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1.3 La microfluidique papier

1.3.2 Illustration de fonctions microfluidiques

A partir des techniques de fabrication et avec des géométries originales, il est possible d’im-plémenter sur papier des fonctions microfluidiques. Ces briques élémentaires pourront par la suite être combinées pour atteindre l’objectif de laboratoire sur papier.

Parallélisation des écoulements

Les tests bandelettes, voir section 2.1, sont des dispositifs de diagnostic sur papier très ro-bustes qui donnent une information binaire à propos d’un biomarqueur. Dans l’esprit d’un laboratoire sur papier, le concept de multiplexage apparaît. Il s’agit de réaliser plusieurs ana-lyses sur un même échantillon ou de traiter plusieurs échantillons en même temps. Les nouvelles techniques de fabrication de la microfluidique papier, décrites dans la section 1.3.1, permettent de nombreuses stratégies de parallélisation.

Géométries La version papier des plaques multipuits, en figure 1.18(a), est un réseau de disques de papier hydrophiles au sein d’une matrice hydrophobe [57]. Chaque disque devient un réservoir indépendant dans lequel des réactifs et des échantillons peuvent être déposés. Le papier n’est utilisé ici que comme support et dépend donc d’autres opérations manuelles (pipettes).

Dans une géométrie adaptée, l’écoulement capillaire peut être utilisé pour transporter et distribuer un échantillon vers plusieurs milieux réactionnels. Plusieurs exemples dans la littéra-ture démontrent cette propriété : l’analyse d’urine sur papier avec des motifs en résine [13] (fi-gure 1.18(b)) ou plusieurs tests bandelettes en parallèle sur papier découpé [53] (fi(fi-gure 1.18(c)).

30 Chapitre 1. Physique des écoulements dans la microfluidique papier

Dispositifs multicouches Une feuille de papier permet déjà une grande variété de mo-tifs pour diverses applications de diagnostic. En exploitant la troisième dimension, le principe d’origami décuple les performances de la microfluidique papier. Il a notamment été démontré la réhydratation parallélisée de 1024 zones grâce à ces écoulements d’une épaisseur de papier à l’autre [62] comme le montre la figure 1.18(d). Après l’écoulement, le dispositif papier peut être ré-ouvert et déplié si besoin [58].

Mélange et séparation

La laminarité des écoulements microfluidiques n’est pas favorable aux mélanges qui dépendent de la diffusion. Selon la longueur considérée, les temps de diffusion peuvent être longs. En superposant deux bandelettes de papier, la diffusion se produit sur toute la largeur des canaux papier. Le mélange est total lorsque la longueur de diffusion est égale à l’épaisseur de papier (typiquement 200 μm) [67]. Dans une géométrie papier en T, seuls quelques centimètres sont nécessaires pour observer un bon mélange. De plus, comme la vitesse de l’écoulement dépend de sa distance au réservoir, la proportion de chaque composant du mélange peut être modulée par la distance de chaque entrée. En jouant sur le contraste de diffusion de deux espèces, il est possible d’extraire l’espèce la plus mobile du mélange. C’est le concept du filtre H qui peut être recréé sur papier.

Par sa structure poreuse, le papier limite l’écoulement de particules plus grandes que la taille de pores. Cette structure est également à l’origine d’une augmentation du rapport sur-face/volume qui implique plus d’adsorption non spécifique et de rétention chromatographique que dans un équivalent non poreux. Les composants d’un mélange sont donc naturellement séparés dans un support papier. Ces propriétés de séparation peuvent être mises à profit dans la préparation d’échantillons biologiques, comme décrit dans la section 2.2.2.

Vannes

Grâce à la pompe capillaire, les écoulements dans le papier sont spontanés et indépendants de sources d’énergie extérieures. Cette autonomie est obtenue au détriment du contrôle. Quand le liquide est au contact du papier, la pompe capillaire démarre et suit la loi de Lucas-Washburn (voir section 1.2.1). Dans une configuration simple, les seuls éléments qui peuvent stopper l’écoulement sont : une saturation de tout le papier accessible ou l’assèchement du réservoir. Dans l’idée d’ajouter de nouvelles fonctionnalités au papier, il apparaît nécessaire de créer des systèmes de vannes pour actionner sur demande l’écoulement.

