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Synthèse des principaux résultats expérimentaux

5.2 Réalisation d’un immunoessai sur papier pour la détection de troponine

5.2.2 Synthèse des principaux résultats expérimentaux

Des expériences sont réalisées en variant des paramètres expérimentaux tels que la quantité et la position des réactifs, la géométrie des barrières de cire, les conditions de séchage et d’hy-grométrie. Les objectifs sont de comprendre les mécanismes essentiels pour la bonne réalisation de l’immunoessai et d’atteindre une limite de détection à 1 ng/mL.

Paramètres d’intérêt sur les réactifs

Pour un immunoessai performant les anticorps de capture doivent rester accrochés aux sur-faces de fibres de cellulose. Si des greffages chimiques existent, ici seule l’adsorption physique passive est utilisée. Augmenter la quantité d’anticorps de capture déposée devrait maximiser la quantité d’anticorps fixés au point de focalisation.

Expérimentalement, la quantité d’anticorps de capture au point de focalisation est variée en multipliant les dépôts de 0, 5 μL à partir de la même solution concentrée (figure 5.7). La pré-sence d’une grande quantité d’anticorps de capture nuit à l’écoulement à travers la focalisation hydrodynamique. Un bouchon visqueux bloque l’écoulement qui n’atteint plus l’extérieur du microcanal papier.

140 Chapitre 5. Détection d’un biomarqueur cardiaque par un immunoessai sur papier

Figure 5.7 – Détection de la troponine sur papier (c = 50 ng/mL) avec différentes quantités d’anticorps

de capture (0, 5 μL, 5 × 0, 5 μL, 10 × 0, 5 μL).

A l’inverse, les anticorps de détection doivent rester mobiles. Le signal non spécifique intense dans la zone de dépôt montre qu’une grande partie de ces anticorps sont adsorbés sur les fibres de cellulose. Augmenter la quantité d’anticorps de détection doit permettre de saturer les surfaces de cellulose et d’obtenir une plus grande quantité d’anticorps mobiles.

Plusieurs dépôts de 0, 5 μL de la même solution d’anticorps de détection sont réalisés dans le puits central (figure 5.8). La détection d’une solution de troponine (c = 50 ng/mL) n’est pas améliorée par de multiples dépôts d’anticorps de détection. Au contraire, le bruit de fond non spécifique augmente.

Figure 5.8 – Détection de la troponine sur papier (c = 50 ng/mL) avec différentes quantités d’anticorps

de détection (0, 5 μL, 2 × 0, 5 μL, 3 × 0, 5 μL).

Dans le chapitre 3, nous avons mis en évidence deux contributions aux écoulements dans le papier : l’étalement en surface et l’imbibition en volume. Afin de vérifier la part de ces phénomènes dans l’immunoessai sur papier, la position des dépôts d’anticorps est variée sur le recto et le verso de la feuille (figure 5.9). Le recto est défini comme la face du papier sur laquelle sont déposés l’échantillon et l’eau.

Dans toutes les configurations envisagées, il n’y a pas de différence significative dans la détection de troponine (c = 100 ng/mL). Le transport des réactifs et la formation du complexe anticorps-antigène-anticorps ont donc lieu majoritairement en volume dans le milieu poreux plutôt qu’en surface par étalement de goutte.

5.2. Réalisation d’un immunoessai sur papier pour la détection de troponine 141

Figure 5.9 – Détection de la troponine sur papier (c = 100 ng/mL) selon la position des dépôts d’anticorps

sur le recto ou sur le verso de la puce papier.

Dépendance aux conditions extérieures

Les expériences de détection de troponine sur papier ont été réalisées à température ambiante dans deux types de configuration : à l’air libre ou à l’intérieur d’une boîte de Pétri. Dans le premier cas, l’hygrométrie ambiante et la circulation d’air favorisent l’évaporation. Dans le second cas, les dépôts de goutte de 5 et 50μL créent rapidement un environnement humide dans la boîte qui limite l’évaporation. Pour une même durée d’expérience, l’écoulement se répartit sur une plus grande surface en l’absence d’évaporation (figure 5.10). Le signal spécifique lié à la troponine apparaît également plus intense.

Figure 5.10 – Détection de troponine sur papier (c = 100 ng/mL) selon l’hygrométrie ambiante.

Des feuillets plastique transparents et adhésifs sont souvent utilisés dans les dispositifs papier pour isoler l’écoulement, protéger les réactifs, limiter l’évaporation. Mais la présence de ces feuillets modifie l’écoulement. Le suivi de l’avancée du front liquide avec ou sans feuillet est présenté en figure 5.11.

L’écoulement beaucoup plus rapide en présence du feuillet n’est pas favorable à la détection de troponine sur papier. La couleur bleue caractéristique de la transformation du substrat apparaît

142 Chapitre 5. Détection d’un biomarqueur cardiaque par un immunoessai sur papier

faiblement. La concentration seuil de précipitation ne semble pas atteinte puisqu’une partie du substrat transformé est transporté par l’écoulement. La distinction spécifique / non-spécifique n’est donc pas possible dans ces conditions.

Figure 5.11 – Influence d’un feuillet adhésif au verso du papier sur la détection de troponine et la vitesse

d’écoulement.

