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2.3 Détection de pathogènes directe/indirecte

2.3.2 Tests de biologie moléculaire

Les tests de biologie moléculaire consistent en une reconnaissance ciblée d’une partie du génome contenu dans un échantillon biologique. D’une part, l’hybridation de brins d’acides nucléiques complémentaires assure cette opération d’identification spécifique de la séquence d’intérêt. D’autre part, la duplication exponentielle de ces brins cibles confère au test une grande sensibilité (détection de très petites quantités). Les Tests d’Amplification d’Acides Nucléiques (NAAT) sont utilisés pour le diagnostic de maladies infectieuses, l’identification de mutations génétiques, le suivi de la progression clinique et de l’efficacité d’un traitement et dans le suivi réglementaire du don du sang (éviter les contaminations).

Polymerase Chain Reaction

La PCR (Polymerase Chain Reaction) est la technique historique d’amplification d’ADN [117]. Son fonctionnement suivant des cycles thermiques répétés est présenté en figure 2.9.

Figure 2.9 – Schéma de la PCR

Une première phase de dénaturation thermique (à 95˚C) favorise la configuration simple brin des acides nucléiques. La phase d’hybridation (entre 56 et 64˚C) assure l’appariement des primers avec la région d’ADN cible qui leur est complémentaire. Enfin, la phase d’élongation (à 72˚C) permet le travail des polymérases qui répliquent le brin d’ADN cible. A la fin de chaque cycle, le nombre de brins d’ADN est multiplié par deux (sous hypothèse de rendement total), c’est une croissance exponentielle.

L’amplification des brins d’ADN peut être précédée d’une étape de transcription inverse (RT - Reverse Transcription) à partir d’ARN. Une enzyme synthétise un brin d’ADN complémen-taire de l’ARN. Toutes les stratégies d’amplification peuvent inclure une étape préliminaire de transcription inverse.

48 Chapitre 2. Applications de diagnostic médical sur papier Amplifications isothermes

L’idée principale liée au développement des amplifications isothermes est de remplacer les cycles thermiques de la PCR par une structure originale des primers. Cette dernière doit faciliter la configuration simple-brin et permettre de travailler à température constante.

La LAMP (Loop-mediated isothermal AMPlification) [118] fonctionne entre 60 et 65˚C et contient une association de 4 primers complémentaires de 6 séquences cibles, comme le montre la figure 2.10(a). Le repliement des primers sous forme de boucle permet d’associer bout à bout chaque brin d’ADN répliqué. Il faut donc ajouter à l’amplification exponentielle caractéristique de la PCR, des brins d’ADN de plus en plus longs (figure 2.10(b)). Grâce à l’importante quantité de matériel génétique produite, la détection est possible par trubidité avec l’ajout d’un solution précipitante [119], en fluorescence avec des intercalants d’ADN [118], par des indicateurs colorés de changement de pH [120,121] ou sur des bandelettes immunochromatographiques [122] (détails en section 2.4).

Figure 2.10 – Schéma de la LAMP et des molécules intercalantes.

Les intercalants d’ADN sont des espèces chimiques qui se lient aux acides nucléiques de manières non covalentes [123]. Le changement de conformation entre la forme libre et la forme liée est responsable d’un signal de fluorescence qui rend compte quantitativement de la quantité d’ADN (figure 2.10(c)).

Comme dans le cas de la PCR, l’amplification d’ADN dans la méthode RPA (Recombination Proteins Amplification) consiste en l’hybridation de primers sur l’ADN cible et en leur élonga-tion par une polymerase (figure 2.11(a)). Mais l’étape de dénaturaélonga-tion thermique est remplacée par des protéines recombinantes capables de stabiliser la forme simple brin et donc de favoriser les interactions ADN-primers [124] comme le montre la figure 2.11(b). Fonctionnant à 40˚C, le résultat d’amplification peut être détecté par migration sur Western Blot, par une sonde associée à un inhibiteur de fluorescence et dont le signal est libéré par l’activité d’une nucléase