Pliages L’action de plier/déplier une puce papier multicouche [62] est déjà une action méca-nique de vannes. En déplaçant un morceau de papier, l’opérateur coupe/rétablit la connexion fluidique. Cette fonction est particulièrement utilisée pour fonctionnaliser les zones de papier avec des réactifs. Dans la configuration ouverte, les zones de papier sont indépendantes et des réactifs différents peuvent être déposés dans chacune d’elles. Après séchage, le dispositif est replié, les réactifs sont alors prêts à l’emploi mais ne diffusent pas dans le reste de la puce papier puisqu’ils sont secs. Seul l’apport d’un échantillon liquide démarre l’écoulement.

1.3. La microfluidique papier 31

Dissolution Pour arrêter un écoulement, il faut briser la trajectoire qui relie le réservoir liquide et l’extrémité de papier. Les opérations manuelles consistent à couper ou déplier le papier. Cette fonction peut être automatisée grâce à un milieu poreux éphémère [68]. Un simple morceau de sucre est un milieu poreux dans lequel le liquide s’écoule comme dans le papier, mais au cours du temps, le sucre est dissout dans le liquide. Cette dissolution détruit le milieu poreux jusqu’à rompre la connexion fluidique, comme le montre la figure 1.19(a). Selon la taille et les propriétés de dissolution de cet élément, la vanne arrête l’écoulement après un temps donné.

Figure 1.19 – Principes de vannes par dissolution de poreux.

Ce concept de dissolution peut également être utilisé pour retarder l’arrivée d’un liquide [69] (figure 1.19(b)). Par exemple, pour voir l’arrivée séquencée de quatre réactifs, les auteurs uti-lisent quatre réservoirs de taille finie et placent sur chaque trajet une quantité différente de sucre. Plus cette quantité est importante, plus le réactif est ralenti. Dans cette situation, le mécanisme d’action n’est pas évident puisque chaque terme de l’équation de Lucas-Washburn est modifié : les propriétés d’interface (tension de surface et angle de contact), la taille des pores et la viscosité de la solution. Des expériences complémentaires indiquent que le paramètre pré-dominant est le changement de viscosité.

Le principal défaut de ces systèmes de dissolution est que la composition du liquide change au cours du temps. Cela ajoute également la contrainte d’un élément dissolu qui n’interfère pas avec la réaction biologique. En pratique, la notion de délai peut être obtenue par différentes longueurs de trajectoires papier. D’autres stratégies consistent à modifier localement le milieu poreux qui peut être partiellement obstrué [70] ou compressé [28].

Actionneurs Une vanne peut aussi être obtenue par un déplacement mécanique pour connec-ter/déconnecter des canaux papier. Ce type d’actionneur, schématisé en figure 1.20(a), a été réalisé avec un matériau qui peut gonfler au contact du liquide comme une éponge [71]. Lorsque l’actionneur est connecté à un réservoir liquide, son expansion provoque le déplacement méca-nique d’un canal papier principal. Selon la géométrie, cette fonction provoque la connection / déconnection de deux canaux ou un changement de trajectoire. Le principe de cet actionneur sur une épaisseur différente et avec son réseau de connection fluidique est l’équivalent papier des vannes pneumatiques microfabriquées [72]. Cette version papier reste cependant à usage unique.

32 Chapitre 1. Physique des écoulements dans la microfluidique papier

Figure 1.20 – Actionneurs obtenus par déplacement ou déformation du papier.

La déformabilité du papier peut assurer la fonction de vanne pour démarrer sélectivement un écoulement. En insérant un espace libre (d’air) au sein d’un dispositif multicouche, on brise la connexion fluidique [73] (figure 1.20(b)). Une simple pression type bouton ON déforme le papier localement et rétablit la pompe capillaire.