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Quels territoires pertinents pour les actions de santé ?

CHAPITRE 1 : VILLE ET SANTE ; CONCEPTS ET DEFINITIONS

3. Quels territoires pertinents pour les actions de santé ?

éducatifs concernés par la santé des habitants de la commune. Cette pré-enquête a fait apparaître une dominante assez nette quant aux problèmes considérés comme mal résolus pour la population telle que le déficit en actions de prévention. Dans un deuxième lieu c’est la réalisation d'un diagnostic participatif, avec intervention d'un opérateur extérieur. Ce diagnostic a comporté plusieurs phases à savoir; le recueil et l'analyse des données existantes, la consultation approfondie de tous les professionnels et autres acteurs concernés afin d’aboutir à l’élaboration d’une enquête au prêt de la population, cette enquête est conçue comme la base d'un travail avec les habitants de la ville. L’aboutissement de cette démarche ASV sur La Courneuve est une synthèse des enseignements de ce diagnostic ; qui a été présentée en comité de suivi puis en assemblée plénière ouverte à la population; la mise en œuvre des préconisations sera soumise au bureau municipal de la ville et sera animée par le coordinateur ASV. Les questions d'accès aux soins sont vivement ressenties, surtout sur le plan du manque de professionnels sur la ville et des longs délais pour les rendez-vous, conduisant à retarder les soins et à exclure la prévention.

Enfin, ces trois expériences des ASV ont évolué, pour plus d'interactivité et de souplesse dans l'approche de la prévention ainsi que pour un meilleur accès aux soins. Ces expériences s’inscrivent dans une stratégie de développement de l'interactivité entre les objectifs de lutte contre les exclusions, c’est un programme régional d'accès à la prévention et aux soins ainsi que la mise en œuvre du volet santé dans une démarche de projet urbain, c’est pour ça nous les avons choisis comme expériences de référence pour notre cas d’étude.

3. Quels territoires pertinents pour les actions de santé ?

Quartiers, ville ou intercommunalité ? « La question de la territorialisation des actions de

santé est aujourd'hui inscrite sur l'agenda des politiques d'aménagement du territoire »1. Elle se trouve au cœur de l'implication de la politique de la ville dans le champ de la santé. « Cette

question comporte plusieurs dimensions au niveau des politiques locales ; en premier lieu, la condition de rencontre avec les publics (la plupart des populations concernées se trouvent inscrites sur un territoire où il est possible de les toucher), puis la question de l'articulation avec les ressources sanitaires et sociales, qui se trouvent elles aussi distribuées selon des modalités

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particulières sur les différents niveaux territoriaux (quartier, ville, agglomération, département, région) »1.

En effet, il est toujours possible de réaliser des enquêtes (géographie de la santé, ethnologie, sociologie) : elles permettent d'explorer les pratiques de santé et les représentations à l’échelle d'un territoire. Avec des variations suivant la configuration socio-urbaine (taille de l'agglomération, type d'environnement) et leur position dans la trame sanitaire (structures hospitalières, démographie médicale), les villes restent dans tous les cas l'un des cadres les plus pertinents pour impulser une politique de santé ; elles peuvent être le cadre d'une mobilisation de ressources et d'un croisement de compétences susceptibles d'agir sur le plan de la réduction des inégalités dans le rapport à la santé (raison d'être des ASV). Mais cela suppose toujours un minimum de volonté politique.

À partir de là, il devient possible d'évaluer et de penser l'articulation entre les deux registres (adéquation de la médicale, bassins de problématiques) sur un mode écologique (distribution, cartographie) et topologique (proximités, concentrations, complémentarités, synergies, conflits...) et de dessiner un cadre pour guider les orientations des politiques territoriales.

4.1. Les territoires de la proximité.

La recherche d'une plus grande proximité se trouve à la base de la politique de la ville. « Pour développer les raccords et les synergies pouvant aider les publics concernés à rétablir des

liens au droit commun, le niveau local, celui du quotidien, des accès de base, semble bien être le niveau privilégié »2. Les schémas régionaux distinguent cinq niveaux3 sur le plan de l'offre de soins ; le premier c’est le niveau interrégional: services rares, grands CHU; le deuxième c’est le niveau régional ; le troisième c’est le niveau de référence: celui du gros CH, celui du recours hospitalier, celui des réseaux, construit à l'échelle du secteur sanitaire reconstruit selon les règles du bassin de santé, c'est-à-dire selon une logique de service à la population et de réponse aux besoins...; arrivons au quatrième niveau qui est le niveau de proximité: celui des spécialités courantes ; et en fin le dernier niveau qui est le niveau de la vie quotidienne : le premier maillon de la chaîne des soins, celui du quotidien, celui du généraliste….

1

Vigneron E., Glatron M., Jacob J.-Y, Santé publique et aménagement du territoire, présentation dans le cadre du 11e Festival international de géographie.

2 Michel JOUBERT et Chantal MANNONI, Op. Cit P 36. 3

41 4.1.1. Des dynamiques de rapprochement.

Pour sortir des enclaves, il faut que les composantes de la situation changent et, pour cela, un travail soit engagé au plus près des conditions qui les produisent. Ce travail de proximité, pour être efficace, gagne à être engagé avec tous les acteurs présents sur le territoire considéré. « L'établissement d'une cartographie des ressources et des accès aux soins, avec la mise au jour

des circulations, des temporalités d'accès, des possibilités négligées, etc., permet de se faire une idée de la consistance locale des problèmes d'accès aux soins. Il permet également de localiser les points de blocage et les problèmes sensibles sur lesquels concentrer les efforts »1.

