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Etude de la compatibilité avec les matériaux des puces papier

6.2 Réalisation de l’amplification LAMP sur papier

6.2.2 Etude de la compatibilité avec les matériaux des puces papier

Les techniques de biologie moléculaire sont sensibles à la présence d’inhibiteurs de réaction. Les phénomènes d’inhibition peuvent agir à différents niveaux comme l’intégrité de l’échantillon (détérioration du matériel génétique) ou l’activité enzymatique. Il est nécessaire de vérifier la bonne compatibilité des matériaux utilisés pour la fabrication des puces papier avec l’amplifi-cation LAMP.

Recherche d’inhibiteurs d’amplification

L’expérience consiste à réaliser la réaction en microtubes en présence des éléments à analy-ser : le papier, les feuillets plastique, la cire, le PDMS. Chaque microtube contient le mélange réactionnel de LAMP et un petit morceau (volume d’environ 10 mm3) d’un des matériaux. Pour chaque matériau, deux microtubes sont préparés : un témoin négatif et un contenant la cible ADN.

Deux types de feuillets adhésifs plastique sont utilisés : Sigma Plastic Foil et RT2RR Plastic Foil. Selon le fournisseur, ils sont compatibles avec les réactions PCR. Pour la LAMP en mi-crotubes, la présence de ces feuillets retarde de quelques minutes le temps de détection mais n’affecte pas l’intensité de signal (figure 6.18). Dans le cas du feuillet RT2RR, le signal est même plus fort.

Figure 6.18 – Effets des feuillets plastiques sur la réaction LAMP en microtubes.

La compatibilité avec la LAMP est analysée pour deux composés constituant les barrières hydrophobes dans le papier : le PDMS et la cire (figure 6.19). Ce premier matériau polymère allonge le temps de détection de quelques minutes sans inhiber l’intensité de signal. Cependant leur fabrication manuelle est fastidieuse et non standardisée. Les zones de papier n’ont alors pas toutes rigoureusement les mêmes dimensions. En présence de cire, aucune amplification n’est observée. La cire utilisée lors de l’impression des motifs sur le papier est un produit commercial dont la composition n’est que partiellement connue.

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Figure 6.19 – Effets du PDMS et de la cire sur la réaction LAMP en microtubes.

Cette même expérience d’amplification LAMP en microtubes est réalisée avec de la cire imprimée et chauffée sur papier Whatman. Dans ces conditions, l’inhibition par la cire est levée comme le montre la figure 6.20 : l’amplification est ici encore légèrement retardée mais garde son intensité. Le prétraitement thermique subi par la cire avant l’amplification permet donc d’extraire une grande partie des solvants volatils responsables de l’inhibition. Dans la situation précédente, la réaction à 65˚C proche de la température de fusion de la cire suffit à libérer ces composés dans le milieu réactionnel s’ils n’ont pas été extraits avant. Des incertitudes apparaissent sur la biocompatibilité de la cire si elle est utilisée dans d’autres conditions qu’à température ambiante où son état solide la rend plus inerte.

Figure 6.20 – Effets de la cire imprimée et chauffée, sur la réaction LAMP en microtubes.

L’amplification LAMP d’ADN en microtubes en présence de papier Whatman est analysée et présentée en figure 6.21. Alors que les microtubes témoins positif et négatif donnent des courbes d’amplification standards, la présence du papier donne des comportements différents. En mesurant l’intensité de fluorescence dans le microtube dans le liquide à un endroit différent du papier, l’amplification se produit bien dans le microtube positif : le papier n’inhibe pas la réaction. Dans le microtube négatif, il apparaît un signal non spécifique, qui augmente linéairement au cours du temps. Lorsque cette mesure est réalisée sur le papier, l’intensité de signal est 10 fois plus élevée qu’en l’absence de papier et est complètement non spécifique à

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la présence d’ADN. Ce phénomène s’explique par des interactions entre le support papier et l’intercalant d’ADN responsable de la fluorescence.

Figure 6.21 – Réaction LAMP en microtubes en présence d’un morceau de papier Whatman : mesures de

fluorescence dans le liquide et sur le papier.

Interactions papier-intercalant

La détection de l’amplification d’ADN est réalisée grâce à l’intercalant commercial EvaGreen. Cette espèce chimique est constituée de deux cycles aromatiques séparés par une chaîne car-bonée (un spacer). Dans une configuration repliée, la superposition des cycles aromatiques désactive la fluorescence. En présence d’ADN, les cycles aromatiques s’insèrent dans la double hélice et l’intercalant se trouve dans une configuration dépliée dans laquelle la fluorescence n’est plus inhibée (figure 6.22).

Figure 6.22 – Principe des interactions intercalant-ADN.

Les expériences en microtubes ont montré qu’en solution l’équilibre entre les deux confor-mations de l’intercalant est déplacé vers la forme repliée non fluorescente. L’augmentation du matériel génétique lors de l’amplification déplace cet équilibre vers la forme dépliée fluorescente. En présence de papier dans le microtube, l’intercalant au contact de la cellulose se trouve dans la conformation dépliée (figure 6.23). Cette interaction non spécifique à l’ADN peut s’expliquer par les possibles liaisons hydrogènes entre les fibres de cellulose et les fonctions amides de la chaîne carbonée de l’intercalant.

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Figure 6.23 – Forme de l’intercalant selon l’environnement : en solution, en présence d’ADN, dans le

papier.

Deux stratégies sont envisagées pour supprimer ces interactions non spécifiques entre le sup-port papier et l’intercalant d’ADN : des traitements chimiques pour rendre inaccessible la cellulose ou utiliser d’autres papiers. La figure 6.24 présente les résultats d’amplification d’un échantillon négatif en présence de papier Whatman associés à différents traitements chimiques ou d’autres supports papier.

Figure 6.24 – Réaction LAMP en microtubes en présence de différents supports papier et de papiers

Whatman avec différents traitements de surface.

Les papiers Immunopore et nitrocellulose ainsi que le traitement du papier Whatman par la BSA n’aident pas à réduire ce signal non spécifique. En saturant la cellulose du papier Whatman avec une solution tampon ou de l’ADN, le signal de fluorescence est moins intense mais atteint des valeurs supérieures à celles obtenues en fin d’amplification avec un échantillon positif.

Ces interactions papier-intercalant peuvent aussi être mises en avant par le dépôt sur papier du contenu d’un microtube en fin de réaction LAMP. La figure 6.25 présente une image en fluorescence de mélanges réactionnels LAMP en microtubes avec des échantillons négatif et positif. Quelques microlitres de ces solutions sont pipetés sur différents supports papier et

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visualisés en fluorescence. Sur les papiers Whatman, DBS et PES, l’intensité de fluorescence entre positif et négatif s’inverse : les microzones papier contenant le mélange réactionnel négatif émettent un signal de fluorescence plus élevé que les puits positifs. Seul le papier FTA conserve les propriétés de fluorescence des microtubes mais l’écart des intensités entre positif et négatif est réduit.

Figure 6.25 – Dépôt sur différents papiers d’un mélange réactionnel LAMP après amplification pour des

échantillons positif et négatif.

Dans tous les cas, le caractère non spécifique de l’intercalant d’ADN est responsable d’inter-actions avec le support papier et nuit à la détection de l’amplification.