du contenu de

leur texte comme appropriées ou non à la classe de langue. L’approche communicative des années 90 donne un nouvel élan à la chanson, enfin reconnue comme un ensemble indissociable : musique, paroles et interprétation (cf. par exemple Boudou et Isern, 1984 ; Gourvennec, 2008 ; Boite, 2009 ; Gourvennec, 2011), la notion d’ « interprétation » étant définie comme la faculté de l’artiste à faire vivre d’une façon donnée l’ensemble parole-musique. À cette époque, les consignes sont d’observer le texte bien sûr, mais aussi le discours généré autour de la chanson sélectionnée : interviews, critiques d’albums et de concerts… En effet, l’étude de la civilisation devient indissociable de celle de la langue28. Enfin, la publication du Cadre Européen Commun de

Référence pour les Langues (Conseil de l’Europe et Comité de l’éducation, 2001) offre de nouvelles perspectives à l’art. Dans deux Bulletins Officiels (1999 ; 2008) et un document d’application (2002), quelques préconisations

du Ministère français de la jeunesse, de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche encouragent les enseignants à utiliser la langue en musique, et notamment les comptines29. Dans ce contexte

politique où le Ministère des Affaires Étrangères et Européennes (avec le concours de la chaîne de télévision MCM International30 et du CAVILAM - Alliance française31) remet l’intervention de l’art dans la didactique du

français au goût du jour, il contourne le problème des droits d’auteur en facilitant l’accès aux œuvres authentiques à travers la distribution de supports audiovisuels aux Alliances Françaises (Des Clips pour apprendre, Génération Animée, Génération Française par exemple32). Néanmoins, les fiches pédagogiques qui les accompagnent sont

sommaires, obligeant les enseignants à recourir à d’autres ressources pour concevoir des exercices additionnels à ce corpus de base et, une fois encore, la chanson est présentée attrayante uniquement pour un travail civilisationnel, grammatical et lexical, et le texte écrit prime sur le texte oral. Cet état de fait transparait dans la plupart des manuels qui exploitent la chanson, par exemple Caramel 1 (Döning et Vermeersh, 2001), Caramel2

(Döring et Vermeersch, 2002), Chante et découvre le français (ABC Melody, 2009), Fluo (Meyer-Dreux et al.,

2003), J’apprends le français en chantant (Deblende et Heuze, 1992), Tatou le matou 1 (Piquet et Denisot, 2002),

Trampoline (Garabédian, Lerasle et Meyer-Dreux, 1991). En somme, les rares exploitations de la chanson montrent un potentiel didactique qui mériterait d’être complété, notamment dans un but d’intégration phonétique.

I.2.3.3 La chanson en correction phonétique : une ressource inusitée en français langue étrangère

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