4.1.3. La communauté de résidence, un périmètre à identifier.

Il s'agit de cibler l'ensemble social que constituent les personnes résidant sur un même territoire. La « communauté » est l'objet d'un travail continu depuis l'engagement des actions relevant de la politique de la ville ; «La communauté se définit d'abord par l'existence d'un

ensemble de personnes et de groupes disposant d'un dénominateur commun. Celui-ci est constitué non seulement de besoins, c'est-à-dire de problèmes sociaux partagés, mais aussi d'intérêts

communs et de valeurs communes, d'un devenir, d'un projet en perspective»2.

Le passage à des actions travaillant réellement au « niveau de la communauté » suppose que des instances de concertation et d'expression existent depuis un temps significatif et permettent réellement aux habitants de faire connaître leur point de vue et d'être partenaires dans les actions qui les concernent.

L'interrogation souvent menée autour de la notion de « quartier » (périmètre, consistance sociologique, frontières, contraintes géographiques et écologiques) est essentielle à la qualification territoriale des actions de santé. L'identification du périmètre territorial pertinent à un moment donné est essentielle pour tout ce qui relève de l'analyse des dynamiques d'utilisation du système de prévention et de soins. Enfin, il faut ajouter que la différenciation des territoires de référence ne doit pas exclure la réappropriation des dynamiques à l'échelle de la commune qui reste le cadre le plus légitime (correspondance avec la représentation politique et le cadre d'administration de la vie locale).

1

Michel JOUBERT et Chantal MANNONI, Op. Cit P 36.

2

42 4.2. La carte des ressources ; un territoire à identifier.

Le territoire permet de cadrer les ressources en santé dans ce que nous appelons carte des ressources, de les rendre plus visibles, plus accessibles, plus adaptées aux publics, mais il doit aussi être considéré lui-même comme une ressource. « La cohérence territoriale permet en effet de créer

des synergies de ressources entre différents registres d'intervention qui, comme souvent avec la santé, tendent à se croiser (éducation, insertion, économie, aménagement, vie sociale...)»1.

4.2.1. La carte hospitalière ; bassins de circulation des usagers.

« L'offre de soins hospitaliers possède un pouvoir structurant, mais c'est aussi un niveau où

il est possible de penser la cohérence de l'ensemble des articulations territoriales »2. On tend à considérer qu'il existe plusieurs registres de proximité, de circulation. Autant tout le monde s'accorde pour reconnaître à certains équipements une vocation forte à la micro-proximité de résidence (circonscriptions de travail social), autant d'autres logiques de recours et d'action relèvent d'un autre type de territorialité. C'est évidemment le cas des hôpitaux, même si l'on pourrait imaginer de travailler sur une meilleure articulation de la carte hospitalière avec les dynamiques locales et intercommunales.

4.2.2. Augmenter la flexibilité institutionnelle.

« L’idée d'introduire plus de flexibilité institutionnelle a été abordée dans le cadre de

projets partagés sur des territoires distincts initialement, il est considéré comme important que les professionnels puissent travailler sur des territoires différents. Cette flexibilité peut contribuer à créer ou à multiplier des liens; elle permettra aussi d'assurer un repérage plus aisé par le public des différentes catégories de ressources et peut également contribuer à assurer une meilleure cohérence des services et de la politique de santé publique considérée globalement »3. La flexibilité s’exerce à travers les comités de pilotage des projets, qui rassemblent également des acteurs intervenant à différents niveaux (région, département, État, villes, réseaux...).

1 Michel JOUBERT et Chantal MANNONI, Op. Cit P 36. 2 Idem.

43 5. Le labyrinthe d'accès aux soins.

Toute une réserve de mesures et de dispositifs existe aujourd'hui sur le plan de l'accès aux soins. Cette entrée n'en reste pas moins centrale dans la mobilisation des acteurs, avec une très forte entrée territoriale, car « une des premières actions généralement engagée consiste à dresser, à

nouveau, la carte des ressources et des conditions d'accès pour des publics en difficulté déterminés. Cette carte est un peu particulière, car elle comprend plusieurs registres de recours aux soins qui se croisent à des échelles territoriales différentes à savoir ; les accès hospitaliers (facilitation par les permanences d'accès aux soins, meilleure acceptabilité pour les publics en grande difficulté et le travail sur les urgences) ; l'Accès à la médecine générale ; les accès aux prestations spécialisées (spécialistes, radios, …); et enfin les accès aux consultations engageant des prothèses (dentaires, auditives, …) »1.

Pour chacun de ces accès, il existe des circuits différenciés selon les publics, des filières uniques chez certains, des arborescences de recours chez d'autres, des accès aléatoires chez ceux qui connaissent le plus de difficultés. Un travail conduit au sein de la population pour reconstituer le système d'accès dans lequel s'inscrivent les personnes (approche ethnologique et/ou géographique) peut faciliter le positionnement des dispositifs d'aide, car, derrière la couverture sociale commune, se cachent des inégalités importantes.

Pour conclure sur les territoires de proximité, deux éléments ressortent à savoir ; le plus important pour travailler avec les publics en difficulté, c'est de rencontrer leur mode d'inscription sur le territoire et de construire avec eux des territoires de proximité appropriés à solutionner leurs problèmes ; et enfin, on ne peut négliger d'évoquer le souci de beaucoup d'acteurs face à la complexité des imbrications de compétences, de territoires et de dispositifs qui ont une traduction directe sur le plan des financements. Il faudra probablement aller vers plus de lisibilité et de facilitation pour que les efforts engagés au niveau local ne s'épuisent pas au niveau administratif.