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Les terres Arch

CHAPITRE II. LES RESULTATS DE L'ENQUETE

A. La mobilite des terres

5) Les terres Arch

Avant d'aller plus loin, il est important de noter qu'au niveau des livres des Hypothèques, il existe ce que en terme administratif on nomme les "ventes de terres Arch".

Qu'est-ce que cela signifie ?

Ce sont les terres sur lesquelles aucune enquête administrative de constitution de la propriété privée n'a été entreprise. Ce sont des terres où la constatation de la propriété privée a été faite par l'application de la loi de 1863 dite du Sénatus-consulte. Cette loi qui a démantelé les tribus en différents douars, a également procédé au classement de la propriété en 4 catégories d'immeubles :

- immeubles domaniaux - immeubles communaux - la propriété collective - le domaine public.

La terre Arch est cette "propriété collective" reconnue aux différents membres des douars. Aucun titre de propriété n'est possédé. C'est la notoriété publique, une longue possession non interrompue qui "justifie" et qui tient lieu de titre de propriété.

Les lois promulguées après le Sénatus-consulte ont procédé à la constitution de la propriété privée individuelle au sein des douars. Certains ont été soumis à des enquêtes d'ensemble dans le cadre de la loi de 1873. Il y a eu une constitution de la propriété privée individuelle sur toutes les terres collectives du douar. Le résultat a été un partage des terres entre les ayants droit et la remise d'un titre de propriété définitif.

Cependant cette loi est remise en cause et remplacée par la lois de 1897. Celle-ci renonce aux enquêtes d'ensemble, trop coûteuses, pour mettre en place ce que l'on a appelé des enquêtes partielles. Cette nouvelle procédure a ceci de particulier que ce n'est plus l'Administration qui décide des enquêtes au sein des douars, mais c'est aux propriétaires particuliers eux-mêmes de prendre l'initiative des demandes d'enquête et bien évidemment d'en payer et d'en assumer les frais.

Dans les communes mixtes, un certain nombre de douars se sont vus appliquer les enquêtes d'ensemble, à la demande de l'administration. Cependant un grand

nombre ont toujours leurs terres sous la forme de terre "collective Arch". Les terres sont inaliénables tant qu'un titre de propriété n'a pas été remis;

Mais sous la pression des colons et de la colonisation, la loi de 1897, dite "loi de protection de la propriété indigène" ouvrait ces terres Arch aux transactions immobilières. En effet les Algériens pouvaient aliéner la terre sous forme de promesse de vente, ou de ventes conditionnelles ou encore sous la forme de vente sous condition suspensive.

Un dépouillement sommaire de la presse, en particulier du "Républicain de Constan-tine" (1), nous donne un aperçu des campagnes successives pour l'ouverture des terres Arch aux transactions et donc à la colonisation.

Notre enquête commençant en 1910, nous sommes, en matières de transactions, toujours sous le coup de la loi de 1897. Les détenteurs de terres Arch pouvaient donc faire des promesses de vente. Deux conditions étaient posées par l'administration pour la validation des transactions sur ce type de terre et le transfert de propriété:

- Dès qu'il y a promesse de vente, le vendeur est expressément sommé de déposer une demande d'enquête partielle auprès de l'administration concernée

- L'acquéreur ne peut entrer en possession de la terre qu'une fois le titre de propriété obtenu.

Il y eut une gigantesque levée de bouclier concernant ce deuxième point.

La difficulté excessive de la 2ème condition fut tournée par le biais d'une vente conditionnelle, suivie d'une location continue jusqu'à obtention du titre définitif de propriété.

L'enquête nous montre que les ventes conditionnelles n'ont souvent pas été suivies automatiquement d'une demande d'enquête partielle puisqu'un certain nombre de cessions de terre Arch et plus encore de cession de cession sur des terres Arch ont été enregistrées par nous. Quelques cas de transaction ont connu plus de trois cessions sans qu’aucune demande de titre ne soit formulée auprès de l’administration.

Ce qu’il faut retenir d’essentielle : au niveau de ce marché foncier deux types de propriétés se côtoyaient, et sur lesquelles des transactions se faisaient, les terres titrées et les terre non titrées qui étaient des terres arch. Deux marchés parallèles, où dans l’un le transfert de propriété se faisait de manière entière et définitive du vendeur vers l’acheteur, sur lesquelles des ventes à réméré pouvaient avoir lieu, celui des terres titrées. L’autre marché concerné par des terres qui ne possédaient pas de titres de propriété, et qui pouvaient quand même entrer dans le circuit de la vente à la condition, parfois non respectée, de faire la demande de l’enquête partielle.

En 1908, Kharkhar Kassa vend à Kharkhar Mohamed sous forme de vente conditionnelle, tous ces droits qui sont de 1/3 dans 4 parcelles de terre arch. Le prix a été fixé à 1 000 francs. Le 22 octobre 1910, Kharkhar Mohamed a cédé et transporté à Mazaache « tous les droits et actions résultant à son profit de la vente conditionnelle pour le prix de 900 francs. » En 1910, Mazaache cède et transporte à Kharkhar Brahim et Kharkhar Kassa (le premier propriétaire), ce 1/3 indivis pour 1 100 francs. Cette transaction cache certainement un endettement mais toujours est-il que les formalités d’enquête sont loin d’avoir été demandées. Cela n’a pas empêché la terre de ciculer.

Ce qui importait avant tout pour la colonisation c’était de lever le handicap et la barrière que constituait l’inaliénabilité de la terre arch. Et plus encore, sur les terres arch des actes d’antichrèses pouvaient être passé.