Influence de la géométrie

A partir de la géométrie présentée en figure 5.2, plusieurs variations sont envisagées pour améliorer la détection de troponine sur papier (figure 5.12).

Avec un microcanal plus large, les pertes sur les bords sont limitées. En revanche, l’association du microcanal avec la zone de dépôt de goutte favorise l’étalement en surface de l’échantillon. Cet effet est défavorable à la détection puisque l’immunoessai a lieu plus dans le volume du papier qu’en surface. Expérimentalement, il n’y a pas de différence significative dans la détection de la troponine par rapport au format standard, que ce soit en termes de rapport signal / bruit ou de limite de détection.

5.2. Réalisation d’un immunoessai sur papier pour la détection de troponine 143 Avec un microcanal plus long, l’objectif est de retenir le substrat transformé plus longtemps afin de voir se former le précipité. Avec un échantillon de troponine concentré à 100 ng/mL, le signal spécifique reste bleu clair, peu contrasté et dispersé spatialement. Un microcanal long est responsable d’un écoulement plus lent qui provoque, dans certains cas, un bouchon visqueux.

Des expériences réalisées avec une zone de dépôt d’échantillon plus grande ne donnent pas non plus de meilleurs résultats.

Les effets d’une barrière de surface autour de la zone de dépôt de solvant sont étudiés en figure 5.13. Sans la barrière, l’eau s’écoule rapidement grâce à l’étalement en surface, ce qui facilite le transport de l’échantillon vers la zone de focalisation. Avec la barrière, l’imbibition d’eau dans le papier est plus favorable à la désorption du substrat séché. Expérimentalement, le signal spécifique est plus intense lorsque l’écoulement se fait en volume et non en surface.

Figure 5.13 – Influence de la présence d’une barrière de surface autour de la zone de dépôt de solvant

pour la détection de troponine (c = 100 ng/mL).

Mesure de la limite de détection

L’immunoessai sur papier est réalisé pour des solutions échantillons de plasma humain conte-nant différentes dilutions de troponine. Les concentrations en biomarqueur sont comprises entre 0.1 et 250 ng/mL. Les photos des expériences après 20 minutes sont présentées en figure 5.14. La révélation colorimétrique de la transformation du substrat par l’activité enzymatique per-met une détection visuelle du signal spécifique jusqu’à une limite de détection de 50 ng/mL de manière certaine et 10 ng/mL pour un opérateur expert.

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Un traitement d’image des photos d’expérience consiste à mesurer l’intensité de signal le long du dispositif papier à travers la zone de focalisation. L’intensité maximale du signal spécifique est comparée selon la concentration en troponine (figure 5.15). Dans ces conditions, une limite de détection plus basse est atteinte, soit 1 ng/mL.

5.3. Ce qu’il faut retenir 145

5.3 Ce qu’il faut retenir

Immunoessais sur papier Le dispositif papier développé permet la réalisation d’un immu-noessai pour la détection d’un biomarqueur cardiaque : la troponine (figure 5.16).

Comme dans le cas des tests bandelettes, les réactifs sont séchés et stockés dans le milieu poreux jusqu’au moment du diagnostic. L’utilisation du dispositif papier reste très simple et consiste à déposer une goutte d’échantillon et une goutte d’eau. Les échantillons utilisés sont des extraits de plasma humain qui peuvent être obtenus par simple filtration de sang total.

Après 20 minutes, la révélation colorimétrique du test permet une lecture visuelle du résultat. Ce dispositif papier s’inscrit donc bien dans les critères de diagnostic au chevet du patient avec une instrumentation externe limitée. La fabrication même de la puce papier est très simple par la technique d’impression de cire sur papier Whatman et le dépôt de réactifs. La géométrie proposée peut être modifiée pour détecter en parallèle plusieurs biomarqueurs d’intérêt.

Figure 5.16 – Etapes de préparation et d’utilisation de la puce papier pour la détection de troponine.

Intérêt diagnostique La pertinence d’un instrument de diagnostic relève des conditions pratiques d’utilisation et de ses performances analytiques.

Par analyse visuelle, le dispositif papier peut s’utiliser sans aucune instrumentation. Cepen-dant, la limite de détection atteinte sur papier (10 ng/mL) n’est pas suffisante et reste subjective selon l’opérateur. Pour des biomarqueurs très concentrés, le test peut être acceptable. Dans le cas de la troponine, l’objectif est un diagnostic aussi précoce que possible et donc une détection aux concentrations faibles.

Par simple analyse d’image, réalisable avec un smartphone, il est possible d’abaisser cette limite de détection d’un facteur 10. Avec cette instrumentation minimale, le critère de diagnostic devient plus objectif, non soumis au jugement de l’opérateur.

Pourtant la réalisation d’immunoessais par la microfluidique papier n’est pas une innovation de rupture par rapport aux tests bandelettes concurrents aux meilleures performances. Ceci s’explique par des années de développement et d’optimisation : notamment le contrôle des états de surface, la biochimie des matériaux, le stockage et la conservation des réactifs.

CHAPITRE 6

Application au diagnostic précoce de maladies infectieuses par la

biologie moléculaire sur papier

Table des matières

6.1 Conditions expérimentales . . . 150

6.1.1 Protocoles biologiques . . . 150