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Concentration par focalisation hydrodynamique

3.3 Exploitation des propriétés du papier pour concentrer des échantillons

3.3.2 Concentration par focalisation hydrodynamique

A l’inverse des procédés de concentration par rétention, la focalisation hydrodynamique consiste à transporter les analytes jusqu’à une zone d’accumulation. Alors que la pompe capil-laire tend à disperser spatialement les analytes, une géométrie adaptée couplée à l’évaporation assure une re-concentration.

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Analogie avec la pervaporation microfluidique

Dans la référence [21], la concentration d’analytes, dans un microcanal droit, par pervapora-tion de solvant, est caractérisée par l’équapervapora-tion suivante :

c(x, t) c0v0t  2 πp2 exp x2 2p2  + c0R(x) (3.5)

Avec c0 la concentration initiale en analytes, injectée à une vitesse v0 et R(x) L/x lorsque

p x  L. Le paramètre p décrit la taille de la zone d’accumulation en comparant la diffusion à l’écoulement convectif dû à la pervaporation (équation 3.6).

p =



Dh

ve (3.6)

Dans ces conditions, l’effet de concentrateur atteint une amplitude maximale et une largeur minimale lorsque p reste faible, c’est-à-dire lorsqu’une forte pervaporation génère un écoulement rapide. Un microcanal long permet la pervaporation sur une plus grande distance, favorisant ainsi l’écoulement convectif et une bonne concentration des analytes. La figure 3.33 présente un schéma rassemblant les principes physiques en compétition.

Figure 3.33 – Distribution de la concentration en analytes dans une configuration de pervaporation

mi-crofluidique, selon la valeur du facteur p.

Sur papier, la situation est très similaire. Les barrières de cire définissent une géométrie de microcanal droit. La pompe capillaire remplit initialement le microcanal, puis l’évaporation assure un écoulement convectif depuis un réservoir liquide d’entrée (une goutte d’eau).

Une première expérience colorimétrique permet de visualiser le concept de focalisation hy-drodynamique sur papier. Dans un microcanal droit, une goutte de 10 μL d’une solution de fluorescéine (c = 10−3g/mL) est déposée. La pompe capillaire répartit le colorant jaune dans tout le canal. Après séchage de ce premier dépôt, 10μL d’eau sont ajoutés. La fluorescéine est alors à nouveau dissoute dans l’eau et transportée plus loin dans le microcanal papier par la pompe capillaire. Après séchage, l’opération d’ajout d’eau est répétée 4 fois. A chaque fois, l’eau transporte plus loin la fluorescéine qui s’accumule alors à l’extrémité du microcanal papier.

Visuellement, l’accumulation de fluorescéine en un point de focalisation rend rouge le dépôt initialement jaune pendant que le microcanal redevient blanc et ne contient plus d’analytes (fi-gure 3.34).

92 Chapitre 3. Concentration d’échantillons par des écoulements capillaires confinés

Figure 3.34 – Accumulation de fluorescéine à l’extrémité du microcanal après plusieurs ajouts d’eau.

Mesure des performances d’amplification de signal

Des mesures quantitatives de cette focalisation hydrodynamique sont réalisées en fluorescence. Des solutions de fluorescéine sur une vaste gamme de concentrations (de 10−12 à 10−1g/mL) sont mesurées en exploitant la linéarité du temps d’exposition de la caméra pour normaliser les données.

Etablissement de la courbe de calibration en fluorescence La calibration du dispositif avant la focalisation hydrodynamique consiste à évaluer l’intensité du signal de fluorescence pour chaque concentration de fluorescéine. Pour cela, des dépôts de 5μL de chaque solution de fluorescéine sont réalisés dans une plaque multipuits version papier. Chaque zone est mesurée après séchage du dépôt. La courbe de calibration est présentée en figure 3.35.