2.3. Détection de pathogènes directe/indirecte 49 dans la configuration double-brins, ou sur des bandelettes immunochromatographiques (détails en section 2.4.1). La spécificité des séquences ADN permet de cibler une grande variété d’agents biologiques comme démontré pour un panel de virus [125] (Ebola, Sudan, Marburg, Rift Valley fever, ...). Appliqué au diagnostic du virus Ebola, une récente publication [126] compare les performances de la RT-RPA avec la RT-PCR. Les auteurs annoncent une sensibilité à 97% et une spécificité à 97% de la RT-RPA. Cette amplification isotherme fonctionnant à 40˚C à par-tir de réactifs lyophilisés devient compétitive de la méthode considérée comme une référence. Comme discuté dans l’annexe A, la comparaison d’un test diagnostique avec une référence, qui n’est pas un Gold Standard, peut sous-estimer les performances.

Figure 2.11 – Schéma de la RPA.

D’autres méthodes d’amplification isothermes travaillant à 30 et 65˚C sont aujourd’hui dé-veloppées pour des applications de diagnostic au chevet du patient [127]. La technique HDA (Helicase Dependant Amplification) [128] utilise des enzymes hélicase pour séparer les double-brins d’ADN comme le modèle naturel de réplication d’ADN in vivo. L’amplification NASBA (Nucleic Acid Sequence Based Amplification) [129] cherche également à reproduire un méca-nisme biologique : la réplication rétrovirale. La RCA (Rolling Circle Amplification) [130] produit de très longs brins d’ADN à partir de la réplication d’un ADN circulaire.

La biologie moléculaire permet d’atteindre une très grande sensibilité de diangostic mais ces tests sont complexes et nécessitent une quinzaine d’étapes par un opérateur qualifié, plus de 4 heures d’analyse sans compter le prélèvement et le transport de l’échantillon, des coûts d’instrumentation (de US$20 000 à US$120 000) et de réactifs (de US$50 à US$100) [97]. Ces contraintes rendent souvent les tests de biologie moléculaire inaccessibles aux régions les plus pauvres, dans lesquelles la prévalence des maladies infectieuses est pourtant la plus forte.

Problèmes de biocompatibilité

Définir le concept de biocompatibilité est particulièrement important dans le cadre de la bio-logie moléculaire. Les plateformes microfluidiques sont trop souvent déclarées "biocompatibles" sans discuter les précautions d’usage. Selon Williams [131], cette propriété est très contextuelle et application-dépendante. Il la définit comme "l’aptitude d’un matériau à adopter une réponse d’hôte appropriée pour une application spécifique" et la place notamment dans le contexte

50 Chapitre 2. Applications de diagnostic médical sur papier

des implants. Parmi les variables importantes, il souligne l’impact de la structure des maté-riaux (porosité nanométrique, micrométrique, macrométrique), leur composition chimique, et l’absorption non-spécifique.

Dans le cas de la biologie moléculaire, de nombreux articles listent les composés source d’in-hibition d’amplification d’acides nucléiques [132]. Les mécanismes d’ind’in-hibitions ne sont pas encore bien compris et peuvent apparaître à trois niveaux : pendant la préparation d’échan-tillons (mauvaise purification), par une dégradation des acides nucléiques ou sur l’activité des enzymes. Chaque réaction d’amplification peut avoir sa propre liste d’inhibiteurs et il n’est pas évident d’extrapoler les résultats de la PCR vers les nouvelles amplifications isothermes. Dans le cas de la RPA, une étude révèle l’impact défavorable d’ADN non cible du diagnostic, sur l’amplification [115]. Le développement de dispositifs microfluidiques d’amplification a donné lieu à des études systématiques sur l’influence des matériaux [133, 134]. Quels que soient les supports, un traitement à base de BSA, connu pour limiter l’adsorption non spécifique, améliore les résultats. Par exemple, la compatibilité de trois cires (caractérisées par leur température de fusion 56 ; 60 ; 80˚C) avec la PCR a été analysée. Les deux premières sont responsables d’une forte dégradation du signal d’amplification alors que la dernière affecte peu la réaction biologique.

Malgré cette forte dépendance vis à vis de l’environnement, plusieurs articles proposent des protocoles d’amplification plus robustes [135] : réaction de RT-PCR sur des échantillons bruts de serum [136] ou LAMP sur du sang total chauffé [137].