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CHAPITRE 6 : DIFFERENTES EXPERIMENTATIONS URBANISTIQUES A ALGER

1.1. La période coloniale

1.1.4. Période de l'urbanisme fonctionnaliste

Enfin, la dernière phase de l'urbanisation coloniale intervient après la deuxième guerre mondiale et s'achève avec l'indépendance de l'Algérie, c'est-à-dire entre 1948 et 1962.

En 1948, la nouvelle politique urbaine mise en œuvre s'est traduite par la création du « Plan Régional d'Urbanisme », suivi de la création le 15 Juin 1954 de l'Association pour l'Etude et le Développement de l'Agglomération Algéroise (l'AEDAA) connue sous le nom d' « Agence du Plan d'Alger » ; cette dernière s'est faite avec l'arrivée du nouveau maire d'Alger Jacques Chevallier en 1953.3

1 SAIDOUNI Maouia, 2000, op. cit. P 109.

2 Bulletin d'Informations Architecturales, 1984, op. cit. P109.

3 TOUSSAINT Jean-Yves, ZIMMERMANN Monique, 2000, projet urbain, technique et complexité, in Le Projet Urbain, Enjeux, expérimentations et professions, Actes du colloque, Les sciences humaines et sociales face au projet urbain organisé par l'INAMA et SHS-TEST, à Marseille, les 31 Janvier et 1er 1997, Sous la direction d'Alain Hayot et André Sauvage, Ed, De la villette, Paris, PP 183-200.

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Le nouveau maire d'Alger a introduit une manière novatrice de faire la ville, qui selon

Zimmermann et Toussaint1, avait déjà les caractéristiques d'un vrai projet urbain. Il pense l'aménagement de sa ville comme moyen de sa politique.

Jean Jacques Delluz déclare : « je n'hésite pas à l'écrire : un plan d'aménagement, c'est un devoir nécessaire, un testament qu'on laisse à ses successeurs. Ce n'est pas une fin en soi. Selon l'usage que l'on en fait, il peut être matière vivante ou matière morte. Il ne vaut que par les opérations qui s'y insèrent. A Alger, où nous sommes avant tout orientés vers l'action, ce sont les opérations qui nous intéressent... »2.

C'est sur cette expérience algéroise du temps du maire Chevallier, que Toussaint et Zimmerman se sont appuyés pour dire que « la finalité du projet urbain est dans la rencontre avant que d'être dans un

plan, dans une forme d'espace. Le plan n'est qu'émergence, résultat d'un dialogue ; c'est-à-dire qu'il résulte de la capacité à relier ce qui tend à se séparer. C'est en quelque sorte, en opposant les points de vue, se réunir autour de ce qui sépare »3. Seulement, un vrai projet urbain doit tenir compte aussi des attentes de toutes les populations y compris celles des algériens, sans discrimination ou marginalisation. Ils doivent avoir le « droit à la ville », en d'autres termes l'accès au logement, à l'emploi, à la santé, à l'éducation etc.

Malheureusement, ce n'était pas le cas. La population algérienne était cantonnée à la Casbah et dans les bidonvilles à la périphérie d'Alger, tout au mieux et presque à la fin de la colonisation dans des cités de recasements et les H.L.M. (Diar El Mahsoul), dont la surface des logements est limitée au maximum à 35 m2 selon le Bulletin d'Informations Architecturales. Cette opération a été initiée dans le cadre du Plan de Constantine à partir de 1958 par le Général de Gaulle. En fait, ce plan vise l'intégration de certaines couches de la population algérienne dans le système colonial, notamment par la création d'emplois réservés et le développement de la scolarité. Parallèlement, il inaugure une nouvelle politique d'industrialisation dont la condition préalable est la décentralisation économique au profit de 15 villes moyennes et d'une trentaine de petites villes de l'intérieur qui seront équipées pour recevoir les activités nouvelles et une part importante des excédents de population4.

1TOUSSAINT Jean-Yves, ZIMMERMANN Monique, 2000, op. cit. P 112.

2

DELUZ Jean-Jacques, 1988, l'urbanisme et l'architecture d'Alger, aperçu critique, Office des Publications Universitaires Alger, Ed Pierre Mardaga, 195 pages.

3 TOUSSAINT Jean-Yves, ZIMMERMANN Monique, op. cit. P 112.

4 SGROÏ-DUFRESNE Maria, 1986, Alger 1830-1984 : Stratégie et enjeux urbains, Editions Recherche sur les Civilisations, Paris, 252 pages.

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Toutefois, nous ne devons pas ignorer aussi un fait important qui a marqué cette période notamment à la fin des années 1950, c'est l'introduction dans la planification urbaine française des théories du mouvement moderne, dont les principes sont issus de la Charte d'Athènes, et qui définit l'espace selon les principales fonctions urbaines suivantes : habiter, travailler, se divertir, circuler et se cultiver. Les principes généraux de cette Charte, selon SAIDOUNI M. sont : « le fonctionnalisme, le

zonage, le grand ensemble, l'équipement, l'open-planning, la table rase et l'architecture clef en main »1.

Carte n° 12 : Alger centre en 1950

Source : Alger métropole, région-ville-quartier, 2000

A partir delà, diverses opérations sont lancées à Alger et sa périphérie, suivant ces recommandations ; les cités de recasement, et les H.L.M. (Habitations à Loyer Modéré) pour Algériens et les grands ensembles sociaux pour les européens.

De certaines de ces opérations s'inscrivant dans le cadre de l'urbanisme du mouvement moderne : Diar es Saada (1954), Diar el Mahsoul (1955), Climat de France (1957), le maire d'Alger Chevallier, voulait en faire la « vitrine de son action municipale », en les confiant à Fernand Pouillon. Ce n'est qu'à partir de 1958 et pour répondre aux exigences de la construction et de la modernisation urbaine que de nouveaux instruments réglementaires d'urbanisme définissant les grandes lignes méthodologiques du P.U.D et des instruments annexes, ont été institués par le Ministère de la Construction Français.2

1 SAIDOUNI Maouia, 2000, op. cit. P 109.

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Dés lors, la politique urbaine suivie en Algérie même après l’indépendance et ce jusqu'à la fin des années 1980 s'inspire largement de la législation française en matière d'urbanisme notamment à travers les instruments d'urbanismes le P.U.D et ses annexes (P.C.D, P.M.U, etc.).

En France, les opérations de réhabilitation des grands ensembles s'inscrivent dans le cadre de la politique de Développement Sociale Urbaine et Développement Social des Quartiers. L'objectif de cette politique de réhabilitation est de modifier l'image des banlieues et le cadre de vie de ses habitants. Les options adoptées par la suite, c'est-à-dire au début des années 1990, sont la valorisation économique et sociale et leur intégration dans des Grands Projets Urbains (GPU) et les Grands Projets Villes (GPV).

En effet, la planification traditionnelle fonctionnaliste a largement fait place depuis la fin des années 1970 à des politiques urbaines plus opportunistes et pragmatiques basées sur un urbanisme de projet, un urbanisme qui implique une pluralité d'acteurs s'inscrivant dans une démarche transversale.

Enfin, de cette longue période coloniale nous constatons qu'Alger a effectivement servie de terrain indéniablement riche en matière d'exploration des modes de production de l'espace urbain. La planification urbaine des dernières années de la colonisation va être continuée même après l'indépendance.