Figure 3.35 – Courbe de calibration de l’intensité de fluorescence sur papier en fonction de la

3.3. Exploitation des propriétés du papier pour concentrer des échantillons 93 L’intensité de signal des faibles concentrations est dominée par la fluorescence intrinsèque du substrat papier. Aux fortes concentrations, il apparaît un phénomène de blanchiment, la fluorescéine perd ses propriétés de fluorescence. Entre ces deux régimes, un domaine linéaire relie intensité de fluorescence et concentrations en fluorescéine (de 10−7 à 10−3g/mL).

Dans cette calibration, il faut s’assurer qu’il n’y aucun effet d’accumulation : le volume de la goutte est suffisamment petit devant la zone de dépôt. Les mêmes mesures sont réalisées avec des dépôts de 3 μL et donnent la même courbe de calibration.

Amplification de signal selon la géométrie Les mesures d’amplification par focalisation spatiale sont réalisées en déposant 5 μL de chaque solution de fluorescéine dans une géométrie de canal droit, suivi de 5 ajouts de 10 μL d’eau espacés de temps de séchage. L’extrémité du microcanal papier est observée en fluorescence, la valeur maximale est reportée sur la courbe reliant intensité et concentration initiale en fluorescéine.

Deux géométries sont comparées : des microcanaux papier dont l’extrémité est plate ou poin-tue. Comme le montre la figure 3.36, dans les deux cas, l’amplification est la même : le domaine linéaire de la courbe de calibration est déplacé d’un facteur 100 vers les plus basses concentra-tions. Par exemple, une solution de fluorescéine initialement concentrée à 10−6g/mL émet, après focalisation, un signal équivalent à une solution concentrée à 10−4g/mL non focalisée (flèches pointillées grises).

Figure 3.36 – Courbe d’amplification de signal dans les géométries de microcanaux droits à extrémité plate

ou pointue.

L’origine du facteur 100 s’explique par un simple argument géométrique. Sur les plaques multipuits papier (diamètre 1cm), 5 μL de fluorescéine se répartissent sur une surface s1 =

πr2 = 80 mm2. La focalisation à l’extrémité du microcanal concentre le même échantillon sur une surface s2 = 1 mm2. On a : s1

s2 ∼ 80.

La géométrie de pointe a été pensée pour augmenter l’effet de focalisation et obtenir un point d’accumulation plus petit. La courbe d’amplification ne montre pourtant pas de différence avec le microcanal simple. Sur les images en fluorescence, des quantités significatives de fluorescéine accumulées le long des barrières de cire, n’atteignent pas l’extrémité de la pointe. Ces pertes

94 Chapitre 3. Concentration d’échantillons par des écoulements capillaires confinés

ne participent donc pas à l’amplification du signal local.

Le facteur 100 d’amplification n’est pas retrouvé dans la limite de détection sur papier : ini-tialement à 10−7g/mL, elle n’est déplacée que d’un facteur 10 soit 10−8g/mL (flèches pointillées rouges). Ceci est dû à l’augmentation du bruit de fond dû aux barrières de cire. On a vu dans la section 3.1 que les impressions noires sont obtenues par dépôts de toutes les cires de l’impri-mante, dont la cire jaune très fluorescente. Si la barrière noire est globalement non fluorescente, il apparaît, aux temps d’exposition longs, sur les bords, de légers points fluorescents comme le montre la figure 3.37.

Figure 3.37 – Aux temps d’exposition longs, observation en fluorescence du signal dû à la cire et des pertes

le long des barrières.

Si la pompe capillaire transporte bien la fluorescéine dans le microcanal papier, les bords de cire rugueux provoquent des dépôts tout le long des barrières de cire (voir figure 3.37). Ces pertes nuisent à la détection d’échantillons très dilués. La réduction de la longueur du microcanal limite cet effet mais nuit au bon transport et à l’évaporation. En effet, dans un cas extrême, un microcanal de longueur nulle est une zone de dépôt simple. Les gouttes d’abord de fluorescéine, puis d’eau, ne sont plus transportées par la pompe capillaire et sèchent très lentement. Il ne s’agit alors plus de focalisation spatiale mais de rétention comme décrit dans la sous-section 3.3.1.