Une remarque cependant, les terres titrées sont celles sur lesquelles, nous l’avons vu, des enquêtes d’ensembles ou partielles ont eu lieu. Toutes les terres ayant servi à la colonisation officiel ont été titrées.

Après avoir fait ces différentes remarques, il serait intéressant de connaître le poids de ces terres Arch dans notre enquête.

1910 1915 1920 1925 1930 1935 1938 Total transactions

Transactions Arch 43 15 28 71 34 14 33 238

Superficies Arch vendues 209,55 43,7 112,77 136,36 94,39 14,12 31,32 642 ha 21

De 1910 à 1938 il y eut 238 transactions sur les terres Arch pour une superficie totale de 642 ha 20. La répartition se fait entre 211 transactions à C.I. et 27 transactions à CN I, pour un prix de 25 834 fcs.

En clair, 36% des transactions portent sur des terres Arch, c'est à dire des terres non titrées, soit un peu plus du tiers des transactions. Elles représentaient 11% des superficies vendues et 29% des sommes versées en CN I.

Les terres vendues titrées représentent 64% de ce marché foncier. Toutes les transactions sur les terres Arch concernent des parcelles.

Par région, Constantine ne connaît aucune transactions de cette nature. Les terres ont toutes été titrées très tôt. Beaucoup de terres autour de Constantine possédaient des titres de propriété datant de l’époque Ottomane. Des familles, telle que les Benelbedjaoui, les Bencheikh Lefgoun, grandes propriétaires foncière d’origine citadine, qui se trouvent présentes au niveau de notre enquête, sont détentrices de titres de propriétés anciens.

La commune mixte de Fedj M'Zala, qui n'a pas beaucoup connu l'application des lois foncières, particulièrement celle de 1873, fournit le plus grand nombre de ventes.

Quant aux communes mixtes de Aïn M'lila et de Chateaudun du Rhummel, elles connaissent approximativement le même nombre de transactions. A elles deux, elles comptabilisent le même nombre de ventes arch de Fedj M’zala.

El Milia vient bien loin derrière, avec seulement 7 ventes. Cette commune montagneuse a très peu de terres Arch sur son territoire.

En superficie, Chateaudun arrive première avec 42 % de terre. Aïn M'lila et Fedj M'Zala regroupent respectivement 29% et 28% des terres.

Chateaudun Fedj M'Zala Aïn M'lila El Milia Total Nombre de transactions 1 30 5 3 39 Superficies (< 1 ha) 0,25 14,28 2,47 1,05 18,05 Prix (francs) 200 11 265 1 850 775 14 090 Nombre de transactions 22 57 32 3 114 Superficies (1 à - 3 ha) 36,16 98,27 60,05 5,25 199,73 Prix (francs) 13 717 44 777 17 059 1 050 76 603 Nombre de transactions 12 11 10 33 Superficies (3 à -5 ha) 41,83 42,22 33,83 117,88 Prix (francs) 14 275 10 550 10 913 35 738 Nombre de transactions 10 3 3 16 Superficies (5 à -10 ha) 68,37 23,5 17,75 109,62 Prix (francs) 14 050 5 600 1 350 21 000 Nombre de transactions 2 3 5 Superficies (10 à -20 ha) 23 46,59 69,59 Prix (francs) 2 150 5 087 7 237 Nombre de transactions 3 1 4 Superficies ( > 20 ha) 101,83 25,5 127,33 Prix (francs) 26 300 3 120 29 420 Nombre de transactions 7 14 5 1 27 C.N.I. Prix (francs) 9 800 12 084 3 550 400 25 834 Nombre de transactions 57 115 59 7 238

Superficies totales (ha) 271,44 178,27 186,19 6,30 642,2

Prix (francs) 70 692 + 72 192 + 39 379 + 1 825 + 184 088 +

9800 CNI 12 084 CNI 3 550 CNI 400 CNI 25 834 CNI

Tableau n° 30 : Nombre de transactions Arch avec superficies, par strates de superficies

La répartition par strate de superficie nous indique que les strates de 1 à moins de 3 ha regroupent le plus grand nombre de ventes (114). Mais de manière générale, les transactions sur terre Arch concernent des ventes de moins de 5 ha, c'est à dire de petites superficies (186 transactions). Cela ne signifie pas que des ventes sur de grandes superficies sont inexistantes. Elles sont très rares.

En 1930, les deux frères Jeanjean achètent 51 ha de terre Arch aux deux frères Maghezou dans la commune mixte de Chateaudun-du-Rhummel. Cette transaction reste une exception.

Les transactions Arch constituent environ 32% des transactions par année. Deux années voient leur nombre augmenter sensiblement : 1910 avec 37% et 1925 avec 43%.

En CNI, deux années regroupent l'essentiel des sommes versées : 1930 et 1938, avec 22 050 fcs environ.

Les transactions Arch constituent plus du tiers des transactions, mais leur apport en terre restent restreint. Des sondages faits par nous dans les livres des Hypothèques semblent indiquer que les transactions sur les terres Arch ont été importantes avant la Première Guerre mondiale. A partir de 1920, leur mise sur le marché sera conjoncturelle. En fait ce sont les terres titrées qui constituent l'essentiel de ce marché foncier.

Les terres titrées ou les terres arch peuvent être vendues entières ou bien sous forme de droits indivis, ou de parts indivises. C’est une particularité de la propriété algérienne qu’il faudra étudier.