Une autre façon de représenter le gain d’amplification consiste à utiliser la partie linéaire de la courbe de calibration. Sans focalisation hydrodynamique, concentration en fluorescéine et intensité de fluorescence sont liées par la relation I = 107c + 20 déterminée

expérimenta-lement. Après focalisation hydrodynamique, on peut donc comparer la concentration initiale de la solution de fluorescéine déposée avec la concentration déduite de la mesure d’intensité et de la courbe de calibration. La répartition de nos résultats expérimentaux sur le graphique représentant la concentration mesurée en fonction de la concentration initiale, est présentée en figure 3.38.

Avec les géométries de microcanaux droit et pointu, on retrouve le facteur 100 d’amplification avec des résultats expérimentaux s’approchant de la droite y = 100x dans le domaine linéaire.

3.3. Exploitation des propriétés du papier pour concentrer des échantillons 95

Figure 3.38 – Mesure de l’effet de concentration par focalisation hydrodynamique dans des géométries de

type microcanal droit ou pointu.

La figure 3.39 montre l’évolution des profils d’intensité de fluorescence au cours du temps, le long d’un microcanal droit. Les ajouts d’eau contribuent à rendre plus étroit et plus intense le dépôt de fluorescéine.

Les procédés de concentration décrits précédemment permettent une focalisation spatiale de l’échantillon dans le plan de la feuille de papier. Cela contribue à contrôler la pompe capillaire, responsable au contraire d’une dispersion et de faibles concentrations locales. L’analyse de la diffusion de la cire dans l’épaisseur du papier réalisée en section 3.2.1 autorise une exploration des possibilités de focalisation dans la troisième dimension du papier.

96 Chapitre 3. Concentration d’échantillons par des écoulements capillaires confinés Concentration transversale dans l’épaisseur du papier

Une focalisation de l’échantillon dans l’épaisseur du papier aurait une double contribution. D’une part, l’argument géométrique, comme dans le plan de la feuille, consiste à concentrer le même échantillon dans un volume encore plus petit. D’autre part, les propriétés optiques diffu-santes du papier rendent inaccessible à la détection un signal trop profond : amener l’échantillon près de la surface doit contribuer plus fortement au signal total.

Le procédé de focalisation spatiale est réalisé dans un microcanal papier droit dont l’extrémité est constituée d’une restriction colorée : région de cire d’une teinte claire. La couleur de la cire, la teinte et la taille peuvent être variées pour moduler la pénétration de la cire dans l’épaisseur du papier. Cette région de cire peut être imprimée du même côté que les barrières noires du microcanal (configuration recto) ou de l’autre côté de la feuille de papier (configuration verso).

Figure 3.40 – Amplification de signal par focalisation selon la couleur et la longueur de la restriction

colorée.

L’amplification de signal pour une solution de fluorescéine donnée (c = 10−5g/mL), dans une restriction colorée, est illustrée en figure 3.40. Comparées à une situation sans focalisation trans-verse, les restrictions imprimées sur le recto n’apportent pas de gain significatif. L’impression de restrictions sur le verso semble mieux réaliser la fonction de focalisation transverse : notam-ment pour les teintes bleues et gris foncé, le signal peut doubler par rapport à une focalisation simple. Cependant, cette amplification n’est pas robuste et reproductible. Des comportements très différents sont observés sur chaque barrière selon sa longueur et sa couleur.

Cette expérience démontre qu’une focalisation transverse dans un microcanal est possible mais sujette à fluctuations selon la diffusion de la cire et l’adsorption non spécifique de fluo-rescéine le long de la restriction. Le faible facteur d’amplification (×2) n’est pas suffisant pour apporter une contribution valable.

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3.3.3 Optimisation de la focalisation hydrodynamique par